Ordre cistercien

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Saint Bernard enseignant. Œuvre de Jean FOUQUET (1420-1477), extraite du livre d'heures d'Étienne CHEVALIER. Reproduite sous forme de poster dans le définitoire de Cîteaux. Photo B.ohland

Appelé aussi Ordre de Cîteaux, cet ordre monastique n'est certes pas le premier à se développer en Occident. Mais il a marqué son siècle et les esprits pour au moins trois raisons :
- l'intégrité des moines respectant fidèlement leur idéal et la règle qu'ils se sont fixés,
- la sobriété de leurs constructions, fidèle reflet de leur spiritualité, et facilement reconnaissable parmi d'autres,
- la rapide expansion de l'ordre dans le monde entier et son rayonnement.

L'ordre cistercien va bien sûr connaître des difficultés, notamment après la Révolution. Il va ensuite être restructuré en deux mouvements, dont celui des Cisterciens de la Stricte Observance, couramment appelé ordre des Trappistes.
Et, de nos jours, les cisterciens constituent encore une grande famille, continuant à prier et travailler dans le même esprit qu'à l'origine.

Contexte

Parmi les communautés qui se sont formées avant l'ordre cistercien, celle des bénédictins est restée célèbre et l'abbaye de Cluny a marqué le « renouveau monastique »[1] du Xe siècle. Mais son influence se ternit au siècle suivant, à cause de ses fastes et de certaines dérives. Cette communauté de clunisiens n'est alors plus un exemple à suivre.

À cette époque en effet, l'Église en général aspire à un renouveau et voit naître un élan spirituel appelé « mouvement des "pauperes Christi" »[2], porté par des fidèles et religieux souhaitant retrouver humilité et simplicité.

Dans les monastères, cela se traduit par le souhait de revenir à une vie plus austère, basée sur les recommandations de saint Benoît de Nursie[3], édictées dans la fameuse règle bénédictine, dont les fondements essentiels sont : prier et travailler.

C'est ainsi que de nouveaux ordres voient le jour, plus ou moins érémitiques selon le cas : celui des Grandmontains[4], l'Ordre des Chartreux, fondé en 1084 par Bruno, et celui des Fontévristes[5].

En Bourgogne, un certain Robert et quelques ermites, prônant un retour à la stricte règle de saint Benoît, se lancent en 1075 dans la fondation de l'abbaye Saint-Pierre de Molesme. Son essor est rapide et incite d'autres moines à faire de même. Monastères ou prieurés fleurissent un peu partout. Mais à la fin du siècle, Molesme étant devenu « trop mondain »[6] à son goût, "Robert de Molesme" quitte les lieux, avec quelques compagnons dont Étienne Harding, dans le but de fonder un "monastère nouveau" plus fidèle à leurs convictions. Ce sera près de Beaune.

Fondation et fondateurs

Armoiries de l'ordre (Fichier issu de wikipedia)

Renard, vicomte de Beaune, donne au petit groupe de moines un alleu constitué de roselières au lieu-dit La Forgeotte afin qu'ils puissent s'y établir. Dès 1098, un monastère rudimentaire est construit, dédié à sainte Marie.

L'année suivante, sous le priorat d'Albéric, la communauté se déplace dans un lieu plus propice car mieux alimenté en eau, à peine plus au sud, sur le territoire actuel de Saint-Nicolas-lès-Cîteaux.

Le nouveau monastère et son église érigée au rang d'abbatiale s'appelleront désormais Cîteaux, dénomination issue de "cistels", nom donné aux roseaux dans cette région. Une bulle papale de Pascal II[7] entérine cette fondation en 1100, en reconnaissant son importance et la rattachant au Saint-Siège.

Albéric, second prieur, y rédige les premiers statuts de l'ordre de Cîteaux, qui deviendra ordre "cistercien", adjectif lui aussi dérivé de "cistels".

La devise de l'ordre sera ad apicem litterae, c'est à dire « la Règle au point extrême »[8].

Et ses armoiries s'énonceront ainsi : « De France ancien, à un écu en abîme, bandé d'or et d'azur de six pièces, à la bordure de gueules, qui est Bourguignon ancien ».

Première génération : un trio convaincu

Les cofondateurs : Robert, Albéric au centre, Étienne. Tableau exposé dans l'église actuelle de Cîteaux
Photo B.ohland
  • Robert de Molesme (1029-1111) :

Entré à « 15 ans »[9] à l'abbaye de Montier-en-Der, il rejoint par la suite l'abbaye Saint-Michel à Tonnerre et l'abbaye Saint-Ayoul à Provins. Mais il reste frustré car cherche à se rapprocher davantage de la règle de saint Benoît. Il tente de convaincre ses condisciples et part avec « vingt et un moines »[10] fonder son "nouveau monastère" à La Forgeotte, selon son idéal : prière, pauvreté et refus des possessions, travail pour subsister. Il ne reste à Cîteaux que la première année car est rappelé à Molesme par le Pape, laissant alors la place à Albéric. Il meurt en 1111, serein car il sait que son œuvre va être poursuivie par ses fidèles compagnons. Il est canonisé en 1220.

  • Albéric de Cîteaux (ca 1050-1109) :

Appelé aussi Aubry de Cîteaux, c'est un ermite qui s'est joint dès le départ à Robert.
En 1099, Albéric devient le deuxième abbé du monastère. C'est lui qui décide de transférer les bâtiments deux kilomètres plus loin, à l'endroit qui va s'appeler Cîteaux, « pour profiter de meilleures conditions naturelles »[11].
Albéric rédige les premiers statuts de l'ordre, institue un nouveau groupe de moines, les "convers"[12], introduit le capuchon blanc dans la tenue des cisterciens..
Mais il durcit un peu plus la règle imposée par Robert, dissuadant de ce fait certains nouveaux moines d'intégrer la communauté. L'abbaye connait alors une petite « traversée du désert »[13].

  • Étienne Harding (1066-1134) :

D'origine anglaise, ce moine est influencé par la règle de saint Dunstan. Après un pèlerinage à Rome, il entre à Molesme, puis accompagne Robert dans son projet fondateur. À la mort d'Albéric, il devient troisième abbé de Cîteaux et ardent réformateur de la règle bénédictine par davantage de simplicité et de rigueur. Ce qui entraînera historiens et opinion publique à considérer les cisterciens comme des bénédictins réformés;
Intellectuel plutôt brillant et fin politique, Étienne cherche à éviter le succès mondain, tout en acceptant des donations seigneuriales sans qui les abbayes péricliteraient.
Lorsque l'abbaye de Pontigny est fondée en 1113, Albéric commence à fixer une règle organisant non seulement la vie monastique des cisterciens, mais aussi les rapports entres abbayes de même observance. Ce sera la "Carta Caritatis" ou Charte de charité, approuvée par le Pape Calixte II en 1119. Ce document majeur, encore en vigueur neuf siècles plus tard, « organise une forme de gouvernement original qui associe solidarité et décentralisation »[14]. Étienne développe la vie intellectuelle et le chant liturgique ; il est aussi auteur de nombreux textes, copiste et enlumineur de qualité.

Deuxième génération : un leader charismatique

Saint Bernard tenant l'abbaye de Clairvaux, église Saint-Martin de Ville-sous-la-Ferté
Photo C. PIEMINOT
  • En 1112 ou 1113, arrivent à Cîteaux le moine Bernard de Fontaine (1090-1153) et 30 compagnons.
Personnage à la fois humble et charismatique, il œuvre inlassablement à transmettre son idéal à ses condisciples, ralliant même les foules à sa cause. Il construit une entente solide avec la papauté, déborde d'idées pour faire prospérer l'abbaye autant que l'ordre en général. Les postulants au noviciat déferlent, « Cîteaux revit »[15].
Portée par l'influence grandissante de Bernard, cette nouvelle fondation, fille de Cîteaux, se développe rapidement et solidement, devenant à son tour abbaye-mère. Et au milieu du XIIe siècle, on compte déjà 62 monastères affiliés à Clairvaux, et 350 en tout, issus soit de Cîteaux soit de ses trois autres filles : « C'est un des plus beaux exemples de fécondité spirituelle que l'on puisse trouver au Moyen Âge »[16].
  • Orateur talentueux mais aussi brillant écrivain, Bernard est auteur d'une riche correspondance dont 550 lettres ont été retrouvées. Il captive les esprits, se bat contre les hérésies, prêche la croisade.
Sa ferveur marque le siècle tout entier, et son influence ne séteint pas après sa mort en 1153. Au contraire, la « spiritualité bernardine »[17] va devenir une référence majeure dans le monde spirituel jusqu'au XVIIe siècle.
  • Bernard de Clairvaux sera canonisé en 1174 et proclamé Docteur de l'Église au XIXe siècle.


Pérennité de l'ordre

Chronologie historique

Sceau des définiteurs (Définitoire de Cîteaux)
  • Le succès de l'ordre cistercien est un véritable « raz-de-marée »[18]. En témoignent les chiffres de ses fondations : s'il est question de 350 monastères en 1153, le nombre s'élève à 800 au milieu du XIIIe siècle (dans le monde entier), uniquement pour les monastères masculins.
Entretemps, des communautés de moniales cisterciennes ont vu le jour, la première, formée par Cîteaux en 1121, étant l'abbaye de Notre-Dame de Tart, à Tart-l'Abbaye.
  • Au XIVe siècle l'expansion est moins spectaculaire et des crises apparaissent après les croisades (auxquelles certains cisterciens ont pris part). À cela se rajoutent des épidémies de peste et de famine, fragilisant les communautés autant que le reste de la population, puis la Guerre de Cent ans fait des ravages.
Enfin, apparait le régime de la Commende[19]. Les réunions de chapitres se multiplient alors au sein des abbayes pour tenter de trouver des solutions par le biais de réformes internes.
  • Les difficultés continuent au XVe siècle. Remises en question de certains privilèges et/ou oppositions politiques appauvrissent les abbayes ; la constitution des états entraîne l'apparition des premières congrégations nationales. Les liens de filiation entre monastères cisterciens s'affaiblissent, fragilisant l'unité et la force de l'ordre.
  • La situation s'aggrave au XVIe siècle avec l'arrivée de la réforme protestante. Les abbés de Citeaux multiplient les chapitres généraux pour essayer d'enrayer les tendances nationalistes ou séparatistes ; puis, ne parvenant pas à contrôler certains mouvements, ils préfèrent parfois « en prendre la direction »[20]. Cela donne naissance à de nouvelles congrégations, rattachées à l'ordre ou indépendantes : celle des Feuillants, particulièrement rigoureuse, mais qui se développe rapidement, et celle de la Haute-Germanie, appelée l'Étroite Observance. Deux tendances essayent alors de cohabiter au sein de l'ordre : la Commune Observance et l'Étroite Observance.
  • Le XVIIe siècle constitue une période de renouveau sur le plan spirituel. L'abbé de Rancé édicte en effet une règle plus rigoureuse encore qui alimente la "guerre des observances". Faute d'être acceptée par le chapitre général de Cîteaux, il la met en pratique au monastère de La Trappe. De là va naître la communauté des trappistes. Il s'ensuit nombre de discussions (et tensions) dans le définitoire de Cîteaux, créé justement dans le but de retrouver une certaine unité pour renforcer l'ordre. Le résultat aboutit à une scission : l'ordre de Cîteaux (ou de la Commune Observance) et l'ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe.
  • À la Révolution, Cîteaux disparait, « l'ordre cistercien s'écroule »[21]. Des moniales cisterciennes ne se laissent pas abattre par la tourmente et rejoignent des trappistes exilés en Suisse, près de la chartreuse La Valsainte.
Peu à peu, les diverses communautés éparpillées parviennent à se réunir en un nouvel ordre, confirmé en 1892 : l'Ordre des Cisterciens de la Stricte Observance (OCSO).
La famille cistercienne au XXIe siècle
  • Six ans plus tard, ils rachètent le domaine de Cîteaux et "refondent" l'abbaye-mère. Une communauté y vit toujours et accueille les visiteurs. En 1998, elle a organisé le 900e anniversaire de la fondation de Cîteaux et de l'ordre, rassemblant la grande famille cistercienne, forte de plus de 800 membres.
  • De nos jours :
Les cisterciens sont toujours présents et actifs. Mais l'ordre est désormais constitué de plusieurs branches :
- l'ordre cistercien (OC) : 147 monastères d'hommes ou de femmes, avec charges pastorales et d'enseignement,
- l'ordre cistercien de la stricte observance (OCSO), ou cisterciens trappistes : 162 monastères dans le monde, d'hommes et femmes, sans charge pédagogique en dehors du monastère,
- les moniales cisterciennes de saint Bernard : 26 communautés en Espagne,
- l'ordre des bernardines d'Esquermes : 9 communautés de moniales enseignantes,
- la congrégation des bernardines d'Oudenaarde : moniales hospitalières,
- deux monastères de droit diocésain,
- des laïcs cisterciens, dont le nombre est en pleine expansion.

Généalogie cistercienne

Arbre généalogique des abbayes cisterciennes masculines, depuis Cîteaux et ses quatre filles. Dédié à Louis XVI en 1776. (Reproduction de l'original conservé à la bibliothèque municipale de Dijon)
  • Dans le système cistercien, l'abbaye-mère devient chef d'ordre et essaime. Les premiers monastères qu'elle fonde sont ses filles. Pour Cîteaux, on parle couramment de quatre filles, celles qui sont nées à peine plus d'une décennie après leur mère : La Ferté en Saône-et-Loire (1113), Pontigny dans l'Yonne (1114), Clairvaux dans l'Aube et Morimond en Haute-Marne (1115 toutes les deux). Mais au total Cîteaux fondera 137 filles.
Le lignage monastique est régi par certaines règles. Chaque abbaye-mère élit le premier abbé de sa fille, la conseille et l'aide en cas de difficulté. Elle l'escorte en quelque sorte, et la "visite" une fois par an, se souciant du bon respect de la règle et de la bonne gestion financière. L'abbé "visiteur", avant tout observateur, occupe alors pour une journée la place de l'abbé local. Sa visite terminée, il délivre une "carte de visite" où sont consignées les améliorations à apporter, servant ainsi de base à la visite suivante. Quant aux abbés des abbayes-filles, ils doivent assister une fois par an à la réunion du chapitre général, à Cîteaux.
Ce système hiérarchique permettait une certaine cohésion dans l'ordre cistercien devenu tentaculaire.
  • Les quatre premières filles de Cîteaux ont elles aussi essaimé : de la Ferté sont nées 18 monastères ; de Pontigny, 43 monastères ; de Clairvaux sont nés 396 monastères ; et de Morimond, 232.
Puis certaines de ces petites-filles ont également poursuivi la lignée, alimentant la grande famille cistercienne, dont les débuts de la filiation sont schématisés dans cet arbre.


Caractéristiques de l'ordre

Habit cistercien

Dans le monde monastique, contrairement au dicton populaire, l'habit fait le moine.

Si la tenue bénédictine était majoritairement noire, et celle des chartreux entièrement blanche (ou plutôt écrue), l'habit cistercien, lui, comporte une tunique blanche et un scapulaire noir. L'ensemble est bien sûr sobre, taillé dans de la laine naturelle[22] et de forme simple et fonctionnelle. S'y rajoutent une ceinture en cuir et de modestes chaussures.
Pour la prière, le moine cistercien rajoute une coule blanche, signe de sa consécration.

Règle de vie

  • Les cisterciens ont adopté la Règle bénédictine, qui, finalement, sous-tend pratiquement tous les ordres monastiques et a été plus ou moins adaptée selon chacun. Les cisterciens ont essayé de l'appliquer à la lettre, dans toute sa rigueur. Si bien qu'Henri BRUNEL nous transmet une remarque humoristique des bénédictins à propos des cisterciens : « Ils cessèrent d'être bénédictins parce qu'ils étaient trop fidèles à la Règle de saint Benoît »[23].
  • L'essentiel de cette Règle pourrait se résumer dans cette maxime latine : "Ora et labora", soit "Prie et travaille".
La Règle de saint Benoît comporte en fait 73 chapitres, axés sur cinq valeurs fondamentales : chasteté, humilité, pauvreté, obéissance et stabilité. Pour l'humilité par exemple, sont détaillées douze étapes permettant d'y arriver pleinement.
La Règle passe en revue tous les aspects de la vie des moines : lecture et prière, silence mais aussi teneur des conversations, attitude au travail, tenue vestimentaire, nourriture et boisson, ou encore accueil et hospitalité.
  • Les cisterciens étant des cénobites, ils ne vivent pas dans la solitude totale mais partagent des temps en commun. Leurs trois occupations principales sont lire, prier, et travailler, dans une proportion à peu près semblable à celle de l'époque médiévale, et qui leur a valu le qualificatif de "moines de l'équilibre".

Prier

Cycle quotidien des prières
Cycle quotidien des prières

La prière est omniprésente dans la journée d'un cistercien et revêt plusieurs formes :
- la prière collective, lors de la célébration eucharistique quotidienne, et lors des offices divins, au nombre de sept (vigiles, laudes, tierce, sexte, nones, vêpres et complies),
- la prière personnelle, dès que l'occasion se présente, notamment lors des moments de repos,
- la prière à la fois collective et individuelle lors des repas pris en commun,
- la fameuse "lectio divina", lecture d'un texte sacré de façon personnelle, une "écoute" du message avec son cœur pour s'en imprégner pleinement, un temps de méditation intérieure, qui reste présent à l'esprit toute la journée,
- la prière au travail, lieu de service aux autres.


Travailler

Forge de l'abbaye de Fontenay
Photo B.ohland
Arbre entraînant la roue hydraulique, abbaye de Fontenay Photo B.ohland
  • Les moines ont d'abord travaillé pour aménager leur domaine, asséchant des marais, débroussaillant des forêts, optimisant l'arrivée d'eau courante jusqu'à leur monastère, installant des moulins. L'exemple des tous premiers cisterciens est parlant puisqu'ils ont réalisé un exploit technique en creusant un long canal pour dériver les eaux de la rivière Cent-Fons jusqu'à Cîteaux.
Pendant les premiers siècles, le travail était incontournable pour assurer la subsistance, le bon fonctionnement et l'entretien de la communauté. Tout en restant une valeur forte de la Règle, puisque l'oisiveté était considérée néfaste pour l'âme.
Le travail devait aussi savoir exploiter à moindre coût les ressources naturelles du lieu, et ne rien gaspiller, d'où le recyclage (avant l'heure) de matériaux détruits comme des tuiles par exemple.
  • Une fois l'autarcie de chaque monastère assurée, les moines ont continué à travailler et ont commencé à mettre en avant leur spécificité et leur savoir-faire. À Cîteaux, ils faisaient du fromage (et en font encore), à Fontenay, une grande forge leur permettait de travailler les métaux. Mais il fallait aussi savoir gérer toute leur production, non pas pour le profit, mais tout simplement pour écouler le surplus.
  • C'est ainsi que les cisterciens ont mis sur pied des unités d'exploitation agricole telles des celliers, granges, maisons rurales ou « maisons-relais »[24] qui devinrent des lieux de transaction (comme le château du Clos de Vougeot, dépendant de Cîteaux, ou le cellier de Clairvaux, à Dijon). Cela leur a permis de s'intégrer peu à peu dans la société laïque, et s'est parfois traduit par la fondation de collèges, dans le but de poursuivre leur mission d'enseignement de l'amour et de la charité.


Quelques moines particuliers

Moine copiste
  • Le cellerier:
C'est l'économe du monastère, responsable de l'approvisionnement et de la gestion de tout le domaine y compris les dépendances extérieures. Comptable et technicien qualifié, il est souvent amené à franchir la clôture monastique pour rencontrer des laïcs et négocier avec eux. Cette tâche est donc confiée à des frères d'âge mur, sages et sobres.
  • Le clavandier :
Il est spécialisé dans la gestion des caves, comprenant autant la surveillance de la vinification que l'approvisionnement et le stockage. Il détient donc les clés de ces lieux "autrement saints".
  • Le copiste :
Il est chargé de reproduire différents manuscrits, mais aussi des œuvres artistiques telles que dessins, gravures ou peintures. Certains de ces moines se spécialisent dans l'enluminure.
  • Le prieur :
Il est nommé par l'abbé et devient son bras droit, le remplaçant le cas échéant. Le prieur adopte et fait respecter la règle et les instructions de l'abbé. Cette noble tâche est confiée à des moines possédant de solides connaissances spirituelles et théologiques, ce qui les amènera par la suite à devenir à leur tour abbés.
  • Le sacristain :
Il a la responsabilité de l'abbatiale et en détient les clés. Ainsi, il s'occupe de préparer l'édifice pour les célébrations (éclairage, fabrication des hosties, préparation des habits sacerdotaux et de l'encens). Il s'occupe de faire sonner les cloches avant les offices, et veille à l'entretien et la conservation des objets liturgiques et reliquaires.


Spécificités de l'ordre

Quelques caractéristiques sont propres aux cisterciens.
Ils ont supprimé les oblats, préférant mettre l'accent sur les novices, recrutés à un âge plus mature et soigneusement formés pour assurer la pérennité de l'ordre.
Ils ont institué la catégorie des convers, qui n'existait pas auparavant. Différents des autres moines par leur origine, leur statut n'était pas le même : les contraintes étaientt moins fortes côté spiritualité, mais lourdes sur le plan matériel puisqu'ils étaient chargés de la maintenance du monastère. Parfois plus nombreux que les moines (trois fois plus de convers à Pontigny que de moines), ils durent cependant obéir à une règle qui leur était dédiée.
Les cisterciens sont également à l'origine du cloître carré entouré de quatre galeries, car il se révélait fonctionnel au niveau des déplacements, tout en étant un lieu d'inspiration pour la prière.
À contre-pied de Cluny, l'ordre cistercien a abandonné « le culte des reliques et celui des morts »[25].

Patrimoine cistercien

Composition de l'ensemble monastique

  • Le lieu d'implantation a toute son importance et est choisi avec soin. D'ailleurs les cisterciens n'ont pas hésité à en retenir un second s'il s'avérait plus adéquat pour y "déménager". Les premiers bâtiments sont rudimentaires, réalisés à partir de branches d'arbre. Ensuite est choisi l'emplacement de l'église abbatiale, le plus souvent « la partie la plus élevée »[26] du domaine, et de manière à ce que l'église soit orientée.
  • Autour de l'abbatiale s'organise l'ensemble des autres bâtiments : un monastère ou deux afin de séparer moines des frères convers, un cloître carré le long de l'abbatiale, une grande salle capitulaire pour les réunions, un chauffoir ou scriptorium (seule salle chauffée pour que les moines soient à l'aise durant leur travail d'écriture), une sacristie et parfois un armarium, un très long dortoir commun à l'étage (avec un escalier menant directement à l'église), un grand réfectoire et une cuisine, attenante ou pas.
Sur le reste du domaine, sont disséminés divers ateliers ou bâtiments techniques, étable, écurie, moulin, selon le cas.
  • L'ensemble est entouré d'une grande clôture et comporte la plupart du temps une porterie pour accueillir les pèlerins ou visiteurs.

Architecture cistercienne

Collatéral de l'abbaye de Fontenay
Photo B.ohland
  • Les abbayes cisterciennes ont presque toutes un air de ressemblance au point d'être facilement identifiables même par des non initiés. Et cela parce que leur architecture reflète l'idéal et la ligne de conduite de l'ordre de Cîteaux : sobriété avant tout, équilibre, symbolisme.
Bien évidemment, le souci de l'esthétique ou du symbolisme, ou celui d'harmoniser les abbayes entre elles, ne sont pas apparus au début, quand il fallait avant tout s'installer de façon fonctionnelle et pérenne. Mais au moment de construire "en dur", cette préoccupation a été prise en compte. Les cisterciens ont choisi des formes simples, ont équilibré les proportions avec harmonie, ont choisi les pierres et leur appareillage avec soin. Ils ont aussi soigneusement étudié leurs ouvertures afin que la lumière mette en valeur les espaces.
Leur architecture s'est inscrite d'office dans la mouvance romane, sans fioritures inutiles.
Certains historiens estiment que c'est l'abbaye de Fontenay, fondée en 1118, qui a inspiré les autres et servi de modèle de référence. À ce propos, il convient de souligner que cette abbaye constitue « le plus ancien témoignage conservé de l'architecture cistercienne »[27]. Et, à ce titre, elles est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco.
  • En règle générale, une abbatiale cistercienne comprend une nef et deux collatéraux de plusieurs travées. Le chevet reste sobre, mais cette partie de l'édifice est celle qui a connu le plus de variantes dans son traitement architectural.
L'espace intérieur de la nef est séparé en deux parties par une clôture : à l'est, le chœur des moines et les stalles des prêtres ; à l'ouest, l'espace dédié aux convers.
Le maître-autel se trouve bien sûr dans l'abside, et les autels secondaires dans les collatéraux ou des chapelles.


« Ils bâtirent de leurs propres mains, dans les déserts et les lieux sauvages, plusieurs monastères auxquels, avec une habile prévoyance, ils donnèrent des noms sacrés,
la Maison-Dieu, Clairvaux, l'Aumône, et plusieurs autres du même genre dont le nom seul est un nectar ». Orderic Vital, Histoire ecclésiastique, VIII, 26 (1135)




Bibliographie

  • Odile CANNEVA, Comprendre les abbayes et les ordres monastiques, Rennes, Éditions OUEST-FRANCE, 2019, 32 pages, ISBN 978-2-7373-7755-6
  • Frère Luc BRESSARD, Les Cisterciens, Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2013, 64 pages, ISBN 978-2-755-803-310
  • Henri BRUNEL, Petit livre de la sagesse des moines, Paris, Éditions Point, 2009, 113 pages, ISBN978-2-7578-0512
  • Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de l'agence les Pistoleros, abbaye Notre-Dame de Cîteaux, haut lieu de spiritualité vivante, Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, 2014, 64 pages, ISBN 979-10-93473-00-0
  • Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de madeleine Blondel, 1115, CÎTEAUX fonde CLAIRVAUX, Saint-Nicolas-lès-Citeaux, 2015, 10 pages, ISBN 979-10-93473-01-7
  • Alain Erlande-Brandenburg, Les Abbayes Cisterciennes, collection "mémo", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 64 pages, ISBN 978-2-755-800-388
  • Christian Sapin et Denis Cailleaux, Abbayes de Bourgogne, collection "Patrimoine culturel", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 32 pages, ISBN 978-2-755-806-854
  • Xavier BARRAL I ALTET, Trois abbayes romanes en Provence, collection "Patrimoine culturel", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 32 pages, ISBN 978-2-755-806-854
  • LE GUIDE VERT Bourgogne, Boulogne-Billancourt, Michelin Travel Partner, 2021, 561 pages, ISBN 978-2-06725-070-3
  • Visite guidée de l'abbaye de Cîteaux

Voir aussi (sur Geneawiki)

Liens utiles (externes)

Notes et références

  1. Odile CANNEVA, Comprendre les abbayes et les ordres monastiques, Rennes, Éditions OUEST-FRANCE, 2019, 32 pages, ISBN 978-2-7373-7755-6
  2. Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de l'agence les Pistoleros, abbaye Notre-Dame de Cîteaux, haut lieu de spiritualité vivante, Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, 2014, 64 pages, ISBN 979-10-93473-00-0
  3. Né vers l'an 480, à Nursie en Italie, il est considéré comme le père fondateur du monachisme en Occident.
  4. Ordre érémitique fondé en 1076 par Étienne de Muret
  5. Sous l'impulsion de Robert d'Arbrissel.
  6. Alain Erlande-Brandenburg, Les Abbayes Cisterciennes, collection "mémo", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 64 pages, ISBN 978-2-755-800-388
  7. Né en 1050, ce bénédictin devient en 1099 le 160e pape. Il décède en 1118.
  8. Frère Luc BRESSARD, Les Cisterciens, Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2013, 64 pages, ISBN 978-2-755-803-310
  9. Alain Erlande-Brandenburg, Les Abbayes Cisterciennes, collection "mémo", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 64 pages, ISBN 978-2-755-800-388
  10. Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de l'agence les Pistoleros, abbaye Notre-Dame de Cîteaux, haut lieu de spiritualité vivante, Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, 2014, 64 pages, ISBN 979-10-93473-00-0
  11. Alain Erlande-Brandenburg, Les Abbayes Cisterciennes, collection "mémo", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 64 pages, ISBN 978-2-755-800-388
  12. Ce type de frères n'existait pas auparavant. Ils sont souvent issus de milieu plus modeste, pas ou peu lettrés. Autorisés à porter la barbe et les cheveux longs, il peuvent s'habiller en paysans. Non soumis aux même règles de prière, ils font fonctionner l'ensemble du domaine grâce à la prise en charge des tâches domestiques.
  13. Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de l'agence les Pistoleros, abbaye Notre-Dame de Cîteaux, haut lieu de spiritualité vivante, Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, 2014, 64 pages, ISBN 979-10-93473-00-0
  14. Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de Madeleine Blondel, 1115, CÎTEAUX fonde CLAITVAUX, Saint-Nicolas-lès-Citeaux, 2015, 10 pages, ISBN 979-10-93473-01-7
  15. Henri BRUNEL, Petit livre de la sagesse des moines, Paris, Éditions Point, 2009, 113 pages, ISBN978-2-7578-0512
  16. Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de Madeleine Blondel, 1115, CÎTEAUX fonde CLAIRVAUX, Saint-Nicolas-lès-Citeaux, 2015, 10 pages, ISBN 979-10-93473-01-7
  17. Frère Luc BRESSARD, Les Cisterciens, Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2013, 64 pages, ISBN 978-2-755-803-310
  18. Alain Erlande-Brandenburg, Les Abbayes Cisterciennes, collection "mémo", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 64 pages, ISBN 978-2-755-800-388
  19. Dans ce régime, une institution religieuse peut être gérée "in commendam" par un laïc qui va alors bénéficier de ses revenus, ou laissée à un ecclésiastique qui sera dépourvu de son autorité.
  20. Frère Luc BRESSARD, Les Cisterciens, Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2013, 64 pages, ISBN 978-2-755-803-310
  21. Les moines de l'abbaye de Cîteaux avec la collaboration de l'agence les Pistoleros, abbaye Notre-Dame de Cîteaux, haut lieu de spiritualité vivante, Saint-Nicolas-lès-Cîteaux, 2014, 64 pages, ISBN 979-10-93473-00-0
  22. Remplacée maintenant par un textile plus contemporain et plus facile d'entretien
  23. Henri BRUNEL, Petit livre de la sagesse des moines, Paris, Éditions Point, 2009, 113 pages, ISBN978-2-7578-0512
  24. Christian Sapin et Denis Cailleaux, Abbayes de Bourgogne, collection "Patrimoine culturel", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 32 pages, ISBN 978-2-755-806-854
  25. Alain Erlande-Brandenburg, Les Abbayes Cisterciennes, collection "mémo", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 64 pages, ISBN 978-2-755-800-388
  26. Xavier BARRAL I ALTET, Trois abbayes romanes en Provence, collection "Patrimoine culturel", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 32 pages, ISBN 978-2-755-806-854
  27. Christian Sapin et Denis Cailleaux, Abbayes de Bourgogne, collection "Patrimoine culturel", Luçon, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2017, 32 pages, ISBN 978-2-755-806-854


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