La sériciculture : le ver à soie

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Les origines

L'origine de la soie est chinoise, selon une légende, en 2700 ans avant Jésus Christ, l’impératrice Hsi-Ling-Schi, aurait découvert l’art de la soie, en essayant de retirer de sa tasse de thé un cocon tombé d’un mûrier.

La soie du cocon se serait alors dévidée.

Le ver à soie est élevé en Chine et la soie obtenue est tissée, la fabrication était gardée secrètement, ceux qui tentaient de voler des œufs ou des des vers étaient punis de mort.

Pendant près de 3 millénaires, Les Chinois conserveront ce monopole de la soie : ils commerçaient avec le reste du monde, les caravanes traversaient les déserts et les montagnes chargés d'étoffes de soie et divers objets précieux sur la route qui fut appelée La route de la soie.

Ce n’est qu’au VIe siècle que les secrets de fabrication parviennent jusqu’aux bords de la Méditerranée, lorsque deux moines envoyés par l’empereur Justinien rapportent, à Byzance, des œufs de vers à soie cachés dans leurs bâtons de pèlerin.

Le mûrier (Morus alba) et le ver à soie furent introduits dans l'ancienne Péloponnèse vers 1050. L'empereur Justinien le fit cultiver en Grèce. Ce fut en 1440 que les Siciliens cultivèrent avec succès cet arbre et le répandirent en Italie. L'industrie de production de la soie s'installe en Sicile qui devient un centre producteur, celui-ci commerçant avec le reste de l'Europe

Introduction de la sériculture en France

Sous Charles VIII, le mûrier est un arbre de curiosité. Pendant les guerres d'Italie quelques seigneurs du Dauphiné qui accompagnaient ce roi analysèrent cette culture, ils firent venir des spécimens de Sicile et de Naples et les plantèrent en Provence. Charles VIII fit installer beaucoup de pépinières dont les arbres furent plantés dans les régions méridionales de la France. Il encouragea par des privilèges les fabriques de soie de Lyon et de Tours.

Le développement de la plantation des mûriers se fit grâce à une loi de 1554 de Henri II.

Un jardinier de Nîmes, François de Troncat développa la sériciculture en distribuant des milliers de mûriers et des explications pour l'éducation des vers à soie.

Olivier de Serres, seigneur de Pradel incita Henri IV à développer cette industrie, des mûriers furent plantés à Fontainebleau et un établissement consacré à cette culture fut créé au parc royal des Tournelles. Henri IV interdit par un édit l'entrée de soie étrangère en 1606.

La culture du mûrier fut très prospère sous Louis XIV, lorsque la "révocation de l'édit de Nantes vint lui porter un coup fatal" 1 , les familles protestantes des Cévennes grands producteurs de soie partirent à l'étranger

De Louis XV à nos jours

Vers à soie vivants
Maison natale de Pasteur à Dole

Sous Louis XV et Louis XVI cette culture continue à prospérer. Sous l'empire l'Italie étant sous l'emprise de la France, la culture de la soie stationne. Elle reprend sous Louis XVIII et Charles X.

L'industrie continua à prospérer au début du XIXe siècle pendant la Révolution Française.

La production subit une grave crise entre 1847 et 1852 : des maladies (Pébrine et Flacherie) déciment les élevages et réduisent la production de trois quarts. Les salaires diminuent et le chômage s'installe.
À la demande d'un ami du Gard, Louis PASTEUR descend à Alès et étudie le problème. Il privilégie l'étude sur les papillons plutôt que sur les vers et préconise le "Grainage cellulaire", c'est à dire faire pondre les femelles à part, observer leur ponte et éliminer les œufs atteints. Il conseille aussi de séparer les différents métiers et de respecter des mesures d'hygiène stricte. Les résultats sont positifs, la production repart à la hausse.

Mais l'ouverture du Canal de Suez en 1869 donne le coup de grâce à cette culture, les cours de la soie s'effondrent, et la soie d’Extrême-Orient, moins chère à cultiver, fait son apparition en France.

L'arbre à vers

Jeune mûrier blanc
Maison natale de Pasteur à Dole

Les "Morus alba" et "Morus nigra" (Mûrier blanc et mûrier noir) poussant naturellement en Asie Mineure, sont des arbres trapus de moyenne croissance, à feuillage caduc vert moyen et sombre, dont les feuilles sont découpées et changeantes en fonction de la plante, soit simples, soit lobées.
Elles sont l'aliment préféré du Bombyx mori, ou ver à soie.
La feuille du mûrier doit être fraîche et sans maladie, afin d'avoir une soie de qualité.

La technique d'élevage

Les Magnaneries

Les Magnaneries sont des chambres chauffées dans lesquelles on élève le ver à soie. Ce terme vient de magnan qui veut dire ver à soie dans le Midi. On installe l'une sur l'autre des claies de roseaux, où l'on place des oeufs de vers à soie. La chaleur fait éclore les vers. Ensuite on nourrit les vers avec des feuilles de Morus alba.

Autrefois, Il y avait une magnanerie par maison dans les régions où l'on cultivait les vers à soie, elles étaient construites près des plantations de mûrier.

Technique d'extraction

Préparation de la soie

L'Étouffage de cocon : consiste à enfermer les cocons ramassés dans une armoire chauffée par la vapeur d'une chaudière ; celle-ci étouffe les chrysalides et elles restent mortes dans leur habitat.

Le Tirage de la soie : consiste à tirer la soie des cocons. Quand les cocons ont été étouffés, on les met dans une bassine en cuivre plate remplie d'eau, chauffant sur un foyer afin de dissoudre la gomme qui colle au fil de soie. L'ouvrière (tireuse ou fileuse) s'assoit près de cette bassine où est placée une tour à dévider la soie. Elle commence la battue en battant les cocons avec un balai de bouleau ou de bruyère afin d'en faire sortir les fils, elle enlève ensuite les premiers fils (baves), puis, elle parvient en tirant sur celles-ci au fil de soie pure. Elle les réunit (4 à 5), les tord, et les passe dans une filière afin d'en supprimer les inégalités. Elle passe ensuite le fil à une Tourneuse.

La transformation de la soie en étoffe

La soie est sous la forme d'un fil délié dont la longueur peut atteindre de 500 à 1000 m. On réunit plusieurs de ces fils pour former un brin de soie grège. Ce fil de soie grège est robuste, il peut porter de 30 à 50 g sans se rompre.

Le dévidage est la première étape pour transporter les soies grèges vers des bobines appelées rochets. Cette opération permet aux ouvrières (Tourneuses) d'enlever les imperfections appelées : bouchons, mariage, morvolant. Le dévidage se fait au moyen d'un rouet que l'ouvrière fait fonctionner de la main droite et qui porte le rochet. La flotte de soie (écheveau) est placé sur une tavelle pour que le fil puisse céder sans résistance à l'effort du rouet. Le fil de soie passe dans la main gauche de l'ouvrière, elle fait un mouvement de va-et-vient qui distribue la soie dans la bobine. (Une bonne soie fait seulement 1 à 2 % de déchets). Le dévidage peut se faire sur des machines.

Le Poil ou Moulinage: est la deuxième étape pour donner au fil un tors qui change sa forme (fil lisse vers fil en forme de spirale). Cette étape se fait avec des machines (Moulins) qui tordent le fil sur lui-même. En fonction de l'usage dont on fera de la soie, la torsion peut se faire à droite ou à gauche.

La Trame, est la troisième étape, qui consiste à réunir deux soies grèges ou poils légèrement tordus. Elle consiste à la réunion de fils de soie qui ont reçu le poil en les tordant légèrement l'un sur l'autre.

La Chaîne ou Organsin, est la quatrième étape, destinée à former la chaîne des étoffes, en réunissant deux ou un plus grand nombre de fils pour faire la chaîne. Le grège doit avoir reçu le poil. Il s'agit de former un fil très fort, serré, qui soit apte à supporter l'action du peigne pour éviter la rupture du fil pendant le tissage des étoffes. Ce sont les mêmes machines servant à la trame qui servent à faire la chaîne


Moulins à Soie

À l'époque de la Révolution, le nombre de moulins à soie s'élevait à près de quinze cents.

Les départements de la Lozère, du Lot, de l'Aveyron, de l'Ardèche en avaient beaucoup mais les plus grands se trouvaient à Montpellier, à Tours (60), à Avignon (150) et dans les environs. Lyon n'en avait que 20 à 25.

Dérouleur à soie


Statistique des manufactures en France

On comptait en France, en 1788, 28 à 30 mille métiers pour la transformation de la soie en étoffe ( sans y comprendre les métiers à bas, à bonnets, à gants, ...).

On comptait, à la même époque, 20 mille métiers environ pour la bonneterie (bas, bonnets, gants, etc.)

Il y en avait 12 mille pour la passementerie (rubans, galons, etc.).

Différentes sortes de soie

La soie prend différents noms suivants les préparations qu'elle a reçues quand on la met en vente ou qu'on la travaille :

  • Soie en matasse, soie grège, greige, graize, grèze : fil de soie brute issu du dévidage du cocon,
  • Grège en poil : servent à fabriquer du crèpe
  • Soie torse
  • Soie mi-torse : est employée en broderie
  • Soie en trame
  • Soie crue ou écrue,
  • Soie cuite,
  • Soie decrusée, decreusée, decruée,
  • Soie platte,
  • Soie en mosche,
  • Soie apprétée, montée, ouvrée,
  • Soie en écheveau,
  • Soie en pantine,
  • Soie cotonnade,
  • Les bourres et tresses de soie ou rondelettes, coutailles : fil de soie distendu qui entoure le cocon,
  • Organsin : il se dit de la soie torse qui a passé deux fois par le moulin.
  • Cuba : soie forte, couleur blanc sale
  • Cumana : soie blanche et inégale
  • Maragnan : soie dure, grosse et forte de couleur blanc beurré terne
  • Minas : soie fine et longue, jaune sale

À savoir

  • La sériciculture est l'élevage du ver à soie qui est lui même la chenille d'un papillon, le Bombyx mori.
  • Les œufs du ver à soie s'appellent communément "la graine".
  • Au cours de sa vie qui dure environ 30 jours, le ver à soie changera 4 fois de peau (mues) et verra son poids multiplié par 10 000
  • Le petit nom occitan du ver à soie est "magnan" (le mangeur). C'est de là que vient le nom du bâtiment d'élevage : la magnanerie.
  • Un kilo de cocons donneront 200 g de fil ( pour un kimono, il faudrait environ 3000 cocons).

Termes

  • Battue : opération qui consiste à séparer les fils de soie des cocons, celle-ci se fait avec un balai de bouleau
  • Bave : Fil très fin que le ver à soie jette autour de lui avant de commencer son cocon
  • Bouchons : Inégalité à la surface des fils
  • Croiser : croiser les soies, les fils, Les tordre légèrement avec un moulin.
  • Escaladon : dévidoir pour la soie
  • Fagotines : Petites parties de soie faites par des particuliers
  • Filière : sorte de tube qui était fait en fer, verre, de l'acier
  • Filière unique : instrument en cornaline d'onyx créé par la famille Tardy (père et fils) qui permettait de polir le fil qui sortait d'un cocon, afin d'en enlever les inégalités qu'elle porte quand elle sort du cocon
  • Fleuret : espèce de fil fait de la matière la plus grossière de la soie
  • Mariage : défauts dans le dévidage de la soie produits par la rupture de l'un des fils et son enroulement ou doublage avec l'autre.
  • Matteau : paquet de plusieurs échevaux de soie liés avec une petite ficelle
  • Morvolant : soie mêlée, qui tombe dans le déchet, que l'on trouve dans la fabrication des blondes
  • Moulinage : opération qui consiste à tordre le fil de soie afin de le rendre plus résistant avant le tissage.
  • Mue : changement de peau du ver à soie devenue trop petite. Le ver à soie subit quatre mues.
  • Mûrier : arbre dont les feuilles servent de nourriture au ver à soie.
  • Ourdissage : préparation de la chaîne avant tissage.
  • Ourdissoir : appareil permettant de tendre les fils de la chaîne.
  • Pébrine : maladie qui frappa la sériciculture au XIXe siècle ; cette pébrine donna aux vers à soie une couleur grise, couleur du poivre (en provençal, pebre signifie poivre).
  • Ponteau : pièce de métier pour fabriquer de la soie
  • Rive : Bord de la chaîne tendue soit à gauche, soit à droite
  • Rochet : Bobine sur laquelle on dévide la soie, le fil d'or
  • Roquetin : petite bobine au milieu de laquelle est une moulure à deux bords, pour recevoir ce qu'on veut y dévider.
  • Roquette : espèce de rochet, ou de bobine
  • Semple : se dit d'une certaine disposition de ficelles qui forme une partie du métier à tisser les étoffes de soie. Le semple fait lever la chaîne
  • Tavelle : dévidoir employé dans les moulins à dévider la soie
  • Tors : degré de torsion d'un fil
  • Tordage : action de tordre, façon qu'on donne à la soie, en doublant les fils sur les moulinets

Métiers

  • Coconnier : éleveur de vers à soie.
  • Couvrechie de soye : Fabricant de couvre-chefs en soie.
  • Dévideur (se) : ouvrier, ouvrière qui dévide des fils, des laines, des soies, ou en pelotons, ou en écheveaux.
  • Greneur : celui qui fait produire des œufs de vers à soie.
  • Magnadier - Magnanarelle : éleveur(se) de vers-à-soie
  • Magnanier : chef d'une magnanière, ou d'un atelier ou l'on élève les vers à soie.
  • Moulinier : ouvrier qui met sur le moulin la soie des bobines.
  • Ovaliste
  • Organsineur : personne qui fabrique de l'Organsin

En photos

Bibliographie

  • Dictionnaire de la langue française (1872-77) - Emile Littré - 1872-1877
  • Dictionnaire de l'industrie manufacturière, commerciale et agricole - Alexandre-Edouard Baudrimont - Ed. J. B. Baillière, 1841
  • Histoire des insurrections de Lyon en 1831 et en 1834 - Jean-Baptiste Monfalcon.
  • Le tour de la France par deux enfants - G. Bruno - Ed. Belin - Paris 1904
  • Nouveau manuel complet de la soierie, contenant l'art d'élever les vers-à-soie et de cultiver le murier; l'histoire de la soie considérée sous tous les rapports depuis sa découverte jusqu'à nos jours ; une géographie commerciale de la soie; la fabrication des soieries à Lyon ainsi que dans les autres localités nationales et étrangères, d'après les procédés nouveaux employés dans les établissements les plus renommés - Alexandre Devilliers - Ed. Librairie encyclopédique de Roret, 1839.
  • Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies, Volume 1 - P.-Étienne Herbin de Halle, Jacques Peuchet.

1  : Revue des cours scientifique de la France et de l'étranger - Éditions Germer Baillière - Paris - 1864-1865.

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