L'industrie du Papier en France et en Europe

De Geneawiki
Aller à la navigation Aller à la recherche


Historique

Le papier a été inventé en Chine au IIᵉ siècle av. J.-C. par Ts’ai Lun, un fonctionnaire impérial. Ts’ai Lun fabriquait son papier en mélangeant de l’écorce de mûrier finement hachée et des chiffons de chanvre avec de l’eau, en écrasant le mélange à plat avec un mortier de pierre, puis en pressant l’eau et en la laissant sécher au soleil. Il a ensuite lentement voyagé vers l'ouest, notamment grâce aux routes commerciales comme la Route de la Soie.

En Europe, le papier arrive beaucoup plus tard.

Son introduction est liée à la conquête musulmane, après la bataille de Samarcande (751 après J.-C), les arabes ont appris l’art de fabriquer du papier et l'ont perfectionné. L'industrie prospéra à Bagdad (794) Le Caire (900), Fès (Maroc - 1100), jusqu'à atteindre la péninsule ibérique. Après cette conquête musulmane, les chrétiens vivaient sous domination islamique (appelés mozarabes). Le Missel mozarabe, une œuvre littéraire conservée au monastère de Santo Domingo de Silos, est considéré comme le premier échantillon de papier européen, datant de 1036.

Le plus ancien manuscrit européen sur papier, nous vient de Sicile un acte du roi Roger, écrit en arabe et en grec.

L'installation du premier moulin à papier d’Europe avec une trentaine d’ouvriers a eu lieu en 1174 dans la ville de Xativa en convertissant d'anciens moulins à olive.

En 1184 Le Maroc comptait plus de 400 moulins à papier.

Les artisans du papier propulsent la France au 1er rang des industries papetières. C'est la révocation de l'Edit de Nantes qui sonnera le glas de cette supériorité.

Au 13ᵉ siècle, le papier fait son apparition en France, particulièrement dans le sud. Les premières papeteries françaises sont installées dans le sud, notamment à Troyes, Angoulême et Ambert - Au début, le papier était réservé aux documents officiels, religieux et administratifs, car il était coûteux. - Il commence à concurrencer le parchemin (peau d’animal) au cours du Moyen Âge, surtout quand la demande pour des livres augmente avec le développement des universités.

En 1914, il y avait en France 354 usines dotées de 622 machines qui produisaient 675.000 tonnes de papier.

Les Moulins à papier

C'étaient des ateliers traditionnels où l’on fabriquait du papier à partir de fibres textiles (principalement des chiffons de lin, chanvre ou coton).

Les premiers moulins fonctionnaient grâce à une propulsion humaine et animale. Cette forme d'utilisation était connue des papetiers musulmans et chinois.

Viennent ensuite les moulins à eau. Certaines preuves d’un moulin à eau remontent au royaume espagnol d’Aragon, en 1282. Cette ancienne papeterie hydraulique était exploitée par des musulmans qui vivaient en maure. La fabrication se faisait manuellement,

On versait la pâte à papier dans des formes, sortes de caisses dont le fond était garni d'un grillage métallique. Suivant la quantité de pâte versée et selon sa densité, la feuille de papier sortait plus ou moins épaisse. À sa sortie de la forme, on la plaçait entre deux feutres. Par simple pression, on éliminait son excès d'eau. Elle présentait, à ce moment, une résistance qui permettait de la sécher à l'air. On pressait les feuilles sèches, empilées les unes sur les autres. Elles étaient alors livrées à plat au commerce en vue des travaux d'écriture ou d'impression.

Les moulins utilisaient la force de l'eau d’une rivière ou d’un ruisseau pour faire tourner des mécanismes, particulièrement :

  • des maillets en bois (appelés aussi piles à maillets) pour broyer les chiffons en pâte,
  • des roues hydrauliques pour entraîner ces machines.


Fonctionnement

  • 1. Tri et pourrissement des chiffons : les vieux chiffons sont nettoyés et laissés à pourrir un peu pour faciliter le broyage.
  • 2. Broyage : la force de l'eau fait bouger les maillets qui frappent les chiffons pour en faire une pâte fibreuse.
  • 3. Mise en forme : on plonge un tamis rectangulaire dans la pâte pour former une feuille.
  • 4. Pressage : les feuilles sont pressées pour enlever l'eau.
  • 5. Séchage : les feuilles sont mises à sécher dans de grands greniers bien aérés.

Les moulins à papier En Europe

En Allemagne

Première utilisation de papier en 1228. En 1455 Johannes Gutenberg créé la première presse à imprimer à Mayence

Papier fabriqué par Ulman Stromer d’Allemagne (Nuremberg), avec l’aide d'artisans italiens. Une gravure sur bois de ce moulin est donnée dans le Nuremberg de Schedel Chronique en 1493.

En Angleterre

Papier fabriqué pour la première fois en Angleterre par John Tate, dans le Hertfordshire en 1494. En 1588, John Spilman, un entrepreneur allemand, établit le premier moulin à papier à succès sur la rivière Darent à Dartford. Ce moulin produit du papier blanc de bonne qualité sur une base commerciale viable, marquant un tournant dans l'industrie papetière anglais.

Au 18ème siècle, l'Angleterre joue un rôle central dans la révolution industrielle de la papeterie. La machine continue conçue par Henry et Sealy Fourdrinier en 1803 permet une production rapide et massive de papier

En Espagne

Le premier moulin à papier se trouvait à Xàtiva (Jàtiva), son propriétaire s'appelait Abu Masaifa, il fut créé en 1150. La qualité du papier de Xàtiva a permis son exportation vers d'autres régions d'Espagne et d'Europe, notamment via des marchands juifs.

En Hollande

En Flandre, un papetier nommé Jean L’Espagnol mentionné à Huy, probablement le premier papetier dans cette localité. En 1428, première fabrication du papier.

En France

Aube

Le Moulin le Roy ou Moulin de la Papeterie à Troyes : à 1 700 m du déversoir de Saint-Julien. De tout temps, il est consacré à la fabrication du papier (le premier en France de ce genre), il a 3 roues, et sa hauteur de chute est de 1,30 m.

Le moulin de Notre-Dame à Troyes, il a été la propriété de l’abbaye de Notre-Dame-aux-Nonnains d'où son nom, en 1504 il était à la fois moulin à papier et moulin à farine.

Ardèche

Au 17ᵉ siècle, la famille Montgolfier acquièrent un moulin à papier à Annonay (Ardèche) dont ils assurent la prospérité grâce à une série d'innovations. La famille est anoblie en 1783, ce qui conféra à la manufacture le rang de manufacture royale, en 1784. Au 19ᵉ siècle, les innovations se poursuivent avec l'installation de la première machine à papier en continu.

Charente

Au début du 16ᵉ siècle, l'Angoumois a été le berceau d'une industrie papetière. D'après les documents d'archives, c'est en effet à 1516 que remonte le premier moulin à papier : celui de Negrémus, sur la Lizonne. Ce papier avait une réputation mondiale. En Angoumois, le nom d'Eaux-Claires, donné à l'un des petits affluents de la Charente, confirme que les eaux de la région offraient cette pureté et cette limpidité tant recherchées pour la fabrication du papier. Les moulins à papier se trouvaient installés sur les différents cours d'eau qui sillonnent la périphérie d'Angoulême, et qui s'appellent : la Boëme, l'Anguienne, les Eaux-Claires, le Charreau, la Touvre, la Lizonne, l'Antenne, l'Argence. On y faisait du papier à base de chiffon de coton. Les principaux papetiers sont :

  • Debouchaud et Cie, à Nersac,
  • Régnier, au Gond-Pontouvre,
  • Paul Triaud, à Bourisson,
  • Bricq, à Montbron,
  • Weiller et Cie, à Angoulême.

Hérault

Papeterie de Brissac

Fondée à la fin du 17ème siècle, la papeterie de Brissac est l’une des plus anciennes du Languedoc. Elle était liée à la propriété féodale comprenant le château, le parc et le moulin à papier. Le moulin a fabriqué du papier jusqu’en 1966. Il employait jusqu’à 50 ouvriers, hommes et femmes, pour produire notamment un papier épais d’emballage alimentaire dans ses dernières années.

Gard

Papeterie de Saint-Laurent-le-Minier

Fondée au 17ᵉ siècle, cette papeterie joua un rôle clé dans l’industrie papetière régionale.

Puy-de-Dôme

A Ambert (Auvergne) on trouve la Vallée des papetiers, plus de 300 moulins furent recensés au 16ᵉ siècle. On peut visiter le moulin Richard de Bas, un des derniers moulins à papier à l'ancienne.

Vosges

L’industrie papetière s’installe dans les Vosges dès le milieu du 15ᵉ siècle. En 1444, un moulin à papier est mentionné dans la région. En 1506, le duc Antoine accorde une terre à Uxegney pour y établir une papeterie. D’autres papeteries apparaissent rapidement autour d’Épinal, notamment à Docelles et Arches.

Moulin à papier d’Arches

Fondé en 1492, il devient célèbre pour ses papiers de haute qualité utilisés par des artistes et imprimeurs renommés. En 1775, Beaumarchais utilise le papier Arches pour imprimer l’œuvre intégrale de Voltaire. En 1830, Cette usine commence à fournir le papier de l’imagerie d’Épinal, renforçant son lien avec la ville.

Papeterie Lana à Docelles

Fondée en 1590, elle possédait déjà quatre moulins à papier à cette époque. Lana est réputée pour avoir créé environ 5000 types de papiers différents au fil des siècles et reste une référence dans l’industrie papetière.

Papeterie à Plainfaing

En 1829, la première papeterie mécanique est installée à Plainfaing, marquant un tournant vers la modernisation de l’industrie.

En Italie

"Un document en parchemin de 1264, conservé aujourd’hui à Matelica (MC), témoigne de la production de papier amalfitain à Fabriano, produit par calibrage à la gélatine animale et fabriqué à partir de fibres de coton".

Premier moulin établi à Bologne, en 1293

Papeterie Fabriano

"Pendant la révolution industrielle, Pietro Miliani rassemble sous son propre nom de nombreux artisans du papier Fabriano et fonde les papeteries Cartiere Pietro Miliani Fabriano. L’entreprise devient rapidement la plus importante du secteur". Cette fabrique a innové en créant le filigrane (signe transparent dans le papier) et en améliorant la qualité du papier.

En Pologne

Le premier moulin à papier polonais a été établi en 1491 à Prądnik Czerwony, aujourd'hui un quartier de Cracovie. Cela marque le début de la production locale de papier en Pologne

En 1546, il y avait trente-cinq papeteries en Pologne.

Le moulin à papier de Duszniki-Zdroj fut actif vers 1562, c'est l’un des plus anciens et des plus célèbres du pays. Reconstruit en 1605 après une inondation, il a connu son apogée aux 17ᵉ et 18ᵉ siècles. Aujourd'hui, il abrite le Musée de la Papeterie et est reconnu comme monument historique depuis 2011. Il produit encore du papier fait main selon des techniques anciennes.

En suisse

Le premier moulin à papier de Bâle fut établi en 1433 par Heinrich Halbysen, qui transforma un moulin à lin en moulin à papier pour répondre aux besoins croissants liés au Concile de Bâle (1431-1449). Ce dernier avait généré une forte demande en papier pour les documents officiels et religieux.

Avant 1500, la ville comptait déjà douze moulins à papier, devenant ainsi un centre majeur de production en Europe. Ces moulins étaient situés principalement dans le quartier de St. Alban-Tal, où le canal construit au 12ᵉ siècle facilitait leur fonctionnement. Les moulins ont produit du papier jusqu'en 1924 avant d'être transformés en musée.

Au 16ᵉ siècle, avec l’apparition de l'imprimerie, Bâle devient un centre européen majeur de l’édition et de l’imprimerie. La ville abritait des imprimeurs célèbres tels que Johannes Oporinus, et le papier fabriqué à Bâle était de très haute qualité et recherché.

Mécanisation

La pile hollandaise, également appelée cylindre hollandais, est une invention capitale pour l'industrie papetière, introduite au 17ème siècle (1673) par les Hollandais. Elle a révolutionné la fabrication du papier en améliorant l'efficacité du traitement des matières premières. Cet outil utilise un cylindre équipé de cannelures et de lames métalliques pour déchiqueter finement les chiffons. Contrairement aux maillets, la pile hollandaise permettait un broyage plus rapide et homogène des fibres, réduisant le temps et l'énergie nécessaires à la préparation de la pâte.

L'outillage national papetier a été transformé par l'invention, en 1799, de la machine en continu de Louis-Nicolas Robert qui a entraîné la disparition des petites machines avec leurs cuves. Cette machine, qui a été introduite en Charente de 1827 à 1839, est pourvue d'épurateurs à fentes très fines et de cylindres sécheurs.

Création de papier différent

C'est vers 1840 que la cigarette a fait son apparition, et ce n'est qu'en 1843 qu'elle figure pour la première fois sur la nomenclature des produits fabriqués par le monopole. Le développement de sa vente fut lent jusqu'à la guerre de 1914-1918, et devint, par contre, très rapide aussitôt après. En Charente, c'est l'usine du Petit-Montbron, aujourd'hui disparue, qui commença à fabriquer le papier à cigarettes sous toutes ses formes : bobines, rames, ramettes et cahiers. Elle fut suivie par celle de Cothiers.

Le papier sulfurisé a été fabriqué pour la première fois, en 1846, par Poumarède et Figuier. C'est en 1876 que M. Becoulet, le chef de la Maison Becoulet et Cie, exploitant les usines de l'Abbaye et des Beauvais, commune de la Couronne et du Marchais à Saint-Séverin installa en France la fabrication du papier sulfurisé.

Le papier couché, qui date de 1857 environ.

La famille Lacroix possédait une usine à Saint-Cybard, le gouvernement turc lui confia la fabrication du papier qui servait aux billets de banque. A la mêmeépoque, elle devint fournisseur de l'Etat français pour le papier des timbres-poste.

Sortes de papier

  • Papier d'écriture
  • Papier d'impression
  • Papier à cigarette
  • Papier sulfurisé
  • Papier couché
  • Papier ministre
  • Papier velin
  • Papier à lettres
  • Papier surglacés
  • Papier journal
  • Papier d'emballage
  • Papier à Billet de Banque
  • Papier à Timbre poste

Apprentissage

Dès l'apparition des premiers moulins à papier, leurs propriétaires se sont intéressés à l'apprentissage. Les maîtres s'obligeaient dans les contrats d'apprentissage à nourrir et à entretenir dans leur maison, comme un de leurs autres serviteurs, l'apprenti qui leur était confié pour une durée de trois ans. Pour être admis à l'apprentissage, il fallait être fils ou frère de papetier.

L'apprenti devenait coupeur de peille, puis compagnon. Il acquittait un droit de bienvenue, qui consistait en un repas offert aux ouvriers et auxquels prenaient part les maîtres, les parents et les amis.

Façonnage

Dans les ateliers de façonnage, l'apprentissage se fait très simplement :

Les enfants, garçons et filles, sont embauchés à titre d'apprentis lorsqu'ils ont atteint, au moins, l'âge de 13 ans. Ils sont employés d'abord à de menus travaux comme tireurs de feuilles aux lisses, aux machines à plier les enveloppes, à l'empaquetage des boîtes vides ou garnies, à leur conduite au magasin au moyen de paniers roulants. Ils s'habituent ainsi aux termes usités en papeterie, à toucher du papier, à savoir comment il convient de le manipuler sans le tacher, le froisser ni le casser.

Du jour de leur entrée à la Maison, ils reçoivent un salaire qui est fixé suivant leur âge et est susceptible d'augmentation suivant leurs aptitudes, leur application, leur conduite à l'occasion des examens semestriels que fait la Direction pour établir la situation des enfants dont le genre d'occupation n'est pas rémunéré par un tarif aux pièces.

Un peu plus tard, placés à côté d'un ouvrier ou d'une ouvrière, les jeunes apprentis l'aident dans les menus travaux

Termes

  • Patte (en Auvergne) : matière première en coton
  • 1O peillo (en Limousin et Poitou) : matière première en coton

Métiers

  • Coucheurs ou couchard : qui renversaient les feuilles sur un morceaux de drap ou de feutre
  • Drapelières ou Chiffonières ou Pattière : ramassaient des chiffons pour la fabrication du papier quelquefois dans les ordures des rues.
  • Gouverneurs : ceux qui délayaient la pâte dans l'eau chaude d'une cuve
  • Laveurs : qui détachaient les feuilles
  • Plongeurs : qui enfonçaient la pâte dans leur moule ou leur forme
  • Sallerans : qui trempaient la matière dans la colle pour en accroître la rigidité
  • Sallerane : femme qui étendait le papier


Généalogie

Jusqu'à la Révolution française, les papetiers pouvaient être regroupés en corporations. Il existe des rôles de maîtrises, des brevets d'apprentissage ou des livrets de compagnons.

Certains musées (comme à Angoulême ou à Annonay) possèdent des bases de données historiques.

Certaines anciennes papeteries ont laissé des traces (cartes, plans, registres du personnel).

Aux Archives départementales il est possible de trouver des documents sur les papeteries :

  • AD 16 : Collection 98 J 1 - Laroche-Joubert
  • AD 88 : Collection 300 J - Krantz, papetiers des Vosges 1774-1816

Bibliographie

  • Orientation économique et financière, L'industrie française du papier, supplément du 11 mai 1933
  • Henri Lacombe, L'École de papeterie d'Angoulême, Contribution à l'histoire de la papeterie en France
  • L'Industrie du papier à Angoulême et les industries qui s'y rattachent - Georges Demé, 1936 - Edition Delmas - Bordeaux

Liens internes



Cet article a été mis en avant pour sa qualité dans la rubrique "Article de la semaine" sur l’encyclopédie Geneawiki.