Canut
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Les Canuts
L'origine du nom
Deux explications possibles :
- Lors de cérémonies, les maîtres tisseurs se déplaçaient avec leurs cannes dont les pommeaux portaient en ornements des bijoux symboles de leur profession. Une crise économique les aurait obligés à les vendre. A l’occasion de l’enterrement d’un des leurs, les maîtres tisseurs seraient donc arrivés avec leurs cannes sans leurs attributs. Un gone (enfant) aurait fait alors cette remarque : « Tiens… voilà des cannes nues ! »
- Le Littré au XIXème siècle dit : « Peut-être de canette ». La canette étant le petit tube garni du fil de trame dans les métiers à tisser.
Naissance du tissage à Lyon
En 1466 Louis XI sollicite la ville de Lyon pour qu’elle installe dans ses murs des métiers à tisser la soie afin que l’importation venant d’Espagne ou d’Italie soit freinée
En 1536, François 1er accorde à Lyon le privilège du tissage des fils d’or, d’argent et de soie.
Etienne Turquet et Barthélemy Naris, deux négociants d’origine piémontaise, vont être les pionniers de la soierie lyonnaise.
A la fin du XVIe siècle, est créée la Corporation des ouvriers en drap d’or, d’argent et de soie qui fait travailler 10 000 Lyonnais.
En 1667, Colbert organise, par une ordonnance royale, la Grande Fabrique qui regroupe tous les acteurs de la production de soieries.
C'est dans le quartier de Saint-Georges, au pied de la colline de Fourvière, que les tisseurs s'installèrent principalement.
En 1800 Joseph-Marie JACQUARD, créa une machine portant son nom Mécanique de Jacquard, il reçut le brevet d'invention le 23 décembre 1801 ; cette découverte permis aux tisseurs de travailler plus rapidement avec une infinité de fils. Ceux-ci s'installèrent vers 1815 en haut des pentes et sur le plateau de la Croix Rousse. Cette machine que l'on ajoutait au-dessus des métiers à tisser, nécessitait des plafonds de plus de 4 m de haut.
Les canuts et la Croix-Rousse
C'est grâce au développement de la soierie, que le plateau de la Croix-Rousse va se recouvrir de constructions nouvelles adaptées aux tisserands (les canuts) à partir de 1800.
Ces maisons sont hautes (jusqu'à 6 étages) et chaque étage est d'une hauteur suffisante (de 3,6 m à 4 m) pour pouvoir mettre des mécaniques Jacquard au-dessus des métiers à tisser qui sont placés devant les fenêtres.
L'arrière des ateliers est aménagé en appartement comportant un coin pour la cuisine, une alcôve avec le lit conjugal ainsi qu'une mezzanine (la soupente) sur laquelle dorment les enfants voire les apprentis.
Bien que propriétaires de leurs métiers, les tisserands sont plus à considérer comme des ouvriers à domicile exploités par les "fabricants" qui habitent en ville.
Les conditions de vie deviennent si mauvaises que plusieurs révoltes éclatent en 1831 et 1834 puis 1848 et 1849.
C'est pour faire régner l'ordre que le 19 juin 1851 les députés votent la loi de réunion des faubourgs (La Croix-Rousse, Vaise et La Guillotière) à la ville de Lyon.
Les canuts
Il y a deux classes d'ouvriers
- Les maîtres ou chefs d'ateliers
- Ils ont plusieurs métiers chez eux, trois, quatre, rarement plus de six ou huit.
- Les compagnons ou compagnonnes
- Ils occupent une partie des métiers de maîtres.
On trouve dans les ateliers, en plus des maîtres et des compagnons, des enfants : ce sont les apprentis et les lanceurs.
- Les apprentis
- Ce sont de jeunes gens de quinze à vingt ans, à qui le chef d'atelier se charge d'apprendre son métier.
- Les lanceurs
- Ce sont des enfants dont l'emploi est de lancer la navette qui distribue le fil de la soie.
Les Fabriques
En 1832, il y a a 892 maisons de fabriques d'étoffes de soies. Ces commerces sont composés de deux et même de trois associés.
Une maison de fabrique se compose de fabricants proprement dits et de dessinateurs.
Le fabricant fournit le dessin du tissu et la matière première toute préparée qui doit entrer dans la confection de l'étoffe.
Les ouvriers en soie tissent l'étoffe.
Si l'étoffe commandée ne trouve pas d'acheteur, la façon n'en est pas moins payée à l'ouvrier compagnon ou chef d'atelier ; tous les risques sont pour le fabricant qui paie.
Le syndicalisme
C’est à Lyon avec Denis Monnet que le syndicalisme est fondé.
Le 5 mai 1790, 3.500 maîtres-ouvriers se réunissent en la primatiale St Jean sous la présidence de Denis Monnet à partir de six heures du matin, et considérant que les marchands ont des intérêts opposés aux leurs, ils décident de « se régir et gouverner par eux-mêmes » sans les marchands.
Puis ils élisent des commissaires selon les 28 quartiers de Lyon.
Denis Monnet est élu à l’unanimité maître-garde syndic pour veiller à l’exécution de l’arrêt du Conseil du roi.
Le métier Jacquard
Le métier Jacquard est un métier à tisser inventé en 1801 par le lyonnais Joseph Marie Jacquard.
Il s’agit d’un des premiers métiers à tisser automatisés qui ont entraîné une révolution technique et sociale de la profession des Canuts;
Joseph Marie Jacquard est né à 6 Juillet 1752, à Lyon - Baptisé le 8 juillet 1752 - Chevalier de la légion d'honneur -
- Fils de Jean Charles, maître fabriquant et soyeux (négociant de soieries), et de Antoinette Rive , il a fait son apprentissage chez un relieur, un typographe et un coutelier.
- Dans sa jeunesse, il a travaillé pour son père à l'élaboration de motifs pour les textiles, avant d’hériter d'une fabrique.
- C’est là qu’il a mis au point le métier Jacquard vers 1800. Joseph Marie Jacquard s'est inspiré de plusieurs autres inventions, les aiguilles de Bouchon, les cartes de Falcon et du cylindre de Vaucanson. Joseph Marie Jacquard est inhumé au cimetière d'Oullins.
Cet appareil automatisé, capable d’effectuer les tâches les plus ingrates, allait révolutionner la profession.
En 1812, on dénombrait près de 11.000 métiers Jacquard sur le territoire français.
Il y en avait 20.000 à la fin du XIXe siècle.
En parler lyonnais, le métier Jacquard est parfois appelé bistanclaque. (Ce surnom est une onomatopée décrivant le bruit que produit la machine en fonctionnant).
Conseil des Prud’hommes
Le premier conseil des Prud’hommes a été créé à Lyon en 1806 et concernait au départ uniquement l’industrie de la soie.
Journal ouvrier
C’est le 23 octobre 1831 que paraît l’annonce de la création du premier journal ouvrier à l’initiative des Canuts. l’Echo de la Fabrique
La révolte des Canuts
- Le 21 novembre 1831 : début de la révolte des canuts
- Le 22 novembre 1831 : c’est tout le peuple de Lyon qui se révolte
- Le 23 novembre 1831 : le peuple de Lyon maître de la ville depuis 3h du matin
- Le 9 avril 1834 : début de la 2e révolte des canuts... et de la semaine sanglante
Le Chant des Canuts
Chanson à la gloire des canuts (ouvriers tisserands lyonnais) dont les révoltes de 1831 et 1834 ont été réprimées dans le sang.
Leur devise était "Vivre libre en travaillant ou mourir en combattant !".
- Le Chant des Canuts
Pour chanter "Veni Creator"
Il faut avoir chasuble d'or.
Il faut avoir chasuble d'or.
Nous en tissons
Pour vous, gens de l'église,
Mais nous pauvres canuts,
N'avons point de chemises.
Nous sommes les Canuts
Nous allons tout nus.
La révolte des Canuts
Pour gouverner, il faut avoir
Manteau et ruban en sautoir.
Manteau et ruban en sautoir.
Nous en tissons
Pour vous, grands de la terre,
Mais nous pauvres canuts,
Sans draps on nous enterre.
Nous sommes les Canuts
Nous allons tout nus.
Mais notre règne arrivera
Quand votre règne finira.
Quand votre règne finira.
Nous tisserons
Le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la révolte qui gronde.
Nous sommes les Canuts
Nous n'irons plus nus.
Nous n'irons plus nus.
- Paroles : Aristide Bruant.
En photos
Plaques murales commémoratives des révoltes des canuts sur la façade du bâtiment de Mairie du 4e arrondissement de Lyon :
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Emplacements des deux plaques sur le mur de façade de la Mairie
C. PIEMINOT -
Insurrections des 21-23 novembre 1831 et 09-15 avril 1834
C. PIEMINOT -
Lutte pour la liberté du 25 février 1848 avec conquête de l'enceinte aménagée pour la surveillance de la ville
C. PIEMINOT
Bibliographie
- Histoire des insurrections de Lyon en 1831 et en 1834 : Par Jean-Baptiste Monfalcon
- Jacquard, ou l'ouvrier lyonnais - Laurent de Voivreuil -Ad. Mame, 1851 - 236 pages
Sources
- Registre de Lyon, Paroisse Saint-Nizier, n°1GG99, page 93 - Joseph Marie Jacquard baptisé le 8 Juillet 1752 et né d'avant hier.