Témoignages oraux
La famille
L'entretien
Nos ancêtres connaissaient rarement leurs grands-parents. La moyenne de vie était plus faible qu'aujourd'hui, la mortalité plus élevée. Avant de commencer des recherches généalogiques, sachons profiter de la chance qui nous est donnée, de pouvoir converser avec des « anciens ».
Bien souvent, ceux-ci restent discrets sur leur jeunesse, sur leurs souvenirs. Par pudeur, parce qu'ils pensent que cela n'intéresse pas les jeunes. il est donc important de briser ces barrières invisibles qui n'ont souvent aucune raison d'être, et d'aller questionner franchement la vieille tante, la grand-mère âgée, le cousin qui envoie ses vœux une fois par an.
Si l'on peut se déplacer, on ira voir l'aïeul(e) en ayant eu bien soin de lui demander auparavant s'il/elle est d'accord pour un entretien, et surtout si cela ne le/la gêne pas qu'on l'enregistre (dictaphone, magnétophone, caméra) ou que l'on prenne des notes. Une réponse négative à l'enregistrement ne signifie pas forcément une réponse négative à l'entretien, à chacun d'être diplomate, honnête et amical, il s'agit là de retrouver des souvenirs dans une discussion à bâtons rompus, pas d'une interview agressive !
Une bonne excuse pour demander un entretien consiste à prétexter que son objet consistera à mettre des noms sur de vieilles photos.
En tout état de cause, il est indispensable d'avoir préparé cet entretien. Il faut, bien évidemment, rassembler tous les renseignements utiles sur l'aïeul(e) que vous allez rencontrer. Il est souhaitable de connaître son nom, son prénom, sa date de naissance, ses liens avec vos ancêtres, son passe-temps.
Il ne faut pas effrayer en déployant trop de matériel. Un crayon, quelques vieilles photos et un simple cahier d'écolier sur lequel vous aurez préparé quelques questions. Ayez un rudiment d'arbre d'ascendance. Mais vous pouvez avoir, à votre disposition dans votre sac à main ou dans le coffre de votre voiture, un appareil photo numérique pour photographier de vieilles photos, de vieux documents. Il sera toujours temps de les sortir si tout se passe bien.
Il préférable que l'interviewé soit seul. En effet, dans un vieux couple, l'un des deux prend souvent le dessus et empêche le second de s'exprimer. Le questionneur devra laisser parler, en l'orientant certes un peu de temps en temps, il devra respecter ses silences, ne surtout pas brusquer les choses. Attention ! vous devez disposer de tout le temps nécessaire. Parfois, il n'est plus possible d'arrêter l'entretien.
Vos questions doivent être aussi brèves qu'anodines : C'était sa maison ? Pourquoi était-il invité (à ce mariage) ? Vous verrez, c'est mieux qu'à la télé.
Si la grand-mère n'aborde jamais un aïeul, pire, si son évocation est rejetée de suite pour un ailleurs volubile, vous êtes peut-être en face de la honte familiale. N'insistez pas. Mais la vieille tante prise à part, avec psychologie et quelques flatteries ...
Faute de rencontre de visu, quelques échanges de courriers seront les bienvenus, et à défaut d'être plus « vivants », ils auront le mérite d'être des témoignages écrits directs transmissibles pour les générations futures, et ils seront plus structurés.
N'oubliez pas, après l'entretien de laisser vos coordonnées au cas où un souvenir referait surface après votre départ. Et ayez la gentillesse d'envoyer le résultat de vos recherches ou au moins un petit mot de remerciement et des nouvelles de temps en temps. Cela fera toujours plaisir et vous aurez peut-être la surprise de recevoir de nouveaux renseignements par la suite.
Les informations reçues
S'il est important de recueillir un maximum de souvenirs, d'anecdotes, il est aussi fondamental de ne prendre aucun de ces souvenirs au pied de la lettre. Ceux-ci doivent constituer un guide, une orientation dans les recherches. Hormis l'anecdote croustillante (« mon grand-père a refusé d'acheter un terrain marécageux bradé, aujourd'hui c'est devenu le centre-ville ») qui agrémentera une monographie de belle façon, les renseignements sur des personnes sont à prendre avec des pincettes, l'aïeul pouvant mélanger noms et dates, ressortir de vieilles rancœurs ou dissimuler à nouveau des secrets de famille oubliés depuis sa jeunesse (« un ancêtre soldat serait venu d'Espagne faire un enfant à mon arrière-grand mère, après il est reparti dans son pays » — « mon arrière-grand mère avait eu un enfant avant mariage, longtemps caché et qu'elle faisait passer pour sa jeune sœur, alors qu'elle n'était autre que sa fille »). Ce type d'information, certes importante, doit être vérifiée, et sa véracité prouvée. Elle pourra souvent, quand même, orienter avec bonheur dans une recherche bloquée.
Les anonymes
Cette rubrique peut paraître surprenante, et pourtant des individus qui ne sont pas de la famille peuvent apporter des témoignages intéressants. On les trouvera surtout dans les petits villages, où tout le monde se connaît. Un tour près du cimetière, une visite au café du coin, quelques questions de ci-de là aux personnes les plus âgées, et avec un peu de chance on trouvera quelqu'un qui a « bien connu » le « père Untel », qui est justement votre arrière-grand père, décédé quand vous n'aviez que trois ans. Les « bruits de village » sont nombreux, et si l'on récolte souvent des ragots qui plus est déformés par le temps, on pourra peut-être apprendre l'existence de personnes non soupçonnées, connaître le ou les métiers qu'exerçait l'aïeul, situer sa maison, etc.
Conclusion sur l'entretien
Ce devrait être la première chose à faire pour le généalogiste débutant, la priorité absolue. Les documents de l'état civil, les registres paroissiaux ne s'envoleront pas demain. Par contre, un vieillard peut disparaître demain et avec lui tous ses souvenirs.