Mourir à Espéraza (XVII & XVIIIème siècle)
La population d’Espéraza devait se situer à cette période entre 800 et 1 000 habitants.
Le recteur de la paroisse était tenu d’indiquer dans les actes de décès que le défunt avait reçu les trois sacrements de communion (eucharistie), de confession (pénitence) et d’extrême-onction. A défaut il motivait pour qu’elle raison il n’avait pu les administrer.
Plusieurs malades ne pouvaient communier en raison de vomissements, ou ne pouvaient se confesser ayant perdu connaissance. Il en allait de même pour les personnes ayant l’esprit un peu faible, qualifiées d’imbéciles ou innocentes. Quelquefois le prêtre arrivait trop tard ou le mort avait été trouvé dans son champ, ou dans son lit. Dans ce cas on attestait qu’il avait été un bon chrétien. A l’évidence les actes servaient de message à destination des autorités divines.
Ainsi par ce moyen les morts subites accidentelles ou autres nous sont connues.
LES NOYADES
La rivière d’Aude avait à l’époque une grande importance dans la vie quotidienne, notamment par la présence des radeliers qui flottaient le bois, des lavandières, des tanneurs. Ainsi les noyades y étaient relativement fréquentes.
On en compte six de 1683 à 1705 dont trois enfants, J.M dit pouchicot, 26 ans, cardeur, se noie en peschant du bois. En 1732 F.B, radelier, s’est noyé à Quillan sous un radeau. En 1735 F.F est retrouvé trois semaines après, et en 1736 P.F, 3 ans, tombé à Campagne est retrouvé à Espéraza 12 jours plus tard. Une fillette se noie en 1746, puis plus rien jusqu’en mai 1795 où J.P, dit toutou, 12 ans, porté disparu, est retrouvé noyé à Couiza dix jours après. Ses oncles l’ont identifié et ramené à Espéraza.
Le Ravanel, ruisseau maintenant couvert, qui traverse le village suivant l’axe rue Condorcet-rue Gambetta, est sujet à des crues aussi subites que violentes par temps d’orage. C’est ce qui s’est passé le 2 octobre 1795, jour de la foire. C.R 50 ans, cultivateur de La Serpent est emporté et retrouvé noyé dans Aude. L’acte précise qu’il était porteur d’une dizaine d’écus, probablement le produit de ventes. Ses frères sont venus le chercher.
Dans son imposant ouvrage « Les paysans de Languedoc » l’historien Emmanuel LE ROY LADURIE mentionne une inondation qui a détruit le village d‘Espéraza en 1626. Il n’en dit pas plus et ne cite pas de source. On ne connait donc pas l’origine du sinistre. A la date du 8 novembre 1626 un acte de décès à peine lisible en atteste (AD 11 – 1E1 p 40d). On parvient à lire « …. furent summergés 26 habitans …. » et suit une liste de noms.
LES ÉPIDÉMIES
Pendant tout le Moyen Âge les épidémies ont constitué des drames effroyables, décimant des populations entières. La peste a ravagé Marseille pour la dernière fois en 1720. Mais la rougeole ou la variole étaient également mortelles en ces temps où les médecins ne connaissaient que la saignée. Le relevé des actes de décès de la paroisse nous donne trois exemples significatifs mais sans commune mesure avec ce qui advenait auparavant.
De 1670 à 1680 on constate moins de 22 décès par an en moyenne, et 29 de 1681 à 1690. Il s’agit là de périodes calmes. Une première épidémie survient en 1693 avec 54 décès dont 37 enfants (soit environ les naissances d’une année), principalement d’août à novembre ; et une deuxième de janvier 1700 à janvier 1701, avec 71 décès (dont 38 enfants). En 1700 plusieurs familles perdent deux enfants ; J.M, son épouse D.S et leur fille Marie succombent en huit jours au mois de mars.
Une troisième épidémie survient en 1707 où 60 décès (dont 33 enfants) sont enregistrés alors que la maladie ne sévit que de juillet à septembre. Un fait extraordinaire nous est révélé, sûrement en relation avec l’épidémie : le recteur Rouger, curé de la paroisse, indique dans les actes que le cimetière est interdit. En conséquence, du 18 au 23 juillet cinq enterrements sont délocalisés : trois à Fa, un à Montazels et un autre à Antugnac. Le cimetière étant mentionné comme « de l’église Saint-Michel ».
Ensuite, en dépit d’une recrudescence de décès d’avril à juin 1760, la situation s’assainit durablement.
LES ACCIDENTS
Il s’agit le plus souvent d’accidents du travail ou domestiques dont voici les causes :
- chute du degred (escalier) de sa maison ; tombé par la fenêtre
- écrasé par une meule de moulin en la conduisant ; tué par la mule du moulin
- jeune homme de 17 ans, d’un coup de fusil à la chasse
- a suffoqué dans une cave vinaire ; tué par un cerisier qui lui est tombé dessus ; scieur de bois, la pièce de bois luy estant tombée dessus ; étant tombé sur un rocher à la métérie du sieur Spesel ; écrasé dans le foulon qui luy tomba dessus.
DES ASSASSINATS
En 1670 B.P, d’un coup de pistolet ; en 1674 S.F, dit traquet, blessé depuis plus de deux ans d’un coup de dague ; en 1771 S.J. tué d’un coup de rame à Trèbes.
A 83 ans d’intervalle deux assassinats endeuillent la fête : C.B marchand de bois, 30 ans, le 30.9.1694 puis B.B cultivateur, assassiné le 30 septembre à la foire d’Espéraza, meurt le 5.10.1777 à Couiza.
QUERELLE POUR UNE AME
Le 12 octobre 1791, Jean AUDOUI, curé constitutionnel d’Espéraza, relate l’enterrement de Marguerite DEBOSQUE (elle avait 30 ans, née le 5.1.1761 d’Etienne DEBOSQUE et Rose ROUAN). Accompagné du curé de Campagne, au moment de lever le corps qui était chez les demoiselles DEBOSQUE, sœurs de l’ancien curé du village, ils ont été accueillis par des cris, insultes et menaces, tendant à les empêcher de procéder à la messe d’enterrement, au motif que la défunte n’avait pas donné de signe de catholicité. Ils sont passés outre les menaces et ont procédé à la cérémonie d’usage.