Tony Garnier
Biographie
Tony Garnier est né le 13 août 1869 dans le quartier populaire de la Croix-Rousse, de parents qui travaillent tous deux dans le secteur de la soierie. Son père est dessinateur en soierie, sa mère tisseuse.
Ses origines modestes n’étaient pas particulièrement propices à une orientation vers l’architecture, mais ses talents en dessin et son obstination lui permettent d’intégrer en 1886 l’école des Beaux-Arts de Lyon, puis en 1890 celle de Paris, et de gravir progressivement les échelons jusqu’à obtenir le Prix de Rome en 1899, une consécration pour les architectes.
Ce prix lui permet de séjourner à l’Académie de France à Rome (Villa Médicis) pendant trois ans, de fin 1899 à fin 1903.
Mais il ne suit pas tout à fait les règles de l’institution : plutôt que de relever et dessiner les antiquités de la ville éternelle, il préfère se consacrer avant tout au projet d'une “Cité industrielle”, sorte de ville idéale de 35 000 habitants.
Tony Garnier est particulièrement sensible à la condition sociale de ses contemporains, peut-être parce que lui-même a connu la pauvreté.
Il s’intéresse d’ailleurs de très près aux équipements sanitaires (hôpitaux, dispensaires), éducatifs (écoles, centres de formation) et au logement social.
Ce projet de “Cité industrielle” que Tony Garnier a peaufiné presque vingt ans durant, publié en 1917 dans un recueil du même nom, a connoté l'ensemble de l'œuvre de Garnier.
À noter que durant cette même période, Garnier exposera ses aquarelles au Salon des artistes lyonnais.
Revenant d'Italie en 1904, il participe à plusieurs concours dans toute la France.
À Lyon, il est contacté pour son premier projet, un lotissement de maisons bourgeoises, près du Parc de la Tête d'or, au niveau du boulevard du Nord.
L'affaire ne se fait pas et cet échec, additionné aux autres concours où il n'est pas reçu, affecte Tony Garnier, qui reçoit au même moment une proposition de poste d'enseignant à Glasgow.
Toutefois, son cabinet reçoit également une commande de la municipalité Augagneur pour une laiterie au parc de la Tête d'or. Ce projet, purement utilitaire et réalisé en 1904-1905, lui permet de faire valoir ses compétences auprès du maire, qui le recommande chaudement à son adjoint Édouard Herriot devenu son successeur.
Avec l'arrivée d' Édouard Herriot à la mairie de Lyon en 1905, de grands travaux lui sont confiés, notamment dans l'est lyonnais, théâtre de la principale extension urbaine de Lyon à cette époque.
Son cabinet d'architecte ouvert au 4 place Sathonay en 1904, se déplacera finalement au 331 cours Gambetta en 1916.
Il épouse en juillet 1915 dans la commune de Saint-Rambert-l'Île-Barbe, Catherine Laville, de 25 ans sa cadette, née le 23 mars 1894 à Lyon dans le troisième arrondissement, fille du sculpteur Jules Martin Laville et de Françoise Barbiera.
Toutefois, une césure importante est soulevée entre les années 1900 et 1910 où Garnier promeut une architecture d'avant-garde et cherche partout à s'imposer, et les années 1920 et 1930, où il ne fait plus trop de concours, et semble ne plus rien dire de son art, ne plus rien proposer de nouveau.
En particulier, Garnier semble ne pas avoir saisi l'immense opportunité de la reconstruction de l'immédiat après-guerre ; il ne participe ainsi plus aux multiples concours urbains qui fleurissent.
Néanmoins, les grands chantiers lancés souvent avant guerre aboutissent enfin ; les abattoirs de la Mouche sont inaugurés en 1928, le Monument aux morts de Lyon en 1930, la cité du quartier des États-Unis et l'hôpital Grange-Blanche tous deux ouverts en 1933, et enfin la mairie de Boulogne-Billancourt achevée en 1934.
En 1938, Tony Garnier quitte définitivement Lyon pour prendre sa retraite à Roquefort-la-Bédoule où il meurt le 19 janvier 1948.
En 1949, son corps est transféré dans le caveau familial, au cimetière de la Croix-Rousse à Lyon.
Réalisations architecturales et urbanistiques
La vacherie du Parc (Lyon)
La vacherie du Parc, laiterie municipale située dans le jardin zoologique de Lyon, au sein du parc de la Tête d'or, a été la première commande de la Ville de Lyon à Tony Garnier. Les travaux commencèrent en 1904 et furent terminés fin 1906. Elle était destinée à fournir du lait aux orphelins lyonnais. Ayant un rendement insuffisant, elle ferma le 16 juin 1919 et fut convertie en fauverie dans les années 1920. L'édifice est maintenant un bâtiment administratif.
Les abattoirs de la Mouche
Le premier chantier lyonnais d’envergure confié à Tony Garnier est un site industriel : les abattoirs de La Mouche.
En ce début de XXe siècle, la ville de Lyon s’étend en rive gauche du Rhône. C’est dans le quartier dit de La Mouche - aujourd’hui nommé Gerland - où le foncier offre de vastes espaces, que s’implantent de nouveaux abattoirs ; l’ancien site de Perrache ne correspondant plus aux normes sanitaires.
Ce chantier pharaonique, promis par le maire Victor Augagneur à Tony Garnier, à la suite de leur collaboration pour la vacherie municipale (1904-1905), lui sera confirmé par le nouveau maire, Édouard Herriot, en 1906.
Sur un site de 25 hectares, Tony Garnier conçoit des abattoirs modernes et fonctionnels. Le programme se compose d’un marché aux bestiaux, d’une part et des abattoirs, d’autre part.
Au centre des réflexions de l’architecte, l’organisation horizontale est claire, rigoureuse et détermine l’implantation de la soixantaine de bâtiments. La séparation des fonctions et la circulation à sens unique sont les principes fondateurs du projet, répondant aux mesures d’hygiène sanitaire.
Le marché aux bestiaux est connecté aux abattoirs par l’intermédiaire d’une grande rue couverte. Cet ancien lieu de transactions commerciales connu sous le nom de « halle Tony Garnier », impressionne par ses dimensions – 17 000 m2 de surface au sol – et sa remarquable charpente métallique.
En 1914, les abattoirs de La Mouche accueillent l’Exposition internationale urbaine, consacrée à l’hygiène et pour laquelle Tony Garnier sera nommé architecte en chef.
Pendant la Grande Guerre, ils deviennent usine d’armement et n’entrent vraiment en service qu’en 1928. Ils approvisionnent ainsi les bouchers de tout le quart sud-est de la France pendant 40 ans avant de fermer et de transférer l’activité à Corbas.
Les bâtiments sont alors détruits, à l’exception de la halle et quelques pavillons, grâce à la mobilisation de défenseurs du patrimoine. Réhabilitée à la fin des années 1980 et en 2000, la halle Tony Garnier est aujourd’hui une salle de concerts, de salons et d’expositions incontournable dans la région.
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L'hôpital Édouard-Herriot
Les abattoirs de La Mouche à peine commencés, la municipalité herriotiste confie un deuxième projet à Tony Garnier : l’hôpital de Grange-Blanche, baptisé plus tard Édouard Herriot.
En ce début de XXè siècle, les préoccupations d’hygiène sanitaire et sociale sont présentes à Lyon, comme dans toutes les grandes agglomérations françaises. La ville accuse un certain retard dans ses équipements hospitaliers. Jules Courmont, médecin et conseiller du maire, préconise l’abandon de l’Hôtel-Dieu, devenu inadapté aux nouvelles techniques médicales.
Édouard Herriot propose alors la construction d’un hôpital moderne dans les nouveaux quartiers est de la ville. L’emplacement choisi est le domaine dit de Grange-Blanche. Tony Garnier, désigné comme architecte en chef du projet, imagine une « cité-jardin pour malades ». Sur le terrain de 16 hectares, on distingue trois niveaux de construction : en bas, les services généraux, au niveau médian, l’hôpital proprement dit, le niveau le plus élevé au sud étant réservé au pavillon des contagieux.
Fidèle à ses idéaux, l’architecte propose des bâtiments de faible hauteur, associés à des espaces verts et orientés au sud, de façon à ce que les chambres des malades bénéficient d’un maximum de soleil. Mais l’idée novatrice, qui fait de cet hôpital un équipement dans l’air du temps, ce sont ses grandes terrasses d’héliothérapie : les patients, dans leur lit, y séjournent plusieurs heures par jour bénéficiant des bienfaits du soleil et de l’air.
Car l’évolution de la médecine a entraîné un renouvellement de l’architecture hospitalière. Les grands principes hygiénistes d’ensoleillement et d’aération conduisent vers un nouveau modèle, pavillonnaire, où les bâtiments sont répartis dans un cadre de verdure, sur un vaste espace aéré et ouvert au soleil. Ils composent un ensemble de petits services autonomes formant un tout médical et reliés, dans le cas de l’hôpital Édouard Herriot, par un réseau de galeries souterraines.
Le chantier lyonnais dure 20 ans et c’est toute une équipe - collaborateurs de l’agence Garnier - qui est à l’œuvre. L’architecte Louis Thomas se voit chargé de la construction de la chapelle.
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Pourtant, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’équipement moderne mis en service en 1933 n’est plus adapté aux pratiques médicales et à l’afflux des malades.
Des travaux de surélévation des pavillons, d’aménagements des sous-sols, de modernisation des salles d’opérations, etc., sont alors conduits. La suppression de l’établissement est même envisagée. Mais au regard de sa valeur patrimoniale, l’hôpital est sauvé.
En 2011, les Hospices Civils de Lyon - propriétaires des lieux - adoptent un projet de modernisation répondant aux enjeux de la médecine du XXIè siècle, dont l’inauguration du pavillon H en 2019 figure la première étape.
Stade de Gerland
Le stade de Gerland est le troisième grand chantier que le maire de Lyon, Édouard Herriot, confie à Tony Garnier. Au début du XXe siècle, il n’existe pas en France de grand stade. Les activités sportives sont pratiquées en plein air, sur des terrains vagues. Seuls les hippodromes et vélodromes rassemblent un public nombreux, mais élitiste.
Arrivé à la tête de la ville, Édouard Herriot sent la nécessité de fournir aux Lyonnais un grand équipement qui rendrait accessible, gratuitement, la pratique d’activités sportives, convaincu de leurs vertus éducatives et hygiéniques : il voyait là un moyen de lutter contre les inégalités sociales.
Tony Garnier partage cette idée et propose la construction d’une véritable « cité des sports » populaire où l’on peut pratiquer l’athlétisme, la gymnastique, le tennis, la natation, le vélo, le football ou le rugby, et qui peut accueillir de grandes manifestations.
Le projet est adopté en 1913 et prend place à La Mouche (quartier nommé Gerland aujourd’hui), presque inhabité, non loin des abattoirs.
L’inauguration a lieu en 1926. Le programme global est composé d’un stade olympique de 30 000 places, mais aussi d’un quartier des athlètes, d’un autre pour les cyclistes et de restaurants qui ne verront pas le jour.
Réalisée en 1929, la piscine vient compléter cet ensemble sportif.
Le stade va connaître de nombreuses transformations, suivant l’évolution des pratiques sportives.
Il doit s’adapter et change progressivement de destinée. Dans les années 1950, le football compte de nombreux adeptes et l’Olympique Lyonnais fait main basse sur l'infrastructure pendant plus de 50 ans.
Pour répondre aux nouveaux besoins, de grandes transformations architecturales sont opérées dans les années 1980 : la piste d’athlétisme est supprimée et les tribunes est et ouest sont construites. La capacité du stade est portée à plus de 50 000 places. En 1998, les gradins des deux virages nord et sud sont reconstruits. Après avoir été le temple du football, le stade, rebaptisé Matmut Stadium, accueille, depuis 2017, l’équipe du LOU Rugby.
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Le monument aux morts

Après la Première Guerre mondiale, Garnier se lance dans de nombreux projets d'édifices funéraires, souvent grandioses ; dont le plus emblématique est un gigantesque temple à l'antique destiné à couronner la Croix-Rousse.
Quand la mairie lance en décembre 1920 un appel à candidature pour un monument aux morts sur Lyon, Tony Garnier présente pas moins de six projets, et c'est celui du temple sur la Croix-Rousse qui est retenu.
Toutefois, à la vue de son coût énorme, il est remplacé par un autre toujours de Garnier, sur l'île-aux-cygnes du parc de la Tête d'or. Le monument est inauguré en 1930.
Les sculpteurs Jean-Baptiste LARRIVÉ, Louis BERTOLA et Claude GRANGE ont participé à l'ouvrage.
L'édifice fait l'objet d'une inscription aux monuments historiques depuis le 4 novembre 1982.
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Le quartier des États-Unis

Avant la construction de la Cité Tony Garnier, la grande plaine orientale de la ville, au-delà du Rhône, n’était que champs, prés et terres d’horticulture. Les rosiéristes partageaient l’espace avec des villas et des fermes isolées. Mais en quelques décennies, c’est une véritable conquête de l’est qui s’opère avec la politique de grands travaux menée par Édouard Herriot.
Au début du XXè siècle, fleurissent de petits lotissements campagnards composés de maisonnettes en mâchefer. Puis, arrivent durant l’entre-deux-guerres, des populations venant des campagnes environnantes et des pays limitrophes. Elles bricolent à la hâte un habitat de fortune, des cabanes de bois qui côtoient bientôt les nouvelles Habitations à Bon Marché.
Avec l’avènement de la civilisation industrielle, naît un prolétariat urbain et une crise du logement. Le quartier des États-Unis s’invente ainsi, avec son lot de bidonvilles et ses immeubles imprégnés de la pensée hygiéniste de Tony Garnier. Quand celui-ci reçoit la commande pour la construction de ces H.B.M., le programme prévoit des logements pour 12 000 personnes. Outre les habitations, l’architecte dessine les plans des écoles, garderies, bibliothèque, piscine, terrains de jeux, hôtels et commerces. Le chantier débute par des maisons-types livrées et habitées en 1925, offrant 34 appartements et 4 magasins.
Mais contrairement aux plans initiaux soumis par l’agence Garnier au conseil municipal, les immeubles qui suivront comprendront 5 étages sur un rez-de-chaussée. Pour tenir les budgets, le projet est densifié, ajoutant aux maisons-types, 1586 appartements et 60 boutiques. La cité est totalement achevée et mise en location le 1er juillet 1933.
Les équipements collectifs prévus par Tony Garnier ne verront pas le jour. Ce n’est qu’après la guerre, que le quartier des États-Unis sera doté des infrastructures publiques indispensables.
Ce quartier hygiénique, savamment orienté dans le sens des vents dominants pour être naturellement nettoyé des émanations des usines, est prolongé dans les années 1960, à ses deux extrémités.
Les effets cumulés du baby boom et de l’exode rural, nécessitent l’agrandissement du parc locatif. Les grues cheminent à la hâte pour produire à la chaîne des logements qui s’éloigneront esthétiquement du programme initial.
L’arrivée du tramway en 2009 désenclavera considérablement le quartier, pour mieux le connecter aux autres secteurs de la ville. Ce moyen de transport en commun était prévu par Tony Garnier, 90 ans plus tôt, dans son projet initial.
L'Hotel de ville de Boulogne Billancourt

Tony Garnier imagine pour la mairie dans ses premières esquisses, une tour-horloge formant beffroi et rappelant le bâtiment des assemblées de sa Cité Industrielle. Mais le maire ne partage pas cet avis; il préfère une architecture plus mesurée, loin de toute mise en scène. Le projet définitif est entériné en 1930 et le chantier commence l’année suivante.
Aquarelles et dessins
Médailles
Bibliographie
- Le maire et l’architecte - éditions Archives municipales de Lyon
- Tony Garnier - L’Air du temps - éditions Musée urbain Tony Garnier
- Site de l’association française de génie civil
- Généalogie de Tony Garnier (Geneastar)
- Musée urbain Tony Garnier
- Fiche Wikipedia