Jeanne d'Arc, sa famille, son épopée, ses traces dans l'Histoire

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Autour de Jehanne

ex.libris de l'auteur de la page.

Combien de livres, d'opuscules, de magazines, films et publications diverses a-t-on réalisés sur Jehanne d'Arc, Pucelle d'Orléans, qu'on appelait, selon ses dires, simplement Jehannette à Domrémy !
Personnage mythique s'il en est, et dont les habitants d'Orléans perpétuent toujours le souvenir, chaque 8 mai, presque six siècles après la délivrance de leur cité assiégée par les Anglais.
Bergère, fille du peuple, "putain des Armagnacs", chef de guerre, usurpatrice, aventurière, de sang royal, gynandroïde, martyre, relapse, sorcière et sainte... que de qualificatifs lui a-t-on attribués !

Jehanne 2016 à Orléans. Photo de l'auteur de la page.
La Jehanne 1958 à Orléans.Photo de l'auteur de la page.

Elle était un peu de tout cela, sans doute, à des degrés divers, et, selon les auteurs et les historiens, l'un ou l'autre de ces aspects a été exacerbé ou, au contraire, caché.
Quoiqu'il en soit, la Jehanne des manuels scolaires, qui n'en parlent plus beaucoup, ne correspond pas vraiment à la réalité. Les jeunes à l'heure actuelle ne la connaissent pas, bien qu'elle soit pourtant l'un des personnages clés de la reconquête du royaume de France sur l'Angleterre, un personnage historique tout à fait important, une femme qui s'inscrit dans les grandes pages de notre Histoire, mais aussi que certains veulent s'approprier à des fins qu'elle aurait probablement réfutées.
Mais aussi une personne bien humaine, que l'on peut tenter de cerner à travers documents et témoignages parvenus jusqu'à nous, une femme avec ses humeurs, ses désirs, ses défauts, ses aspirations et ses erreurs. Une femme que l'on pourrait qualifier de "moderne".
Elle n'en est que plus proche de nous !
Ce qui suit n'est point une œuvre d'historien "officiel" (parfois, les "amateurs" sont bien meilleurs !), mais dans ces pages s'esquissera peut-être un portrait de Jehanne, dans son époque et son environnement personnel et historique, sans doute de manière parfois un peu maladroite, mais toutefois en tentant de l'approcher au plus près.
À Dieu ne plaise que quelques-uns y trouvent une petite satisfaction.

Contexte historique

Avant d'aller plus loin, et de parler de Jehanne elle-même, il est nécessaire, en quelques dates, de faire une liste succincte de quelques dates et événements qui ont marqué l'époque, lorsqu'elle était petite fille jusqu'à sa mort "officielle" sur le bûcher de Rouen.
Entre 1420 et 1431.
Gouvernement : Charles VI, puis Charles VII, son fils (Valois).

Année Date Evénement
1420 21 mai Traité de Troyes
1421 22 mars Victoire à Baugé
id 10 juin Débarquement anglais
1422 2 mai Perte de Meaux
id 21 octobre Charles VII devient roi (mais pas encore couronné)
1423 janvier Prise de Melun
id 30 juillet Défaite à Cravant
id 26 septembre Victoire à La Gravelle
id novembre Prise de Compiègne
1424 17 août Défaite à Verneuil
id 28 septembre Siège du Mont-Saint-Michel
1425 2 août Perte du Mans
1426 6 mars Victoire des Anglais à Saint-James-de-Beuvron
1427 27 février Les Anglais à Pontorson
id 17 avril Échec au Mont-Saint-Michel
id mai Les Anglais à Vendôme
id 5 septembre Victoire de Montargis
1428 12 octobre Les Anglais à Orléans
1429 12 février Journée des Harengs
id 25 février Jehanne à Chinon
id 8 mai Jehanne délivre Orléans
id 18 juin Victoire à Patay
id 17 juillet Sacre de Charles VII à Reims
id 8 septembre Échec de Jehanne à Paris puis à La Charité-sur-Loire
1430 24 mai Échec à Compiègne et emprisonnement de Jehanne
1431 30 mai Mort de Jehanne sur le bûcher à Rouen

(Contexte, un guide chrono-thématique, Thierry Sabot, Histoire-Généalogie - 2007 - ISBN 978-2-9505325-0-3)

Les événements que Jehanne a dû connaître :
- 1419 : Jehanne a dû voir (ou du moins connaître) la bataille qui eut lieu à Maxey, face au village de Domrémy. L'allemand Robert de Saarbruck, dit le damoiseau de Commercy livra bataille aux frères Didier et Durant, pour des raisons obscures (c'étaient tous des pillards !).
La femme de Thiesselin de Vitel, une des marraines de Jehanne, eut son mari, écuyer, fait prisonnier par ce Robert. Il fut libéré, avec 34 autres, contre bonne rançon. Cette année-là, les Anglais prirent Rouen.
- 1420 : Baudricourt, Armagnac (dont pour le Dauphin), capitaine de Vaucouleurs, a capturé et rançonné les ambassadeurs qu'envoyait à l'évêque de Verdun le duc de Bourgogne. Aussi, la châtellenie est-elle ravagée par des bandes d'Anglais et Bourguignons.
- 1423 : Le Dauphin fait appel à la noblesse de tout le pays, après l'écrasement de ses armées à Cravant. Cette défaite fut connue dans le pays de Jehanne par les soldats de Étienne de Vignolles, dit La Hire, venu dans le Barrois réclamer au Cardinal-duc le paiement d'une créance un peu trop négligée à son goût. La Hire, comme Duguesclin, est un homme d'audace et de bravoure, mais aussi de surprise, de feinte, de stratagème.
Mengette, grande amie de Jehanne, et "sa cousine" (fille de Jehan de Vouthon, frère d'Isabelle "Romée", "mère" de Jehanne) est mariée depuis deux ans à Collot Turlant. La Hire, terrible soldat de Gascogne qui guerroye pour le Dauphin, est donc venu régler ses comptes avec le duc de Lorraine, dans le Barrois, à coups d'épée. Il se retranche à Sermaize, dont l'église est fortifiée, pressé par le gouverneur du Barrois qui l'y tient assiégé avec de l'artillerie et un corps de 200 chevaux. Le pauvre Collot Turlant, atteint par un coup de bombarde, tiré par les Lorrains, y meurt.
Jacques d'Arc, à Domrémy, est le doyen de la communauté. Le recouvrement des impôts, le soin de la police et du guet, chef des archers, la garde des prisonniers, et l'application des ordonnances l'informent de beaucoup de choses qui restent secrètes au plus grand nombre. "Jehannette" doit voir, écouter, observer...
Jacques d'Arc a reçu la visite des émissaires du damoiseau de Commercy, qui offre alors de protéger le village, et il demande 220 écus d'or par année, que Jacques doit collecter et verser avant la "Saint-Martin d'hiver", sinon : otages, pillage... feu au village.
Pendant ce temps, le Dauphin négocie des engagements de mercenaires avec l'Italie, et aussi l'Écosse et l'Espagne. On citait même des chiffres : 1.500 Italiens, autant d'Espagnols, 5.000 Écossais, et le "royaume de Bourges" fournirait bien encore 5 ou 6.000 Français.

Mise au point rapide sur le Moyen-Âge

Quelques mots sur ces serfs, ces paysans et ces seigneurs que l'on va rencontrer au fil des pages, pour connaître un peu plus leurs statuts.
Passages tirés de l'intéressant livre de Jean Sévillia : "Historiquement correct"

... des pouvoirs locaux s'affirment. Maintenant une cohésion politique minimale, ils exercent l'autorité, battent monnaie, rendent la justice.
Chefs de bandes ou maîtres de domaines, des hommes expérimentés s'imposent sur un territoire donné. Sur leurs fiefs (mot dérivé du germanique ou du celtique "feodum", qui désigne le droit d'usage d'une terre), ces anciens (en latin "seniores") deviennent des "seigneurs".
... le système féodal n'a rien à voir avec l'exploitation du sol. D'ailleurs toutes ces terres ne sont pas des fiefs. Dans le cas du domaine rural appelé seigneurie, le seigneur ne désigne pas celui à qui le vassal est lié mais le maître du domaine. Le langage contemporain tend à classer dans la même catégorie vassaux, paysans et serfs. Or les nobles sont eux-mêmes des vassaux. Et si beaucoup de paysans sont des serfs, d'autres locataires de leurs terres, sont tenanciers libres, et d'autres encore propriétaires. Hors du domaine royal, patrimoine du monarque, la terre, au Moyen Âge, peut donc être possédée par des nobles, par des communautés monastiques, par des citadins (habitants les villes et les bourgs, ils sont, au sens propre, des bourgeois) ou par des paysans.
... On voit des laboureurs plus fortunés que les petits nobles ruinés par la guerre.
... Les corvées, auxquelles les manuels de jadis faisaient une réputation effrayante, se bornent à 1 ou 2 jours de travail par an, 6 au maximum. Ces services, dus au seigneur par les tenanciers et dépendants, libres et non libres, consistent à entretenir les ponts et les routes, ou à curer les fossés, tâches relevant aujourd'hui des communes.
... Un serf n'est certes pas un homme libre. Il n'est pas non plus un esclave. Le droit romain reconnaissant le droit de vie et de mort : rien de tel n'existe au Moyen Âge.
... Si le serf est tenu de rester sur le domaine et de le cultiver, s'il peut être vendu avec les terres, il ne peut en être expulsé et reçoit sa part de moisson. Il est libre de se marier (contrairement à l'esclave antique) et de transmettre sa terre et ses biens à ses enfants.

(Historiquement correct - Pour en finir avec le passé unique, J. Sévillia, Perrin, 2003, p.26,28 et 29.)

Jehanne, la Sainte

Jehanne la sainte

- Née à Domrémy le 6 ou le 12 janvier 1412 (version officielle, mais peut-être née en 1407).
- Morte brûlée vive à Rouen, place du Vieux-Marché le mercredi 30 mai 1431 (mais il existe une thèse de "substitution" éventuelle).
- Réhabilitée par l'Église le 7 juillet 1456.
- Déclarée vénérable le 19 novembre 1903 par saint Pie X.
- Béatifiée le 18 avril 1909 par ce même pontife.
- Canonisée le 9 mai 1920 par Benoît V.
Elle est l'une des "patronnes" secondaires de la France, où sa fête est fixée au premier dimanche après le 8 mai (le 30 mai pour le reste du monde).
Sa devise : Notre sire (Dieu) premier servi".
Les Orléanais perpétuent chaque année son souvenir par de grandes fêtes et manifestations "Johanniques", et une jeune fille, choisie par la municipalité, représente Jehanne durant toutes les festivités.


Jehanne dite la Pucelle

Jehanne la Pucelle.

Jehanne d'Arc (1412 – 1431), surnommée la Pucelle d’Orléans, est une figure emblématique de l'histoire de France. Fille de Jacques d'Arc et de Isabelle de Vouthon, dite "Romée". Jeanne n'est pas l'unique enfant du couple d'Arc, cette famille est composée de cinq enfants. Jeanne est née à Domrémy au bord de la Meuse, village français du bailliage de Chaumont, pendant la guerre de Cent Ans qui oppose la France à l’Angleterre. Elle est très pieuse, et aime se rendre à l’église de Bermont, près de Greux, pour prier. Elle y entend " des voix lui confier la tâche de sauver le royaume et de bouter les Anglais hors du royaume ". Elle contribue à mener les troupes françaises contre l’envahisseur anglais mais elle est capturée et mise au bûcher après un procès en hérésie. Ses réponses lors de son procès, révèlent une jeune femme dotée de courage, franche et dotée d'un vif esprit de répartie, qui explique comment elle a su galvaniser les troupes.

La "nationalité" de Jehanne

Lorraine, barroise ou champenoise ?
La réponse est simple : champenoise... et sans doute aucun !
En effet, la maison natale de Jehanne était à l'époque située dans la partie de Domrémy qui ne faisait qu'un avec Greux, et ressortissait du bailliage de Chaumont, donc du comté de Champagne. Au reste, les lettres-patentes de 1429 sont éloquentes.

Les armoiries de Jehanne

Les armoiries de Jehanne la Pucelle

Il est tout de même troublant que Charles VII ait octroyé à Jehanne un blason. Celle-ci ne l'a d'ailleurs jamais porté. Le brevet intervient entre la délivrance d'Orléans (8 mai 1429) et la campagne de Loire, et avant le sacre à Reims (juillet 1429).
Ces armoiries ont été données à Jehanne POUR ELLE SEULE.

Le deuxième jour de juin 1429, ledit seigneur roy, ayant connu les prouesses de Jehanne la Pucelle et les victoires en don de Dieu et de son Conseil donna, étant en la ville de Chinon, des armoiries à ladite Jehanne pour décorer son étendard et elle-même, du modèle qui s'ensuit, donnant au duc d'Alençon et à ladite Jehanne la charge du siège de Jargeau

Et sous le texte figure le blason :

D'azur à deux fleurs de lys d'or accompagnées d'une épée d'argent à la garde d'or ornée de cinq fleurs de lys férue dans une couronne royale du même.

(Arch. Bibl. Nat. - Cabinet des manuscrits - n°5.524.)
C'est très "parlant"... Ce sont des vraies armes de chevalier, et même de prince !
L'épée, la couronne, et surtout les fleurs de lys, que l'on accordait que rarement, et pas à tout le monde. De plus, dans ce texte, Jehanne est promue vrai chef de guerre : on lui donne, avec le duc d'Alençon, la responsabilité du siège et de la délivrance de la ville de Jargeau !
Le nom d'ARC, qu'elle n'a jamais porté, n'est pas indiqué.. et pourtant cela aurait été le moment de le citer.
Cette famille n'est pas du tout concernée par ces armoiries, qui sont concédées et réservées pour Jehanne, et pour elle seule.
Etait-ce là le destin préparé pour une pauvre petite bergère ?

L'épée de Jehanne

L'épée de Jehanne.

Jean Chartier, dans "Journal du siège et Chronique de la Pucelle", mentionne l'épée et les circonstances de son acquisition par Jehanne d'Arc : le roi voulut lui donner une épée, elle demanda celle de Sainte-Catherine de Fierbois, "on lui demanda si elle l'avoit oncques veue, et elle dit que non". Un forgeron fut envoyé depuis Tours et découvrit l'épée parmi plusieurs ex-voto déposés là, apparemment dans un coffre derrière l'autel. (À partir de 1415 et de la bataille d'Azincourt, des hommes d'armes vinrent déposer tout ou partie de leur armement en remerciement de la protection de Sainte-Catherine). C'est parmi ces armes que fut prise l'épée demandée par Jehanne.
Jehanne brisa cette épée sur le dos d'une prostituée, à Saint-Denis selon le duc d'Alençon, vraisemblablement après la tentative manquée contre Paris. Il semble qu'elle ait pris l'habitude de frapper avec cette épée sur le dos des filles de joie qu'elle rencontrait, de tels incidents étant précédemment mentionnés à Auxerre par le chroniqueur Jean Chartier et par son page Louis de COUTES pour l'étape Château-Thierry. Charles VII se montra très mécontent du bris de l'épée. Celle-ci avait en effet pris des allures d'arme magique parmi les compagnons de Jehanne, et sa destruction passa pour un mauvais présage. On n'a aucun indice de ce qu'en sont devenus les morceaux.
(Olivier Bouzy, Jeanne d'Arc, Mythes et Réalités, Atelier de l'Archer, p. 73 et 74.)
Comment Jehanne avait-elle eu connaissance de cette épée déposée à Sainte-Catherine de Fierbois ?
Certaines sources indiquent qu'elle aurait appartenu à du Guesclin ou à Charles Martel.
Elle en eut plusieurs autres, parfois prises sur les ennemis.
Il ne faut pas confondre l'épée réelle et l'épée "virtuelle" qui se trouve décrite dans les armoiries. Dans le blason de Jehanne, l'épée est représentée avec cinq fleurs de lys alors que les textes concernant l'épée de Fierbois ne mentionnent que cinq croix.

La bannière de Jehanne

La bannière de Jehanne


Jehanne avait fait faire à Tours, par un nommé "POULVOIR" (Hamish POWER), sa bannière d'étoffe blanche, sur laquelle était brodée, en soie de couleur, l'image du Sauveur assis sur l'arc-en-ciel, au milieu des nuages : devant lui, des anges se tenaient agenouillés, surmontés des saints noms de Jésus et de Marie.
Si chère que lui fut son épée, disait-elle plus tard en son procès, elle aimait sa bannière "quarante fois plus encore", car sa bannière était, à ses yeux, le symbole de la protection divine, et son épée lui était moins utile, puisque jamais elle ne versera le sang d'un ennemi. (1)
Avant le départ pour Orléans, alors qu'elle était à Blois, accompagnée du chancelier de France Regnault de CHARTRES, archevêque de Reims, de Raoul de GAUCOURT, gouverneur d'Orléans, de Jehan de METZ et de Bertrand de POULENGY, qui l'avaient amenée de Vaucouleurs, de Jehan et de Pierre d'ARC, ses frères, et de sa petite "maison" militaire, elle fit bénir sa bannière.
Par sa mâle beauté, sa noble attitude, sa gracieuse aisance à manier son cheval et à porter son armure de fer, elle charmait tous les regards.
mais

Chevaulchant - dit une chronique du temps - elle portait aussi gentilement son harnois que si elle n'eust facit aultre chose tout le temps de sa vie, dont plusieurs s'émerveilloient, mais bien davantage les docteurs, capitaines de guerre et aultres, des responses qu'elle faisoit, tant de choses du ciel que de la guerre... (2)

(1)- Quicherat, Procès de condamnation, t.1er p.78 et 300. - . Procès de réhabilitation - Déposition de frère Seguin, t.III, p.205 - Johanna interrogata quare ferebat vexillum, respondit quod nolebat uti ense suo, nec volebat quemquam interficere...
(2)- Chronique de la Pucelle, publiée par M. Vallet de Viriville, chap. 42, p.278.

La maison militaire de Jehanne

Comme un chevalier, Jehanne avait sa « maison » militaire, qui la suivait en permanence partout où ses déplacements et ses combats la menaient.
Voici la composition de la maison militaire de Jehanne donnée par Charles VII  :

- De deux pages, Louis de COUTES, dit Minguet et un nommé Raymond.
(Déposition de L. de Coutes -Quicherat, III, p.66).
- D'un maître d'hôtel chargé spécialement de veiller à sa personne, Jehan d'AULON, brave chevalier, renommé entre tous pour sa sagesse et sa prud'hommie.
(Dépositions de Dunois et de d'Aulon – Quicherat, III, p.15 et 210).
- D'un chapelain, frère PASQUEREL, moine augustin, qui lui avait été présenté par Pierre et Jehan, ses frères, à Tours, et qui ne la quittera plus jusqu'à la fatale journée de Compiégne. Ce moine avait rencontré Isabelle « Romée » au Puy-en-Velay cette année-là.
- De Jehan de METZ et de Bertrand de POULENGY, qui l'avaient amenée de Vaucouleurs.
- De deux hérauts ou messagers, nommés GUIENNE et d'AMBLEVILLE.
( Quicherat, t.III, p.26 et 107).
- De ses deux frères, Jehan et Pierre d'ARC, qui n'avaient pas tardé à la rejoindre et l'accompagnèrent pendant toute la durée de sa mission.
- D'un clerc, nommé Mathelin RAOUL, qui paraît de plus avoir été, sous le nom de clerc de la Pucelle, attaché à la suite de Jehanne, pour subvenir à ses dépenses (une sorte de secrétaire).
(13e compte d'Hémon Raguier – Quicherat, t.V, p.265 et 267).

Soit 11 personnes.

La stratégie de Jehanne

Stratégie : Art de conduire la manoeuvre en vue de la bataille. Vision claire du but à atteindre, esprit de décision, appréciation des moyens à mettre en oeuvre, énergie et rapidité dans l'exécution, choses qui sont à la portée d'un esprit clair et d'une volonté ferme, surtout à une époque où les moyens sont limités et leur déplacement des plus simples.
Tactique : Art de conduire la bataille elle-même. Affaire d'hommes de métier et d'expérience.
Du point de vue stratégique, on peut diviser en trois périodes les opérations militaires menées par Jehanne du 22 avril 1429, date du départ de Blois (1), au 23 mai 1430, date de la sortie sous les murs de Compiègne :

1°- Une période durant laquelle Jehanne est vraiment stratège, et s'arroge même les prérogatives du chef politique, puisqu'elle fixe elle-même les buts de la campagne et conduit ensuite celle-ci. C'est la période qui s'étend du 22 avril (1429) au 22 juillet (1429) date du sacre à Reims.
2°- Une période pendant laquelle elle conduit des opérations qui ne sont pas celles qu'elle voudrait. C'est la période qui va du 23 juillet (1429) au 12 septembre (1429), date où elle dépose ses armes en ex-voto à Saint-Denis.
3°- Une période pendant laquelle Jehanne ne peut plus faire de stratégie et devient chef de bande.

1ère période :
Jehanne a un objectif précis qu'elle proclame dès l'ouverture de Chinon : faire lever le siège d'Orléans et conduire le roi à Reims pour y recevoir le sacre. Manoeuvre en deux temps :

A- Premier temps exécuté en moins de deux mois, du 22 avril au 18 juin, ce qui pour l'époque est fulgurant. Du 11 juin au 18 juin, trois places prises et une victoire en rase campagne.
B- Après Patay, Charles VII croit possible la marche sur Reims. Jehanne change de tactique et entreprend une « campagne de pacification », faisant alors se soumettre les villes. Après le sacre, la phase est terminée, et Jehanne indique la voie pour exploiter les succès

2e période :
Mais le Roi et sa cour sont déjà las de cette guerre, et veulent reprendre les interminables négociations avec les Bourguignons et les Anglais.
Du 23 juillet au 26 août le tracé des marches des armées du Roi est soumis à deux forces : la volonté de Jehanne qui tire vers Paris, le désir du Roi qui va vers la Loire (on songe à reprendre la bonne vie à Bourges).
On échoue devant Paris. L'armée est licenciée.
Jehanne gagne à Saint-Pierre-le-Moutier, mais échoue à La Charité-sur-Loire. Depuis Reims, Jehanne n'est plus aidée.
3e période :
Jehanne se bat donc pour son compte; elle se fait chef de bande et renonce à toute stratégie.
Elle va là où on l'appelle au secours, sans plan établi à l'avance : Melun, Lagny, Compiègne.
À Compiègne, le duc de Bourgogne voulait la ville, et demande le secours de Jehanne. Dans l'action engagée, on sent l'hésitation, on agit suivant les circonstances sans vue d'ensemble, peut-être même sans autre but que d'aider « les bons amis de Compiègne ».
Jehanne n'était pas tacticienne, mais fut un bon stratège. La politique de Charles VII tendait à ne plus recourir à la guerre; il n'était donc plus possible de faire de la bonne stratégie, sauf dans la période qui va de l'entrée à Orléans au sacre de Reims.
Charles VII entama une phase diplomatique.
Mais la force morale de Jehanne était extraordinaire; elle a changé l'âme de l'armée, celle des habitants des cités, peut-être celle de la France entière.
L'exemple de son énergie, de sa volonté, de son enthousiasme a rendu confiance à ceux qui croyaient que tout était perdu.
C'est là son véritable message.
Extrait et résumé de : La stratégie de Jeanne, par le général André Pigeot, Député du Sahara. - Bull. trim. de la S.A.H.O., nouvelle série, tome 1, n°1, 1er trimestre 1959.

Le physique de Jehanne

Un dessin représentant Jehanne

Notes extraites de L'Histoire de Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans, par M. Lebrun des Charmettes.
On a plusieurs raisons de croire que Jeanne d'Arc était d'une taille élevée. Elle était très forte, mais parfaitement faite, et avait les membres très bien proportionnés. Sa taille était même extrêmement fine, son sein paraissait fort beau : en un mot elle était jeune fille belle et bien formée.
Guillaume GUASCHE rapportait qu'elle avait les cheveux noirs (Philippe de Bergame, de Claris Mulieribus, cap. CLVII), ce qui ne s'accorde pas tout à fait avec la teinte que présentent les portraits que nous possédons de la Pucelle.
Voici le défait de ses traits d'après l'un de ces tableaux :
Jeanne d'Arc avait le front moyen, les yeux grands fendus en amande; les prunelles de cette couleur indécise entre le vert et le brun, qui est particulier aux brunes claires; le regard mélancolique et d'une douceur inexprimable; ses sourcils finement dessinés ne s'étendaient ni en arc parfait, ni en ligne trop horizontale; une légère inflexion se faisait sentir au milieu, et leur donnait un caractère infiniment touchant; son nez était droit et bien fait, un peu mince et d'une juste longueur; sa bouche était extrêmement petite, ses lèvres fines et vermeilles; le creux formé entre le menton et la lèvre inférieure était fortement marqué; le menton était fort petit, et peut-être un peu trop pointu.
Elle avait, au reste, le tout du visage beau, le teint uni, et d'une extrême blancheur. Ses cheveux, d'un beau châtain, et dont elle avait une grande quantité, étaient rejetés en arrière au-dessus de ses tempes, tombaient avec grâce autour d'un cou blanc et bien proportionné, et ne dépassaient pas ses épaules; ils étaient, à peu de chose près, coupés à la manière des guerriers du temps.
La candeur, l'innocence virginale, une pureté angélique, quelque chose de rêveur, et une teinte de tristesse, formaient le caractère général de sa physionomie.
Dans le même tableau, ses mains sont bien faites, quoique les formes en soient plutôt nerveuses qu'arrondies; ses doigts paraissent longs et effilés.
Elle avait la voix douce et la parole insinuante. Un gentilhomme de son pays assure en outre qu'elle s'exprimait très bien (multium bene loquebatur). On remarquait en elle un si grand sens et tant de circonspection, qu'on eût dit qu'elle avait été élevée dans une cour bien réglée, où eussent régné la sagesse et la prudence.
Elle montait à cheval, et portait une lance avec autant d'adresse et de grâce qu'aurait pu faire le meilleur chevalier.
Enfin une particularité très remarquable semblait, en achevant de l'élever au-dessus de l'ordre commun, rendre manifestes les desseins de Dieu à son égard. Femme par la douceur, la pudeur et la modestie, mais exempte de la plupart des faiblesses attachées à son sexe, elle n'était point non plus assujettie à ce tribut régulier et incommode qui, plus que les lois et les usages, interdit en général aux femmes les fonctions que les hommes se sont attribuées.

(Lebrun des Charmettes, sous-préfet de Saint-Calais, l'Histoire de Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans, tome 1er p.370, Paris, 1817.)

On peut s'imaginer Jehanne

Une représentation de Jehanne

En février 1429, quand elle quitte Vaucouleurs, elle adopte une coiffure "à la soldade", tonsure hideuse qui rase entièrement la nuque, les tempes et le derrière de la tête, suivant une circonférence au-dessus des oreilles, ne laissant de cheveux qu'une sébile à l'envers posée comme une calotte poilue sur le sommet d'un crâne nu.
Elle ressemblait à un jeune garçon, un petit valet d'armes, bien incapable d'inspirer des pensées malhonnêtes aux rudes porteurs d'épée de son siècle. Cette tonsure était par ailleurs nécessaire, l'usage du casque appelé "salade" avec le hausse - col de maille - n'étant pas compatible avec les cheveux longs.
Puis, un costume simple mais pratique :

Un chaperon de laine noire dont le guleron ne portait pas d'ornement; la barbute pouvait se retourner pour former bonnet, la cornette fort longue se tortiller en turban.
Son linge intime était d'homme : chemise masculine sans col ni manches, petites braies de dessous, pas plus grands que nos petits caleçons de bain.
Par-dessus, des chausses noires d'homme, jointées et attachées au gippon ou pourpoint, également noir, par des aiguillettes noires : au lieu des 10 aiguillettes habituelles, Jeanne en exigea 20.
Recouvrant le costume, une robe à chevaucher d'homme en gros drap noir, sans col, fendue devant et derrière, et ne dépassant pas le genou.
Elle se chaussa de houseaux à plis, bouclés par deux agrafes, pourvus d'éperons recourbés à molettes à 8 rais, entièrement de fer poli.
Baudricourt lui donna une épée convenable pour elle, légère et courte, de 3 pieds environ pour la lame, avec une garde à quillons recourbés, une fusée mince allant à sa petite main, suspendue au ceinturon par deux bélières.

Elle part vêtue ainsi, pour son périple vers le roi, accompagnée de son escorte : Jean de Poulengy et son valet Julien, Jean de Metz et son valet Jean de Honnecourt, Colet de Vienne, l'envoyé du roi, et son archer Richard.

Le lundi 6 juin 1429, Jehanne part pour Romorantin, en avant-garde, avec Boussac, de Sainte-Sévère, et un grand nombre d'hommes d'armes :

Elle monte à cheval, armée tout en blanc (*) (une armure d'acier), sauf la tête, une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir qui, à l'huis de son logis, se démenait très fort et ne souffrait qu'elle montât. Son frère, Jean d'Arc, était avec elle (il était depuis 8 jours à Selles).

En avril 1429, le roi Charles VII avait fait faire une armure, exprès pour Jehanne. Cette armure était composée d'un casque en fer poli, ayant la forme d'un oeuf, sans panache, mais ciselé, d'une cuirasse à sa taille, aussi ciselée, de brassards à écailles, d'une cotte d'armes sous laquelle était un petit jupon d'étoffe un peu plus long et découpé par le bas; ses souliers étaient très pointus, longs et rayés comme ceux des grands de la Cour.
Pour les "vêtements d'armes" qu'elle porterait sous le fer, Jeanne était bien femme pour toutes ces choses d'habillement, et s'intéressa vivement aux "adoubements" qu'elle dût endosser :
Un "brayer" en peau de cerf, un "gippon" ou pourpoint d'armes, des chausses de toile rembourrées dites aussi "pourpoinctées" et des souliers de cuir.
Le gippon était composé de trois parties : le corset qui couvrait le torse jusqu'à la taille, la "braconnière" qui couvrait le bas du torse et le haut des cuisses, enfin les manches; le corset ayant trois épaisseurs de toile, le reste deux seulement comme les chausses.
Le gippon se laçait dans le dos et se terminait vers le haut par un col roidi par du bougran sur lequel se fixait le hausse, col de maille destiné à protéger le cou; deux courroies de cuir à bouclettes et passants le fermaient.
Des tissus de mailles métalliques étaient cousus à la demande sur la toile du gippon et des chausses, partout où les articulations du corps interdisaient les pièces rigides : au gousset droit sous l'aisselle, aux saignées du bras, aux jarrets; et aussi à la partie interne des cuisses qui devait épouser la voussure du cheval.
Un petit jupon de ces mêmes mailles prolongeait la braconnière, très court; il ne dépassait pas la paume de la main lorsque le bras tombait verticalement le long du corps.
Jeanne dût choisir parmi les types d'armures qui se faisaient alors, car il y avait des coutumes, des goûts, des modes comme pour les vêtements : à l'anglaise, à l'allemande, à l'italienne, et ces modes allaient aux détails; à la milanaise, à la génoise...
nb : Hémon Raguier, trésorier des guerres de Charles VII, paya pour le compte de celui-ci la somme de cent livres à un armurier de Tours contre livraison d'un harnois blanc de guerre. Ce terme ne signifie pas que l'armure fut blanche comme on le lit communément, mais qu'elle était d'acier poli et uni, sans ciselures d'armoiries, d'emblèmes ou d'autres ornements. Elle comprenait une cuirasse, un harnais de bras, un harnais de jambe, un habillement de tête.

Le 24 mai 1430, Jehanne, vers 18 heures, est prise à Compiègne. Faite prisonnière par un archer du bâtard de Vandomme, du parti bourguignon, elle est remise à Jean de Luxembourg. Elle passe ses premières heures de captivité au château de Margny. Dès le lendemain, elle est conduite à Clairvoix, puis au château de Beaulieu-en-Vermandois, d'où elle tente de s'évader.
Au début de juillet 1430, elle est transférée au château de Beaurevoir, redoutable forteresse d'où elle ne pouvait s'échapper, mais où elle fut bien traitée par la femme et la tante de Jean de Luxembourg.Celui-ci, voulant la détenir dans un endroit encore plus sûr, la fit transporter à Arras dans les prisons de Cour-le-Comte, château situé au centre de la ville. Elle y sera maintenue du 29 septembre au 15 novembre 1430, jusqu'à la remise de sa rançon à Jean de Luxembourg qui l'avait vendue aux Anglais.
Là, parmi ceux qui y vinrent voir la Pucelle, il est fait mention d'un peintre écossais qui lui montra un portrait qu'il avait fait d'elle  :

Elle vit à Arras une peinture en la main d'un Escot, et y avoit la semblance d'elle toute armée, et présentoit unes lectres à son Roy, et estoict agenouillée d'un genoul... oncques ne vit ou fist faire aultre ymaige ou paincture à la semblance d'elle.

On ignore quel fut le sort de ce portrait, seule effigie de Jeanne prise sur le vif.

(En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, M. Françoise Richaud et Paule Imbrecq, Plon, 1956.)

Une autre description de Jehanne :
Cette jeune fille est d'une élégance parfaite.
Elle revendique pour elle un comportement viril, parle peu, témoigne d'une extraordinaire prudence dans ses paroles comme dans ses expressions.
À la ressemblance de sa personne, elle possède une douce voix de femme, mange peu, boit du vin plus sobrement encore.
Elle se complaît dans l'éclat des chevaux et des armes, estime grandement les hommes d'armes et les nobles.
Elle a en horreur la fréquentation et les colloques de nombre de gens, laisse couler ses larmes en abondance, montre un visage enjoué et atteste dans le port autant que dans le maniement des armes tant de résistance et de force qu'elle peut rester armée six jours durant, de jour et de nuit, entièrement et sans répit.

(Lettre de Boulainvilliers, E. Schneider - Ecrivain catholique - Jeanne d'Arc et ses lys, Grasset, 1952.)

Jehanne en Lorraine avant son départ vers le roi

La basilique de Domrémy.

Le Bois-Chenu qui avait connu ses jeux d'enfants, où, en ronde, avec ses amies Mangette et Hauviette, elle chantait autour du bel arbre des Fées (1), allait voir le ravissement de Jeannette, lorsque, chassant la légende profane, sainte Catherine et sainte Marguerite, radieuses figures célestes, lui redirent la détresse de la France et l'appel divin. Chaque semaine, Jeannette allait à Vouthon rendre visite aux parents d'Isabelle Romée qui en était originaire. Elle empruntait un sentier que l'on désigne encore sous le nom de "sentier des avisselots" (petits oiseaux).
Familiers de Jeannette, rapporte la tradition, ces compagnons ailés avaient accoutumé de lui faire une escorte gracieuse jusqu'à la sortie de la forêt se gardant bien des espaces découverts. "En route, avisselots !" leur disait-elle au retour et eux de l'accompagner jusqu'à Domrémy.

Presque tous les samedis, elle montait en pèlerinage à Notre-Dame-de-Bermont, au-delà de Greux. Chemin faisant, elle cueillait les fleurs qu'elle offrirait à Notre-Dame. L'horizon que l'on découvre en cheminant surprend par son étendue dans ce pays de faible altitude. Il retient, entre ses promontoires aux crêtes boisées et les pentes adoucies de la vallée, toute la petite enfance de Jeanne : à droite, le Bois-Chenu (que signale la flèche de la basilique élevée à sa mémoire); au pied, dans une dépression de terrain qui semble un creux de berceau, Domrémy et son clocher carré; dans le lointain, les hautes tours de Bourlémont gardent la route par laquelle s'enfuyait vers Neufchâteau tout le village alerté lorsque le danger grandissait. Et face au Bois-Chenu s'ouvre le chemin de Vaucouleurs que cache l'éperon de Burey-la-Côte. Là s'imposent à l'esprit toutes les angoisses que connut Jeanne avant son entière acceptation. "Vaucouleurs... Vaucouleurs..." lui répétaient ses Voix... L'aspect de son pays éclaire sa destinée...

Les bandes bourguignonnes apparaîtront dans la vallée de la Meuse, mettant en péril les habitants forcés de se réfugier à Neufchâteau, à deux lieues au sud de Domrémy. La châtellenie de Vaucouleurs est envahie... Vaucouleurs lui-même est assiégé, sa capitulation conditionnelle décidée.
A Neufchâteau, Jeanne logea chez Jean VALDAIRES, dont la femme était surnommée "la Rousse". Il est difficile de déterminer l'emplacement exact de la maison, car l'hôte de la famille d'Arc en possédait deux : l'une au 27 de la rue Ferry actuelle, l'autre rue Gohier.

Plaque sur le mure de l'hôtel de ville de Toul

Jeanne était à Neufchâteau lorsqu'elle fut appelée à comparaître devant l'Official, Henri de VILLE, à Toul, siège de l'évêché dont dépendait Domrémy. Elle y gagna son premier procès ecclésiastique : un prétendant à sa main, ayant faussement invoqué une promesse de fiançailles, fut confondu par elle et accusé d'imposture. Jeanne y fut reconnue "libre de tout lien." (2) De Neufchâteau, où elle a rejoint les siens, elle regagne Domrémy. Après avoir connu la fuite précipitée, elle connaît maintenant le retour au foyer pillé et dévasté.

En mai 1428, elle passe une huitaine de jours à Burey-le-Petit (aujourd'hui Burey-en-Vaux), chez Durand LAXART, qui avait épousé une nièce d'Isabelle Romée et qu'elle appelait son oncle, car il était de seize ans plus âgé qu'elle. Elle en fait son confident et, le premier, il croit en elle.
Sur sa demande, il la conduit au château de Vaucouleurs le 13 mai. Messire - dit-elle à Baudricourt, capitaine de la garnison - je viens de la part de mon Seigneur afin que vous mandiez au Dauphin de bien se tenir, de ne pas engager de bataille avec ses ennemis parce que mon Seigneur lui donnera secours après la mi-carême. Le royaume ne regarde pas le Dauphin, mais il regarde mon Seigneur. Cependant mon Seigneur veut que le Dauphin devienne roi et qu'il tienne ce royaume en commende. Il sera roi, malgré ses ennemis, et moi, je le conduirai à son sacre.

- Quel est ton Seigneur ? demande Baudricourt.
- C'est le Roi du Ciel.
- Cette fille déraisonne, dit-il à Durand Laxart. Ce que vous devez faire, c'est de la ramener chez elle avec de bons soufflets.

L'on voit encore à gauche de la porte de France la porte basse dite de Vaucouleurs ou de Neuville, par laquelle, à cette date, Jeanne sortit du château sous les huées. Elle rentre à Domrémy, contristée, mais sa confiance n'est pas ébranlée.

(1) "L'arbre des Fées" ou "Beau Mai" , qui fut brûlé au XVIIè siècle par les Suédois, a été remplacé en 1881, par le "Beau Mai" actuel planté à gauche de la basilique. Si l'on dépasse le Carmel, on aperçoit sur une crête boisée le château des seigneurs de Bourlémont, propriétaires du "Beau Mai"

(2) L'aile gauche de l'hôtel de ville porte une belle inscription relatant l'événement.

(Tiré de En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, par M.F. Richaud et P. Imbrecq, fondatrices de l'Association des Amis de Jeanne d'Arc - Lib. Plon - 1956.)
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L'épopée de Jehanne

La carrière de Jehanne

Jehanne a eu une carrière courte, mais d'une forte intensité.
La "carrière" de Jehanne dure à peine trois ans, du 13 mai 1428, date de sa première entrevue à Vaucouleurs avec Robert de Baudricourt, capitaine du roi, jusqu'au mercredi 30 mai 1431, date du supplice à Rouen.

- 13 mai 1428 : Première entrevue de Jehanne à Vaucouleurs avec Baudricourt.
- Juillet 1428 : La famille de Jehanne se réfugie à Neufchâteau et y reste environ 15 jours, fuyant une expédition militaire, dans la région, contre la forteresse de Vaucouleurs, dirigée par le maréchal bourguignon Antoine de Vergy. Ils séjournent chez une femme nommée "La Rousse", qui tenait une auberge. Jehanne lui donna un coup de main durant ce séjour.
- 4 mars 1429 : Jehanne arrive à Chinon chez le roi.
- 5 avril 1429 : Départ pour Tours.
- 8 mai 1429 : Délivrance d'Orléans et levée du siège tenu par les Anglais.
- 17 juillet 1429 : À Reims, sacre du roi Charles VII.
- Décembre 1429 : Anoblissement de Jehanne et sa famille.
- Mardi 23/05/1430 : Jehanne est capturée à Compiègne.
- 30 mai 1431 : Supplice sur la place du Vieux-Marché à Rouen.

L'histoire "officielle" s'arrête là !
En 22 mois, Jehanne la Pucelle a parcouru plus de 1.330 lieues (5.000 kilomètres), sur une superficie qui représente plus du quart de la France actuelle.
Elle a livré 27 combats.
Elle a remporté 23 victoires.
Reçu 3 blessures.
Un palmarès qui rejoint ceux des militaires les plus chevronnés !
De plus en plus d'auteurs, de nos jours, pensent reconnaître Jehanne la Pucelle dans le personnage de Jehanne des Armoises, et accréditer ainsi la thèse de sa survivance.

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Le départ de Vaucouleurs

Le départ de Vaucouleurs

Jacques d'Arc, le père de Jehanne, ne voyait pas d'un bon oeil le départ de sa fille. Il aurait dit à ses fils :

Si je croyais que la chose advint, que j'ai songé d'elle, je voudrais que vous la noyassiez; et si vous ne le faites, je la noierais moi-même.

Depuis mai 1428, Jehanne s'était présentée plusieurs fois chez Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, mais sans succès. Baudricourt la reçut mal, et conseilla à l'oncle de la ramener chez son père, bien souffletée. Mais la foi de Jehanne ne faiblissait pas. Revenue à Domrémy, elle reprit la vie paysanne, qui fut alertée en juillet 1428 par une attaque du gouverneur bourguignon de Champagne. Elle suivit ses parents réfugiés à Neufchâteau, chez La Rousse, où elle apprit à monter à cheval pour conduire les bêtes à l'abreuvoir.
L'hiver suivant, se succédaient les nouvelles des défaites militaires françaises, et d'Orléans assiégé. Jehanne, en dépit de ses parents, retourna chez Durand Lassois, pour six semaines, puis derechef à Vaucouleurs (février 1429). Une force intérieure la poussait : Puisque Dieu le commandait, il le convenait faire... Si elle eût eu cent pères et cent mères, si elle eût été fille de roi, ainsi serait-elle partie. Baudricourt restait incrédule; il la fit exorciser par le curé du lieu. Un gentilhomme, Jean de Nouvilonpont, la trouva, vêtue de gros vêtements rouges, dans la maison d'un charron, Henri Le Royer :
- Ma mie, que faites-vous là ? Faut-il que le roi soit chassé du royaume et que nous soyons Anglais ?
- Et Jehanne : Je suis venue ici à chambre de roi pour parler à Messire Robert de Baudricourt, afin qu'il veuille me mener ou faire mener au roi. Or, il n'a cure de moi ni de mes paroles. Toutefois, avant que soit la mi-carême, il faut que je sois vers le roi, dussé-je user mes pieds jusqu'aux genoux... Car faut que j'y aille et que je le fasse, car Notre-Seigneur veut qu'ainsi se fasse.
Peut-être Baudricourt consulta-t-il la cour de Chinon. Il envoya cependant Jehanne à Nancy où la réclamait Charles II, malade, pour la consulter, la prenant pour une devineresse. La jeune paysanne s'excusa sur la recouvrance de sa santé; mais voulant aller en France, elle le pria de lui bailler son gendre, René d'Anjou, compagnon d'enfance du dauphin. Le duc refusa, mais lui donna un cheval et l'indemnisa de son voyage. Au retour à Vaucouleurs, Baudricourt, mieux disposé, la laissa partir.
Mais ce sont les gens de Vaucouleurs qui lui procurèrent son équipement militaire : tunique, chausses attachées au pourpoint avec des aiguillettes, souliers hauts, robe courte jusqu'au genou, chaperon à bords festonnés, cheveux coupés courts à la façon des pages. Baudricourt lui donna une épée. Puis elle partit avec sa petite troupe.

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Le voyage vers le roi

Le 23 février 1429, Jehanne prit le chemin de France avec une petite escorte :
1- Jehan de NOVELONPONT, chevalier, officier de Baudricourt
2- Bertrand de POULENGY, également officier de Baudricourt
3- Jehan DIEULOUARD, écuyer du duc de Bar René d'Anjou
4- Julien, écuyer de Jehan Dieulouard
5- Pierre d'ARC, pseudo frère de Jehanne
6- Collet de VIENNE, chevaucheur du roi de France
7- Richard, archer écossais et écuyer de Collet de Vienne.
Voyage périlleux de cent trente lieues en des campagnes parcourues par des bandes de meurtriers et d'incendiaires. Baudricourt la recommanda à ses compagnons. A Jehanne, peu rassuré, il dit : Va, va, et advienne que pourra !. Mais elle ne craignait nul encombre, ayant son chemin tout plan pour aller à messire le dauphin. Évitant la grande route, la troupe chevauchant de nuit, gagna l'abbaye de Saint-Urbain-en-Champagne puis, franchissant l'Aube et la Seine, Auxerre où Jehanne ouït la messe dans la grande église... Alors, fréquemment elle entendait ses voix.
À Gien, où commençaient les domaines du dauphin, le danger subsistait d'être pris en embuscade et rançonné. Jehanne y échappa, traversa Berry et Touraine et, au début de mars, atteignit dans le Fierbois la chapelle, dédiée à sainte Catherine, où les soldats libérés de captivité se plaisaient à déposer armes et harnois. Y ayant entendu trois messes, elle fit porter un message à Chinon : elle devait dire au dauphin des choses qui lui seraient utiles et qu'elle seule connaissait.
À Chinon, elle logea dans une hôtellerie (6 mars), chez la veuve de Cougny, et sera reçue le soir même par le reine Yolande d'Aragon, puis par Marie d'Anjou, fille de Yolande, et épouse de Charles VII et donc future reine de France. Mais, contre son attente, ne fut reçue par le roi qu'au bout de deux jours.

Quant à son escorte, elle n'ira pas loger dans une auberge, mais sera hébergée par Gobert THIEBAUT, écuyer royal, pendant que 3 officiers iront faire leur rapport au roi qui les récompensera d'une bourse de 100 livres.
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Jehanne à Chinon

Château de Chinon

Du château où résidait Charles VII, il ne reste que des ruines, qui dominent la Vienne : quelques pans de mur le moins ancien (château St-Georges), la tour du Moulin (château du Coudray), et, dans le château du Milieu, la tour de l'Horloge et de Grand Logis. C'est dans ce dernier qu'il se tenait, triste héritier du roi fou de par la mort de quatre frères aînés, terrorisé par les succès anglais et par les sanglantes disputes de ses grands officiers. Les maîtres de la politique sont La Trémoille et Regnault de Chartres, chancelier, archevêque de Reims, qui ne montre nulle hâte à gagner son diocèse. Nulle confiance dans la guerre : pour eux, et pour nombre de bourgeois que la guerre a ruinés,le salut ne viendra que d'un gouvernement de conciliation auquel participeront tous les princes, le duc de Bourgogne au premier rang.
De Jehanne ils ne savent rien, malgré la lettre datée de Fierbois. Prévenu, Charles fait demander qui elle est et pourquoi elle vient. Sur sa réponse qu'elle vient pour délivrer Orléans et le faire sacrer lui-même à Reims, il lui donne audience un soir, aux flambeaux, en présence de trois cent chevaliers vêtus de velours et de drap d'or. Elle n'en fut point intimidée, rapporte un témoin, mais s'avança avec grande humilité et simplicité. S'adressant à Charles : Très noble dauphin, je suis venue de Dieu pour vous aider, vous et votre royaume. Elle lui raconta sa vie, la suite de ses visions, lui communiqua des choses si secrètes et si cachées que nul mortel en dehors de lui ne pouvait les savoir sauf par révélation divine.
Elle ajouta, répondant à une de ses pensées : Je te dis de la part de Messire (Dieu) que tu es le vrai héritier de France et fils de roi. Pasquerel, son chapelain, l'a raconté.
La tradition qui, tout de suite, a fleuri sa mission, veut qu'elle ait fourni au dauphin un signe manifeste et secret qui aurait forcé sa confiance, surmonté les répugnances des conseillers politiques à l'égard de la fille des champs. Elle aussi parle de ce signe : jamais, même devant les menaces de ses juges, elle n'en a dévoilé le mystère. Sans orgueil elle affirmait : Il plut à Dieu ainsi faire par une simple pucelle pour bouter hors les adversaires du roi.
Mais Charles redouta sans doute de se fier tout de go, devant son entourage de noblesse et d'Église, aux entreprises de qui pouvait être une chercheuse d'aventures, subtile inspirée du Malin. Il la logea honorablement dans la tour du Coudray, tandis que des moines franciscains s'en allaient à Domrémy mener enquête sur son enfance et sa famille.
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Jehanne à Poitiers

Jehanne amenée au roi

Il faut cependant que Jehanne gagne Poitiers, avec Nouvilompont et Poulengy, perdre du temps en tête à tête avec les théologiens et les légistes quand il s'agit de délivrer Orléans. Logée chez Jean Rabuteau, avocat général au Parlement (déplacé de Paris) pour les causes laïques, elle y reçoit la visite des docteurs dont elle s'amuse parfois à rabrouer le pédantisme. A maître Séguin, leur chef, délégué de l'archevêque de Reims, qui lui demandait avec son accent limousin quelle langue parlaient ses voix : Un meilleur langage que le vôtre, répond-t-elle.
Trois semaines durant ils l'interrogèrent, rédigèrent un procès-verbal qui ne nous est pas parvenu. Sur l'ordre du dauphin, une seconde enquête eut lieu, et Séguin, obstiné, réclama un signe, un miracle, qui prouvât qu'elle était de Dieu, non du Diable. Mais ces prétentions l'importunaient : Je ne suis pas venue à Poitiers pour faire signes. Conduisez-moi à Orléans et je vous fournirai la preuve de ma mission. Qu'on me donne des soldats en tel nombre qu'on voudra et je pars !.
Le 22 mars 1429, mardi semaine sainte, elle dicta, pour les chefs de l'armée anglaise, une lettre de quelques lignes qui les sommait de partir. Elle passait cependant de longues heures en prière dans la chapelle attenant à la maison de Rabuteau. Et les docteurs durent avouer qu'ils ne voyaient rien que de bien en son fait.
Ils firent rapport que nul mal ne trouvant en elle et considéré sa réponse qui est de montrer signe divin devant Orléans, vu sa constance et sa persévérance et son propos et ses requêtes instantes d'aller à Orléans pour y montrer le signe de divin secours, le roi ne la doit point empêcher d'aller avec ses gens d'armes, mais la doit faire conduire honnêtement, en espérant en Dieu. Point d'imposture donc dans le cas de Jehanne, que Charles peut employer sans crainte d'être suspectée de connivence avec la puissance démoniaque.
Des copies des conclusions de Poitiers en répandirent la nouvelle parmi les fidèles des bonnes villes, en Bretagne, dont le duc gardait la neutralité, comme en Dauphiné, apanage de Charles, hors de France même, en Flandre, dans les Allemagnes, à la cour de l'empereur Sigismond. Triomphe pour Jehanne qui, ayant surmonté les pièges des docteurs subtils, apparaissait comme une autre sainte Catherine, cette Vierge d'Alexandrie dont elle invoqua le patronage. Et les pauvres gens qui venaient à elle, parce qu'elle ne leur faisait pas de déplaisir, espérèrent de la Pucelle le miracle qui donnerait la victoire à la juste cause de la France, et à eux la paix.

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Jehanne à Tours

La maison de la Pucelle Armée à Tours.

La Pucelle va compléter son équipement à Tours (1).
Tours était au moyen-âge une ville fort industrieuse, centre de tous les métiers de l'époque. Elle y séjourne en avril 1429, en l'hôtel de Jehan du PUY (2), conseiller de la reine Yolande d'Aragon, duchesse d'Anjou et de Touraine. La femme de Jehan du PUY, Eléonore de La PAU était dame d'honneur de la reine Marie d'Anjou.
Jehanne y essaie l'armure que lui confectionne Colas de MONTBAZON (3), tandis que l'exécution de son étendard dont les saintes conseillères ont dicté l'ornementation, est confiée, avec celle du pennon, au peintre écossais Hamish POWER (souvent nommé par corruption Hennes POLVOIR ou POULVOIR (4).
Cette armure, blanc harnois en fer battu comprenait un casque couvrant la tête jusqu'à la nuque, avec mentonnière sur laquelle la visière se rabattait pour le combat. Le gorgerin à cinq plaques protégeant la poitrine descendait sur le corselet, auquel se rattachaient les tassettes des hanches et une chemisette en acier. Aux jambes, d'autres pièces de métal : cuissots, genouillères, jambières et solerets à la poulaine. Pour les bras, les coudières et avant-bras; aux mains, le gantelet.
Par-dessus l'armure, Jehanne jetait la huque de velours ou de drap d'or, en forme de casaque sans ceinture, ouverte sur le côté et à courtes manches. A l'égal des beaux chevaux, elle aimait les belles huques aux lambrequins flottant au vent et richement ornées. Pour le cheval, sorti de l'écurie royale, un chanfrein fut fourni qui protégeait la tête, et un caparaçon à mettre sous la selle de bois au pommeau relevé.
Ce n'est pas l'épée offerte par le Roi qu'elle ceindra. Ses Voix lui avaient révélé le glaive libérateur enfoui dans la sol de la petite chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois où elle avait vénéré la sainte en se rendant à Chinon. A l'endroit indiqué, près de l'autel, on le découvre, couvert de rouille. Mais à peine l'a-t-on frotté qu'il brille d'un bel éclat et cinq petites croix apparaissent sur l'écusson.
Les gens d'église lui donnèrent un fourreau, et ceux de Tours lui en fournirent deux, l'un de velours vermeil et l'autre de drap d'or. Quand à elle, elle s'en fit faire un autre, de cuir bien fort. Elle conserva cette épée jusqu'en avril 1430, puis en eut une autre qu'elle avait conquise devant Paris et qu'elle offrit à Saint-Denis, et c'est une troisième qu'elle portait à Compiègne, prise sur un Bourguignon. Elle ne s'en servit point, par plus que sa dague ou sa hachette, car elle ne versa pas le sang.
Plus que son épée, elle aima donc son étendard. Il était de toile blanche ou boucassin, frangé de soie, au champ semé de fleurs de lys; le monde, c'est-à-dire Dieu le Père tenant le monde en la manière qu'ils sont peints dans les églises. Sur le côté, deux noms : Jhésus-Maria. Au revers, les armoiries de la Pucelle : la colombe d'argent sur écu d'azur avec dans son bec la banderolle : De par le Roi du Ciel.
L'étendard fut vraiment sa seule arme. Elle le portait quand elle chargeait l'ennemi, pour éviter de tuer quelqu'un. Sans doute eut-elle aussi, suivant l'usage, un panonceau, sur lequel elle plaça des armoiries : signe de ralliement quand on changeait les lances. Les cavaliers les faisaient bénir par les prêtres, pour qu'ils fussent bien fortunés. Les juges de Rouen voudront y voir on ne sait quelle magie propre à porter bonheur. Mais Jehanne avait trop de bon sens pour se prêter à telle sorcellerie ni autre mauvais art. Le bonheur de son étendard, comme elle disait, ce fut sa propre vaillance à elle, et qu'elle n'hésitait pas, au moment douteux du combat, à crier aux siens : Entrez hardiment parmi les Anglais, et qu'elle y entrait elle-même.
Jehanne la Pucelle a maintenant rang de chevalier.
(1)- Elle traversa les "Landes de Miré". Jadis Charles Martel y avait engagé victorieusement la bataille qui devait libérer la France et la Chrétienté. Refoulant les Arabes jusqu'à Poitiers ou s'acheva leur défaite. Il déposa son épée dans la chapelle de Sainte-Catherine-de-Fierbois.
(2)- Jehan du PUY possédait deux maisons : l'une, rue Briçonnet, n°16, l'autre, au n°15 actuel de la rue Paul-Louis Courrier, où s'élève aujourd'hui un hôtel du 18e siècle portant la plaque du cinquième centenaire (jusqu'en juin 1940).
(3)- Colas de MONTBAZON habitait Grande Rue (aujourd'hui rue Colbert, n°39), quartier de la cathédrale. Une enseigne en ferronnerie moderne figurant la Pucelle armée signale la maison.
(4)- Au n°32 de la rue du Président Merville (qui donne dans la rue des Halles), une plaque indique que Hamish POWER habitait cette rue (enseigne de ferronnerie portant les armes de Jehanne). Dans le même quartier (angle de la rue des Halles et de la rue Marceau) une petite statue de Jehanne, debout, en plein harnois, tenant son épée, marque l'emplacement de l'église des Augustins où vint prier Jehanne et dont une porte et quelques fragments ont subsisté dans la maison angulaire jusqu'en juin 1940.
(Ref. : En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, M.F. Richaud et P. Imbrecq, Librairie Plon, Paris, 1956, p. 18 et 19, et Jeanne d'Arc, encyclopédie par l'image, librairie Hachette, 1925.)

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La préparation, à Blois

L'armée et le convoi de vivres se préparent, à Blois. Le 22 avril 1429, Jehanne sera prête à "prendre les champs."
La reine de Sicile lui constitua une suite, pour veiller sur elle et lui conserver le respect : un écuyer, Jean d'AULON, membre du Conseil royal, avec deux pages, Louis de COUTES et un nommé RAYMOND, Jean de NOVILONPON, dit de METZ, qui gardait l'argent de la "compagnie", Bertrand de POULENGY et GAUCOURT, et deux hérauts, AMBLEVILLE et GUYENNE. Bientôt la rejoignirent les deux frères de la Pucelle, Pierre et Jean, et son cousin, frère Nicolas de Vouthon. Son aumônier fut frère PASQUEREL, ermite de Saint-Augustin.
Elle n'était pas encore "chef de guerre", Charles VII l'autorisait seulement à gagner Orléans, où elle montrerait son "signe". Elle partirait de Blois où s'agitaient militaires et politiques du parti français : Regnault de CHARTRES et le sire de GAUCOURT, gouverneur d'Orléans, le maréchal de BOUSSAC et le sire de RAIS, l'amiral de CULAN, LA HIRE, Ambroise de LORE, Poton de XAINTRAILLES, le duc d'ALENCON. Sous leurs ordres, on indique peut-être huit à neuf mille soldats; avec eux des marchands et vivandiers traînant munitions et victuailles, que le duc d'Alençon eut, au nom du roi, bien de la peine à leur payer. C'est tout ce monde qu'il fallait conduire, au moindre risque, dans la ville assiégée.
Jehanne, ayant fait ses dévotions à l'église Saint-Sauveur, vit sa suite augmentée de nombre de moines qu'avait chassés le destruction de leurs couvents. Pour eux, elle fit faire une bannière blanche avec le Christ en croix entre la Vierge et Saint-Jean. Alentour, les moines rassemblaient les soldats pour la prière. Elle aussi, les objurguant de ne plus blasphémer et de chasser les femmes qui encombraient le camp, essayait d'introduire dans l'ost royal une discipline que les moeurs du temps ne prévoyaient guère. C'est au chant du Veni, Creator Spiritus, qui profère de si ardentes supplications pour la paix, que la troupe marche vers Orléans par la rive gauche de la Loire.
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Jehanne, en armes, marche sur Orléans

Convoi de ravitaillement.

Jehanne quitte Tours le 23 avril 1429 pour gagner Blois où l'attend une petite armée de trois mille hommes environ. La ville était en émoi, remplie d'hommes d'armes, de peuple, attirés par les choses merveilleuses qu'on disait de La Pucelle, ou de gens d'église, de prêtres, de moines des abbayes voisines qui avaient fui devant les Anglais. Jehanne entre dans le château aux acclamations de cette foule. Elle y séjourne les 25, 26 et 27 avril 1429.
Avant de se diriger sur Orléans, Jehanne fait parvenir, par un héraut, aux chefs de l'armée anglaise, une lettre qu'elle a dictée, étant à Poitiers, et où elle somme l'ennemi de faire la paix :

- Roi d'Angleterre et vous, duc de Bedford, qui vous dites régent du royaume de France... faites raison au Roi du Ciel. Rendez à La Pucelle (1), qui est envoyée de par Dieu, les clés de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées en France... Elle est prête à faire la paix si vous lui voulez faire raison, c'est-à-dire si vous abandonnez le territoire de la France en réparant les dommages que vous nous avez causés... Si ainsi ne faites, attendez des nouvelles de La Pucelle qui vous ira voir bientôt, à votre grand dommage... Et n'ayez point d'opinion d'y demeurer plus (en France) car vous ne tiendrez point le royaume de France de Dieu... Celui qui le tiendra, c'est Charles, vrai héritier... Répondez si vous voulez faire la paix, en la cité d'Orléans, où nous espérons être bientôt.

L'armée qu'elle a rejointe est composée de braves, certes, mais de braves qui sont souvent aussi des pillards sans aveu. Jehanne, l'envoyée de Dieu, ne saurait les accepter ainsi.

- Frère Pasquerel, dit-elle à son aumônier, il faut convertir nos soldats...

Et à ceux-ci :

- Que pas un ne se joigne à nous qu'il ne se soit d'abord confessé !

Et c'est bannière en tête et au chant du Veni Creator  que cette armée se mit en marche le 27 avril au matin. Cette bannière des prêtres avait été bénie dans l'église collégiale Saint-Sauveur (2).
(On retrouve également, en Vienne, faubourg de Blois, sur la rive gauche de la Loire, le souvenir de Jehanne dans l'église Saint-Saturnin, où elle alla invoquer Notre-Dame-des-Aydes, le 26 avril 1429).
Jehanne partit de l'église Saint-Sauveur et, descendant jusqu'à la Loire par les rues de la vieille ville, traversa le fleuve sur le Vieux-Pont, à quarante mètres en aval du pont actuel.

(1) Au cours de ses procès, Jehanne protesta contre cette phrase dans sa réponse à l'évêque qui lui demandait si elle reconnaissait cette lettre. Elle affirma que l'on doit mettre rendez au Roi là où il est dit rendez à la Pucelle. (La lettre originale a disparu ou a été détruite).
(2) Le n°2 de la place du Château marque l'emplacement de l'église.

Extrait de En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, M.F. Richaud et P. Imbrecq, Librairie Plon, Paris, 1956, p. 19 et 20.
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Jehanne entre dans Orléans

Maison où logea Jehanne à Orléans chez le trésorier Jacques Boucher.

29 avril 1429, vers 20 heures. Sous la lumière des innombrables torches qui prolongent le jour, Jehanne entre dans Orléans par la porte de Bourgogne (1), escortée de gentilshommes et d'hommes d'armes à cheval (environ 600 combattants). Blanc l'étendard, blanc le harnois de guerre, blanc le destrier, c'est une grande clarté en marche ! Elle apparaît comme un être surnaturel à ceux qu'elle vient délivrer. Ils accourent vers elle, la contemplent et, tendant les bras, comme pour toucher une châsse vénérée, l'accompagnent jusqu'à la cathédrale (2)...
Demain tandis qu'elle attendra son armée venant de Blois, les gens d'Orléans se presseront de nouveau pour l'apercevoir et l'acclamer. Et elle, parcourant les rues à cheval pour mieux répondre à leur élan, ira leur répétant ces paroles qui engagent tout l'avenir : Messire Dieu m'a envoyée pour secourir sa bonne ville d'Orléans. Ils se sentent déjà "désassiégés."
Le matin du dimanche 1er mai, Dunois et ses compagnons quittent Orléans pour aller chercher l'armée de renfort. Par la porte Renard (dont l'emplacement approximatif est celui de l'Hôtel des Postes), la Pucelle, avecques certaine quantité de ses gens issy hors aux champs pour garder que les ennemis ne leur portasse dommage lorsqu'ils passeraient entre les bastilles anglaises, et se rendit jusqu'au terrain situé entre l'église Saint-Paul et ce qui est aujourd'hui l'hôpital général.
Durant ces jours d'attente, Jehanne, non contente d'avoir prévenu les Anglais par un message écrit, veut encore, avant d'en venir au combat, les adjurer de retourner en Angleterre, les assurant qu'ils auront la vie sauve s'ils se retirent. Elle s'est avancée pour cela jusqu'au boulevard de la Belle-Croix, sur le pont de la Loire en face des Tourelles. Mais les Anglais ripostent par moqueries et injures. Tu seras arse... (brûlée) lui crie Glasdale.
Le 4 mai au matin, la seule vue de la Pucelle sèmera l'effroi chez les assiégeants lorsqu'elle se présentera étendard déployé devant leurs forteresses, en tête de l'armée de secours enfin arrivée de Blois. La Pucelle était allée à la rencontre de ses troupes jusqu'à environ une lieue de la ville.
(1) Le n°125 de la rue de Bourgogne porte une plaque avec inscription témoignant du fait. La porte de Bourgogne, à l'est de la ville, n'existe plus. Des vestiges subsistent englobés dans les constructions de la cour de l'immeuble.
(2) La cathédrale Sainte-Croix est antérieure à Jeanne d'Arc presque dans son entier. Seules la nef et la croisée sont du XVIe siècle.

(D'après En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, M.F. Richaud et P.Imbrecq, Librairie Plon, Paris, 1956, p. 24 et 25, et voir ce lien).



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À Orléans Jehanne reçoit des cadeaux

Huque de Jehanne.

À Orléans, Jehanne reçut en présent quatre tonneaux de vin, et les échevins commandèrent pour elle, au taillandier Jehan BOURGEOIS, une robe et une huque.
Il fut payé à Jehan LUILLIER (1), marchand, la somme de 8 écus d'or pour deux aunes de fine Bruxelles vermeille, destinées à la robe, et de 2 écus d'or pour une aune de vert perdu (tissu) destinées à la huque. Et Jehan BOURGEOIS reçut un écu d'or pour les doublures et la façon.
Évaluation :
Les 11 écus d'or : 10 écus pour le tissu = environ 11.000 NF, et un écu d'or pour la façon = environ 1.100 NF, soit 12.100 NF (1999), soit pas loin de 2.000 euros.
À Chinon, le roi lui offrit un cheval; le duc d'Alençon lui en offrit un autre....
La vie de princesse qu'on va lui offrir, et même lui imposer, est tellement contraire à ses principes, que son "caractère entier" ne supportera pas les hypocrisies d'une cour où elle fait d'emblée des envieux. Et pourtant, elle accepte ces cadeaux.
Comment ne serait-on pas jaloux de cette intruse ? Ses frais de logement, d'habillement, d'entretien, pour elle et sa "maison" sont entièrement, et sans motif révélé, pris en charge par Charles d'Orléans. On n'a jamais vu çà !
Et puis, elle porte habits de chevalier, pourpoints et chausses ajustés, souliers lacés, petit chapeau..., ce costume cause un tel scandale que le roi s'oblige à lui recommander de se vêtir de robes. Elle cède. Mais à moitié : ce sont le plus souvent des robes d'homme ! Parfois de femme.
Alors, d'un seul coup, la paysanne (!) barroise se métamorphose en la plus élégante et la plus richement habillée des femmes du royaume. De Londres, le duc d'Orléans a déjà ordonné que Jacques BOUCHER, en son nom, délie sa bourse : Pour don à elle faict de treize couronnes d'or au drapier et au tailleur pour la confection d'une robe vert-perdu, agrémentée de feuilles d'orties (2).
Rien ne sera trop beau pour elle : étoffes chatoyantes, velours de soie; robes d'homme bordées des fourrures les plus rares. Un tissu fourni par Jehan LUILLIER atteindra le prix fabuleux de 170 francs-or le mètre !
Et ce n'est pas tout : un luxe de seigneur ou d'homme de guerre puissant, la huque complète ses parures. Et Jehanne en raffolait ! Sortes de chasubles larges et flottantes enfilées par-dessus l'armure, elle eut des huques de toutes couleurs : l'une de drap d'or doublée de satin blanc, une autre vert-perdu, ou encore vermeille...
Enfin, pour souligner son élégance extrême, des chapeaux, des chaperons ornés d'une longue bande de tissus déchiquetés, révélant la féminité, même sur un vêtement d'homme.

(1) Jehan Luillier, riche négociant, notable d'Orléans, était le beau-frère de Jacques Boucher, trésorier du duc d'Orléans, chez qui Jehanne logea. Luillier fut le drapier qui fournit et fit confectionner les splendides vêtements offerts à Jehanne en 1429, aux couleurs de la Maison d'Orléans, et sur l'ordre du duc Charles. En 1439, Jehan Luillier sera parmi ceux qui reconnaîtront la Pucelle formellement devenue Dame des Armoises. Tous deux sont cités ensemble dans les comptes de la ville (pièce officielle). Qui pouvait être mieux placé que son drapier, ou son tailleur, pour reconnaître l'héroïne, revenue dans la cité, même dix ans après les événements du siège ?
(2) Les bourgeois de la ville, désirant l'honorer en rappelant discrètement les liens qui l'unissaient à la Maison d'Orléans, lui font présent d'une demi aune de drap vert, de deux nuances, pour y faire tailler des feuilles d'orties, destinées à orner ses robes. Or, les feuilles d'orties avaient été choisies par Louis d'Orléans (peut-être le père biologique de Jehanne suivant une thèse très controversée) comme emblème, et son fils, le duc Charles, y restait fidèle. Ce vert-perdu, couleur des feuilles d'orties pour la huque de Jehanne, avait été choisi en signe de deuil après la prise du duc Charles par les Anglais.


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Généalogie


 
 
Pierre Dailly
 
 
Jean de Vouthon
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Jacques d'Arc (Jacquot d'Ars)
 
 
 
Isabelle de Vouthon, dite "Romée"
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Jacquemin
 
Catherine
 
Jehanne
 
Jehan
 
Pierre
 


La famille d'Arc

Les origines

Selon les dires de Charles du LYS au début du XVIIe siècle, la famille d'ARC était originaire d'Arc-en-Barrois (Haute-Marne) en Champagne, puis en Bourgogne à partir de 1285.
Cette thèse semble aujourd'hui admise par la plupart des historiens : les d'ARC seraient partis après l'affranchissement des serfs de cette seigneurie, en 1328, pour participer au défrichement des terres de l'abbaye royale du Der, à Montier-en-Der (Haute-Marne) en Champagne.
Ceci expliquerait le patronyme d'origine de cette famille, que ses armes d'avant 1429 furent inspirées d'Arc-en-Barrois, qui sont de gueules à l'arc couché d'or bandé d'une flèche, et que Jacques d'ARC (le père de Jehanne) naquit à Ceffonds (Haute-Marne), en Champagne, à quelques kilomètres de Montier-en-Der.

La noblesse des d'ARC

On voit souvent écrit que le roi Charles VII a octroyé la noblesse à cette famille. En fait, ils étaient nobles depuis déjà longtemps, même s'ils appartenaient à la petite noblesse.
Primitivement, la famille d'Arc portait les armes parlantes qui suivent, signe de ses origines :

D'azur à l'arc couché d'or chargé de trois flèches d'argent empennées du second, celle du milieu encochée, les deux autres brochant en sautoir.

Suite à des revers de fortune, ils se retrouvèrent ruinés, et contraints d'exploiter eux-mêmes une terre, un train de labour, une tenure. Ils perdirent alors les prérogatives de la noblesse : cela se nommait la dérogeance.
Mais la qualité de noble n'était pas annihilée pour autant, et elle pouvait être remise en fonction par le roi. C'est ce que fit Charles VII.
Voici les armoiries de la famille d'ARC, antérieures au 15e siècle, et confirmées au 17e par le roi Louis XIII :

D'azur à l'arc posé en fasce, chargé de trois flèches entrecroisées, les pointes ferrues, deux d'or ferrées et plumetées d'argent, la troisième ferrée et plumetée d'or. En chef, d'argent au lion passant de gueules.
Les armoiries de la famille d'Arc

Certains personnages de cette famille avaient déjà occupé des positions importantes, et cotoyé parfois l'entourage des rois.
En voici quelques exemples :
- 1331 : la Gallia Christiana cite un évêque, Jehan d'Arc épiscopus mimatensis.
- 1357 : Marie d'Arc épouse le duc Jehan de Bourgogne.
- 1408 : Guillaume d'Arc, seigneur de Cornillon, est chambellan, conseiller du roi, gouverneur du Dauphin.
- 1409 : vers cette date, Jehanne d'Arc, dame d'honneur de la reine Isabeau de Bavière, épouse du roi Charles VI. Cette Jehanne est l'épouse de Nicolas d'ARC qui était le frère de Jacques d'Arc, mari d'Isabelle de VOUTHON, dite "Romée".
- 1436 : Jehan d'ARC, nommé arpenteur du roi pour les bois et forêts au département de France par Charles VII.
Un autre Jehan d'ARC, le frère de la Pucelle, fut lui-même capitaine de Chartres, puis prévôt de Vaucouleurs.
A noter que cette famille, dans l'entourage des rois, devait être appréciée par eux, pour qu'on leur confie même l'éducation du Dauphin de France.

Anoblissement de Jehanne et de sa famille

Par lettres-patentes données à Mehun-sur-Yèvre en décembre 1429 et enregistrées à la Chambre des Comptes le 16 janvier 1430, le roi de France Charles VII anoblit Jehanne, ses parents et ses frères ainsi que toute leur parenté et lignage, et toute leur postérité, mâle et femelle, née et à naître en légitime mariage. Le nom d'ARC fut remplacé par du LYS en raison des armoiries accordées à cette même famille, ce qui fut confirmé par Louis XIII le 25 octobre 1612.
Ce privilège, un des très rares cas en France de transmission de la noblesse tant par les hommes que par les femmes, et ce à l'infini, connut diverses vissicitudes, suscitées par des raisons fiscales que l'on comprendra aisément. En effet, Henri II confirma la transmission de la noblesse par les femmes de la famille du LYS en 1550 et 1555 puis l'abolit en mars 1556 pour la rétablir en juillet dde l'e la même année. En 1598 Henry IV abrogea ce privilège, ce qu'il confirma en 1600.
Mais, en 1612, Louis XIII revint sur ces décisions et rétablit la noblesse utérine du lignage du LYS, cependant il l'abolit à son tour en 1614 avec confirmation en 1634 et 1635. Nonobstant cette réglementation, des maintenus de noblesse « johanniques » furent accordées en 1603, 1608, 1625 et 1634 ! Puis il en fut de même jusqu'à la fin de l'Ancien Régime et sous la Restauration : toutes les personnes issues du lignage de Sainte Jeanne d'Arc qui en firent la demande se virent confirmées dans leur noblesse par le pouvoir royal.
Il importe de remarquer que les suppressions de la noblesse féminine des du LYS se firent toujours par édits ou déclarations sur les tailles et les rétablissements par lettres-patentes de confirmation ou de maintenue de noblesse. Aussi, il faut noter que les dernières en date, accordées par le roi Charles X le 24 novembre 1827, furent rendues en forme d'édit, id est avec des termes de portée générale, confirmant et maintenant les lettres-patentes de 1429, 1550 et 1612. Ce dernier texte de l'autorité royale a, jusqu'à nouvel ordre, fixé le droit en la matière : les neveux et nièces de Jehanne d'Arc ont droit à la qualité de nobles, donc à la qualification d'écuyer pour les hommes et de demoiselle pour les femmes, ainsi qu'au port des armoiries concédées le 2 juin 1429.
En vertu des lettres-patentes du 25 octobre 1612, quelques familles obtinrent de pouvoir rajouter le nom « du LYS » à leur patronyme afin de marquer leur origine commune. Certains remplacèrent curieusement « du LYS » par « d'ARC ».
Voir famille de Jehanne

Isabelle "Romée"

La "mère" de Jehanne se prénommait Isabelle (ou Ysabeau), et de Vouthon... du nom de son village d'origine. A Orléans, dans les livres de comptes, on la nomme Ysabeau, mère de Jehanne la Pucelle. Elle ne fut surnommée Romée que plus tard.
En 1429, elle effectua un pèlerinage au Puy-en-Velay. En ces périodes de foi exacerbée, il était de bon ton d'entreprendre, une fois au moins dans sa vie, un pèlerinage à Rome, ville sainte de la Chrétienté. Un peu comme le préconise l'Islam avec La Mecque. Mais peu de gens, évidemment, avaient la possibilité d'entreprendre un tel voyage, et d'en revenir avec fierté, pour porter le restant de leur vie l'appellation de Romée : celui (ou celle) qui avait été à Rome. C'est "l'intention qui compte", et on se contentait la plupart du temps, de rendre visite à un sanctuaire, une cathédrale, un lieu saint, ou un lieu de pèlerinage connu et reconnu. On rajouta ce vocable au prénom d'Isabelle, et c'est ainsi qu'elle passa à la postérité sous le nom d'Isabelle Romée.
Il est bien improbable qu'elle se soit rendue à Rome, mais toujours est-il que l'on trouve trace de son passage au Puy-en-Velay.
En cette ville, traditionnellement, se déroulait un grand pèlerinage, chaque année où le 25 mars, jour de l'Ascension, coïncidait avec le Vendredi Saint, comme en cette année 1429.
Le frère Jean PASQUEREL, un moine augustin, habituellement au couvent des Ermites de Bayeux, s'y rendit aussi. Il relata qu'il y avait rencontré un groupe de pèlerin lorrains, avec lequel se trouvait Isabelle. Ils durent lier connaissance, et s'apprécier mutuellement, car Isabelle, frappée par la piété du frère, lui demanda d'aider Jehanne.

Vers la mi-avril, Jehanne est à Tours, avec sa "maison" militaire qui prend forme. Jean PASQUEREL la rencontra, et fut "embauché" comme chapelain. Il fit dès lors partie intégrante du petit "état-major" particulier de la Pucelle, au même titre que ses deux pages, Louis de COUTES et un certain Raymond, ses deux hérauts, Guyenne et Ambleville, et son intendant, l'écuyer Jehan d'Aulon.
Le frère PASQUEREL suivit Jehanne jusqu'à son emprisonnement, et l'assista en tout très fidèlement. Il fut d'ailleurs cité à la Réhabilitation où il témoigna pour Jehanne.
On voit donc qu'Isabelle essayait d'aider Jehanne de son mieux, et qu'elle l'aimait.On en a d'ailleurs au moins une autre preuve... mais laissons parler Régine PERNOUD :

...Et c'est quelqu'un d'autre qui devait avoir le dernier mot dans toute l'affaire : la mère de Jeanne, Isabelle Romée. Le 7 novembre 1455, à Notre-Dame de Paris, elle tendait aux commissaires pontificaux le rescrit par lequel le pape Calixte III l'autorisait à demander la révision du procès : "Avec une lugubre plainte..., de grands soupirs et gémissements... elle exposa ce qui suit : "J'ai mis au monde, de mon légitime mariage, une fille à qui j'ai fait dûment recevoir l'honneur des sacrements de baptême et de confirmation; je l'ai élevée dans la crainte de Dieu et le respect de la fidélité à l'Eglise, autant que le permettaient son âge et la simplicité de sa condition... Or, bien qu'elle n'ait pensé, ni ourdi, ni rien fait qui ne fût selon la foi..., des gens envieux qui lui voulaient du mal, à elle, à ses parents, au bien public des princes et des peuples, la traînèrent en procès de foi...; ils lui imputèrent faussement et mensongèrement nombre de crimes..., ils la condamnèrent enfin iniquement et... la brûlèrent".
Mais cette supplique n'avait pu être dite jusqu'au bout par la vieille paysanne : en écho à ses pleurs, ceux des gens d'Orléans qui l'accompagnaient, puis de la foule entière qui remplissait la cathédrale, avait monté, grandi, s'étaient transformés en une vaste plainte qui ébranlait l'immense vaisseau, si bien que, débordés, l'inquisiteur Jehan BREHAL et les prélats qui l'accompagnaient durent entraîner Isabelle dans la sacristie où ils "la consolèrent paternellement" et l'assurèrent qu'ils prendraient en mains sa cause.
Après avoir assisté, quelques mois plus tard, le 7 juillet 1456, à la séance solennelle de Réhabilitation, Isabelle pouvait mourir. Une tradition veut que ce soit au petit village de Sandillon, près d'Orléans, que sa mort soit survenue, le 28 novembre 1458.


Les gens de Domrémy

Domrémy

Petit village sur la Meuse. Entre 225 et 250 habitants environ, soit à peu près 25 feux de 8 à 10 personnes.
La population fut sollicitée au Procès de Réhabilitation (ou de Nullité), en 1456, en proportion d'un témoin par feu en moyenne.
Les 21 témoins de 1456 :

Nom, prénom Qualité Age en 1546
Jehan MOREL Laboureur ?
Dominique JACOB Prêtre ?
Béatrice, veuve ESTELLIN Veuve de laboureur ?
Jeannette, épouse LE ROYER ?
Jehan, dit MOEN Charron et maréchal-ferrant ?
Estienne de SYONE Prêtre ?
Jehannette, veuve THIESSELIN Thiesselin de VITTEL était clerc ?
Louis de MARTIGNY Laboureur ?
Thévenin Le ROYER Laboureur, mari de Jehannette ci-dessus ?
Jaquier de SAINT-AMANT Laboureur ?
Bertrand LACLOPPE Couvreur 90 ans
Perrin DRAPPIER 60 ans
Gérard GUILLEMETTE Laboureur 40 ans
Hauviette de SYONE Epouse de Gérard de SYONE, laboureur 45 ans
Jehan WATERIN Laboureur 45 ans
Gérardin d'EPINAL Laboureur 60 ans
Simonin MUSNIER Laboureur 44 ans
Isabelle d'EPINAL Epouse de Gérardin (ou Girardin) ci-dessus 50 ans
Mengette JOYARD Epouse de Jehan, laboureur 46 ans
Jehan COLIN Prêtre ?
un nommé Colin Laboureur, fils de Colin 50 ans


Renseignements sur certains de ces témoins :
- Jehan MOEN : 12 ans à la naissance de Jehanne; meurt après 56 ans. Sa maison était voisine de celle des d'Arc. Du seul de la maison, direction de Neufchâteau, à mi-hauteur d'une colline aux pentes raides, distante d'un peu moins de deux kilomètres, était un bois touffu, planté de chênes, qu'on nommait pour cette raison le bois chenu (de nos jours, défriché et sans chênes). A l'orée de ce bois, un grand, gros et vieil arbre, nommé arbre des Dames et/ou arbre des Fées.
- Bertrand LACLOPPE : couvreur de toits à Domrémy, parlant de cet arbre, précise qu'il s'agit d'un hêtre très courbe (Procès en Nullité). On y trouvait le Mai ou Beau Mai, terme populaire pour désigner tout élément végétal (une branche, un rameau, un bouquet) que la jeunesse masculine du village allait cueillir dans la nuit du 1er mai, pour le planter sur la place du village, afin d'honorer les jeunes filles à marier. Fête attestée en Lorraine depuis le 13e siècle.
Jehanne désigne sans doute par le Mai les feuillages de l'arbre aux Dames, ce hêtre que l'on utilisait pour cette fête populaire. Les jeunes filles dansaient et s'amusaient près de cet arbre et tressaient des guirlandes de feuillage et de fleurs.
Près de cet arbre, une source, réputée pour la santé ou la guérison. Jehanne avait entendu dire par Jehanne, épouse du maire Aubery, intendant rural représentant le seigneur de Bourlemont, et qui était l'une de ses marraines, qu'elle y avait vu les Dames Fées.
- Béatrice, veuve d'ESTELLIN : Estellin était un laboureur de Domrémy. Béatrice avait 36 ans à la naissance de Jehanne, et mourut à plus de 80 ans. C'était une autre des marraines de Jehanne.
- Jehannette Le ROYER : femme de Thévenin. Elle a environ 36 ans à la naissance de Jehanne, et meurt à plus de 70 ans. Un autre des marraines de Jehanne. Thévenin, son mari, a le même âge et meurt aussi à plus de 70 ans.
- Jehannette : veuve de Thiesselin de VITTEL (habite Neufchâteau au moment du Procès de Nullité). Elle a 16 ans au moment de la naissance de Jehanne, et meurt après 60 ans. Elle a dit que Jehanne ne s'adonnait pas à la danse, et qu'elle ne jurait pas, à l'exception de sans faute !
- Jaquier de SAINT-AMANT : laboureur à Domrémy. Il a 16 ans à la naissance de Jehanne. Meurt à plus de 60 ans. Jehanne venait parfois dans sa maison pour y filer avec sa fille.
- Jehan MOREL : 26 ans à la naissance de Jehanne, et son parrain. Il meurt après 70 ans. Laboureur, et sans doute ami de Jacques d'Arc. Il est né à Greux, village voisin.

Aux environs de Domrémy :
Neufchâteau - A deux heures de marche de Domrémy, au confluent de la Meuse et du Mouzon. Cité de transit. Commerce des vins de Champagne et de Bourgogne qu'on exportait jusqu'en Flandre, et aussi des produits de laiterie. Les habitants confiaient aux gens de Domrémy leurs bestiaux à nourrir durant la belle saison. Le roi de France y comptait de fidèles sujets.
Vaucouleurs - Châtellenie royale du bailliage de Chaumont. 19 km au nord de Domrémy. Imposant château (dont il reste des vestiges). Capitaine : Robert de BAUDRICOURT, fils du Lorrain Liébaud, chambellan du duc de Bar (c'est-à-dire de René d'Anjou, futur beau-frère de Charles VII), et d'une champenoise, dame Marguerite d'AUNOY. En 1477, il deviendra bailli de Chaumont, puis chambellan du duc René d'Anjou.
Son fils, Jehan de BAUDRICOURT, servira Louis XI et Charles VIII. Le premier le choisira comme gouverneur de la Bourgogne en 1480, et le second le nommera Maréchal de France en 1488.
La ville de Vaucouleurs était aussi une ville commerçante avec un port sur la Meuse, à un kilomètre de ses murailles, par où transitaient les marchandises en provenance de la Bourgogne vers Chaumont et vers les villes de l'Empire. Jehan, frère de Jehanne, y sera prévôt de 1455 à 1469.

A Domrémy - Situation des d'Arc - Finances de Jehanne

En 1404, Jacques d'Arc est cité comme "laboureur" à Domrémy. Il était né entre 1375 et 1380 à Ceffonds, près de Montier-en-Der, où son père s'était installé pour participer au défrichement du terrain afin de construire une abbaye. Là, on lui donna comme patronyme le nom du lieu d'où il venait : Arc-en-Barrois, au nord-ouest de Langres. Vers 1400, Jacques était arrivé dans la chatellenie de Vaucouleurs, aux confins du Barrois, seul fief de la région rattaché à la couronne de France. Il s'installe à Domrémy, hameau de 40 à 50 feux, et épouse Isabelle (ou Isabeau, dite "Zabillet"), originaire de Vouthon, village situé à moins de deux lieues.

Le couple va vivre dans une maison, près de l'église, que l'on pense avoir été apportée en dot par Isabelle.
Elle est modeste, mais bâtie "en dur", chose qui n'était pas courante en ces temps-là. Elle est assez longue, basse, massive et obscure. Une ou deux fenêtres en façade. Le sol nu est de terre battue. Les meubles sont rudimentaires : grande table rustique, escabeaux, la maie, les coffres et la huche.
Dans l'âtre, les landiers en fer battu, la crémaillère.
Aux parois, de grossières chevilles, des râteliers pour les paniers, deux ou trois chandeliers de bois.
Les murs sont noircis par la fumée et la suie. Un crucifix, couronné par le buis béni des Rameaux.
Devant la porte, une aire poussièreuse l'été, fangeuse en toute autre saison, souillée du purin qui stagne.
Des poules qui picorent. A côté, des dépendances pour les animaux domestiques. Derrière la maison, jouxtant l'église, le courtil touche au cimetière.
Mais il s'agit de la maison d'un notable, bien que la famille ne soit pas très riche. Ils vivent du produit d'un "gagnage", terre affermée ou possédée (on ne sait pas) qu'ils cultivent pour le lin, le forment et les légumes sans grande variété de ce temps.
Quelques têtes de bétail. On bat le chanvre, file la laine et l'étoupe; on pétrit son pain que l'on porte cuire au four banal. Les repas sont frugaux. L'habillement est simple et propre, mais constamment rapetassé.
Mais Jacques est issu d'une famille d'ancienne chevalerie, dont certaines belles alliances avaient parfois atteint l'entourage des grandes familles.
Ils n'étaient pas de haute noblesse, mais nobles tout de même, et, comme beaucoup d'entre-eux au XIVe siècle, la branche de Jacques avait été ruinée par les conséquences économiques de la Guerre de Cent-Ans et de la Peste Noire de 1348.
Mais il fallait vivre, et beaucoup durent travailler de leurs mains. Dans ce cas, ils tombaient en "dérogeance", perdant la qualité et aussi les prérogatives de la noblesse. Si la déchéance, elle, était infâme et définitive, le dérogeance pouvait être abrogée par décision royale. C'est d'ailleurs ce que leur octroya le roi Charles VII, dans l'acte d'anoblissement de décembre 1429 : il leur a rendu leur qualité de noble. Avec juste une différence (rare) toutefois, c'est que la noblesse pouvait être transmise par les femmes à leurs maris.

Grâce à la vente de petits fiefs, Jacques loue des terres cultivables.
De son côté, son épouse, Isabelle de Vouthon, dite "Romée" à cause d'un pèlerinage qu'elle avait accompli au Puy-en-Velay, est sans fortune pour des raisons identiques. C'est une femme de grande valeur, appartenant au Tiers-Ordre Franciscain, et qui sera plus tard l'amie intime de Sainte Colette de Corbie, supérieure des Clarisses, le pendant féminin des Franciscains.
Les familles d'Arc et de Vouthon ont des origines et des alliances équivalentes; elles sont "du même milieu", dirait-on aujourd'hui.

A la suite de son installation à Domrémy, Jacques accepte des honneurs et des responsabilités. Il est à la fois le doyen, chef des archers, pour devenir en 1419 "fermier-général" des lieux, charge déjà très importante.
Il sera investi de diverses fonctions : collecte des tailles, charge de la police, et surtout délégation comme procureur-fondé, à l'occasion de plusieurs procès importants concernant le village, devant Robert de BAUDRICOURT, capitaine de Vaucouleurs (celui-ci savait donc qui était Jeanne !).
En 1419, Jehanne de JOINVILLE, nièce du sire de Bourlemont, avait hérité de son oncle une petite forteresse qu'on nommait "le château de l'Ile", située sur un ilôt de la Meuse. Le château inhabité ne trouvant pas d'acheteur (la jeune héritière avait épousé et suivi à Nancy le seigneur Henri d'OGIVILLIER), elle le loua au plus offrant. Ce fut Jacques d'Arc (Jacquot d'Ars) et l'un de ses voisins, Jehan BIGET (ou BIZET) qui l'emportèrent.
Jacques s'occupe du domaine et dirige la maison-forte, véritable lieu fortifié, où les populations voisines viendront s'abriter souvent.
Le loyer annuel, payable à la Saint-Jean, était de 14 livres tournois et 3 "imaux" de ble (environ 6 boisseaux). Ils eurent pour neuf ans la jouissance de la bâtisse, du jardin, de la cour et des prairies, la chapelle Notre-Dame, qui s'élevait sur le domaine, faisant seule exception au bail.
Ils traitèrent avec cinq locataires, dont le premier fut Jacquemin d'Arc, le fils aîné, sans doute déjà marié. Le lieu était donc important, et les enfants de Jacques et d'Isabelle, Jeanne y compris, durent s'y rendre et y séjourner souvent.
En somme, si le travail manuel a fait perdre à Jacques la qualité de noble, il en possède néanmoins de nombreuses prérogatives.
Où trouve-t-on ici l'humble condition paysanne d'une légence bétifiante ?
Jeanne est donc élevée dans ce milieu, et jamais elle ne fut bergère, même si parfois elle aidait à mettre à la pâture le troupeau commun, et elle y reçut une éducation un peu plus poussée que le commun des filles du lieu, apprenant même à lire et à écrire. Un milieu, non pas riche, mais bénéficiant d'une certaine aisance.
Bien que certains membres aient eu des charges par le passé, la situation , grâce à l'épopée de Jeanne, va s'améliorer : charges et honneurs vont se multiplier, et, côtoyant l'entourage du roi, la famille va profiter des largesses de Charles VII, surtout, et du duc d'Orléans.

Jeanne elle-même reçut des cadeaux, des chevaux, des armures, des robes et de l'argent. Elle attesta elle-même que, lors de sa capture, elle possédait des sommes importantes :

- Elle dit ensuite que ses frères ont ses biens, chevaux, épée, à ce qu'elle croit, et aultres, qui valent plus de 12.000 écus. (Procès de condamnation.)
- Elle répondit qu'elle avoit 10 ou 12.000 écus qu'elle a vaillant; mais ce n'était pas un grand trésor pour conduire la guerre; c'est même peu de choses; ce sont ses frères qui ont cela, à ce qu'elle pense. Et elle dit que ce qu'elle a est du propre argent de son roi.

Où sont passés ces 12.000 écus ? Une forte partie a été probablement consacrée à la solde des hommes d'armes que Jeanne a enrôlés elle-même après le Sacre et Paris, en particulier pour l'expédition de La-Charité-sur-Loire, alors que, désavouée par le roi qui voulait alors que la diplomatie l'emporte sur la guerre, elle devint chef de bande.
Sans doute une autre partie a-t-elle été utilisée par Pierre d'Arc, prisonnier avec elle à Compiègne, pour payer la forte rançon qu'on avait exigé, et pour laquelle d'ailleurs il fut contraint de vendre l'héritage de sa femme.
L'un des deux frères (Pierre ou Jean) aurait-il aussi investi une autre partie de cet argent à Orléans, car, dans les titres de l'Hôtel-Dieu de la ville, on trouve une mention bien curieuse en 1450 :

- Don faict à l'Hostel-Dieu d'Orliens, d'une place et cour assize derrière la maison de la Souche, rue de la Porte Bourgoigne, tenante d'un long, à la maison de la Pucelle, d'autre long à Guillaume Escot, d'autre bout sur la rue Coquille.

Aurait-on voulu lui réserver un hâvre, pour revenir y vivre plus tard, après la tourmente ? On n'en sait rien.
Dans les successions de Pierre, resté dans l'Orléanais, ou de son fils Jean, on ne parle pas d'une telle maison. Mais le fait reste quand même troublant.
(nb : pour l'anecdote, ce Guillaume ESCOT était peut-être un archer ou un homme d'armes Ecossais (on disait Escossois ou Escot), troupes travaillant pour le roi de France, et qui serait resté sur place, après les combats du siège. On disait "un escot", ce qui a donné : L'Escot, Lescot, Descot, Lescaut, Lescault...)
Pour revenir à ce qu'à reçu Jeanne, on trouve dans les comptes du trésorier des guerres de Charles VII, Hémon RAGUIER ce qui suit. Elle ne fut pas oubliée dans la distribution des sommes que Charles VII accorda à ceux qui l'avaient suivi fidèlement. Elle est considérée comme les autres capitaines et chefs de guerre.
Cet extrait du 13e compte d'Hémon Raguier en donne une idée :

L'estat du voïage faict à Reims pour le sacre et couronnement illec du roi nostre seigneur. Par lettres-patentes du 22 septembre 1429, au château de Gien.
- A Jehanne la Pucelle, 249 livres tournois forte monnoye et 30 ducats d'or.. au faict de la despense ordonnée par elle faire au voïage faict par ledit seigneur à Reims, pour le faict de son sacre et couronnement...
- A Jehanne la Pucelle, 236 livres tournois forte monnoye... C'est à sçavoir pour ung cheval que ledit seigneur luy fist bailler et délivrer à Soissons au dit moys d'aoust, 38 livres 10 solz tournois.
- Pour ung aultre cheval que semblablement le dit seigneur luy fist bailler et délivrer à Senlis au dit mois de septembre, six-vingt dix sept livres 10 solz tournois.
- Et à Reims, que icelui seigneur luy fist bailler et délivrer pour bailler à son père, 60 livres tournois.

Jeanne possédait aussi 5 "coursiers" et 7 "trottiers".
Et aussi :

- Aux chiefs et capitaines de guerre cy-après nommés, la somme de deux mil quatre cens neuf escuz d'or, dont ... A Jehanne la Pucelle, pour despense, 40 escuz.

Puis encore : Aux personnes cy-après nommées, la somme de 450 livres tournois qui, au moys d'avril 1429, après Pasques, de l'ordonnancement et commandement du Roy nostre seigneur, a esté paié et baillée par le dit trésorier. C'est à sçavoir :

- A Jehan de MES (METZ), pour la despense de la Pucelle, 200 livres tournois.
- Au maistre armeurier pour un harnois complet pour la dite Pucelle. Au dit Jehan de Mes et son compaignon pour luy aidier à avoir des harnois, pour eulx armer et habiller, pour estre en la compaignie de ladite Pucelle : six-vingt cinq livres tournois.
- Et à Hauves Poulvoir, paintre, demourant à Tours, pour avoir paint et baillé étoffes pour un grant estandart et ung petit pour la Pucelle : vingt-cinq livres tournois.

On dépense donc des sommes importantes pour la pucelle, soit, pour cet extrait :
- 30 ducats d'or et 249 livres pour défraiement et voyage à Reims,
- 236 livres pour 2 chevaux, et 60 livres pour Jacques, son père,
- 40 écus d'or pour ses dépenses personnelles,
- 200 livres pour sa "Maison" (son escorte),
- 125 livres pour des harnais (équipements),
- 25 livres pour la confection de deux étendards,
soit au total : 30 ducats d'or et 835 livres tournois. Jeanne est payée comme les autres seigneurs et capitaines.

Après 1431 et la tourmente de l'épopée, la famille se retrouve un temps à Domrémy.
Jacques fils, l'aîné, qui n'avait pas participé aux combats, avait sans doute déjà repris la succession de son père.
On ne sait pas ce que devint Pierre, avant son établissement dans la région d'Orléans, avec sa mère, veuve, en juillet 1440. Il percevra durant un temps le péage de Chaumont. (d'ailleurs, quand avait-il été fait chevalier ? On n'en parle nulle part. Etait-ce à Reims, au sacre ?).
Jean, dit "Petit-Jean" poursuivra une carrière militaire; il fut capitaine de Chartres et bailli de Vermandois, avant de terminer avec la charge de prévôt de Vaucouleurs. Toutefois sa fille, Marguerite, restera en Orléanais et y épousera - nous le verrons plus loin - un seigneur local.
Isabelle "Romée" dut voir Jeanne, pour la dernière fois, au moment du sacre à Reims, en juillet 1429. On sait qu'elle fit le déplacement avec son époux, et qu'ils séjournèrent un mois sur place, logeant à l'Auberge de l'Ane Rayé. Jeanne était alors intervenue pour que le roi accorde des exonérations pour Domrémy, et fit remettre à ses parents, on l'a vu, 60 livres tournois.
Pour relativiser aussi les dons et cadeaux, voici ce que dit Mr. Olivier BOUZY au sujet de l'une des armures de Jeanne :

A Tours, Charles VII pays à Jeanne une armure coûtant 100 écus. L'écu de 1429 ayant un cours de 25 sols, l'armure de Jehanne coûta donc 2.500 sols, soit 125 livres tournois, la livre valant 20 sols...
La valeur de la monnaie de Charles VII varie beaucoup dans les années 1417 à 1430...
Que valait réellement l'amure de Jehanne...Les points de comparaison sont rares...
On peut observer que des armures se sont vendues à Lille, en 1434, pour des sommes allant de 18 à 246 livres...
Compte du fait que, en 1429, la monnaie du roi vaut à peu près le tiers de Philippe-le-Bon (pied 96c contre 30c en avril, le pied indiquant le nombre de deniers taillés dans un marc d'argent), on doit convertir ces sommes : l'équivalent en monnaie royale française aurait été de 57 à 787 livres.
L'armure de Jehanne n'est donc pas tout à fait le bas de gamme, on sait d'ailleurs par le témoignage du comte de Laval qu'il s'agissait d'un harnois blanc (nb : blanc comme le métai utilisé, l'acier), c'est-à-dire de pièces d'armure d'un seul tenant, et non d'une brigandine.
L'armure valait donc deux fois plus cher que l'équipement le moins coûteux, et presque huit fois moins que le plus cher.
Pour ce prix, il est donc hors de question que l'armure ait été faite sur mesure, il ne peut s'agir que de pièces fabriquées à le'avance, peut-être adaptées à la taille de Jehanne : une sorte de prêt-à-porter.
(Jeanne d'Arc, mythes et réalités, O. Bouzy, Orléans, 1999).
Cette armure n'était donc pas un don somptueux, mais "un instrument de travail" de qualité suffisante pour son usage.
Jeanne recevra d'autres cadeaux, telle une princesse, en particulier une robe, à Orléans, dont le tissu avait été payé très cher.

Pour évaluer un peu la situation financière de la famille de Jehanne

Personnages que nous rencontrerons dans le tableau qui va suivre :
- Isabelle de Vouthon, dite "Romée", épouse de Jacques, soeur de Mengin.
- Mengin de Vouthon, frère d'Isabelle, oncle de Jeanne.
- Jacques d'Arc père : époux d'Isabelle, père de Pierre, Jacques et Jean.
- Pierre d'Arc, puis du Lys : fils de Jacques et Isabelle.
- Jean d'Arc, puis du Lys : idem.
- Marguerite du Lys : fille de Jean d'Arc/du Lys.
- Antoine de Brunet : époux de Marguerite du Lys.
- Jean de Brunet : fils d'Antoine de Brunet de de Marguerite du Lys.

Ce sont ces personnages que l'on retrouvera dans les actes étudiés plus loin.
Ils sont tous "de la famille", établis en Orléanais.
Nous n'avons pas d'éléments d'appréciation pour Jacques fils (Jacquemin).
On verra ci-après une liste des propriétés, rentes, bails, fiefs et biens divers de ceux établis dans la région Orléanaise. Puis une évaluation succincte des revenus et charges.
Les comptes de la ville d'Orléans nous apporterons d'autres éléments.
On détaillera enfin vingt actes notariés.

Voici donc un tableau (peut-être non exhautif) des biens familiaux :

Biens Isabelle Romée Mengin de Vouthon Jacques d'Arc Pierre du Lys Jean du Lys Antoine de Brunet Jean de Brunet
Le château de l'Ile à Domrémy X
Péage de Chaumont X
Villers-Charbonneau à Ardon X X X
Métairie de Bagneaux à Sandillon X X X X
L'Ile aux Boeufs à Orléans X X X
Maison à Orléans près de St.Pierre-le-Puellier X X
Rente de 125 livres du roi X X
Rente de la ville d'Orléans X
Luminart à St.Denis-en-Val X
Rentes au mariage X
Etang du Coignier à La-Ferté X
La Couaspellière à Menestreau-en-Villette X
Des vignes à Savigny près de Sandillon X
Rentes sur le lieu de La Goislière X
Le Mont à St.Denis-en-Val X
Métairie de Lussault à Viglain X X
Maison au bourg de Sandillon X X
Vignes à Puchesse à Sandillon X X


Tout cela est bien difficile à évaluer. Il faudrait des éléments plus précis, d'autres documents, et un avis de spécialiste pour faire une évaluation correcte, mais tentons de donner des détails, revenus et charges, par rapport au tableau ci-dessus :

Lieux, biens Revenus, charges
Château de l'Ile à Domrémy Loyer: 14 livres tournois. Revenus ?
Péage de Chaumont Bénéfices ?
Villiers-Charbonneau 1) 3 métairies qui doivent 2 mines de blé, 1 pain, 1 gésine et 1 denier - 2) 2 sols parisis par arpent, soit 12 sols parisis et deux poules.
Métairie de Bagneaux Culture - Petit élevage.
L'Ile-au-Boeufs Pas de redevance ducale. Usufruit. 115 sous parisis pour forestage. 10 écus d'or pour pâturages. Quelques cultures. Elevage. Fruits divers. Petit bois.
Maison d'Orléans Bail à rente de 32 sols parisis à St.Euverte.
Rente de 125 livres du roi A Pierre, puis Jean du Lys son fils.
Rente de la ville d'Orléans 48 sous parisis (ou 60 sous tournois) pour Isabelle "Romée".
Luminart Chargé de 28 sols 3 deniers de cens/an. Vendu par Mengin de Vouthon 10 livres tournois. Culture, bois.
Rente au mariage Jean du Lys : rente de 10 livres parisis.
Etang du Coignier Au moins un revenu de 13 livres 16 sols. Poissons.
La Couaspellière ?
Vignes à Savigny ?
Rente sur La Goislière 40 livres parisis (récupère 70 écus).
Le Mont ?
Lussault ?
Maison à Sandillon ?
Vignes à Puchesse ?

Les actes qui suivront nous donnerons quelques éléments.

La maison de Jehanne à Domrémy

Maison des d'Arc à Domrémy.

Quelques mots sur cette maison.
Le propre témoignage de Jehanne lors de son procès permet de confirmer la situation géographique de sa maison dans le village, séparée de l'église par le jardin de la maison :

Et cette voix vint quasi à l'heure de midi, en été, dans le jardin de son père, et ladite Jehanne n'avait pas jeûné le jour précédent. Elle entendit la voix sur le côté droit, vers l'église, et rarement elle l'entend sans qu'il y ait une clarté. (Condamnation, t.II, p.46).

Hormis le fait qu'elle possédait un jardin, on ne sait pas grand chose sur l'aspect de la maison du vivant de Jehanne. On sait seulement qu'à la fin du Moyen Age, la façade de la maison était décorée de peintures murales - datant au plus tôt de 1481 - illustrant l'épopée de l'héroïne.
C'est Michel de MONTAIGNE qui nous laisse ce témoignage, datant de 1580 :

(Nous) passâmes le long de la rivière de Meuse dans un village nommé Domremy-sur-Meuse, à trois lieues dudit Vaucouleurs d'où estoit nastive cette fameuse pucelle d'Orléans qui se nommait Jane Day ou Dallis. Ses descendants furent anoblis par faveur du roi, et nous montrèrent les armes que le roi leur donna, qui sont d'azur à une espée droite couronnée et poignée d'or au costé de ladite épée : de quoy un receveur de Vaucouleurs donna un escusson peint à M. de Caselis. Le devant de la maisonnette où elle naquit est toute peinte de ses gestes; mais l'aage en a fort corrompu la peinture. Il y a aussi un arbre le long d'une vigne qu'on nomme l'arbre de la Pucelle, qui n'a nulle autre chose à remarquer. (Rigolot F.Ed., Journal de voyage de Michel de Montaigne, Paris, 1992)

Il ne reste plus aucune trace de ces peintures. La façade de l'actuelle maison est située sur le pignon et sa surface au sol ressemble plutôt à un grossier carré; on ne retrouve plus le plan des travées parallèles typiques des maisons lorraines. Il faut en conclure que les nombreuses modifications qu'elle a subies, surtout après 1820, ont complètement bouleversé sa structure initiale.
Les premières transformations importantes furent apportées en 1481, probablement par Claude du Lys, arrière-petit-neveu de Jehanne et seigneur de Domrémy, dont le blason, accompagné de celui de son épouse, Nicole Thiesselin, orne le tympan de la porte actuelle de la maison.
C'est à ce moment que la moitié orientale de la maison fut construite, le mur pignon devenant la façade principale. Ces modifications correspondent à un changement de condition sociale des membres de la famille de Jeanne d'Arc, qui commencent à vivre noblement comme en témoigne une enquête de 1476 (1).
(1)(Bouteiller (E. de) et Braux (G. de), Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc, enquêtes inédites, Paris, 1879, p.1-46.)
(Jeanne d'Arc, mythes et réalités, O. Bouzy, Orléans, 1999).
Ouvrons ici une petite parenthèse en ce qui concerne la maison où fut élevée Jehanne. L'un des descendants de cette famille, qui en était le propriétaire, voulut la vendre à un étranger. Il y renonça pour la céder à l'Etat français, pour qu'ainsi elle restat dans notre patrimoine historique. Voici ce que proposa alors un habitant d'Orléans, dans une lettre adressée au Maire de cette ville qui devait à Jehanne sa délivrance en 1429 :
Lettre de Monsieur de Longueve au Maire de la ville d'Orléans :

Paris, rue de Grenelle n°35 Fg. St. Germain 29 juillet 1818.
Monsieur le Maire,
Je ne sais si vous avez lu dans les journaux un fait qui ne peut manquer de produire sur les habitants d'Orléans une vive et touchante impression.
Un habitant de Domrémy, que ses compatriotes reconnaissent issu de la même famille que Jeanne d'Arc, avait reçu dans l'héritage de ses pères et conservé jusqu'ici la chaumière où naquit notre libératrice.
Très récemment un étranger lui a offert de cette maison un prix de plus de 6.000 francs pour se procurer la satisfaction de la détruire.
Nicolas Gérardin (nb : ou Girardin) c'est le nom de ce bon français, a regardé cette proposition comme un outrage. Il a rejeté l'or contre lequel on voulait lui faire échanger son honneur.
Le Conseil général du département des Vosges se trouvait en ce moment assemblé, justement effrayé d'une tentative de ce genre, et jaloux de conserver à la France l'humble asile qui doit lui être cher à jamais. Il a chargé deux de ses membres d'aller sur le champ en demander la cession à son digne propriétaire, pour en faire la propriété du département.
Cet homme aussi désintéressé lorsqu'il s'est s'agit de se montrer bon citoyen et parent de Jeanne d'Arc, qu'il avait été insensible lorsqu'on le provoquait à méconnaître ce double titre de gloire, a cédé aussitôt pour la modique somme de 2.500 francs, ce dont il n'avait tenu qu'à lui d'obtenir trois fois davantage.
Il n'y a mis qu'une seule condition qui l'honore, celle d'être préposé à la garde de la propriété, devenue monument national, mais il a stipulé qu'il ne voulait de cette fonction qu'aussi longtemps qu'il s'en montrerait digne.
La cession et l'acquisition viennent d'être autorisés sur l'avis du Ministre de l'Intérieur par ordonnance royale du 24 de ce mois. Je me permets de penser que la ville d'Orléans, dont la gloire de Jeanne d'Arc et la patriotisme ne scaurait rester spectatrice indifférente de cet acte de dévouement et de patriotisme, et quelle s'empressera de donner à l'homme respectable qui vient de se signaler ainsi, un témoignage public d'admiration et de gratitude.
Je (un mot) de vous donner à cet égard une impulsion qui sera certainement accueillie. Il serait, je crois, inconvenant d'offrir à Gérardin une indemnité pécuniaire qui pourrait l'humilier en lui ôtant le mérite de son noble désintéressement, mais il me semble qu'une délibération du Conseil municipal devrait arrêter qu'une lettre de félicitation conçue dans les termes les plus honorables, lui serait adressée par vous à son nom, et qu'il y serait joint une des médailles de Jeanne d'Arc frappées lors de la restauration de sa statue, ainsi qu'une expédition de la délibération en vertu de duquelle (sic) cette lettre serait faite.
Qu'une autre lettre devrait de même être adressée au Conseil général du département des Vosges, par l'entremise du sous-Préfet de ce département avec lequel elle lui serait commune, et qui serait invité à la lui présenter à la première réunion.
Je ne sais si le coin de la médaille est resté à Orléans ou s'il a été déposé ici à la monnaye des médailles. Dans le premier cas, il faudrait l'y faire remettre momentanément. Et dans l'un comme dans l'autre, je me chargerais avec empressement de suivre cette opération.
Je ferais substituer l'effigie du roi au revers de cette médaille, à la place de celle qui s'y trouve.
Je me chargerais aussi d'obtenir l'autorisation du roi qui, d'après l'ordonnance du 10 juillet 1816, est nécessaire en pareil cas.
Je prend la liberté de vous soumettre un projet des deux lettres, et de la délibération à prendre. Je désire qu'il remplisse vos voeux et celles du Conseil municipal.
Je suis avec un dévouement respectueux, Monsieur le Maire, votre très humble et obéissant serviteur.
Henry de Longueve
Ps : Je vous demande un mot de réponse pour scavoir ce qui aura été décidé. Je pense qu'il ne faut pas retarder ce qu'on jugera convenable de faire. C'est du surplus une chose aussi simple qu'elle sera honorable.

C'est ainsi que la maison resta dans le patrimoine français, entretenue par l'Etat ainsi qu'on peut encore la visiter de nos jours à Domrémy.
(Lettre de M. de Longueve, en date du 29 juillet 1818, au sujet de la maison de Jeanne d'Arc à Domrémy. Médiathèque Orléans, MS.515.17. 19e siècle, papier, 3 pages, 235 sur 188 millim. Autographe).

^ Sommaire

Dans les comptes de la ville d'Orléans

Le 29 avril 1429, vers 20 heures, Jehanne la Pucelle entre dans Orléans par la porte Bourgogne, accompagnée d'hommes d'armes, de munitions et de ravitaillement dont une partie avait transité jusqu'à la ville par la Loire.
Deux de ses frères, Pierre et Jehan, étaient du nombre. On sait pas exactement s'ils furent logés avec Jehanne chez Jacques BOUCHER, le trésorier du duc d'Orléans, dans la maison de L'Annonciade.
On ne cite ni l'un ni l'autre dans les chroniques et les récits qui parlent de la prise des Tourelles et de la délivrance de la cité, parmi ceux qui se distinguèrent lors de ces événements, bien qu'apparemment ils aient été sur place.
Les comptes de la ville les citent un peu plus tard.
Samedi 11 juin 1429 : Jehanne quitte Orléans avec l'armée, pour se porter sur la ville de Jargeau qui sera bientôt délivrée. Parmi les troupes, on comptait aussi certains Orléanais qui la suivirent dans cette expédition composée dit-on d'environ 8.000 combattants. Pierre et Jehan y participent.
Ce jour-là, avant le départ, et par ordonnance des procureurs de la ville, Charlot Le LONG fournit "aux frères de la Pucelle" trois paires de houseaux (guêtres en cuir qui s'attachaient avec une broche en fer, en place de boutonnière), et aussi trois paires de souliers.
Les procureurs chargent également l'un d'eux, Jehan MORCHOASME, de payer à Thévenon VILLEDART, "la despense que ont faicte en son ostel les frères de la Pucelle" pendant leur séjour à Orléans. Ils ont donc résidé un temps chez cet homme, probablement patron d'une auberge.
De plus, les deux frères ne repartirent pas les mains vides, car le même procureur fut chargé de "bailler auxdits frères de la Pucelle, pour don à eulx faict, trois escus d'or qui ont cousté chascun 60 sous parisis." (cela représente environ le prix d'une vache et de deux moutons.)

Etaient-ils présents à la bataille de Patay ? On sait qu'ils assistèrent au sacre et que Pierre, prisonnier à Compiègne en même temps que Jehanne, dut payer une rançon. Plus tard, en juillet 1440, Pierre et sa mère, Isabelle, s'installent à Orléans.
Jehan y séjourna aussi, probablement, mais poursuivit la carrière des armes. Il fut capitaine de Chartres, bailli de Vermandois (1454), puis prévôt de Vaucouleurs (de 1455 à 1468), repartant ainsi dans son pays. Sa fille unique, Marguerite du Lys, se mariera avec un seigneur tenant un fief à Saint-Denis-en-Val, près d'Orléans, et restera donc sur place, près du lieu des exploits de sa tante.
Jacques, le frère aîné, avait rejoint Jehanne à Blois, mais s'en retourna très vite en Lorraine; il ne participe pas à l'épopée, reprenant sans doute la succession de son père à Domrémy.
Cette famille a été l'objet de largesses, non seulement de la ville d'Orléans, mais de la part du roi, et surtout du duc d'Orléans.
En ce qui concerne Jehanne, on en trouve traces dans les comptes de la ville d'Orléans, au jour du 8 mai 1429.
Le 7 mai, les Tourelles sont prises; les anglais partent le 8... c'est la liesse !
Ce jour-là, un dimanche, une procession générale est faite, partant de la cathédrale Sainte-Croix jusqu'à Notre-Dame-des-Miracles, dans le quartier Saint-Paul, tout près de la résidence de Jacques BOUCHER, le trésorier du duc.
Y assistaient la majeure partie des Orléans, le clergé, les religieux de tous ordres, les magistrats, les corps constitués, les militaires, et surtout la Pucelle, portant son étendard victorieux, le plus bel ornement de cette première fête, préfiguration de celles qui vont suivre et se perpétuer jusqu'à nos jours.
Jehanne ne fut pas oubliée, et les Orléanais, par l'entremise des procureurs, lui font plusieurs présents. Jehan HILAIRE, receveur des deniers publics, paye entre autres ce jour-là :

- A Jacquet COMPAING, pour demy aulnes de vers (étoffe) achestés pour faire les orties (ornements ou broderies représentant des orties, emblême de la famille d'Orléans) des robes de la Pucelle, le jour du lièvement du siège d'Orliens : 6 sous parisis.

(nb : Jehanne faisait-elle donc partie de cette famille, pour qu'elle soit autorisée à en porter les signes ?!)

- A Massot BARIANT, pour avoir tiré à clert un tonneau de vin prins (pris) chez Jehan MORCHOASME, pour donner à Jehanne, le jour du lièvement du siège d'Orléans : 6 sous parisis.

(C'était la coutume alors de faire ce type de cadeau aux gens que l'on voulait honorer; et puis, Jehanne dut bien un peu faire la fête avec ses proches à cette occasion.)

- A Jehan LEBRUN, sellier, pour l'achat d'ung bast à bahu (selle arrondie sur le dessus) et pour ung bahu (coffre dont le couvercle est arrondi et couvert de clous de cuivre) , serrures, courroys, sangles et pour touailles (toiles, tissus) pour le guernir (le garnir) par dedens avec couverture, pour donner à Jehanne la Pucelle, pour le tout : 76 sous parisis.
- A Jehan MORCHOASME, pour argent baillé pour l'achat de 6 chapons, 9 perdrix, 12 congnins (des lapins) et ung fésan, présentés à Jehanne la Pucelle : 6 livres 12 sols 3 deniers parisis.

(Jehanne et son entourage ont dû faire bombance de jour-là. Cela la changea certainement de ses morceau de pain trempés dans un peu de vin coupé d'eau, collation frugale dont elle était coutumière.)
En janvier 1430, Jehanne, qui devait séjourner au château de Sully, chez le seigneur de La Trémoille, invitée à Orléans pour un banquet, fit le voyage à Orléans. La ville paya :

- Le 19e jour de janvier, il est dû à Jehan MORCHOASME, pour argent baillé pour l'achat de 6 chapons, 9 perdrix, 13 congnins et ung fésan, présentez à Jehanne la Pucelle, maistre Jehan du VELLY et monsieur de Mortemar (*) : 6 livres 12 sous 4 deniers parisis.
- Et à Jacquet LEPRESTRE, pour trois pintes de vin présentées aux dessusdits à deux repas, ledit jour : 3 sous parisis.

(*) nb : le seigneur de Mortemar était le châtelain de Montpipeau, forteresse située à Huisseau-sur-Mauves, près de Meung-sur-Loire, dont une partie du château moyenâgeux, en bon état, subsiste encore de nos jours. La forteresse fut occupée durant environ 7 mois par les anglais, sous le commandement du capitaine anglais Richart Waller.

Toujours dans les comptes de la ville, plus tard : il s'agit de la "réapparition" de Jehanne, sous le nom de "Jehanne des Armoises", qui annonce qu'elle se rendra à Orléans.Tout Orléans la reconnaîtra pour telle !

- 9 août 1436 : A Fleur-de-Lys, hérault de ladicte ville, le jeudy de Sainct-Lorens, pour don à luy faict pour ce que il avoit apporté lectres à la ville de par Jehanne la Pucelle, 2 réaulx, à 24 sous parisis, soit 48 sous parisis.
- 21 août 1436 : A Jehan DULIS (sic), frère de la Pucelle, le mardy XXI d'aoust MCCCCXXXVI, pour 12 poulets, 12 pigeons, 2 oisons et 2 levrots : 38 sous parisis.

(Le frère de Jehanne, lui-même, vient annoncer à la ville d'Orléans que sa soeur est vivante, et qu'elle souhaite revenir à Orléans. Se serait-il rendu complice d'une supercherie ?)

- Même date, toujours pour Jehan du Lys : Pour don à lui faict la somme de 12 livres tournois pource que ledict frère de la Pucelle vint en la Chambre de ladicte ville, réquérir aux Procureurs de la ville qu'ils luy voulissent aidier d'aulcung poy (d'un peu) d'argent pour s'en retourner par devers sa dicte soeur, disant qu'il venoit de devers le Roy luy annoncer que sa soeur Jehanne eixistoit et que le Roy luy avoit ordonné (promis) 30 francs et commandé que on les bailla, ce dont on ne fist rien, et ne luy en fut baillé que 20 dont il avoit despendu (dépensé) les 12, et ne luy en restoit plus que 8 francs, qui estoit poy de choses pour s'en retourner à Metz, devers sa soeur Jehanne, veu (vu) qu'il estoit cinquiesme à cheval (*)... On luy donna 12 francs, valent : 9 livres 12 sous parisis.

(*) Cela voulait dire qu'il était accompagné de quatre personnes, et qu'ils étaient donc cinq pour repartir.

La ville d'Orléans dépêche un messager, pour vérifier la véracité de la nouvelle, et, probablement, pour vérifier son sceau :

- 18 octobre 1436 : A Cueur-de-Lys, hérault de ladicte ville, le 18e jour d'octobre MCCCCXXXVI, pour ung veïage qu'il a faict pour ladicte ville, par devers la Pucelle, laquelle estoit à Arlon, en la duchié de Luxembourg, et pour porter les lectres qu'il apporta de Jehanne la Pucelle, à Loiches (Loches) par devers le Roy, qui là estoit, au quel veïage il a vacqué 41 jours: c'est assavoir :
. 34 jours au veïage de la Pucelle,
. 7 jours pour aller devers le Roy et par ledit Cueur-de-Lys, pour aller vers ladicte Pucelle, le mardy, dernier jour de juillet, et retourna le 2e jour de septembre ensuivant, ainsi sont 41 jours qu'il a demouré à vacqué à faire le dict veïage, pour tout : 6 livres parisis.
- Le dict 2e jour de septembre, pour pain, vin et cernaulx despensés en la Chambre de ladicte ville à la venue dudict Cueur-de-Lys qui apporta lesdictes lectres de Jehanne la Pucelle, et pour faire boire ledict Cueur-de-Lys lequel disoit avoir grant soif, pour ce : 2 sous 4 deniers parisis.

Le nommé Coeur-de-Lys venait faire son rapport aux dirigeants de la ville, certifiant qu'il avait bien vu Jehanne, et rapportait des preuves.

En juillet 1439, à la fin du mois, la "Dame des Armoises" est à Orléans ! Elle y est bien reçue. Personne ne pense qu'elle n'est pas celle qui a chassé les Anglais de la cité, 10 ans plus tôt.
On paye, par l'entremise de Jacquet LEPRESTRE :

- Le 28 juillet : 14 sous parisis pour vin présenté à Jehanne des Armoises.
- Le 29 juillet : idem.
- Le 30 juillet : 60 sous parisis pour viande présentée à madicte Jehanne, et 21 pour 21 pintes de vin présenté à elle à disner et au soupper.
- Le 1er août : 14 sous parisis pour 10 pintes et chopines à elle présentés à disner quand le mesme jour elle se party de ceste ville.
- Le 1er août : 210 livres parisis pour don à elle faict le premier jour d'aoust par délibération faicte avec le Conseil de la ville, et pour le bien qu'elle a faict à ladicte ville durant le siège, donné à elle le mesme jour que elle se party, pour ce IIc et X livres parisis.
- Le 1er août : A luy (Jacquet) 10 sous et 8 deniers parisis pour 8 pintes de vin despensés à ung soupper où estoit JH (sans doute Jehan) Luillier et Thévenot de Bourges pour ce qu'on le cuidoit (le devait) présenter à ladicte Jehanne, laquelle se party plutôt que le vin ne fust venu.

On a beaucoup parlé sur cet article, alléguant que la Dame des Armoises, étant une usurpatrice, elle aura préféré s'en aller. Si elle a quitté la table pour s'absenter, elle est revenue quelque temps après. La suite de la rubrique établit que la Dame en question n'avait pas disparu :

- A Jehan PICHON, le 4e jour de septembre pour six pintes et choppines, présentés à la Dame des Armoises.

Elle avait quand même été reconnue par ceux qu'elle avait côtoyés, au temps de la délivrance de la cité, y compris par la famille BOUCHER qui l'avait logée, et même sa propre famille. Nombreux participants aux évènements étaient toujours vivants à Orléans, dix ans après. Toute une ville aurait-elle pu être complice d'une escroquerie ?
Monsieur Pierre de SERMOISE dans son livre (Missions secrètes de Jehanne la Pucelle, P. de Sermoise, R. Laffont, 1970) nous fait part d'une citation à ce sujet, en la page 250 :

- Exprimée de nos jours dans le Bulletin Syndical des Instituteurs, une opinion résume la question avec intelligence : il est quand même un peu fort que nous, qui vivons au 20e siècle, cinq cents ans après la mort de l'héroïne, ayons la prétention de dire : c'était une fausse Jeanne d'Arc, nous qui ne l'avons jamais vue, et que nous disions aux Orléanais qui l'ont vue : vous, vous étiez des imbéciles !
(André Bourrier : L'idée libre, 1925, et B.S.I. octobre 1924).

Nous ne nous étendrons pas plus avant sur le sujet de la Dame des ARMOISES, car tel n'est pas le sujet ici. On pourra se reporter au livre de M. Pierre de SERMOISE pour se faire une opinion.

Au mois de juillet 1440, Isabelle "Romée" se fixe à Orléans, avec Pierre, son fils, Jehanne BAUDOT, l'épouse de celui-ci, et leur fils Jehan qui prendra le nom de Jehan du LYS. Sans doute aussi l'autre frère, Jehan (qui fut capitaine de Chartres) avec sa femme et leur fille Marguerite, y séjournèrent-ils quelque temps. Marguerite, elle, restera sur place, épousant plus tard un seigneur local.
On ne sait pas à quelle période Mengin de Vouthon, frère d'Isabelle, vint résider à Luminart, sur Saint-Denis-en-Val.
La ville logea Isabelle dans le rue des Pastoureaux, non loin de la cathédrale, sur la paroisse de Saint-Hilaire, qui sera aussi le lieu d'inhumation d'Isabelle en 1458.
Les procureurs fournirent "les vivres et nécessités" et, en outre, la somme de 60 sous tournois (48 sous parisis), seulement pour Isabelle, "pour se maintenir et habiller", laquelle somme montant à deux écus et demi, ou environ (l'écu valait 25 sous) lui fut payée chaque mois jusqu'à sa mort. Voici comment on note sa pension dans les comptes :

- Par commandement des Procureurs, Jehan LALLEMAND, en août 1442 (par exemple), paye à la mère Jehanne, Isabeau, mère de la Pucelle, qui résidait à Orléans, la somme de 48 sous pour don qu'on luy faict par moys, depuis le 9 novembre 1440, pour son vivre durant le moys d'aoust."

(nb : on voit ici que le versement de cette pension est intervenu dès le quatrième mois de sa présence à Orléans.)
La cité des Orléanais, par reconnaissance, s'occupe vraiment bien d'Isabelle.
En mars 1441, les Procureurs payent à Geuffroy DIJON, apothicaire, 56 sous et 4 deniers, pour avoir baillé choses nécessaires de son mestier à la mère Jehanne Isabeau, mère de la Pucelle, qui a esté fort malade.
On voit là, qu'outre la pension qu'on lui versait chaque mois, la ville d'Orléans prodiguait gratuitement des soins médicaux à Isabelle "Romée".
Elle s'éteint le 28 ou le 29 novembre 1458, probablement à Orléans, où était sa résidence principale. Certains affirment que ce fut à Sandillon, à la métairie de Bagnault, fief de son fils Pierre, où, il est vrai, elle dut séjourner souvent. Mais ce devait être à Orléans qu'elle habitait la plus souvent, sa pension étant versée dans cette ville.
Quoiqu'il en soit, elle fut inhumée sur la paroisse de Saint-Hilaire, à Orléans, après un séjour continuel de plus de 18 ans sur le lieu des exploits de Jehanne.
Les 48 sous parisis -ou 60 sous tournois - permettaient sans doute à Isabelle d'assurer ses besoins, mais ce n'était pas une forte pension. C'était l'équivalent de la solde d'un mois versée aux archers anglais stationnée au siège durant cette période.
Le mois suivant le décès d'Isabelle, au mois de décembre 1458, la ville, pour la dernière fois, paye le montant de la pension à son fils :

- A messire Pierre du Lis, chevalier, frère de feue Jehanne la Pucelle, la somme de X4 VIII (48) sous parisis, que le gouverneur a ordonné luy estre payées, pour le don que la ville d'Orliens faisoit chaque moys à feue Jehanne Ysabeau, leur mère, pour luy aidier à vivre, et pour le moys de novembre derrenièrement passé, auquel moys elle trespassa, X2 VIII jour (28e jour), pour laquelle cause ladite somme a esté ordonnée estre baillée audit messire Pierre, son fils, pour faire du bien pour l'âme d'elle, et pour accomplir son testament, pour ce cas-là : X4 VIII sous parisis.

Le testament dont on parle dans cet article n'a jamais été retrouvé (était-il écrit ?). Peut-être - s'il a existé et n'a pas été détruit - gît-il dans un fond d'archives publiques ou privées. Quelle découverte capitale s'il venait un jour à réapparaître !

Autour du siège d'Orléans

La Bataille des Harengs

Voir l'article de l'auteur de cette page : La Bataille des Harengs

La bataille dite "des harengs" à Rouvray, le 12 février 1429.


Plaque apposée sur le mur de l'église de Rouvray-Saint-Denis, sur la gauche, à l'intérieur, à côté d'une statue de la Pucelle :

Le jeudi 17 février 1429, Jeanne d'ARC révélait à Baudricourt, qu'elle ne connaissait pas, une nouvelle défaite du Roi de France, la bataille dite "des Harengs", livrée et perdue à Rouvray-Saint-Denis au lieu-dit "Le Camp Ennemi", le samedi 12 février 1429.
La nouvelle en fut confirmée à Baudricourt quelques jours plus tard.
D'autre part, Jeanne d'ARC a traversé le territoire de Rouvray-Saint-Denis au-delà de Villaines, sur le chemin de terre qui porte le nom de "Chemin de Jeanne d'Arc".
(vu et relevé par l'auteur)

Sur le mur d'en face, on trouve, affichée sur un panneau, la précision :

Pendant la Guerre de Cent-Ans, la prise de Rouvray-Saint-Denis nous est connue par une lettre de rémission. Là, les Anglais obligèrent "les manants et les habitants retraiz en l'église" de se rendre le 16 décembre 1428.
Lors de la "Journée des Harengs", qui eut lieu deux mois plus tard, à Rouvray-Saint-Denis, le village était donc soumis aux Anglais.
(Société Archéologique d'Eure-et-Loir, Bull. n°19, 4e trim. 1988, p.20)


Le siège d'Orléans

Siège d'Orléans.

Les Anglais sont devant Orléans depuis le 12 octobre 1428 sans avoir jamais pu escalader les murs de la ville située au nord de la Loire. Devant l'héroïque résistance des habitants, ils en ont fait le siège, comptant ainsi les réduire par la famine. Après de furieux combats, le fort des Tournelles (ou Tourelles), tête de pont de la rive gauche, était tombé entre leurs mains. D'importants ouvrages fortifiés furent alors construits des deux côtés du fleuve, enserrant la ville presque dans son entier. Cependant, au nord-est d'Orléans, du côté de la forêt, les Anglais avaient volontairement laissé une brèche par où devaient tenter de passer les convois destinés à l'assiégé (sur le territoire de Fleury). Voulant se les approprier, ils avaient établi secrètement, en plein bois, un puissant poste d'observation d'où ils pouvaient surveiller les routes traversant la forêt et empêcher ainsi toute expédition de secours d'aboutir.
Telle est la situation désespérée d'Orléans lorsque Jehanne apparaît. Seul un miracle peut délivrer la ville. Ce sera le signe qu'elle doit donner de sa mission. Sa foi est invincible.
Pourtant une première déconvenue l'attendait. Ses Voix lui avaient dit de prendre la rive droite. Mais les chefs qui l'accompagnent, afin d'éviter la plus grande puissance des Anglais établis en Beauce, lui imposent de passer par la Sologne. Aucune précision n'est fournie par les textes anciens quant aux points de repère entre Blois et Orléans. Mais il est des facteurs dont nous avons voulu tenir compte : la nécessité d'aller au plus court tout en évitant les places occupées par l'ennemi - La Ferté-Saint-Cyr, la Ferté-Saint-Aubin, Olivet, le fort des Tournelles à l'extrémité sud du pont d'Orléans, les chemins en usage à l'époque et les traditions. Nous avons donc opté, parmi les divers itinéraires proposés, pour celui qui nous a paru le mieux répondre à ces exigences : la route de Cléry qui lui faisait longer la Loire à quelques kilomètres de distance. Cette région était aux mains des Français et protégée par le château-fort de Chambord. Ce qui assurera la progression de l'armée sans être attaquée.
Commandant la défense de la place, le bâtard d'Orléans (celui qu'on appellera le brave Dunois) était responsable de la marche suivie... En nom Dieu, le conseil de mon Seigneur est plus sûr que le vôtre, s'écriera-t-elle, indignée, lorsqu'elle lui fait constater l'impossibilité où il se trouve de transporter l'armée par bateau sur l'autre rive. Il aurait fallu remonter le courant et le vent était contraire ! Vous avez cru m'abuser et c'est vous qui vous abusez !
Malgré son désir de ne pas se séparer de ses troupes qui durent, pour prendre la rive droite, retourner à Blois, car il n'y avait pas de pont libre avant cette ville, elle cède aux supplications de Dunois et se décide à traverser le fleuve en face de Chécy, à l'aube du 29 avril 1429, avec La HIRE et deux cent lances, devant les Anglais immobilisés par une inexplicable terreur. Auparavant, elle avait conjuré la famine en embarquant au port du Bouschet, en face de Saint-Jean-de-Braye, dès que le vent eut tourné selon sa prédiction, le convoi de vivres envoyé par Yolande d'Aragon et qui devait aborder à la grève de Saint-Aignan.
Elle trouve hébergement sur la paroisse de Chécy, au lieu-dit Reuilly (1) et y demeure jusqu'à la chute du jour, afin de n'entrer dans Orléans que de nuit pour éviter le tumulte du peuple.
(1) Une croix a été érigée sur le territoire (privé) de Reuilly en amont de Chécy, en souvenir de ce fait.
(D'après En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, M.F. Richaud et P. Imbrecq, Librairie Plon, Paris, 1956, p. 21, 22, 23.)
^ Sommaire

La situation dans la cité

Pour battre les murs en vue d'un assaut rapide, John PARKER avait amené soixante-deux canons de cuivre de petit calibre, lançant des pierres de deux livres et des boulets de plomb, six pièces de siège pour pierres de dix-huit pouces. Une forge en fabriquerait d'autres sur place. Préparatifs coûteux, en vue d'un résultat estimé d'importance. Mais l'effectif armé restait médiocre. En 1428, le comte de SALISBURY avait eu du mal à réunir 2.500 hommes; 400 avaient manqué au rendez-vous. BEDFORD le renforça à 5.000, avec des contingents des places et des levées de Normandie. Des Bourguignons parurent quelque temps.
Avec si peu de monde, impossible à Salisbury, que ses légers bateaux de cuir, aptes seulement à traverser les fossés pleins d'eau, ne rendaient point maîtres du fleuve, d'enlever la place de vive force.

Orléans était une ville puissante, ceinturée de remparts couronnés de trente-quatre tours. Trois faubourg franchissaient les murailles; de la porte Renard, à l'ouest, de la porte Bernier, au nord-ouest, de la porte Bourgogne à l'est. Entre les deux derniers, la porte de Paris, face au couvent des Jacobins, donnait vers la forêt.
Sur la Loire, la porte du Pont ouvrait sur le pont de pierre de dix-neuf arches qui, bordé de maisons, s'appuyait sur une île allongée pour atteindre la rive gauche, en avant de laquelle s'élevait le fort des Tourelles et, sur la rive, le boulevard du même nom.
En aval, s'étendait encore un faubourg, celui du Portereau, dont les dix procureurs d'Orléans firent abattre les maisons, ainsi que le couvent et l'église des Augustins. Ils munirent aussi les murs de mantelets en bois pour tirer à couvert, renforcèrent les portes des faubourgs, hissèrent sur les remparts soixante et onze bouches à feu que servaient douze canonniers réputés, sans compter les couleuvrines si bien maniées par Jean de Montesclère, dit Maitre Jehan.
Les munitions ne manquaient point, dès longtemps accumulées par la prévoyance bourgeoise. L'argent non plus, au prix duquel ils appelèrent à leur défense tous ceux qui cherchaient à se battre. Outre les gens des faubourg, nombre de seigneurs, de capitaines et d'aventuriers étaient accourus. Les bonnes villes répondaient aussi à l'appel, cependant que Gaucourt et Dunois, le "Bâtard d'Orléans", demi-frère du duc Charles et lieutenant général du roi, allaient solliciter du Dauphin un supplément d'argent et d'hommes.
^ Sommaire

Ravitaillement d'Orléans durant le siège de 1428-1429

Convoi de ravitaillement.

Avril 1429 - Orléans était assiégée depuis octobre 1428 par les Anglais.
Jehanne la Pucelle, considérée alors comme chevalier, part de Blois avec sa petite troupe, accompagnée d'une armée, et escortant un convoi de ravitaillement en vivres, denrées diverses et munitions de guerre.
Dans ce convoi se trouvait en particulier une quantité importante de blé. A Chécy, le vent redevenu favorable, des bateaux purent y monter, et le blé fut chargé sur un chaland afin qu'il redescende la Loire jusqu'à Orléans.
Quant à Jehanne, elle fit son entrée solennelle vers 20 heures, au soir du 29 avril, et fut accueillie avec enthousiasme. Avec elle, devaient suivre les munitions, les canons, et une partie des vivres venus de Blois. Le blé, lui, transita donc par un chaland.
Tandis que Jehanne prenait gîte chez Jacques BOUCHER, trésorier du duc d'Orléans, les responsables de la cité décidèrent de reporter au lendemain le déchargement et le stockage du chargement de blé.
Jehan le CAMUS trouva quatre hommes, qui passèrent la nuit sur l'embarcation, pour ne pas la laisser sans surveillance, au cas d'un raid anglais, et aussi pour éviter que de mauvais drôles ne viennent se servir. Le chaland devait stationner le long des quais, probablement au niveau de la Tour Blanche.
L'un des notables de la cité, Guiot BOILLEVE proposa de louer son grenier pour y entreposer la plus grande partie de la cargaison. Comme tout n'y tiendrait pas, Gilet GUERET traita de gré à gré pour la location du sien, plus petit semble-t-il, afin d'accueillir le reste.
Au matin, sous la surveillance du sergent Colin NOLET et du notable Jehan CASEAU, des hommes trouvés par Jehan Le CAMUS vidèrent le contenu du chaland, montèrent les sacs de blé près de la Porte Bourgogne, et aidèrent au chargement dans les chariots qui y avaient été amenés, pour le transfert en ville vers les deux greniers.
Les hommes de Jacquet COMPAING', Charlot L'UILLIER et Guillot TOËT (24 porteurs pour ce dernier) s'affairent au chargement des véhicules. Charlot a même fait venir une femme, afin de recoudre les sacs qui pourraient être percés.
Les voituriers sont prêts à partir : Colin GALLIER, avec 8 charrettes, Bernard du PUY, qui fera trois voyages avec la sienne, un certain CASEAU (famille du notaire ?) qui en fera deux, et le valet de la paroisse Saint-Marc, tout près de là, qui fera aussi trois voyages.
Raoulet de RECOURT, Fouquet ROSE et quelques autres avaient été placés en divers endroits, le long des rues, sur le passage des chariots, afin de noter les passages, s'assurant ainsi du nombre des sacs, et qu'ils ne déviaient pas du chemin prévu. Le blé fut ainsi mis en sûreté dans les greniers.
Il fallut aussi le mesurer. Le notaire Jehan CAILLY y vaqua plusieurs journées, accompagné entre autres de Pierre NOVION qui, lui, y passa douze jours, sûrement aussi pour la distribution. C'est dire que le stock entreposé était conséquent !
Guiot BOILLEVE dut loger et nourrir chez lui certains de ceux qui firent le travail, tels que Jehan MORCHOASME et Jehan MARTIN, le notaire CAILLY peut-être, et quelques autres, car il reçut 4 sols parisis pour sa dépense.
Cette opération a dû mobiliser environ une soixantaine de personnes au moins, que la ville paya ou fit payer. Si les seize charretées ont fait une vingtaine de voyages, et si l'on compte cent sacs par chariot, on peut dire que c'est entre 2.000 et 2.500 sacs de blé qui sont entrés dans la ville - cargaison importante - si cette évaluation est exacte et plausible. Les Orléanais purent ainsi fabriquer le pain qui leur manquait.
Les registres du comptes de la cité font mention de l'arrivage et de l'entrée dans la ville, ainsi que des sommes payées ou remboursées. Plus de six siècles après, il est émouvant de connaître les noms des protagonistes, qui passent ainsi un peu à la postérité.

1- Blé du 29 avril 1429 amené par bateau :

Prestations Sommes payées
A Jehan Le CAMUS, pour bailler à quatre hommes qui couchèrent au chalan au blé, la nuit que on l'amena 8 sous parisis
A Jehan Le CAMUS, pour bailler à certains compaignons qui apportèrent le blé du chalan à la porte Bourgoigne et qui aidièrent à charger les voitures 12 sous parisis
A Colin NOLET, sergent, et Jehan CASEAU, nottaire, pour leur sallaire d'avoir fait informacion pour la ville, du blé emblé (pris) aux chalans 44 sous parisis


2- Louage de greniers pour recevoir le blé :

Prestations Sommes payées
A Gilet GUERET, pour le louaige de son grenier où a esté mis et distribué partie du blé amené de Bloiz "au deux fois", par composition faicte avec luy 64 sous parisis
A Guiot BOILLEVE, pour le louaige de son grenier où a esté mis la plus grant partie du blé de la ville et mesuré 4 livres parisis


3- Portage du blé :

Prestations Sommes payées
A Jehan Le CAMUS, pour paier deux hommes qui ont aidié à porter le blé derrenièrement amené 4 sous, 7 deniers parisis
A Jacquet COMPAING, pour bailler aux porteurs de la porte Bourgoigne, pour ce qu'ilz aidièrent à descharger les blez qui derrenièrement furent amenez en ceste ville 16 sous parisis
A Charlot L'UILLIER, pour despence faicte en chargeant ledit blé à la porte Bourgoigne, et pour une femme qui couzait les poiches qui estoient despecées 2 sous, 8 deniers parisis
A Guillot TOËT, porteur, pour le sallaire de luy et de 24 porteurs qui ont porté le blé de la ville, de la porte Bourgoigne en grenier, par marchié faict avec eulx 7 livres, 4 sous parisis


4- Transport par voitures :

Prestations Sommes payées
A Colin GALLIER, pour huit voitures de ses chevaulx et charette d'avoir mené de la porte Bourgoigne en l'ostel Guiot BOILLEVE partie du blé de la ville naguières amenés de Bloiz; à 16 deniers parisis la voitture, valent 10 sous 8 deniers parisis 10 sous, 8 deniers parisis
A Bernard du PUY, voicturier, pour trois arres (*) de sa voicture à amener le blé 4 sous parisis
A Caseau, pour deux arres de semblable cause 2 sols 8 deniers parisis
A Jehan Le CAMUS, pour bailler au varlet de Sainct-Marc pour trois arres pour semblable cause 4 sous parisis

(*) Arres ou arroy : du mot latin "arraiare" = harnacher un cheval. On peut dire ici : chargement,charrette.

5- Contrôle du transport :

Prestations Sommes payées
A Raoulet de RECOURT, pour despence faicte par luy, Fouquet ROSE et aultres, qui tailloient (*) les arres dudit blé au long des rues 4 sous parisis

(*) marquaient sur des tailles, ou registres.

6- Mesurage du blé dans les greniers :

Prestations Sommes payées
A Pierre NOVION, pour son sallaire de douze journées qu'il a vacquées à mesurer le blé de la ville, à 4 sous parisis par jour, valent 48 sous parisis
A Jehan CAILLY, nottaire, pour plusieurs journées d'avoir vacqué à mesurer le blé 6 livres parisis
A Guiot BOILLEVE, pour despence faicte en son ostel quand on mesura le blé, par Jehan MORCHOASME, Jehan MARTIN, CAILLY et aultres 4 sous parisis


Voilà pour le convoi arrivé à Orléans en même temps que Jehanne.
Un autre convoi, venu aussi de Blois, arriva à Orléans le 4 mai suivant. Pour celui-ci, on trouve, s'y rattachant, la mention suivante :

Texte Sommes payée
Item, payé à Jehan de La RUE, pour despence faicte en son ostel par les nottoniers (bateliers) qui amenèrent les blés qui furent amenés de Bloiz le 4e jour de ce moys 13 livres, 13 sous parisis

(Mandement à payer du 14 octobre 1429)
Ce qui pourrait prouver que ce second convoi, sous le commandement de DUNOIS, n'était pas entré dans la ville par voie de terre, à travers les bastilles de la rive droite de la Loire, mais au contraire, comme celui du 29 avril, que les blés descendirent encore par le fleuve.
Le chiffre relativement élevé de la dépense (sans doute s'agissait-il d'une auberge), montre que les "nottoniers" qui transportèrent les blés amenés le 4 mai, étaient en assez grand nombre, et conséquemment que l'arrivage devait être assez considérable.

nb : Au 2, on a pu déjà remarquer que Gilet Guéret avait aussi loué son grenier au 4 mai, pour y mettre partie du chargement, car il est précisé : du blé amené de Blois aux deux fois'. Au 6, on voit que Pierre Novion resta 12 jours à mesurer et distribuer le blé aux habitants de la ville, ceci, donc, du 30 avril au 11 mai, et pour les deux arrivages. Le 7 mai au soir, la ville était délivrée, et le 8 les anglais partirent sans combattre. La joie devait régner dans les greniers de Guiot Boillève et de Gilet Guéret !

Orléans reçut bien sûr, en d'autres occasions, du ravitaillement en vivres, munitions et autres marchandises. En voici quelques exemples :
- Le lundi 3 janvier 1429 : arrivée à Orléans de 954 porcs et de 400 moutons que les assiégés parvinrent à faire entrer par la porte Bannier, pendant qu'ils faisaient de grandes démonstrations à la porte Renard et à celle du faubourg Bourgogne, pour occuper les Anglais.
- Le mardi 25 janvier 1429 : plusieurs barques de vivres étaient sur le point d'entrer à Orléans, lorsque les habitants du côté Sologne en avertissent Glacidas (le capitaine anglais Guillaume GLASDALL), qui envoya des troupes au port de Saint-Loup, qui était alors sur la rive gauche, pour s'opposer à leur passage.
Les Orléanais s'étant portés en avant, se firent transporter sur une île qui en était voisine, mais malheureusement ils donnèrent dans une embuscade, et furent obligés de battre en retraite, abandonnant les vivres aux Anglais.
Plusieurs braves y périrent; le maître Jehan, habile couleuvrinier, faillit se noyer, et n'eut que le temps de s'accrocher à un bateau, perdant sa couleuvrine et le petit chariot qui la transportait.
- Le dimanche 13 février 1429 : pour se venger, les Français ont vent qu'un convoi de vivres anglais arrive de Paris, et décident de l'attaquer.
Combat de Rouvray-Saint-Denis, au nord d'Orléans, en Beauce, appelé Journée des Harengs parce que la plupart des chariots qui composaient le convoi anglais étaient chargés de barils de harengs, poissons destinés aux Anglais pendant le Carême.
Les français, ayant voulu l'enlever, furent battus. Beaucoup de seigneurs et soldats français y furent tués, et Dunois y fut blessé.
Le 17 février, les anglais qui avaient escorté et défendu le convoi, arrivent à Orléans. Plusieurs se portent jusque devant les remparts de la ville et narguent les français en criant : Ah, mes harengs, mes biaux, mes biaux harengs!. Les Orléanais leur répondirent par quelques coups de canons, qui en tuèrent plusieurs et firent taire les autres.
- Le mardi 15 mars 1429 : le Bâtard de Langres parvient avec peine à s'introduire dans Orléans, pendant la nuit, avec 6 chevaux chargés de poudre à canon.
- Le mardi 5 avril 1429 : quelques vivres, envoyées de Châteauneuf-sur-Loire, entrent furtivement dans la place, et on apprend la nouvelle d'un succès sur les Anglais par la garnison de cette petite ville.
- Le mercredi 13 avril 1429 : un petit convoi de munitions de guerre entre nuitamment dans la ville par la porte Bourgogne. Les Anglais, voyant que les Français faisaient souvent entrer des munitions de guerre et de bouche par les portes Bourgogne et Bannier, qui n'étaient pas assez gardées par eux, élèvent une belle et forte bastille, très bien faite, à un jet de pierre au nord de la porte Bannier, entre Saint-Pouair (presque à l'endroit où se dresse maintenant Saint-Paterne) et Saint-Ladre, à laquelle ils donnèrent le nom de Paris. Pour élever cette forteresse, ils abattirent la petite église de Saint-Pouair, et se servirent des matériaux récupérés pour rendre leur fort plus solide.
- Le samedi 16 avril 1429 : arrivés de subsistances venues de Blois. On parvint à les faire entrer dans la ville par la porte Parisis, après avoir passé par le chemin de Fleury, sans que les Anglais en eussent connaissance.
Enfin, le 8 mai 1429 et les jours suivant, les Orléanais se répandirent dans toutes les bastilles, forts et batteries abandonnés par les Anglais, renversent tout, et rentrent dans la ville avec les vivres, les munitions de guerre, les bombardes, les gros canons que les ennemis n'avaient pas pu emporter dans leur fuite précipitée.

Escorte et préparation du convoi arrivé à Orléans le 29 avril 1429

Dans ce convoi parti de Blois, première "mission" de Jehanne, figuraient des prêtres et religieux, marchant et chantant devant le convoi, des conducteurs de boeufs et des portefaix, pour les chariots... et aussi, bien évidemment, des soldats. On peut tenter d'évaluer le nombre de ces personnes. Les comptes d'Hémon RAGUIER, le trésorier de Charles VII nous y aident.
- Compte n°13 - Aux capitaines et chiefs de guerre cy après nommés - Ordre du 27e avril, donné à Chinon, pour... (un mot) et habillemens mener en la ville d'Orliens.

Troupes Sommes payées
A monseigneur Gilles de RAIS, pour luy aidier à supporter les fraiz et pour assembler les capitaines et gens de guerre, et aussi pour 25 hommes d'armes et 11 archiers de sa compagnie 895 livres
A Gauthier de BOUSSAC, escuier, 40 hommes d'armes et 60 de traict 680 livres
A aultre fois audit Gauthier 212 livres, 10 sols
A Archades de La TOUR, 26 hommes d'armes et 26 de traict 325 livres
A Jehan FOUCAUD, chevalier, 22 hommes d'armes et 20 archiers 327 livres, 10 sols
A messire Ambroise de LORE, chevalier, 32 hommes d'armes et 33 archiers 463 livres
A Robert Le FEUVRE, archier, pour luy et 38 archiers 140 livres
A Thudual Le BOURGEOIS, escuier, 15 hommes d'armes et 11 archiers 164 livres
A Bertrand de La FERRIERE, et au Bastard de BEAUMANOIR, escuiers, 22 hommes d'armes et 28 archiers 323 livres

Total payé : 3.529 livres et 20 sols (probablement parisis).
Et, pour ces premières troupes :

Troupe n° Hommes d'armes Archers Hommes de trait (archers ou arbalétriers) Total hommes
1 25 11 - 36 hommes
2 40 - 60 100 hommes
3 26 - 26 52 hommes
4 22 20 - 42 hommes
5 32 33 - 65 hommes
6 - 39 - 39 hommes
7 15 11 - 26 hommes
8 22 28 - 50 hommes
Totaux : 182 142 86 410 hommes

A chaque homme d'armes : un page et un coutillier, soit : 182 x 3 = 546.
Archers et hommes de traict : 228.
Soit un total de 774 combattants.

- Compte n°14 - Aux capitaines et chiefs de guerre cy après nommés pour conduicte de vin et aultres nécessités pour l'avitaillement et fortification de la ville d'Orliens - Ordre du mois d'avril 1429 après Pasques.

Troupes Sommes payées
A Gaston de LESGO, escuier, 25 hommes d'armes et 15 de traict, à 4 livres pour homme d'armes et 40 sols pour homme de traict 90 livres
A Arnaud GUILLOT du BOURG, 20 hommes d'armes et 20 hommes de traict au même prix 120 livres
A Galardon de GOULARD, escuier, 20 hommes d'armes et 20 de traict 120 livres
A messire Rigaud de FONTAINES, chevalier, 15 hommes d'armes et 15 de traict 90 livres
A Alain GIRON, escuier, 30 hommes d'armes et 30 de traict 180 livres
A messire Louis de GAUCOURT, chevalier, 10 hommes d'armes et 20 de traict 60 livres
A Bertrand de TOULOUSE, escuier, 20 hommes d'armes et 20 de traict 120 livres
A Jehan GIRARD, escuier, 20 hommes d'armes et 20 de traict 120 livres

Total payé : 900 livres (probablement parisis).
Et, pour ces autres troupes :

Troupes n° Hommes d'armes Hommes de traict Total hommes
1 25 15 40
2 20 20 40
3 20 20 40
4 15 15 30
5 30 30 60
6 10 20 30
7 20 20 40
8 20 20 40
Totaux : 160 160 320 hommes

A chaque homme d'armes : un page et un coutillier, soit 160 x 3 = 480.
Hommes de traict : 160.
Soit un total de 640 combattants.

Donc (avec les autres troupes) :

- Compte n°13 : 774 hommes.
- Compte n°14 : 640 hommes.
- L'Amiral de CULANT : 200 hommes.
- Le Bastard d'Orléans : 100 hommes.
- La "maison" de Jehanne : 12 hommes.
Soit un total de 1.726 hommes. Auxquels il faut rajouter :
Les charretiers (6O charettes) : 60.
Le Clergé et divers : ?
Autres troupes (duc d'Alençon, par exemple, qui ne pouvait qu'accompagner, mais pas combattre, car sa rançon n'avait pas été encore complètement payée) : ?
D'après cette estimation, il semblerait que la petite armée partie de Blois avec Jehanne, pour accompagner le convoi, se composait de moins de 2.000 hommes.
Une grande partie repartira pour Blois, pour regagner plus tard Orléans avec un autre convoi.
Jehanne entrera dans Orléans avec 200 lances (environ 600 hommes), au soir du 29 avril 1429.
Ravitaillement amené : du blé, de la poudre, du salpêtre, du vin (le compte n°14 nous l'apprend), des armes, de l'artillerie, des munitions et des traits, du bétail (400 têtes).

La belle-mère du roi, Yolande d'ARAGON, reine de Sicile, dont l'intelligente activité s'efforçait de réparer les fatales intrigues de la cour, se rendit à Blois, de se personne, avec quelques uns des plus dévoués serviteurs de la cause royale, l'amiral de CULAN, Ambroise de LORE, etc. pour y préparer ce convoi de vivres et de munitions de guerre. Le duc d'ALENCON, gendre de Charles d'Orléans prisonnier en Angleterre, ne tarda pas à l'aller rejoindre.
Un petit corps d'armée se formait en même temps, sous le commandement de capitaines renommés, pour escorter le convoi durant la route, et tâcher de le faire entrer dans la place d'Orléans (voir si avant pour le nombre d'hommes et les personnages).
Quelques jours avant le départ du convoi, on fit prévenir les assiégés par Jehan LANGLOIS, bourgeois d'Angers et faisant partie de l'entourage de Yolande, de sa prochaine arrivée. Ce sont encore les comptes de la ville qui nous apprennent ce détail et la joie que cette heureuse nouvelle fit éprouver aux habitants d'Orléans :

- A Guillaume BASTIEN, hoste de l'Escu Sainct-Georges, pour despense faicte en son hostel par Jehan LANGLOIS, bourgeois d'Angiers, qui apporta lectres du blé que la roine de Cécille avoit donné à la ville d'Orliens : XLIIII sous parisis.
- A Jehan MORCHOASME, ledit jour, pour despence faicte à donner à disner audict Jehan LANGLOIS, pour tous, présents les Procureurs : IX livres X sous parisis.
- A Raoulet de RECOURT, pour bailler audit Jehan LANGLOIS, pour don que la ville luy fist du consentement des Procureurs : X escus d'or qui ont cousté chascun XLIIII sous parisis, valent XXII livres parisis.

Et, dans les comptes de forteresse :

- A Geffroy DRION, d'Orliens, pour avoir vacqué l'espace de XX jours en deux voyaiges qu'il a faiz d'Orliens à Bloiz pour recevoir et mectre en sauf le blé que la roine de Cecille avoit faict amener audit lieu de Bloiz pour la ville d'Orliens... et pour l'achat de certaine quantité de toilles à faire sacz à mectre ledit blé et sallepestre... et desquelles choses ledit Geffroy a baillé ses parties, comme il appert par icelles : LXX livres XIIII solz parisis.
- A Jehan Le CAMUS, pour bailler à Denis de La SALLE, pour trois procureurs envoiez à Bloiz pour le faict des blés : VIII solz parisis.
- A Jehan CAILLY, notaire, pour V seaulx (sceaux) de V procurations envoiées pour la ville à Bloiz, pour le faict des blés et poudres : V solz parisis.

(Comptes de forteresse, 1428-1430, chap.XXIX. Arch. Mun. Orléans).

Tout, enfin, étant organisé, le mercredi 27 avril 1429, le convoi emmenant une partie des vivres, des munitions et des armes destinés aux assiégés, escorté par les capitaines, les hommes d'armes... et la PUCELLE, quitta Blois, passa la Loire et se dirigea vers Orléans.
Ce fut la première mission de Jehanne.

Un second convoi arrivera à Orléans le 4 mai suivant :

- Item, payé à Jehan de La RUE pour despence faicte en son hostel par les nottoniers (bateliers) qui amenèrent les blés qui furent amenés de Bloiz le IIIIe jour de may : XIII livres et XIII solz parisis.

Ce texte est formel, et le chiffre relativement élevé de la dépense montre que les "nottoniers" qui transportèrent les blés amenés le 4 mai étaient en grand nombre, et conséquemment que l'arrivage était considérable. On a vu, dans le premier arrivage du 29 avril, que Gilet GUERET avait loué son grenier pour y mettre partie du blé, amené du Blois aux deux fois.
Le ravitaillement descendit donc encore par la Loire. Arrivèrent-ils d'abord par voie de terre jusqu'à Chécy, comme pour la fois précédente ? Probablement. Dans ce cas, les chalands durent encore monter à Chécy, pour redescendre ensuite la Loire jusqu'à la ville. Il est très peu probable que le chargement soit venu directement de Blois en remontant la Loire.

Une journée au siège d'Orléans

Voir article.

Une "combine" utilisée au siège d'Orléans en 1429

Bassin en cuivre


Depuis octobre 1428, la ville d'Orléans était assiégée par les troupes anglo-normandes.
Les assiégeants tenaient les Tourelles, forteresse située sur le pont, la bastille Saint-Laurent et d'autres bastilles et forteresses, encerclant pratiquement toute la cité.
A l'intérieur des remparts, les défenseurs, la milice locale et les habitants surveillaient sans cesse les mouvements ennemis. Une des grandes peurs était que l'on s'introduise dans la ville en creusant des souterrains par-dessous les remparts de fortification.
Les gens du guet organisaient des rondes fréquentes pour surveiller les murs, et tout le monde, en règle générale, avait l'oeil et l'oreille aux aguets pour tenter de déceler une activité de creusement et de sapement de la part des assiégeants.
Ils n'avaient pas tort, et la crainte était justifiée.
En effet, les anglo-normands avaient fait venir sur les lieux du siège deux maîtres mineurs, qui se nommaient Blac EMOND et Richart CHOSELL.
Ceux-ci avaient reçu à Chartres, le 30 novembre 1428, une endenture (un contrat d'engagement) pour eux-mêmes et une équipe de 38 mineurs. Les deux chefs étaient payés comme hommes d'armes et leurs hommes comme archers. Le 13 janvier, ils font une montre (revue militaire) à Orléans pour une partie de cette troupe. Voici le texte de la quittance de solde qu'ils reçurent :
Quittance de solde pour 2 maîtres mineurs (payés comme lances à cheval) et 24 mineurs, au siège, depuis le 12 janvier 1429, et 10 autres depuis le 14. Au siège, le 18 janvier 1429.

- Saichant tuit que je, Blac Hémond, maistre mineur de l'ost du Roy (d'Angleterre) nostre seigneur, au siège devant Orliens, retenu par Mons. le Régent le royaulme de France, duc de Bedfort, pour servir audit siège, avec moi, Richart Choisel, mon compaignon, et 38 aultres compagnons mineurs.
Confesse avoir eu et receu de Pierre Surreau, receveur de Normendie, la somme de 179 livres 11 solz et 8 deniers tournoys, pour le paiement des gaiges et regards de moy et de mon compaignon, comme lances à cheval, et de 24 mineurs à gaiges d'archiers, d'un moys entier, commençans le premier jour de ce présent moys de janvier; et pour le paiement des gaiges de 10 aultes mineurs pour 18 jours restans et finissans le darrenier jour dudit moys de janvier, et dont j'ay faict monstres audit siège le 13e jour dudit moys de janvier par devant Richart Waller et Guillaume Glasdal, à ce commis. De laquelle somme...
En tesmoing de ce, j'ay scellé ceste quictance de mon seel, audit siège, le 18e jour de janvier, l'an mil cccc vingt neuf...
(British Museum, add. ch. n°11.618)

Il semble qu'ils restèrent au siège encore un troisième mois, et qu'ils partirent ensuite. En attendant, tant qu'ils furent là, les assiégés craignaient chaque jour une intrusion dans leur cité par des souterrains creusés par ces mineurs.
Le lundi 21 février 1429, à titre sûrement justifié, Jehan de DUNOIS, le Bastard d'Orléans, et ses principaux officiers, craignant que les anglo-normands, qui paraissaient paisibles de jour-là, cherchassent à s'approcher des murailles pour tenter de les renverser par la mine, en les sapant par-dessous, fit pour la première fois l'usage du moyen qu'un nommé Robert Carré lui avait proposé pour s'en assurer.
Ce moyen consistait à placer en avant des murailles et des fossés, sur le terre-plein, plusieurs grands bassins en cuivre. Ces bassins étaient enfoncés à plusieurs pieds sous terre, à fleur du terrain et de distance en distance, et ensuite remplis d'eau jusqu'au bord.
On examinait si le liquide frémissait car, s'il en était ainsi, c'était la preuve qu'on travaillait sous terre; on n'avait rien à craindre si la surface de l'eau était calme.
Il fut payé 58 sous et 8 deniers parisis à Naudin Bouchard, saintier (fondeur), pour la confection d'un certain nombre de bassin à laver et d'une acarre (équerre), pour s'assurer si les ennemis minaient, et si les murs ne perdaient pas leur aplomb. (comptes de la ville d'Orléans).
Par ce stratagème "malin", cette sorte de "système D", on était ainsi certains que les ennemis ne se livraient pas à une activité de sape des remparts !
Il semble que ce moyen fut efficace. En tous les cas, il n'est fait mention, dans les récits et chroniques diverses concernant le siège, d'aucune tentative de ce genre de la part des assiégeants.
Comme quoi, avec un peu de "jugeotte", on peut résoudre bien des problèmes !

Les femmes au siège d'Orléans

On trouve très peu de femmes citées dans les textes et chroniques, et très souvent leurs noms restent ignorés. On parle de quelques unes à Orléans, au temps du siège :

- Vendredi 15 octobre 1428 : les anglais s'emparent du couvent de Saint-Loup, que les religieuses avaient abandonné pour se réfugier dans la ville. Ils y élevèrent une forteresse, au milieu de laquelle ils laissèrent subsister l'église de la communauté, et conservèrent à l'ensemble le nom de Saint-Loup. Les religieuses récupérèrent leur couvent après la délivrance de la cité.
- Dimanche 17 octobre 1428 : les anglais avaient placé une batterie de canons, entre Saint-Jean-le-Blanc et le Portereau. Ces canons, appelés "passe-volant", lançaient des pierres d'un poids de 80 livres et plus. L'une d'elle tua une femme, à la poterne Chéneau, d'autres endommagèrent plusieurs maisons voisines de l'église Saint-Donatien, ainsi que l'église elle-même.
- Vendredi 22 octobre 1428 : les anglais, qui avaient fait passer toutes leurs forces au Portereau, attaquent avec fureur les "Tournelles" du pont, lesquelles sont défendues avec une grande valeur par les habitants et la garnison sous les ordres de Dunois. Les femmes d'Orléans apportaient de la ville des tuiles, de la chaux, des graisses brûlantes, des cendres, de la poix, des cercles de fer rouge, des chaussetrappes, etc. Certaines prirent même la lance. Les ennemis, après quatre heures d'assaut, abandonnèrent leur entreprise. Ils eurent plus de 200 hommes tués ou blessés.
- Dimanche 6 mars 1429 : prise d'une damoiselle Angloise et de six marchands qui se rendaient aux forts des ennemis, du côté de Saint-Laurent. Quel fut le sort de cette damoiselle, et que venait-elle faire en ces lieux ?

On a par contre les noms de quelques femmes Orléanaises qui furent requises comme témoins au Procès de Réhabilitation (ou de Nullité) de Jehanne en 1456, et leur âge en 1429) :

- Jehanne, femme d'Eudes de SAINT-MESMIN, 43 ans,
- Jehanne, femme de Guy BOYLEAUE (BOILLEVE), 33 ans,
- Guillemette, femme de Jehan de COULONS, 24 ans,
- Jehanne, veuve de Jehan de MOUCHY, 23 ans,
- Charlotte, femme de Guillaume HAVET, 9 ans (c'est la petite Charlotte BOUCHER, fille du trésorier du duc d'Orléans. Elle dormait avec Jehanne durant son séjour à Orléans, et reçut d'elle un chapeau, conservé à Orléans jusqu'à la Révolution),
- Renaude, veuve de Jehan HURE, 23 ans,
- Pétronille, femme de Jehan de BEAUHARNAYS, 23 ans,
- Macée, femme d'Henri FAGOUE, 23 ans.

Pour l'achat de l'Hôtel des Créneaux, en 1442, sont citées la femme Françoise BELLIERE et la dame Gille MORELLE.
On a aussi le nom de Jehanne "la Pignie", de Jargeau, "espie" (espionne) pour les Anglais.


La délivrance d'Orléans

Le fort des Tourelles à Orléans.



Samedi 7 mai 1429 :
Jehanne, secondée par Dunois, le conétable de Rieux, et toutes les troupes qui la veille avaient attaqué la forteresse des Augustins, passe la rivière à la pointe du jour, suivie de plusieurs habitants volontaires; les soldats se forment en colonne et tombent à six heures du matin sur le fort des Tourelles, au bout du pont, du côté du faubourg du Portereau. Ce fort était défendu par "Glacidas" (Glasdale), un des plus vaillants capitaines de son temps, et 1.200 hommes de garnison.
Il y avait déjà huit heures que l'attaque durait sans résultat. Dunois fit sonner la retraite; Jehanne, étonnée de cet ordre, voulait ne pas quitter l'assaut. Vaincue par les observations des chefs, elle consent à ce que les troupes prennent un peu de repos. Pour elle, se retirant dans un lieu écarté, elle se mit en prière.
Quelques instants après, elle revint disposer les troupes pour renouveler l'assaut. La première, elle descend dans le fossé qui était en avant des Tourelles et du pont-levis. La première aussi elle s'empare d'une échelle et y monte. Son exemple est suivi des troupes électrisées par son courage et animées par sa voix qui leur criait d'un ton inspiré : A moi, mes amis, ils sont à nous, entrons dans l'estoque !
Alors rien n'arrête les Français, les armes des Anglais, les pierres énormes qu'on roulait sur eux, les maillets de plomb, les massues avec lesquelles on les assommait, ne firent que redoubler leur ardeur.

Les Orléanais arrivent en masse par le pont; mais arrêtés par la rupture des arches en avant des redoutes de la Belle-Croix, ils se mirent à traîner, à force de bras, des poutres, des solives. Elles se trouvent trop courtes, un charpentier ajoute à la plus longue une autre pièce de bois le plus solidement possible. On pousse en avant ce pont chancelant et il va se joindre à l'autre bord; on place un étai dessous. Le frère Nicolas de Giresme, commandeur de l'ordre des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, et Charles de Martres y passèrent les premiers.
D'autres apportent des échelles, des planches et même les gouttières des maisons de la ville voisines du pont; alors le boulevard du nord des Tourelles se trouve assiégé en même temps que les Tourelles au sud.

Il y avait déjà quatorze heures que le combat durait; les Français avaient été repoussés jusqu'à quatre fois, autant de fois Jehanne les avait ramenés à la charge, en se signalant par des actions de valeur qui remplissaient d'admiration les deux partis. Enfin le fort des Tourelles est pris d'assaut, et la Pucelle d'Orléans qui était montée une des premières sur les créneaux y planta son étendard. Les soldats qui la suivaient et les habitants d'Orléans le saluèrent de leurs cris d'allégresse. Six cents Anglais furent taillés en pièces, plus de deux cents se noyèrent en voulant repasser avec trop de précipitation le pont-levis qui communiquait aux Tourelles, et qui avait été en partie ébranlé et brûlé par les fusées incendiaires de Maître Jehan le couleuvrinier. Le capitaine Anglais "Glacidas" trouva la mort dans les flots de la Loire, par la rupture de ce pont; Jehanne, ayant fait recueillir son corps, le rendit à ses compatriotes.
La Pucelle fut blessée d'un coup de flèche, entre le cou et l'épaule, au-dessus du sein gauche. Elle rentra en triomphe dans Orléans, en passant par le pont dont on avait complètement rétabli la communication à la Belle-Croix, par le moyen d'un grand nombre de solives et de planches qu'on avait apportées de la ville. Arrivée à son logement de la porte Renard, elle fit panser sa blessure sur laquelle on appliqua de l'huile et du lard.

Un Orléanais, brave soldat et excellent capitaine, nommé Lebourg de Labar, fait prisonnier de Jehan Talbot depuis quelques jours, fut confié à un moine Augustin, anglais de nation, qui, pour s'assurer de son captif, lui avait fait mettre les fers aux pieds. Le religieux, ne sachant pas à la porte Bannier où il était, ce qui se passait sur le pont, voulait remettre son captif aux Anglais qu'il croyait encore maître de la bastille de Saint-Pouair, nommée Paris; mais le prisonnier, plus au fait des événements, saisit le moment, se jette brusquement sur l'Augustin en lui serrant fortement le gorge. Il ne lui accorde grâce que sous la condition qu'il le porterait sur ses épaules jusqu'au milieu d'Orléans. Sa présence d'esprit rendit un service d'autant plus grand que le religieux, captif à son tour, donna sur l'armée anglaise les détails les plus importants.

Les procureurs de ville (échevins) font distribuer de l'argent aux soldats blessés pour se faire panser par les gens de l'art; au nombre de ces soldats était Berthaud Coulon, homme d'armes de la compagnie de Audin Boissy, lequel avait été blessé d'un coup de canon à l'assaut du boulevard du Portereau d'Orléans :

- A Raoulet de Récour, procureur, pour remettre à ung homme qui a été blessé aux Tourelles;
- A Jehan Mahy, pour donner à trois Escossois (soldats écossais) qui estoient blessés, pour leur aidier à vivre;

A cette époque, il n'y avait pas d'hôpitaux militaires, et lorsqu'un soldat était blessé, on lui donnait de l'argent pour se faire panser.
Jehan Hillaire, procureur de ville et receveur des deniers communs, fait payer les personnes qui pansaient les blessés et soignaient les malades, savoir :

- Thomas Curogier, pour son salaire d'avoir appareillé (pansé) les hommes d'armes qui ont été blessés, par l'ordonnance des procureurs.
- Jehan Pichoré, barbier, pour avoir visité les bléciez (blessés) en ladite ville et appareillé, par l'ordonnance des procureurs.
- Au même, pourcequ'il a revisité des gens d'armes bléciez devant le siège des Tourelles.

Les paiements faits par les procureurs de ville, comme il est détaillé ci-dessus, prouvent qu'indépendamment de l'argent qu'on distribuait aux soldats blessés pour se faire panser eux-mêmes, il y avait des gens de l'art qui étaient salariés par les procureurs.

Dimanche 8 mai 1429 :
Les Anglais, voyant que leurs principaux forts étaient pris, ainsi que les Tourelles, et que les vivres et les munitions de guerre pouvaient dorénavant entrer facilement dans Orléans, se décident à se retirer, ce jour, 8 mai 1429, dès le matin, après un siège de six mois et vingt-six jours, ayant commencé du 12 au 13 octobre 1428. Ils avaient perdu de 5 à 6.000 hommes, de l'artillerie, des munitions, des effets de campement, d'habillement, et des sommes immenses; leurs dépenses ayant été évaluées à 40.000 livres par mois, ce qui fait environ 1.333 livres par jour, somme énorme pour l'époque.
La levée de ce siège, le plus fameux qu'on ait soutenu depuis le commencement de la monarchie française, fit regarder Jehanne comme l'ange tutélaire de la France, et lui acquit le glorieux surnom de Pucelle d'Orléans.
La ville était une des plus fortes de l'Europe; le Bâtard d'Orléans, Poton de Xaintrailles, La Hire, Dorval, Thouars, Chabannes, Lafayette, le maréchal de Rieux, et tout ce que la France avait de plus vaillants hommes s'y étaient renfermés; le roi y avait envoyé le peu de soldats qui lui restaient, lesquels furent puissamment soutenus par les habitants, hommes, femmes, enfants, élèves de l'Université, et surtout par Raoul de Gaucourt, gouverneur, qui s'y acquit une grande réputation de conduite et de courage.
Pour fêter avec pompe la levée du siège par les Anglais, et en rendre des actions de grâce à Dieu, Jehanne ordonna qu'on apportât une table en avant de la porte Renard, et à la vue des ennemis qui se retiraient par Châteaudun, elle fit décorer cette table des ornements religieux, et se prosternant humblement à genoux, avec toute l'armée française et les Orléanais, rangés en bataille devant cet autel élevé à la face du ciel, au milieu des champs, entre la ville et les Anglais, on y célébra deux messes que cette multitude armée entendit avec une attention respectueuse, et dans le plus profond silence : les Anglais eux-mêmes, en se retirant, n'osèrent troubler cette auguste et imposante cérémonie.
Même jour, vers midi : Une procession générale est faite de l'église de Sainte-Croix à celle de Notre-Dame-des-Miracles, à laquelle assista une grande partie des Orléanais, le clergé, les religieux de tous les ordres, les magistrats, les militaires, et surtout la Pucelle d'Orléans, portant son étendard victorieux, le plus bel ornement de cette première fête.
Les procureurs de ville, au nom des Orléanais, font plusieurs présents à Jehanne, et chargeant l'un d'eux, Jehan Hilaire, receveur des deniers communs, de les payer et de les faire présenter à cette héroïque fille. Il paya :

- A Jacquet Compaing, pour demy aulne de vers (étoffe) achestés pour faire les orties (ornements ou broderies représentant des feuilles d'orties, emblême de la famille d'Orléans) des robes de La Pucelle, le jour du lièvement du siège d'Orliens : 6 sous parisis.
- A Massot Bariant, pour avoir tiré à clert un tonneau prins (pris) chez Jehan Morchoasme pour donner à Jehanne le jour du lièvement du siège d'Orliens : 6 sous parisis.
- A Jehan Le Brun, sellier, pour l'achat d'ung bast à bahut (selle arrondie sur le dessus) pour ung bahu (coffre dont le couvercle est arrondi et couvert de clous de cuivre) serrures, courroys, sangles et pour touailles (toile, tissu) pour le guernir (garnir) par dedens avec couverture, pour donner à Jehanne La Pucelle, pour le tout : 76 sous parisis.
- A Jehan Morchoasme, pour argent baillé pour l'achat de 6 chapons, 9 perdrix, 12 congnins (lapins, lièvres) et ung fesan (faisan) présentés à Jehanne La Pucelle : 6 livres 12 sols 3 deniers tournois.

Dunois ne fut pas oublié par les Orléanais qui lui firent présent (par les mains de leurs procureurs) de plusieurs choses.
Jehan Leberche est chargé de l'achat d'un luz (poisson) , ung bar (barbillon) et autres poissons pour être présentés à M. le Bastard d'Orléans, comte de Dunois.
Jacques Leprestre est chargé de faire faire deux cents mestiers d'oublies (sortes de petites tartelettes sucrées de l'épaisseur d'une oublie) pour M. le Bastard d'Orléans.
Les Orléanais, reconnaissants des services rendus pendant le siège de leur ville par les divers capitaines et gens de guerre qui étaient dans la place, chargent leurs magistrats de leur payer et répartir la somme de 2.400 livres.
En conséquence, le payeur des deniers communs de la ville remit à M. le Bastard d'Orléans une somme de 2.400 livres parisis, valant 3.000 livres tournois de la monnaie qui avait cours au mois de mai 1429, à 20 livres tournois le marc d'argent, laquelle somme les gens d'église, bourgeois, manans et habitans de la ville d'Orliens accordirent audit moys de may païer et bailler pour payer les cappitaines et gens de guerre estant en ceste ville, ad ce que vers le temps où fut mis le siège devant la ville de Jargeau.
Plusieurs Orléanais et des soldats de la garnison sortent de la ville au nombre de cent cinquante environ, sous la conduite de La Hire, et suivent les Anglais pendant plusieurs lieues, pour s'assurer si c'était bien par Châteaudun qu'ils se retiraient.

Même jour et les jours suivants :
Les Orléanais se répandent en foule, ce jour et les suivants, dans toutes les bastilles, forts et batteries abandonnés par les Anglais, renversent tout, en rentrent dans la ville avec les vivres, les munitions de guerre, les bombardes, les gros canons que les ennemis n'avaient pu emporter dans leur fuite.
(d'après Recherches historiques sur la ville d'Orléans, D. Lottin père, Imp. Jacob, Orléans, MDCCCXXXVI - Médiathèque Orléans 944-5 (plusieurs tomes), disponible en salle de lecture, salle du patrimoine. Ce qui précède est tiré du tome I.)

Etat nominatif des habitants d'Orléans qui se distinguèrent au siège

Etat nominatif et alphabétique des principaux habitants, défenseurs de la ville, qui se distinguèrent durant le siège de cette ville, par leur courage, leurs sacrifices ou leur patriotisme, recueilli aux archives de la ville et à la bibliothèque publique, sur les manuscrits.

A B C D F G H J L
ACARIE Guillaume
ACARIE Pierre
ANQUETIL Sandrin
ALLAIS des Jehan
AUBELIN Jehan
BAGUENAULT Guillaume
BARBEAU Etienne
BARBIER Domainguin
BAUDRY Louis
BEAUHARNAIS Guillaume
BEC (BEY) du A. (prévôt)
BERRUYER Le Guillaume
BEZARD Guillot
BLOIS de Jehan
BOILLEAU Aubery
BOILLEAU Girard
BOILLEAU Guyot
BOILLEAU J. (30 ans)
BOILLEAU J. (57 ans)
BOILLEVACHE Pierre
BOILLEVE Girard
BOILLEVE Guyot
BOISSY de Thomas
BONNEVAL de Jehan
BORDIER Jehan
BOURDON J. seigneur de l'Ile
BOURDON Pierre
BOUCHE(R) Pasquier
BOUCHER Jacques, trésorier
BOULARD Philippon
BOURGES de Estienne
BRUNE Louis
BRUNE Renault
BRUNEAU Jehan
BRUNET Perrin
BARANTIN Pierre
CABA Gentien
CABA Innocent
CANGY de Denis
CHAMPEAUX de Fouquet
CHAMPEAUX de Jehan
CHAPELLIER Le Raoulet
CHARLES Philippon
CHARTIER Jacquet
CHARTIER Raoul
CHARTRES de Jehan
CHARTRES de Pierre
CHAUVEAU Guillot
CHAUVREUX Girard
CHEF-DE-VILLE Jehan
CHENU Guillaume
COLAS Guillot
COMPAING Jacquet
COMPAING Jehan
COMTE de Antoine
CONY (COMY) de Cosme
CORMEREAU Jacquet
COULONS de Guillaume
COULONS de Jehan
DAVIAU Jehan
DELISTELLE Regnault
DELOYNES Jacquet
DOUCET Guillaume
DUMUYS Jehan
DURANT Guillaume
DURANT Jehan
DUREAU Jehan
FAUBERT Thomassin
FAURE Le Simon
FILLEUL Michelet
FILLEUL Simon
FOSSE du Guyon
FOSSE du Simon
FRAMBERGE Pierre
GARNIER Jehan
GASTELLIER Le Perrinet
GAULT Perrin
GAUTHIER Robin
GIRAULT Guillaume
GODIN Gervaise
GUITRY Michau
HATTE Jehan
HUE Jehan
HUE Perrinet
HUERET Jehan
HURAULT D.
JANVIER Jehan
JAQUET Girard
JULIAN Guillaume
LADMIRAULT Etienne
LALLEMAND Bernard
LALLEMAND Jehan
LAMY Perrin
LANGEVIN Jehan
LANGLOIS Grégoire
LANGLOIS Jehan
LARGENTIER Jacquot
LAUREAU Guillaume
LAURENT Hervé, lieutenant général
LECAMUS Jehan
LECHARPENTIER Jehan
LECLERC Jehan
LEFEBVRE Etienne
LEFEBVRE Raoulet
LEFEBVRE Robin
LEGIER Drouet
LEGIER Jehan
LEGIER Pierre
LEGRAND J. (48 ans)
LEGRAND J. (60 ans)
LELONG Charlot
LELIEVRE Macé
LEMAIRE Guillaume
LEPRESTRE Jehan, prévôt
LEPRINCE Pierre
LESTRAHY Jacquet
LECHARRON Guillaume
L'HOMME de Jacquet
LUILLIER Charlot
LUILLIER Jaques
LUILLIER Jehan


M N O P R S T V Y
MAHY Colin
MAHY J. (50 ans)
MAHY J. (59 ans)
MAILLARD Jehan
MALIER Huguet
MANGO Etienne
MAREAU Guyot
MAREAU Henry
MAREAU Perrinet
MAREAU Robin
MARIETTE Vincent
MARTIN Jehan, coutelier
MARTIN Jehan, tailleur
MENAGER Jehan
MERLIN Guillaume
MILET Pierre
MIRON Claude-Jehan
MONCEAU Jehan
MONSIRE Jehan
MORCHOASME Jehan
MOREAU Henry
NICOLAS Denis
NICOLAS Estienne
NOLET Colin
NOLET Philippot
ODEAU Gillet
OGIER Jehan
PAPIN Jehan
PARé Jehan
PARIS Philippe
PENCOREILLE Maître Guillaume
PETIT J. (place St.Sulpice)
PETIT J. (rue Ste.Catherine)
PETIT-BOIS Jehan
PILLOS Jehan, de Viallon
PINURIER Samson
PLANCHE des D., châtelain
POTIER Guillaume
PREVOST Jehan, fèvre
PREVOST Jehan, tanneur
RECOUR(T) de Raoul
REGNAULT Henry
REGNAULT Jehan
REGNAULT Pierre
RENARD Berthier
RENIER Etienne
RENVOISEL Le J., d'Orbec
RIVIERE de la Thomas
ROICHE de la Jehan
ROME de la J. (20 ans)
ROME de la J. (40 ans)
ROSE Fouque
ROSE Jehan
ROU (RUE) Jehan
ROUSSEAU Colin
ROUSSEAU Guillaume
SAGET Gilet
SAINT-MESMIN de Aignan
SAINT-MESMIN de Gille
SALMON Jehan
SANCERRE Jacques
SAUNIER Estienne
SEVIN Berthault
SEVIN Jehan
SEVIN Thonion
SIMON Gaultier
SIMON Guyon
SIMON Jehan
SOULAIRE Jehan
SOULDAN Philippot
TASSIN Roillard
THAUMESTIERES de Bernard
THOU de Sevestre
TRIQUOYS Jehan
TROYES de Jehan
VELLIER de Jacques
VILLEDARD Estienne
VILLE-EN-DESERT Jehan
VINCENT Noël
VOLANT Jehan
YSEMBERT Jehan
YTASSE J. (20 ans)
YTASSE Jehan (rue au Lin)

Certains patronymes se retrouvent encore sur les annuaires de la région, d'autres soulèvent des commentaires :
- Guillaume ACARIE, qui avait été Procureur de la ville en 1425.
- Guillaume BAGUENAULT, sans doute fils ou frère du J. BAGUENAULT, collecteur en 1390, famille qui donnera deux maires d'Orléans aux 17e et 18e siècles. Des descendants de cette famille possèdent encore, au lieu-dit Puchesse, à Sandillon (près d'Orléans), la ruine de la métairie de Bagneaux (Bagnault) où résidèrent Pierre d'Arc/du Lys et son fils Jehan du Lys.
- Guillaume BEAUHARNAIS, famille illustre dont certains membres vont témoigner lors du Procès de Réhabilitation (ou de Nullité) de Jehanne. Ceux-ci auraient alors été étonnés si on leur avait dit qu'une de leurs descendantes serait un jour impératrice : Joséphine, épouse de Napoléon 1er.
- La famille BOILLèVE, dont certains seront échevin ou maire.
- Jacques "BOUCHIé", trésorier, qui était le Jacques "BOUCHER" qui hébergea Jehanne à Orléans (c'est probablement la même personne que le "Jacquot LARGENTIER" cité plus loin).
- Les LADMIRAULT, les LUILLIER (LHUILLIER), apparentés aux BOUCHER... et que dire des noms comme : "CHEF-DE-VILLE", "VILLE-EN-DESERT", "PETIT-BOIS"...
- Guyot MAREAU, anobli par Charles VII le 18 mai 1430 pour sa bonne conduite au siège, et qui sera un jour Procureur.
- Colin NOLET, sergent de la prévôté, que l'on retrouvera plus loin lors des arrivées de vivres dans la cité.
Quelques autres encore, dans les comptes de maître Hémon Raguier, trésorier des guerres du roi Charles VII, depuis le 1er mars 1424 jusques au dernier (jour) de septembre 1433:

Le faict de l'avitaillement et secours sur les Anglois de la ville d'Orliens. Aux personnes cy-après nommées de l'ordonnance de Mgr. de Gaucourt (gouverneur de la ville) du moys de septembre 1428 (extraits) :
- A Guillaume Chavron, marchand d'Orliens, pour la vente de 170 lances ferrées au prix de 10 sous : 70 livres.
- Audit Guillaume, pour 26 livres de poudre à canon : 10 livres.
- A Jacques LESBAHY, pour la vente de 2 arbalestres dit "de Romein" : 15 livres.
- A Philippot BOULARD, pour une arbalestre d'acier: 6 livres.
- A Renaud BRUNE, pour le vente d'une... (un mot) à tendre arbalestre : 4 livres.
- A l'Estendart de Milly, pour la vente d'une cuirasse baillée à Prégent de Coitigny (Coëtivy) lorsqu'il alla à Yenville (Janville en Beauce) : 20 écus d'or.

Le siège d'Orléans n'est pas encore effectif à cette date, mais les Anglais le préparent. Ils ne sont pas loin. Le 12 octobre 1428, Salisbury arrivera par le faubourg du Portereau, sur la rive gauche de la Loire, avec Suffolk, de Scales, GLASDALL et d'autres.
Aux ordres du gouverneur, Raoul de Gaucourt, la ville se prépare.
En plus des défenseurs de la cité, la ville lève et équipe une milice qui épaulera les soldats. Le marchand G. Chavron confectionne et/ou vend 170 lances ferrées, ce qui laisse à penser que beaucoup étaient volontaires. Certains s'équipent d'arbalètes, arme plus idéale que l'arc pour les sièges où l'on peut se cacher derrière un rempart, et s'y appuyer pour bien ajuster son tir.

Les Ecossais au siège d'Orléans

Garde écossaise vers 1450

Dans le cadre de la Auld Alliance, ou coopération franco-écossaise du 8e au 19e siècle, les Ecossais participèrent grandement à la reconquête du royaume de France (par exemple, 4.000 écossais périrent lors de la bataille de Verneuil), en particulier sous Charles VII, et, à la suite de Jehanne, au siège d'Orléans. On trouve trace de ces soldats Ecossais, et de quelques-uns de leurs chefs, en particulier dans les comptes tenus par Hémon Raguier, trésorier des guerres de Charles VII, avec le nombre des hommes, dans chaque troupe, et les soldes qu'ils perçurent. Il y eut d'autres troupes étrangères, mais les Ecossais semblent avoir été les plus nombreux. Voici cette participation dans le cadre du siège d'Orléans :
Chapitre I :
- A messire Jehan WISCHARD, chevalier du pays d'Escoce, sur le payement de luy et de quarante huit hommes d'armes et cent cinq archiers de sa compaignie, ij c escus et xx l. xv s.tourn. (250 écus 20 livres 15 sols tournois).
- A luy, pour deux plattes (?) et une cappeline qui luy furent délivrées à Bloiz, xxxix escus (39 écus).
- A Thomas BLAR, escuier du pays d'Escoce, pour le paiement de 20 hommes d'armes et vingt-neuf archiers, lxvij escus et lv s.tourn. (67 écus 55 sols tournois).
- A Alexandre NORWIL, escuier du dit pays d'Escosse, pour le paiement de quinze hommes d'armes et vingt-neuf archiers, xlvj escus et viij l. tourn. (46 écus 8 livres tournois).
- A David MALLEVILLE, escuier du dit pays, pour le paiement de douze hommes d'armes et vingt-huit archiers, xl escus et viij l.tourn. (40 écus 8 livres tournois).
- A messire Thomas HOUSTON, chevalier du dict pays d'Escosse, pour le paiement de vingt-deux hommes d'armes et de soixante et onze archiers, la somme de cviij escus et xxj l.tourn. (108 écus 21 livres tournois).
- A Henry GALOYS, escuier du dit pays, pour et au nom de Guillaume HAMETON, d'iceluy pays, pour le paiement de dix hommes d'armes et trente archiers, lxij escus et xxx s.tourn. (62 écus 30 sols tournois).
- A Douard de LINAUX, escuier du dict pays d'Escoce, pour le paiement de luy, quarante-deux hommes d'armes et cviij (108) archiers, iij c xxiij l.tourn. (323 livres tournois).
Chapitre IV :
- A messire Jehan WISCHART, chevalier du pays d'Escosse, capitaine de certain nombre de gens d'armes et de traict du dict pays, la somme de trois cent soixante-dix livres tournois qui, du commandement et ordonnance du Roy nostre sire, luy a esté payée et baillée par le dict trésorier, tant pour sa personne comme pour départir à ceux de sa compaignie et les entretenir au service du dict seigneur, à diverses fois et lieux et en la manière qui s'ensuit. C'est assavoir : au mois d'octobre mil quatre cens vingt-huit, en la ville de Chinon, vingt livres tournois; en la ville de Tours, en ce temps, cinquante livres tournois, et qui luy fit envoyée par le dict trésorier au moys de novembre ensuivant de la ville de Loches à Orliens où il estoit, et depuis fut à la garde, seurté et défense d'icelle ville à l'encontre des anciens ennemis du Roy, nostre dict seigneur, les Anglois, trois cens livres tournois, comme il appart par lectres-patentes du dict seigneur données au dit lieu de Chinon le onziesme jour de février l'an dessus dict mil quatre cens vingt-huit. (en fait, 1429, l'année débutant à Pâques) Pour ce, par vertu des dictes lectres et quittance cy rendue, la dicte somme de iij c lxx l.tourn. (370 livres tournois).
Chapitre VI :
Dans un paiement à Pierre de FONTENIL, escuier, pour avoir transporté une somme de 2.500 livres tournois de Chinon à Blois, où l'on cite parmi son escorte : quatre archiers du pays d'Escosse.
Chapitre XII :
- A David MALLEVILLE, capitaine d'Escossois, sur soixante payes, ij c l.tourn.... (200 livres tournois).
Chapitre XV :
- Aux capitaines et chiefs de guerre.. cinq mil cens trente livres tournois qui, dès le moys de janvier l'en mil quatre cent vingt-huit (1429) pour le paiemens et entretenement d'eulx et de leurs gens... : A David MALLEVILLE escuyer du pays d'Escosse, sur le payemens de luy, cinquante hommes d'armes et de trente-deux hommes de traict, iiij c lxvj l.tourn. (466 livres tournois).
Chapitre XVI :
- A messire Patris d'OGILBY, vicomte d'Angus, du pays d'Escosse, chevalier, conseiller et chambellan du Roy nostre sire, la somme de six cens livres tournois qui, au moys de janvier 1428, (1429) du commandement et ordonnance du dit seigneur, luy a esté baillée et paiée par le dit trésorier pour luy aidier à paier la despence de luy et de ses gens qu'il avoit faicte en venant par devers le dit Seigneur qui l'avoit mandé venir pour certaine assemblée et entreprise qu'il avoit ordonné estre faicte sur ses anciens ennemis et adversaires les Anglois, comme il appert par lettres-patentes d'iceluy seigneur, données à Chinon le 26e jour du dit moys de janvier au dit an 1428. (1429). Pour ce, par vertu des dites lettres-patentes et quittances cy rendue, la dite somme de vj c l.tourn. (600 livres tournois).
Chapitre XIX :
- A messire Jehan STEWART, chevalier, seigneur de Derule, connestable de l'armée d'Escosse, la somme de trois mil neuf cens livres tournois que le Roy nostre Sire, par les lettres-patentes données à Chinon le 30e jour de janvier l'an 1428 (1429), a mandé luy estre baillée et paiée par le dit trésorier, tant sur le payement de l'estat de sa personne que des gaiges de luy et des aultres capitaines et gens d'armes et de traict de sa charge et compaignie que le dit seigneur luy avoit ordonné mander et assembler à toute haste et diligence, pour les faire tirer outre la rivière de Loyre et eulx joindre avec les aultres chiefs et capitaines de sa guerre à certaine entreprise par eulx advisés estre mise à exécution à l'encontre de ses anciens ennemis et adversaires d'Angleterre estans lors devant sa ville d'Orliens. Pour ce, par vertu des dites lettres-patentes et quittances cy rendues, la dite somme de iij m ix c l.tourn. (3.900 livres tournois).

(Note : John STEWART (plus tard STUART)of DARNLEY était déjà en France en 1418, 1423,1424, et en février 1429 à la Bataille des Harengs, à Rouvray, en Beauce. Il était aussi connétable d'Ecosse, seigneur de Concressault et Aubigny-sur-Nère et comte d'Evreux (1427), vicomte d'Angus et chambellan de Charles VII.)

Chapitre XXIX :
Aux capitaines et chiefs de guerre cy après nommez, la somme de v m vij c xj (5.711) livres tournois... ès moys d'avril et may 1429... qui avoient conduict et mené en la seconde fois les vivres et aultres choses nécessaires en la ville d'Orliens pour l'advitaillement et fortification d'icelle, pour résister à l'entreprise des Anglois... :
- Au vicomte d'ANGUS, (Patris d'OGILBY) du pays d'Escoce, sur le payement de lx (60) hommes d'armes et iij c (300) archiers du dit pays, xiii c lxx l.tourn. (1.370 livres tournois).
- A Michel NORVIL, escuier du pays d'Escoce, sur le payement de xx (20) hommes d'armes et xxv (25) hommes de traict, cxxx l.tourn. (130 livres tournois).
- A Jehan HUBERT, pour sept trousses de flèches qu'il avoit acheptées pour bailler à aucuns archiers du pays d'Escosse, qui avoient gasté leur traict contre les Anglois, xv l.tourn. (15 livres tournois).
Chapitre XXX :
Aux seigneurs, chiefs et capitaines... ès moys de may et juing 1429...(pour la levée du siège) et... la recouvrance des villes et forteresses de Yanville, de Jargeau, de Mehun (Meung) et Baugency, et aultres occupées par les dits ennemis... comme au voïage et assemblée par icelluy seigneur faite à Reims pour le faict de son sacre et couronnement, dont les dits seigneurs, chiefs et capitaines de guerre n'avoient eue pour eulx et leurs gens aucune recompensation de luy, ne paiement soufisant, considéré leurs services, estats, pensions et le grant nombre de leurs gens et aultres choses raisonnables à veoir et considérer... :
A mons. le vicomte d'Escosse, (Patris d'OGILBY) tant pour luy que pour les capitaines et autres Escoz, iij m viij c xlix l.tourn. (3.849 livres tournois).
(Cette somme doit être un solde de ce que Charles VII devait aux Ecossais, les autre paiements n'étant souvent que des acomptes).

On trouve dans le compte de Jehan HILAIRE, receveur des deniers communs de la ville d'Orléans pendant les années 1429 et 1430, (manuscrit 449 bis de la Bibliothèque d'Orléans) la mention suivante :
Paiement fait par le receveur en vertu de l'autorisation des procureurs de ville en date du 14 octobre 1429.
- Aux seigneurs et chiefs de guerre, pour supporter les frais du lièvement du siège d'Orliens et recouvrance des villes de Yanville, Meung, Jargeau, Baugency et aultres, comme au véage faict aussi par le seigneur Roy à Reims pour le faict de son sacre, scavoir : (18 seigneurs, dont :)
- 11°- A M. le Vicomte d'Escosse, (Patris d'OGILBY) pour les Escossois, mmm viij c xlix l.tourn. (3.849 livres tournois).

(les deux dernières écritures, de 3.849 livres tournois, sont sûrement deux écritures concernant le même règlement. Le premier document serait l'ordre de payer, et le second le paiement de la somme à Patris d'OGILBY, par le receveur de la ville d'Orléans, que celui-ci devait également justifier dans ses comptes.)

Récapitulatif :

Noms Prénoms Hommes d'armes Archers et hommes de trait Total
OGILBY Patris d' 60 300 360
MALLEVILLE David 122 60 182
WISCHART John 48 105 153
LINAUX Douard de 42 108 150
HOUSTON Thomas 22 71 93
BLAR Thomas 20 29 49
NORVIL Michel 20 25 45
NORWIL Alexandre 15 29 44
GALOYS Henry 10 30 40
Totaux : 359 757 1.116 paies

Il faudrait rajouter Maurice de MEAULX, lieutenant du capitaine Ecossais John OULCHART, avec plus de 80 hommes.
Il y avait aussi un surnommé Canede (Hugh KENNEDY), capitaine Ecossais qui, plus tard, ouvrira pour Jehanne la route vers Reims.
On voit là que, contrairement aux troupes françaises où la norme était un homme d'armes (ou une lance) était accompagné de trois archers, les troupes écossaises se composaient surtout d'archers, équipés du célèbre long bow, un arc très puissant.

Par un paiement, à Orléans, du 25 mars 1429, pour une distribution de blé et de vin faite à la garnison de la ville, on sait que les Ecossais qui étaient à cette date à Orléans étaient au nombre de 560 hommes (qui reçurent ce jour-là 3 tonneaux 1/2 de vin et 3 muids 1/2 de blé).

^ Sommaire

L'Anglais qui a blessé Jehanne la Pucelle

Voir l'article ...


^ Sommaire

L'armement au siège d'Orléans

- La couleuvrine :

Couleuvrine

L'artillerie était alors une arme relativement nouvelle, et encore assez peu développée. Il semble que la couleuvrine, arme nouvelle, ait été utilisée déjà lors du siège d'Orléans en 1428-1429.
On trouve mention à plusieurs reprises lors du siège d'Orléans d'une couleuvrine utilisée par le fameux maître Jehan, couleuvrinier, qui était un spécialiste de cette arme.
C'était une sorte de petit canon, formée d'un tube assez court (moins de 1m50) ajusté à une queue en bois, lourde, massive, longue d'environ 2 mètres, qui sert de crosse et de contrepoids. Pour le tir, l'extrémité de la crosse est fichée dans le sol, tandis que le canon est relevé au moyen d'une fourche plantée à l'avant. Ces couleuvrines lançaient des plombées ou plommées (balles sphériques de plomb) ou des margots (balles cylindriques). Le métal, fondu dans une sorte de louche de fer, est ensuite versé dans des moules de cuivre ou de fonte que l'on tient au moyen de fortes tenailles. Pour accroître le poids de la balle, il arrive souvent que l'on place, au centre, un bloqueau de fer.
Le tir n'est pas très rapide et manque de justesse, mais l'arme est néanmoins crainte et efficace.
Divers payements de sommes dues pour les gages des joueurs de couleuvrines et de leurs aides, pour l'achat de projectiles ou de matériaux, etc., sont ainsi portés sur les comptes, notamment ceux relatifs au siège d'Orléans en 1428. Ces couleuvrines sont portatives, quoique appartenant à l'artillerie légère, constituent un antécédent des bâtons à feu, des hacquebuttes, des arquebuses, etc., qui s'imposeront au XVIe siècle.

- L'arbalète :

Arbalètes

Les arbalétriers étaient alors assez peu nombreux dans les troupes françaises, mais il y avait plus d'arbalétriers que d'archers. A partir de 1484 seulement, les capitaines furent autorisés à inclure dans les 200 archers que comptait une compagnie de 100 lances, 15 ou 20 arbalétriers exercés.
Il y avait des arbalètes à treuil, à moufles ou à girelle, dont l'arc d'acier, court et roide, est bandé au moyen de moufles et d'un petit treuil amovible. Dans l'arbalète à cric ou à cry, la corde est tendue par l'action d'un cric, mécanisme qui fait son apparition au XVe siècle.
La force de pénétration de ces armes est devenue très considérable, et la courte flèche (ou carreau) ainsi envoyée peut transpercer ung demy pied de portes, c'est-à-dire un madrier d'environ 0,15 m. d'épaisseur.
Les arbalétriers forment la majorité des gens de trait de l'armée française. Ce sont, pour la plupart, des Génois engagés comme mercenaires, qui se servent de l'arbalète à croc, lançant des traits -dondaines, viretons, carreaux ou garrots - plus trapus que la flèche de l'arc. Pour bander cette arbalète, on se penche vers le sol en tenant l'arme verticale, le pied est engagé et maintenu dans l'étrier qui termine le fût, la corde passée par un croc ou crochet pendu à la ceinture, puis on se relève brusquement; la corde ainsi tendue pénètre dans une encoche, y reste fixée pendant que le tireur vise, et n'en est expulsée que par l'action de la détente.
Pour pouvoir préparer leur arme à l'abri, les arbalétriers sont munis de pavois, boucliers rectangulaires, hauts de 1 m., larges de la moitié, faits de bois léger doublé de peau et pourvus d'une forte cannelure verticale pour y passer un pieu permettant de les fixer au sol. D'autres fois, le pavois est attaché sur le dos du tireur à qui il suffit de se retourner pour être à couvert. Comme, malgré sa légèreté, le poids et la manoeuvre du pavois risquent d'être embarrassants, un pavesier est chargé de ce soin et, en principe, on compte un pavesier pour deux arbalétriers.


- Le "long bow"  :

Le "long bow"

Le long bow ou arc droit est un dérivé de l'arc gallois.
Arme très puissante, mesurant près de 2 mètres de long, cet arc était très utilisé chez les anglais, et particulièrement lors du siège d'Orléans.
Il lance de lourdes flèches, de 60 à 80 grammes, qui mesurent plus de 60 centimètres de long, pouvant s'enfoncer profondément, provoquant ainsi des blessures graves.
Aux XIVe et XVe siècles, un archer anglais devait pouvoir tirer au moins dix flèches par minute, allant jusqu’à seize tirs ajustés par minute pour les archers expérimentés. Durant la bataille, les archers emportaient avec eux entre 60 et 72 flèches, de quoi durer environ 6 minutes en pleine cadence de tir. Sur le champ de bataille, de jeunes garçons étaient utilisés pour ravitailler les hommes en flèches. Celles-ci étaient posées en vrac devant les archers ou plantées à même la terre. Cette dernière méthode permet de raccourcir au maximum le temps nécessaire pour tirer une flèche. Il en résulte aussi une contamination de la pointe avec des germes telluriques qui augmentent le risque et la gravité d’une infection due à une blessure (ces bactéries anaérobies peuvent être responsables de gangrène gazeuse et en l'absence de soins appropriés, de mort par septicémie puis choc septique).
La cadence de tir des arcs longs anglais est bien supérieure à celle des arbalètes (capables au maximum de tirer quatre fois par minute) ou de n’importe quelle autre arme de jet de l’époque. L’adversaire est alors soumis à une pluie de flèches, ce qui rend efficace un tir à longue portée où la perte de précision causée par la distance est compensée par la quantité de flèches envoyées. Ceci constitue une énorme différence par rapport à l’arbalète qui s’emploie en tir tendu et qui devient forcément moins précise avec la distance. D’autre part, l’arc pouvant facilement être débandé et sa corde mise à l’abri, il est beaucoup moins vulnérable à la pluie qu’une arbalète (ce qui a été décisif, notamment lors de la bataille de Crécy), d’autant que les cordes de nerfs des arbalètes perdent de leur puissance quand elles sont humides, contrairement aux cordes en chanvre des arcs longs qui gagnent en dureté lorsqu’elles sont mouillées. (Wikipédia)
Ce long bow, fort redoutable, mesure environ 2 m. et les meilleurs sont faits en bois d'if. Si le tir est dirigé vers le haut, en suivant une trajectoire parabolique, la flèche - longue de 1 m. - peut atteindre 30 ou 40 m. de hauteur, passer au-dessus de n'importe quel obstacle et, en touchant le sol, transpercer encore une planche de bois de 0,03 m. d'épaisseur. Tiré en plein fouet, l'arc porte à plus de 150 m. et, à cette distance, sa flèche perce une planche de 0,025 à 0,03 m..
Comme un archer entraîné peut décocher une douzaine de flèches à la minute, tandis qu'un arbalétrier ne peut envoyer que deux carreaux, on a une arme très puissante et à tir rapide.


- L'infanterie :

Une guisarme

Comme armes offensives, on trouve la hache, la masse ou le marteau dont le long manche permet d'atteindre un cavalier. On porte aussi l'épée et, parfois, on se sert d'un modèle long et lourd, que l'on manie à deux mains et qui sera utilisé par les Suisses au XVIe siècle. La dague, qui semble avoir fait son apparition à la fin du XIIIe siècle, se répand au XIVe parmi les cavaliers et les piétons. Le perce-mailles est un roide poignard en forme d'alène, d'un pied de long, permettant d'achever l'homme d'armes jeté à terre. Quand au couteau à plates', sa lame très fine peut s'introduire entre les pièces de l'armure.
Les lanciers ou sergents à lance et bouclier, sont munis d'une lance raccourcie ou d'un coustil - courte hampe pourvue d'un fer semblable à un sabre-baïonnette - ou, enfin, des armes d'hast du type déjà connu aux siècles précédents comme guisarme, fauchard, vouge etc., consistant en une hampe, longue d'environ 2m., armée d'un fer large et long, propre à frapper de taille ou à trancher les jarrets des chevaux de l'adversaire, munie d'une pointe permettant de s'en servir d'estoc et d'un ou plusieurs crochets pour désarçonner les ennemis ou pour arrêter une arme glissant le long de la hampe.


- La cavalerie :

Un chevalier

Le cavalier lourd peut avoir une masse ou un marteau d'arçon, mais ses armes propres sont l'épée d'estoc et la lance. La première continue à être une lame longue d'environ 1 m., roide et très légère. La lance, elle, s'est transformée pour devenir, maintenant, un véritable bélier armé d'un fer à pans coupés. Poutre de 5 m. de long, au profil renflé, son diamètre peut atteindre 0,10 m. et il se rétrécit à l'endroit où se pose la main.
Le choc d'une telle cavalerie est irrésistible, mais ses possibilités de manoeuvre sont restreintes, et elle ne peut guère agir que dans des conditions favorables. Force est donc de lui adjoindre des auxiliaires moins lourdement harnachés qui forment une sorte de cavalerie légère, qui a comme armes offensives, l'épée d'estoc ainsi que l'arc ou le coustil, fort souvent, une hache au fer triangulaire, pouvant être utilisée comme arme de volée ou de taille.



- Les engins de siège :

Trébuchet

Et bien évidemment des engins de siège comme des trébuchets, catapultes, onagres, mangonneaux ou couillards.







(D'après Armes et armées du moyen-âge, Joseph-Frédéric Fino, recherches archéologiques médiévales de la France de l'est, tome VIII, recueil d'articles parus dans Gladius, Centre d'Archéologie Médiévale de Strasbourg, 1979.)
^ Sommaire

Anecdotes, récits et textes divers concernant Jehanne

Le fiancé de Jehanne

Vers la mi-juillet 1428, Domrémy fuit devant les soldats.
La famille de Jehanne part à Neufchâteau, chez Jehan de Waldaires, qui y tenait une auberge avec sa femme dite « la Rousse ». Ils y passèrent environ quinze jours.
On pense qu'ils étaient en famille. La Rousse se faisait aider de Jehanne pour les soins de la maison.
Là, à Conrardin (ou Gérardin) Despinal (époux d'Isabelette), elle dit un jour, parlant de son avenir :

- Si vous n'étiez pas Bourguignon, je vous dirais quelque chose ! 

Celui-ci crut qu'il s'agissait d'un projet de mariage entre Jehanne et quelqu'un de ses voisins. Il en parle aux parents.
Un jeune homme, assez timide pour ne pas s'être déclaré aux parents, et assez sot pour avoir cru à un acquiescement de Jehanne, se révéla. Il prétendit que Jehanne lui avait engagé sa foi.
Jehanne nia. Ses parents l'engagent à se marier : elle refuse tout net.
Le jeune homme l'assigne devant l'Official, tribunal ecclésiastique siégeant à Toul, et qui décidait de tout en ce qui concernant les fiançailles et les mariages.
Jehanne se présenta. Elle se défendit si bien, sans larmes ni trouble, qu'elle gagna le procès, déclarant qu'elle ne lui avait rien promis.
Assez étrangement, le jeune homme, avant le prononcé de la sentence, était mort.
Cette histoire était peut-être « pilotée » par le père, Jacques d'Arc, pour empêcher Jehanne de partir « à la guerre » car pour lui, une femme à la guerre voulait dire une « ribaude », une femme de mauvaise vie.
On sait qu'il avait dit que, dans ce cas, il aurait préféré la noyer !
Taciturne et dur, il aimait sans doute Jehanne, et voulait sûrement ainsi la sauvegarder.
Mais les liens ne furent pas rompus, car on sait qu'il était à Reims au moment du sacre de Charles VII, et qu'il y séjourna près d'un mois. Il reçut dans cette ville 60 livres tournois que Jehanne avait demandé au roi de lui faire octroyer, et obtint quelques indulgences financières pour son village de Domrémy.

Jehanne avait de la réplique

Alors que Jehanne, à Vaucouleurs, attendait d'être reçue par Robert de BAUDRICOURT, elle logeait, avec son « oncle » Laxart (en fait, un cousin par alliance) chez Henri Le Charron (le royer comme on disait alors) dont la femme, Catherine, lui témoignera bientôt une grande amitié.
Baudricourt hésitait a donner à Jehanne l'autorisation de partir.
Un jour, il lui demanda ce qu'elle ferait après le sacre :

- Jehanne : Je me marierai.
- Baudricourt : Et tu auras beaucoup d'enfants ?
- Jehanne : Trois, messire.
- Baudricourt : Trois ! Et qu'en feras-tu ?
- Jehanne : L'un sera roi, le second pape, le troisième empereur.

Le capitaine y vit du badinage, et enchaîna :

- Baudricourt : Puisqu'ils seront si grands personnages, je voudrai bien t'en faire un. J'en vaudrais mieux ensuite !
- Jehanne : Nenni, gentil Robert, nenni. Il n'est pas temps. Le Saint-esprit y oeuvrera.

Lucien Fabre, auteur de Jeanne d'Arc (Taillandier, 1978) qui rapporte la scène, pense ainsi de cette répartie, que Jehanne, épouse de Dieu, avait fait le voeu de religiosité, mais que, consultée par les Grands, et d'autres personnages comme celle qui deviendra Sainte Colette de Corbie, elle traiterait en fils le roi, le pape et l'empereur, et rétablirait la paix spirituelle après avoir rétabli la temporelle.
Jehanne pouvait aussi, à l'occasion, être sévère, comme lorsqu'elle fit trancher la tête d'un nommé Franquet d 'Arras (voir l'anecdote).

Jehanne et le roi Charles VII (anecdote)

Voir l'article


Jehanne à Lagny. Comment elle "rua jus" Franquet d'Arras

Comment Jehanne la Pucelle "rua jus" Franquet d'Arras et lui fit trancher la tête.
A l'entrée du mois de may (1430) , fut rué jus et pris un vaillant homme d'armes, nommé Franquet d'Arras, tenant le parti du duc de Bourgogne, lequel estoit allé courre sur les marches de ses ennemis, vers Lagny-sur-Marne, atout trois cent combattants ou environ; mais à son retour fust rencontré de Jehanne la Pucelle, qui avec elle avoit quatre cents François.
Si assaillit moult courageusement et vigoureusement le dit Franquet et ses gens par plusieurs fois; car, par le moyen de ses archers, c'est à saveoir du dit Franquet, qu'il avoit, lesquels par très bonne ordonnance s'étoient mis à pied, se défendirent si vaillamment que pour le premier et second assaut d'icelle Pucelle et ses gens ne gagnèrent rien sur eulx.
Mais en conclusion elle mande toutes les garnisons de Lagny et aultres forteresses de l'obéissance du roi Charles, lesquels y vinrent en grand nombre, atout couleuvrines, arbalètes et aultres habillements de guerre.
Et finablement, les dessus dits tenant le parti de Bourgogne, après qu'ils eurent moult adommagé leurs ennemis de gens de cheval, ils furent tous vaincus et déconfits, et la plus grand'partie mis à l'épée, et mêmement la dite Pucelle fit trancher la tête à icelui Franquet, qui grandement fust plaint de ceulx de son parti, pour tant qu'en armes il estoit homme de vaillante conduite.
(Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet (v.1390-1453), livre second, ch. LXXXIV).
Voir La bataille de Vaires.

Les itinéraires de Jehanne

Après les entrevues avec Robert de Baudricourt, à Vaucouleurs, celui-ci consentit enfin à laisser partir Jehanne vers le roi. Il lui octroie une petite escorte, et la voilà partie pour un long périple qui va la conduire à Chinon.
Il fallut, pour une grande partie du voyage, cheminer de nuit, pour éviter de se faire repérer par les soldats du duc de Bourgogne et les Anglais.
Voici un essai de reconstitution de son itinéraire :

De Vaucouleurs à Chinon :
- Première étape (12 à 13 lieues) – 23/02/1429 – de Vaucouleurs à Saint-Urbain, par :
Montigny-lès-Vaucouleurs – Rosières-en-Blois – Delouze – Abainville (passage de l'Ornain au moulin d'Abainville) – Bonnet – Mandres – Gillaumé, puis, sans doute, le village d'Echenay, qui s'appelait Espinceloy et se trouvait à 400 mètres environ au nord-ouest du château d'Echenay (non fortifié et aux mains d'un Bourguignon); au sortir du village, passage de la Saulx, ensuite Aingoulaincourt et, après avoir longé la forêt de la Saulxnoire, Poissons, où il fallut franchir le Rongeant avant d'atteindre Saint-Urbain (Haute-Marne).

- Deuxième étape (une douzaine de lieues) – 24/02/1429 – De Saint-Urbain à Clairvaux.
Départ le soir, passage de la Marne sur le pont voisin de la chapelle de l'abbaye. Itinéraire présumé : Fronville – Ferrières – Blécourt – Flammerécourt – Leschères – Ambonville. De là, on dut, tout en évitant Blaise, domaine de Baudricourt confisqué par l'ennemi, rejoindre Colombey-les-Deux-Eglises d'où un chemin direct conduisait à Clairvaux.

- Troisième étape (12 à 13 lieues) – 25 février – de Clairvaux à Pothières, par :
Grancey-sur-Ource – Pothières (Côte-d'Or).

- Quatrième étape (12 lieues) – 26 février – de Pothières à Tonnerre, par :
Etrochey (où l'on retrouvait la voie romaine reliant Langres et Auxerre) – Laignes (elle traversa l'Armançon au Gué des Pierres, entre Tanlay et Saint-Vinnemer) – Tonnerre.

- Cinquième étape (8 lieues) – 26 février – de Tonnerre à Auxerre, par :
Chablis, le plateau d'Egriselles que traversèrent les voyageurs pour arriver à Auxerre par le vieux chemin de Troyes.

- Sixième étape (une quinzaine de lieues) – 27 février – d'Auxerre (qu'elle quitta par la porte du Temple) à Grand-Villars, par :
Pourrain – Champleau – Toucy, en ruine après deux sièges subis par la vaillante petite ville pour la cause du roi Charles et où l'on rapporte qu'elle suivit le chemin qui longeait le mur d'enceinte – aujourd'hui rue du Miton (entrée par la porte d'Auxerre ou de Bourgogne, elle en est sortie par la porte d'Orléans); elle traversa l'Ouanne au Gué des Passerelles situé à quelque 40 mètres en aval du pont Capureau et les voilà sur le chemin de Gien qui monte la colline par les hameaux des Baillis et de Fours pour gagner la plaine de Briant; passant auprès du castel de la Bruyère, elle poursuivit sa route par Tannere-en-Puisaye – Villeneuve-les-Genets. Près de ce hameau [à environ une demi-lieue au nord-ouest de Villeneuve], l'ancien château féodal du Grand-Villars a conservé la tradition que Jeanne d'Arc vint y passer la nuit.

- Septième étape (une quinzaine de lieues) – 28 février – de Grand-Villars à Gien, par :
Bléneau – Bréteau – Ouzouer-sur-Tézée – Gien. La petite troupe … arriva à Gien par l'ancien chemin du « Désert » (maintenant rue Lejardinier) qui menait à la Porte du Lion d'Or. Elle pénétra dans la ville et s'y arrêta.

- Huitième étape (environ 9 lieues) – 1er mars – de Gien à Sennely :
Elle quitta la ville de Gien par le pont et prit à droite l'ancienne route d'Orléans à Sancerre jusqu'à Saint-Gondon, puis, par Viglain (où la tradition de son passage demeure), atteignit Sennely (où elle trouve gîte à l'Hospice Saint-Euverte).

- Neuvième étape (18 lieues) – 2 mars – de Sennely à Mennetou-sur-Cher, par :
Vouzon (où l'on trouve encore le chemin de la Pucelle) – Lamotte-Beuvron – Epilly – L'Allaudière (ferme; pour y parvenir prendre le premier chemin à droite après le pont du Néant, sur la route de Saint-Viâtre à Chaumont-sur-Tharonne) : c'est près de cette ferme qu'elle traversa le Néant au Gué de la Terre ou Fernin – Tremblevif (aujourd'hui Saint-Viâtre) – le château du Grand-Bois – Faverolles – le château de La Noue – le Gué Riau où elle a passé la Sauldre – l'île Saint-Taurin, rattachée à La Ferté-Imbault; ensuite on suppose qu'elle a pris le vieux chemin de Mennetou passant au sud de Selles-Saint-Denis par Preuillard – Les Anges – La Brillère – Mennetou-sur-Cher.

- Dixième étape (environ 18 lieues) – 3 mars – de Mennetou-sur-Cher à Loches, par :
Le Gué d'En-Bas, où elle passa le Cher, face les Orthions, puis vraisemblablement par Saint-Loup – Saint-Julien-sur-Cher – Selles-en-Berry (aujourd'hui Selles-sur-Cher) – Saint-Aignan – Montrésor – Beaulieu – Loches.

- Onzième étape (environ 8 lieues) – 4 mars – de Lochesà Sainte-Catherine-de-Fierbois :
Elle dut passer par Notre-Dame-de-Beau-Tertre (à peu près à mi-chemin entre Loches et Manthelan), station des pèlerins se rendant à Compostelle et où l'on vénérait une vierge miraculeuse conservée de nos jours dans la collégiale Saint-Ours à Loches – Manthelan (situé sur l'ancienne voie romaine de Paris à Bordeaux) – Sainte-Catherine-de-Fierbois.

- Douzième étape (environ 9 lieues) – 6 mars – de Fierbois à Chinon, par :
Les terres de Comacre – la vallée de Courtineau – les terres de Brou – Crouzilles (vraisemblableent) – Saint-Gilles, qui fait aujourd'hui partie de l'Ile-Bouchard – la vallée de la Vienne (rive droite) – Chinon.

Avant d'aller à Orléans pour délivrer la ville, Jehanne va devoir se déplacer en Poitou, en Anjou et en Touraine, à Saumur, Poitiers, Tours, Blois.
Voici une reconstitution de ses périples :
Itinéraire présumé de Chinon à Saint-Florent-lès-Saumur
Jehanne franchit la Vienne qu'elle longea rive gauche, passant par Le-Petit-Thouars (où une tradition de famille veut qu'elle ait séjourné) – Candes – Montsoreau (dont le château, alors sur la crête, commandait la route) – Nantilly – Saumur.
De Saumur, elle dut traverser le Chardonnet (devenu terrain d'exercices de l'Ecole de cavalerie de Saumur) et passer le Thouet en bac pour se rendre à Saint-Florent-lès-Saumur.

Itinéraire présumé de Chinon à Poitiers
Jehanne remonta la vallée de la Vienne, passant par Rivière, où l'on conserve le souvenir du pèlerinage qu'elle y fit; puis, la vallée de la Veude, par Champigny – la vallée du Mable – par Richeloc (devenu Richelieu); et, se dirigeant par Faye-la-Vineuse et peut être aussi Lencloître, vers Chatellerault, elle remonta par Saint-Georges-les-Baillargeaux, la vallée du Calin pour gagner Poitiers.

Itinéraire présumé de Poitiers à Chinon
Elle a dû passer par Mirebeau et faire halte à Loudun, où la tradition veut qu'elle ait pris gîte à la « Grand-Cour », riche hébergement dépendant du château. La route suivait assez exactement, croit-on, l'actuelle R.N 147. Tandis que de Loudun à Chinon, la route actuelle n'existant pas, elle prit sans doute l'importante voie de Fontevrault qui devait passer par Veniers – Bournand – Vézières – le Bois de Lamothe – Lerné; puis, longeant les Coteaux de Seuilly et, continuant par La Roche-Clermault et Parilly, elle regagna Chinon.

Itinéraire de Chinon à Tours
Jehanne suivit la vieille route qui traversait la forêt de Chinon, au centre de laquelle on rencontre le Carrefour de la Pucelle – Azay-le-Rideau – les « Landes de Miré » et, par Joué-les-Tours, Pont-Cher – Saint-Sauveur (aujourd'hui quartier sud-ouest de Tours), et aboutissait à Tours.

Itinéraire présumé de Tours à Blois
Jehanne traversa la Loire sur l'ancien pont, situé parallèlement au pont suspendu de Saint-Symphorien et dont on voit, en amont, quand les eaux sont basses, les piles rasées. Suivant, rive droite de la Loire, le flanc du coteau, elle passa à Sainte-Radegonde – Marmoutiers – Rochecorbon – Vouvray – Vernou – Noisay – Nazelles; après avoir [re]traversé la Loire par les ponts d'Amboise, elle arriva dans cette ville où elle fut hébergée; en quittant Amboise, elle rejoignit le coteau par Pocé-sur-Cisse, puis par Limeray – Cangey – Monteau – Onzain et, de là, bifurquant dans la direction nord-est, elle pénétra dans la manoir de Laleu, où elle demeura pour la nuit. Le lendemain matin après avoir entendu la messe dans la chapelle qui existe encore, elle reprit la route qui, par Chouzy-sur-Cisse, la menait à Blois.

Itinéraire présumé de Blois à Orléans
Vineuil – Montlivault – Saint-Dié-sur-Loire – Muides – Nouan-sur-Loire – Saint-Laurent-des-Eaux (où elle aurait passé la première nuit) – Lailly-en-Val – Cléry (où se fit sans doute la seconde halte), puis par les bois de Maisonfort se dirigea vers Saint-Cyr-en-Val (où elle passa le Dhuy) pour atteindre, près de Melleray, la Loire qu'elle traversa à l'Ile-aux-Bourdons, à la hauteur de Chécy.

Un épisode peu connu de la vie de Jehanne

Voir article.

Un pari sur la mort de Jehanne en 1437

Texte d'un article paru dans la Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon.
Grâce à l'amabilité d'un de nos correspondants du Gard, M.G. Marquié, de Laudun, nous avons eu communication d'un article d'Henry Villard paru dans les Annales de la Société d'Etudes Provançales, t.III, 1906, p.207-214, intitulé Un pari sur la mort de Jeanne d'Arc en 1437, fait cinq ans après le supplice de l'héroïne, entre un gentilhomme de Maillane et un cordonnier d'Arles, le premier tenant pour la mort de Jeanne d'Arc sur le bûcher de Rouen et le second pour la version de la survie (Jeanne des Armoises...).
La Provence, pourtant bien loin du champ de bataille, s'intéressait au premier chef à la mission de Jeanne : les comptes de Brignoles montrent qu'en mai-juin 1429 une procession avait eu lieu pour célébrer la prise d'Orléans. Jacques Gélu, archevêque d'Embrun, écrivait à Charles VII en 1429 qu'il reconnaissait la mission providentielle de la Pucelle et, comme nous le verrons, un pari original fut pris à Arles concernant sa survie... (ndlr).

Un manuscrit de la Bibliothèque publique d'Arles (1), accentuera sous une forme originale, mais à un point de vue différent, l'impression qu'avaient alors, dans nos régions provençales, les diverses classes de la Société sur la mission de la Pucelle (2).
La précieuse compilation de l'abbé Laurent Bonnemant a emprunté à un registre de notaire arlésien, Me Jean Seguin, dont le protocole n'a pu être retrouvé, la relation d'un pari assez original fait en 1437, par conséquent 5 ans après le supplice de l'héroïne, entre un gentilhomme de Maillane (3) et un cordonnier d'Arles. La mort de Jeanne d'Arc était le prétexte de ce nouveau débat du noble et du vilain.
Le cordonnier, Pons Veyrier, disait, prétendait et affirmait, sur les dires de deux ou trois témoins dignes de foi, que Jeanne vulgairement appelée la Piucella de Fransa, n'avait pas été brûlée par les Anglais (cremata a Rohans per Anglicos), contrairement à l'opinion de plusieurs, mais qu'elle était vivante à l'heure actuelle (in presenti die vivere). Le seigneur, Jean Romey, moins crédule, ou mieux renseigné, tenait pour fausse l'allégation du cordonnier. D'où l'acte notarié, rédigé en présence de trois témoins devant la porte de la boutique de ce dernier, par lequel le seigneur offrait le meilleur cheval de sa manade, à l'exception de deux étalons barbes, à Pont Veyrier, si celui-ci pouvait prouver, dans le délai d'un an, à partir de ce jour, sur le témoignage de deux ou trois personnes dignes de créance, ce qu'il avançait. Dans le cas contraire, son compétiteur s'obligeait à lui donner cinq paires de chaussures de peau dite de brunette, bonnes et de qualité marchande. Le manuscrit ne dit pas si le sceptique gentilhomme de Maillane perdit son cheval ou gagna les souliers de son trop enthousiaste partenaire.
Quelqu'en ait été le résultat, ce pari original reproduit bien l'opinion qui avait cours dans le peuple, à ce moment là, et qu'une chronique du temps résume en peu de mots : Y avoit donc maintes personnes... qui croyaient fermement que, par sa sainteté, elle (Jeanne) se feust échappée du feu et qu'on eus tarse une autre cuidant que ce feust elle (4). L'idée que celle qui avait "bouté" l'envahisseur hors du royaume n'avait pu périr sur un bûcher comme une simple mortelle était donc presque générale. Elle prit une plus grande consistance lorsque, le 20 mai 1436, une aventurière, de l'âge et du physique de la bonne Lorraine, brune comme elle, se présenta, en cette qualité, dans une réunion de seigneurs tenus à la Grange-aux-Ormes (5).
Cette résurrection ne surprit personne, pas même Pierre et Petit Jehan d'Arc, frères de la Pucelle, qui n'hésitèrent pas à la reconnaître pour leur soeur. Il faut lire, dans l'ouvrage de M. Lecoy de la Marche (6), le récit de l'exhibition de la fausse Jeanne à Mairville (7), au pèlerinage de N.D. de Liesse (8) dans le comté de Luxembourg, à Cologne, à Metz, à Orléans, à Paris et en Anjou pour se rendre compte de l'engouement du populaire, à l'égard d'une aventurière qui répondait si bien à ses désirs. Cette comédie qui avait eu deux mariages au cours de la représentation (9) et une assez longue et prudente éclipse aurait pu se terminer tragiquement, sans la bonté proverbiale du roi René dans les Etats duquel l'intrigante vient échouer et convoler en secondes noces. Une lettre de rémission, datée du château d'Angers et de février 1457, vint trouver la pseudo Pucelle dans les prisons de Saumur où ses impostures et ses entreprises la faisait détenir depuis trois mois. Bannie de la ville et de la province, la fausse Jeanne d'Arc, plus connue sous le nom de Jeanne des Armoises, disparut à jamais des annales de la célébrité.
De ce temps, les nouvelles, vraies ou erronées, se propageaient avec plus de facilité et de rapidité que notre époque de télégraphe et de chemin de fer ne se l'imagine. Les nombreux pèlerins ou marchands qui sillonnaient les routes, les uns par dévotion, les autres par métier, les colportaient avec une vitesse incroyable. Il n'est donc pas étonnant que Pons Veyrier, le cordonnier d'Arles, ait appris par un voyageur de passage, par un compagnon en quête de travail ou même par un Provençal ayant suivi le roi René à Angers, un événement que l'attente populaire autant que le parti anglais peut-être avait suscité. On ne peut assurément taxer d'exagération ou d'ingénuité les récits faits au bon partisan sur la Pucelle par les deux ou trois témoins qui méritent sans doute d'être qualifiés de dignes de foi (per duos vel tres testes fide dignos). L'exemple des frères de Jeanne d'Arc, du seigneur des Armoises, pour ne citer que les plus fameux, et de la ville d'Orléans (10) serviraient à excuser la méprise bien naturelle de Pons Veyrier... (11). Henry VILLARD.

(1) Singularités historiques, littéraires, politiques, sacrées et profanes de la ville d'Arles, f.50.Cote n°225.
(2) Voir lettre de l'archevêque Jacques Gélu, Archives de l'Isère, reg. B,3.139.
(3) Canton de St. Rémy, B. du Rh.
(4) Journal de Paris, cité par QUICHERAT, Procès de Jeanne d'Arc, V, 334.
(5) Bourg près de St.Privat, à une lieue de Metz.
(6) LECOY de la MARCHE, le roi René, I,p.208 sq.
(7) Aujourd'hui Marieulle entre Corny et Pont-à-Mousson, d'après D.CALMET (Hist. de Lorraine, II, p.2) ou Morville-sur-Seille près de Metz, d'après LECOY de la MARCHE, Le roi René, I, 312.
(8) Bourg du départ, de l'Aisne, arrond. de Laon.
(9) D'abord avec messire Robert des Armoises et, à la mort de ce dernier, avec un obscur Angevin nommé Jean Douillet.
(10) Les 18, 29 et 30 juillet 1439, la cité offre des banquets et, le 1er avril de la même année, le Conseil de la ville lui a fait don de 210 livres parisis.
(11) Nous tenons à préciser que notre Bulletin a toujours tenu fermement pour la thèse de la mort de Jeanne sur le bûcher à Rouen en 1431 et rejeté les hypothèses de la naissance royale (bâtarde d'Isabeau de Bavière), comme contraires à la vérité historique (N.D.L.R.)
(Bulletin de la Société des Amis du Vieux Chinon, tome VIII (1979-1982), n°6 (1982), p.751-753).

Geoffroy THERAGE, le bourreau de Jehanne

Geoffroy THERAGE, maître exécuteur de la haute justice du roy. 

Certaines chroniques racontent que ce personnage, pris de remord après l'exécution de la Pucelle, s'en ouvrit à certains, regrettant presque d'avoir fait son travail.
Pourtant, nous allons voir qu'il ne s'entourait pas d'autant de scrupules dans l'accomplissement de sa tâche habituelle, d'après une quittance de salaire qu'il reçut en mai 1428 :

Mandement de paiement pour une exécution de justice à Rouen - Salaire du bourreau.
Rouen, le 20 mai 1428.

Jehan SALVAIN, chevalier, bailly de Rouen et de Gisors, au Viconte de Rouen, ou à son lieutenant, salut
Nous avons tauxé à Guieffroy Thérage, maistre exécuteur de la haulte justice du Roy, nostre sire, audit lieu de Rouen, pour sa paine et sallaire d'avoir traisné au bout d'une charrette, sur une claye, Pierres Le Bigourdais, natif de La Haye-Malherbe, depuis le prisons (sic) du Roy, nostredit sire, ou dit lieu de Rouen, jusques au vieil Marchié, et audit lieu luy avoir couppé le poing, décapité et escartellé, et, d'icellui vieil Marchié, avoir mené en icelle charrette le corps d'icellui jusques à la justice, et audit lieu l'avoir pendu et mesmes assis la teste sur une lance, et pendu les quatre membres d'icellui, chascun à une vaulle (nb : une voûte ?) à quatre portes de ladicte ville, qui à ce avoit esté condamné pour ses démérites. 
C'est assavoir : 
- pour l'avoir trayné, 10 sols. 
- pour avoir couppé ledit poing, 10 sols
- pour l'avoir décappité, 20 sols. 
- pour l'avoir escartellé, 20 sols. 
- pour avoir pendu ledit corps, 10 sols. 

- pour avoir pendu lesdits quatre membres, 5 sols. 
- pour lance, 5 sols. 
- pour ladicte charrette, 5 sols. 
- pour gans (gants), 12 deniers. 
- et pour ladicte claye, 2 sols, 
montent les parties dessus dictes la somme de quatre livres huit soulz tournoys. 
Sy vous mandons que, des deniers de vostre recepte, vous païez, bailliez et délivrez ladicte somme audit Geuffroy. 
Et par rapportant ces présentes, avec quictance d'icellui Geuffroy, ce vous sera alloué en vos comptes et rabatu de vostre recepte, ainsi qu'il appartendra. 
Donné à Rouen, le 20ème jour de may l'an 1428. 
Signé : Dubusc.
(Bibl. Nat. MSS., vol.26.051, n°889)

Qu'avait donc pu faire le pauvre Pierre Le Bigourdais pour mériter un tel traitement ?
La justice "ne faisait pas dans la dentelle" en ces temps !
Il sera aussi le bourreau de Jehanne la Pucelle en mai 1431.
Plus tard, il exécutera, en une seule journée, 140 personnes ! Il est donc difficile à croire dans les remords de ce personnage.
On voit que les quittances étaient très détaillées. On peut suivre facilement le "travail" du bourreau sur le condamné.
Mais quand même, il mettait des gants... !

(Sources : Recherches diverses, Médiathèque Orléans. Bulletins S.A.H.O., Orléans.)

Jehanne était-elle une bâtarde royale ?

Une thèse circule depuis longtemps, qui ferait de Jehanne une bâtarde royale. La polémique gronde sans cesse parmi les historiens et des "fans" de Jehanne. Nous proposons ici un texte :

A ses parents, la dame de confiance d'Isabeau de Bavière se borna à dire que l'enfant qu'on leur apportait était la fille d'un grand seigneur du parti d'Orléans. (David-Darnac, Histoire véridique et merveilleuse de la Pucelle d'Orléans, 1965.)

Jehanne aurait été une bâtarde royale, demi-soeur du Dauphin, fille d'Isabeau de Bavière et du duc Louis d'Orléans. Si Jehanne avait été une simple paysanne, elle n'aurait pas été admise à la cour du roi, allèguent certains auteurs.
Un des tous premiers à développer la thèse de la bâtardise est Pierre Caze, sous-préfet de Bergarac, en 1819. Il veut démontrer qu'Isabeau de Bavière et Louis d'Orléans étaient amants et avaient eu une fille, Jehanne, qui serait née en 1407. De nombreux auteurs reprennent cette idée, mais Jean Jacoby précise que Jehanne ne connaissait pas elle-même sa date de naissance exacte.
Ainsi, quand ses juges lui demandent son âge, répond-t-elle dix neuf ans ou environ. Contribuant à semer plus encore le trouble, Rondel affirme que Jehanne ne pourrait en aucun cas être née en 1412, car elle aurait été trop jeune pour être reçue à Chinon. Argument sans fondement inébranlable : à cette époque, les filles étant majeures à douze ans et les garçons à quatorze, les généraux étaient souvent âgés d'à peine vingt ans.
Selon le récit de Perceval de Boulainvilliers, cette supposée fille de la reine Isabeau aurait été transportée au soir de sa naissance dans une famille adoptive de Domrémy, afin qu'elle puisse un jour sauver le royaume de France. La nuit où cette enfant serait arrivée dans la famille d'Arc, les coqs se seraient mis à chanter !
Tous les "bâtardisants", voulant donner une explication cohérente, décrivent la grande agitation dans le village de Domrémy, due à l'agitation de l'escorte qui accompagnait le bébé royal pour le remettre à sa famille d'adoption. Plus tard Yolande d'Aragon chargera Jean de Metz et Jean de Poulengy d'instruire Jehanne de son identité et de la conduire à Chinon auprès du Dauphin. Charles est tout heureux de retrouver une soeur pour l'aider à récupérer son royaume. Puis il l'abandonne à son propre destin.
Pour cautionner la thèse de la naissance de cet enfant adultérin, il faudrait d'une part démontrer l'inconduite de la reine, prouver que Louis d'Orléans était son amant. Il est vrai que le dernier des douze enfants d'Isabeau est né en 1407, mais le récit du Religieux de Saint-Denis, chroniqueur de la Maison de France, nous apprend que cet enfant mâle se prénomme Philippe, né et mort le 10 novembre 1407. De plus, le duc d'Orléans est assassiné le 23 novembre de la même année: on ne voit dès lors pas comment physiologiquement la reine aurait pu à nouveau se trouver enceinte.
Comment d'autre part prouver qu'ils se retrouvaient à l'Hôtel Barbette - situé au coeur de Paris, dans le Marais d'aujourd'hui ? S'il est vrai qu'Isabeau possédait cet hôtel, elle y a passé moins de six mois en sept ans, pour se reposer des contraintes de l'étiquette.
L'historien Yann Grandeau a reconstitué l'itinéraire de la reine. Il nous apprend qu'elle résidait la plupart du temps auprès de son époux et de ses enfants à l'Hôtel Saint-Pol, également dans le Marais parisien d'aujourd'hui.
La reine aimait beaucoup son mari, malgré les manifestations de sa maladie. C'est avec beaucoup de larmes qu'elle dut se résoudre à ce qu'il prenne Odette de Champdivers pour maîtresse. Le Religieux de Saint-Denis constate : Quand elle songeait aux maux qui le menaçaient ainsi qu'aux violences et aux mauvais traitements qu'elle avait déjà endurés avec le roi, la pensée qu'entre deux inconvénients il vaut mieux choisir le moindre faisait qu'elle se résignait à ce sacrifice.
Un autre fait s'impose : si la reine avait fait conduire "Jehanne" à Domrémy en 1407, aurait-elle oublié que son quatrième enfant, une fille prénommée Jehanne, était duchesse de Bretagne ?
Louis d'Orléans a de son côté une maîtresse, Mariette d'Enghien dont il a un fils, le bâtard d'Orléans, comte de Dunois. La bâtard a été élevé avec les enfants légitimes de Louis par la duchesse au château de Blois.
Cette liaison entre Isabeau et Louis d'Orléans permettrait de comprendre que Jehanne, soeur ou demi-soeur de Charles, le reconnaisse sans peine à Chinon; qu'elle sache monter à cheval, mener la guerre, qu'elle ait libéré Orléans, la ville de ses demi-frères, le duc Charles et le bâtard d'Orléans.
Mais cette nouvelle ne pouvait demeurer secrète. Très rapidement, soit les Bourguignons, soit les partisans du roi Henry V s'en seraient servi pour leur propagande contre le Dauphin.
Toutes ces tentatives d'explication tendent à diminuer le rôle de Jehanne et poussent à ignorer le "pourquoi" de sa mission. Elle ne reposent sur aucun document authentique, mais découlent d'interprétations plus ou moins fiables et d'une imagination débordante de la part des "bâtardisants".
Certaine d'entre-eux n'hésitent pas à inventer jusqu'à l'existence de documents - comme le montre la remarquable étude de Yann Grandeau intitulée Jeanne Insultée (1973) - où à se retrancher derrière les Archives vaticanes. Au Vatican, prétendent-ils, seraient cachées les preuves de la bâtardise de Jehanne. Pourtant aucune pièce n'étaye cette thèse, ce que tout chercheur peut aller constater sans interdit.
Que Jehanne soit une enfant de sang royale n'a pas effleuré les contemporains et encore moins Jehanne elle-même : Puisque Dieu le commandait, eussé-je eu cent pères et cent mères, eussé-je été fille de roi, je serais partie.
Par ailleurs, la ville d'Orléans accueille la mère de Jehanne, une fois veuve en 1440, en souvenir de celle qui l'a libérée, et lui assure une pension annuelle de quarante-huit sous. Lorsqu'elle tombe malade, elle est soignée aux frais des Orléanais : A Henriet Anquetil et Guillemin Bouchier, pour avoir gardé et gouverné Isabeau, mère de Jehanne la Pucelle tant en sa maladie comme depuis, et y a été depuis le 7 juillet jusqu'au dernier jour d'aoust... A la chambrière, qui était à feu messire Bertrand physicien qui avait gardé la dite malade....
A sa mort, le 28 novembre 1458, la ville fait dire des messes pour le repos de son âme. Isabelle Romée aurait-elle été traitée de la sorte, si elle n'avait été "que" la nourrice de Jehanne ?

Bien évidemment, les partisans de l'une ou l'autre thèse s'affrontent ! Mais, après tout, pourquoi ne serait-elle pas la fille de la reine Isabeau ? Cela n'enlèverait rien à son panache !

Jehanne a-t-elle été ou non brûlée à Rouen ?

Le château de Rouen où Jehanne fut détenue durant son procès.


Des thèses circulent qui affirmeraient que Jehanne ne fut pas brûlée, à Rouen, après son retentissant procès.
Peut-être le fut-elle, dans ce cas les partisans de la thèse "officielle" auront raison. Pourtant, il est intéressant de s'intéresser quelque peu aux arguments de ceux qui développent la thèse de la survie :
Nulle part dans les chroniques et autres textes, ni dans les comptes royaux, elle n'a été appelée d'Arc. C'était le nom de ses parents adoptifs, et non le sien. Partout, y compris dans l'acte qui lui confère ses armoiries, et dans ses procès, elle est dite : Jehanne la Pucelle, et elle a précisé elle-même qu'à Domrémy elle était Jehannette, et rien d'autre.
Plus tard, elle reviendra à Orléans, bien après son soi-disant supplice à Rouen, sous le nom de Jehanne des Armoises. Elle avait en effet épousé un chevalier lorrain nommé Robert des Armoises, seigneur local, avec qui elle vécu ensuite jusqu'à sa mort, vers la quarantaine.
Ils n'eurent pas d'enfants. Jehanne était gynandroïde, forme rare d'hermaphrodisme qui se manifeste par une soudure des grandes lèvres, et ne pouvait donc pas ainsi être pénétrée sexuellement. De plus, elle n'avait pas de règles.
En tant que fille bâtarde d'Isabeau de Bavière et du duc Louis, elle était donc la tante du roi anglais Henry VI.
Elle était donc la demi-soeur de Charles VII et de ses frères et soeurs, en particulier de Catherine, épouse du roi d'Angleterre. Elle était aussi la demi-soeur de Jehan d'Orléans, comte de Dunois, dont le père était aussi le duc Louis, et la mère une maîtresse de celui-ci, Mariette d'Enghien. Demi-soeur également de Charles d'Orléans, le poète, fils du duc Louis et de son épouse légitime Valentine VISCONTI.

De sang royal, on ne pouvait donc pas la brûler. On fabriqua donc une "histoire officielle", et l'on brûla une autre prisonnière à sa place.
Il est vrai que le bourreau Geoffroy Thérage déclara que le bûcher était trop haut pour qu'il y monte afin de l'étrangler (comme c'était la coutume), et qu'elle était embronchée, c'est-à-dire le visage recouvert d'une cagoule. Il ne fallait pas que l'on s'aperçoive que ce n'était pas Jehanne la Pucelle !
Un livre révélant tout cela, Le livre de Poitiers, fut découvert dans la bibliothèque du Vatican, en 1935, par l'écrivain Edouard Schneider.
Monseigneur Tisserant, administrateur de cette bibliothèque, le pria aussitôt de ne pas faire état publiquement de sa découverte, pour ne pas détruire la légende de celle qui était devenue Sainte Jeanne d'Arc.
D'ailleurs, elle n'aurait été condamnée qu'à la prison perpétuelle, et son emprisonnement, dans un château fort, se réduisit à cinq années. Elle fut libérée au décès du duc de Bedford (septembre 1435), le régent de France pour le roi Anglais, puis mariée par la duchesse de Luxembourg, aussi l'une de ses tantes, dans la chapelle de son château d'Arlon, au chevalier Robert des Armoises, neveu d'Alarde de Chambley, épouse de Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs.
Ayant "repris l'armure", elle guerroya encore avec le Maréchal Gilles de Rais, son ancien compagnon d'armes, jusqu'en 1439, fut blessée une troisième fois, et fut reçue cette année-là à Orléans, aux côtés du roi Charles VII, son frère. Les comptes de la ville d'Orléans en gardent trace. Plus tard, elle vécut avec son époux dans le château de Jaulny, près de Metz.
Elle mourut en 1449, et fut enterrée, près de Nancy, dans la chapelle de droite du choeur de l'église de Pulligny-sur-Madon (au sud de Toul), aux côtés de son époux. Sur la pierre, ses armoiries et son nom : Jehanne, la Pucelle de France, épouse du chevalier Robert des Armoises.
Il y eut deux fausses "Pucelles" : Jehanne la Féronne et Jehanne de Sermaise (lieu-dit près de Saumur), mais elles ne se produiront qu'après le décès de Jehanne des Armoises.
Deux livres de référence sur le sujet :

- Jehanne d'Arc n'a pas été brûlée, par Gérard de Pesme, de l'Académie d'Histoire.
- Les missions secrètes de Jehanne la Pucelle, par Pierre de Sermoise (descendant de la famille du chevalier Robert des Armoises, époux de Jehanne).

Espérons que ces coups de boutoir parviennent à ébranler les historiens conformistes, et qu'en particulier les manuels scolaires éjectent cette légende tenace. Jehanne des Armoises n'était donc pas une déséquilibrée, ni une fantaisiste, mais bien la vraie, la seule, l'unique Pucelle de France, qui fit délivrer Orléans, entamant ainsi la reconquête de la France, et le départ définitif des Anglais, mettant ainsi un terme à la Guerre de Cent-Ans. C'est elle qui donna aussi à ce pays la première ébauche d'un "sentiment national".
La "raison d'état" qui obligea Charles VII à empêcher la révélation du secret de la naissance de la Pucelle n'existe plus aujourd'hui, et aucun motif valable ne semble pouvoir être opposé à la divulgation de cette histoire.
Pourquoi cela n'est-il pas fait ? Ce ne serait nullement attentatoire à la légende de Jehanne, bien au contraire, et la vérité historique n'enlèverait rien à son épopée, à sa personne, ni même non plus à la sainteté qu'on lui a octroyée. De plus en plus de publications paraissent à ce sujet, et il est certain qu'un jour la vérité sera faite. Il serait temps !

La substitution

La polémique sur la thèse de la survivance de la Pucelle va bon train. Il est intéressant de connaître ce qu'en disant les chercheurs partisans de cette thèse.

- En la cité de Rouen, en Normandie, elle fut échauffée et arse en un feu, ce veut-on dire, mais depuis fut prouvé le contraire.

(Chronique du doyen de Saint-Thibaud de Metz)

- On doute encore aujourd'hui, surtout en Lorraine, si la Pucelle qui fut conduite voilée au bûcher, a été effectivement brûlée.
- Histoire écclésiastique et civile du diocèse de Laon..., Dom Nicolas Lelong, 1783. (qui précise aussi que le visage de la suppliciée a été "embronché" (cagoulé) jusqu'à la fin)

L'Université flairait les pièges qui tendaient "à placer l'accusée hors de sa subjection". Cette Université (de Paris), en juillet 1430, écrivait à Philippe le Bon, duc de Bourgogne :

- ... nous craignons fort que par la fausseté et la séduction de l'ennemi d'enfer, par la malice et la subtilité de mauvaises personnes qui mettent toute leur ardeur à vouloir délivrer cette femme par voies exquises, (exceptionnelles) elle ne soit enlevée que quelque manière à votre pouvoir.

Monseigneur Cauchon, évêque de Beauvais, a joué un double jeu, dont l'un secret. Pour que tout demeure plausible, il va s'agir de substituer à la Pucelle d'Orléans, une sorcière véritable ou tel corps semblable, susceptible de donner le change.

De 1430 à 1432, cinq sorcières furent brûlées à Rouen; dans les livres des Comptes des Domaines, en même temps que le prix des bois et le salaire du bourreau, figurent leurs noms :

- Jeanne la Turquenne,
- Jeanne Vanneril,
- Jeanne la Guillorée,
- Alice la Rousse,
- Caroline la Ferté,

(Jeanne d'Arc et la Normandie au XVe siècle. Albert Sarrazin - 1896.)
Donc trois Jeanne qui ont subi le bûcher. Pourquoi le nom de Jehanne la Pucelle ne figure-t-il pas dans ces registres ? Dans les archives du Chapitre de Rouen il ne figure pas non plus ! L'usage voulait aussi une sentence du bailli : il n'y en a pas eu ! Le procès-verbal de l'exécution a lui aussi échappé aux recherches. Pas de pièce concrète pour confirmer le prétendu martyre !
Les dates proposées ne concordent même pas, et l'incohérence règne à propos des dates de cette exécution. Un Abrégé chronologique de l'Histoire de France, publié à Paris en 1749, avec approbation et privilèges du roi, propose le 14 juin 1431.
Selon d'autres auteurs (dont Jean Grimod et M.David-Darnac) Hénault indique aussi le 14 juin, et de Serre le 6 juillet.
W.Caxton et Polydore Vergilius, auteurs anglais du XVe siècle, proposent le mois de février 1432 (donc après neuf mois de détention supplémentaires).
On est loin du 30 mai 1431 !
Laurent Guesdon, bourgeois de Rouen, lieutenant du bailli, confirmera une autre étrangeté :

- Il ne me semble pas qu'on eût procédé régulièrement. Peu après (le supplice de Jehanne) un malfaiteur nommé Georges Folenfant fut, de la même manière, livré au bras séculier par sentence ecclésiastique. Il fut alors conduit "à la cohue", et condamné par la partie civile. On ne le mena pas si promptement au supplice.

Curieusement, pour la Pucelle d'Orléans, la conclusion est si rapidement exécutée que nulle trace concrète n'en subsistera.
Cela est sans importance pour Cauchon : le procès ne sera remis aux chancelleries que dans plusieurs années et, pour la gloire de Charles VII, l'épisode du bûcher ne sera "publiquement" révélé que 25 ans plus tard. L'exécutée du 30 mai 1431 est encapuchonnée. Nul ne peut la reconnaître. Hommes d'armes en abondance, inscriptions et pancartes, exécution "éclair", tout est organisé et accompli selon des instructions insolites. On ira jusqu'à "ouvrir le feu" au bout d'un certain temps : l'exhibition d'un corps à demi calciné prouvera qu'il s'agit bien d'une femme.

- Quand elle fut morte, les anglais craignant qu'on ne pût dire qu'elle s'était échappée, prièrent le bourreau d'écarter un peu le foyer, afin que l'assistance pût constater le décès, et qu'on n'allât pas raconter qu'elle s'était évadée.

Et ces mêmes anglais vont se précipiter pour rassembler au plus vite les cendres qu'on jettera en Seine, car les anglais avaient effectivement peur qu'elle s'évadât, ou qu'on pense qu'elle le fit.
Et puis les étranges doutes du bourreau !
C'est lui qui enfila à Jehanne une longue tunique enduite de soufre et de poix. À l'issue du supplice, il fut très troublé. Le même jour, il vint au couvent des frères Prêcheurs, et nous dit au frère Ladvenu et à moi-même, qu'il avait grand peur d'être damné, qu'il avait brûlé une sainte. (frère Ysembar). Il se confessa... mais n'oublia quand même pas de déjeuner. Il aura nécessairement observé les marques des blessures reçues au combat, sur le corps de Jehanne, et le 30 mai, il constate, sans s'y attendre, que la femme qu'il prépare n'a pas la moindre trace semblable, et qu'elle paraît beaucoup plus âgée. Plusieurs textes confirment cette tournure des événements :

- Finalement, la firent ardre publiquement, ou toute autre femme ensemblable d'elle. De quoi beaucoup de gens ont été et sont encore de diverses opinions.British Museum - MSS 11542 - Auteurs divers.) <
- La Pucelle fut brûlée à Rouen, ou condamnée à l'être. (Chronique Bretonne de 1540 - Bibliothèque Ste. Geneviève - Paris.)

Au XVIIe siècle, Gabriel Naude, érudit politique, Bibliothécaire de Richelieu et de Mazarin, ira jusqu'à penser que Jehanne n'avait été brûlée "qu'en effigie".
L'abbé Cochon (homophone qui n'a rien à voir avec Mgr Pierre Cauchon de Sommièvre), notaire apostolique rouennais, dans son journal où il avait tenu minutieusement le compte des événements importants de la ville à partir de 1404, interrompt brusquement ses récits, en 1430, pour les reprendre en 1433. Il ne mentionne pas plus le procès que l'exécution !
Jeanne elle-même laisse entendre qu'elle sera délivrée :
Audience du 1er mars 1431 :

Un juge : Vos voix vous ont-elles dit qu'avant trois mois vous serez libérée ?
Jeanne : Ce n'est pas votre procès. D'ailleurs je ne sais pas quand je serai délivrée.
Beaupère : Votre conseil ne vous a-t-il pas dit que vous serez délivrée de la prison que vous occupez actuellement ?
Jeanne : Reparlez-m'en dans trois mois... (soudainement souriante)...il faudra bien que je sois délivrée un jour. Voulez-vous que je vous dise ce qui ne regarde que le roi de France ?

Audience du 3 mars 1431 :

Un juge : Avez-vous appris par révélation que vous vous évaderiez ?
Jeanne : Cela ne regarde pas le procès... Je m'en rapporte à Dieu. Par ma foi, je ne sais ni le jour ni l'heure où je m'évaderai.

Trois mois plus tard, jour pour jour, le procès est achevé, conclu.
Coïncidence ou prémonition miraculeuse ? Il y en a vraiment trop dans l'épopée !
La Pucelle, le 30 mai 1431, quittera, sauve, le château de Rouen.

Ce qui s'est réellement passé (thèse de M. Pierre de Sermoise) :
Pendant qu'Ysembart de la Pierre sert d'agent de liaison entre l'archevêché et de Bouvreuil (le château), Martin Ladvenu est arrivé de bonne heure au château. Accompagné du frère Toutmouillé, il administre assez irrévérencieusement les sacrements à la condamnée, dira-t-il en 1456.
Survint l'évêque Cauchon. Que vient-il faire ? Sa place n'est pas ici, on le sait. Pourquoi cette visite ultime, illogique en apparence ?
Bouleversée malgré tout par l'inquiétude (et cela se conçoit), Jeanne lui lance :

Evêque, c'est par vous que je meurs !
Ah ! Jeanne, prenez patience, vous mourrez parce que..., continue l'évêque sur un ton solennel.
Cela fait, je sortis hors et n'entendis plus rien, dira le frère Toutmouillé.

C'est aussi à ce moment que s'opère la substitution, pierre angulaire d'un procès entièrement fabriqué.
L'étude des lieux et le déroulement minuté des faits permettent de comprendre et de vérifier, en toute logique, l'opération. Dans le mur de cette salle basse où se situe le cachot "publicitaire", deux passages, séparés par une sorte de niche, sont très voisins :

- sur la gauche, l'entrée de la tour se prolonge par un pont-levis qui la relie à la cour intérieure du château,
- à droite, un palier précédé de deux marches mène au cachot (immédiatement à main droite), et un escalier tournant qui monte vers le premier étage,
- entre les deux, s'ouvre un renfoncement obscur, profond de deux mètres.

À terre, une trappe carrée d'accès aux souterrains précède un puits d'alimentation en eau communiquant à mi-hauteur avec ces souterrains.
Le puits alimentait en eau le donjon et communiquait avec un puits semblable situé dans la tour dite "de la Pucelle", par l'aqueduc souterrain de Gaalor.
Les allemands, durant la dernière guerre, firent de ce donjon un abri... scellant une échelle de fer dans le puits pour accéder aux souterrains. Notons que la hauteur intérieure permettait à un homme de se tenir debout.
(nb : voir reproduction photographique dans le livre de M. P. de Sermoise, dont ces textes sont tirés.) Tandis que les moines attendent au dehors, l'évêque de Beauvais (Cauchon) reste seul avec Jeanne. Il lui a remis un manteau, discrètement apporté qui dissimulera son vêtement masculin. Peut-être le comte de Warwick est-il présent, ce n'est pas impossible. Dans ce cas, les deux hommes obstruent totalement l'entrée du cachot.
Rien n'empêche plus maintenant que l'escorte désignée aille officiellement chercher la femme substituée à Jeanne à l'étage supérieur. Habillée, voilée, elle a été amenée en enchaînée assez tôt. Quand la troupe redescend l'escalier, elle passe devant la geôle, rejoint les moines, puis se met en route vers le Vieux-Marché, lieu du supplice.
À peine le tumulte est-il apaisé, la salle basse évacuée, que Cauchon libère la porte du petit cachot. En quatre pas, la Pucelle franchit les deux mètres qui la séparent de la trappe carrée où elle s'engouffre, pendant que Pierre Cauchon gagne à la hâte le tribunal qu'il va présider avec solennité.
Encore tremblante d'émotion, Jeanne atteint alors le pied de l'échelle d'une dizaine de mètres, où deux chevaliers l'attendent pour la conduire à la sortie du souterrain et lui servir d'escorte.
À l'époque, cette sortie donnait vers les champs dit-on. De nos jours, elle existe encore au fond d'une cour, au n°102 de la rue Jeanne d'Arc. Coïncidence qui ne manque pas de piquant !
Trois montures sont prêtes en vue de la fuite. Grâce à l'effervescence qui règne à Rouen ce matin-là, personne n'y prêtera attention.
Aucune argumentation en faveur de la version traditionnelle ne tient en face des cinq anomalies de ce dernier jour :

1 - Pourquoi le Président du tribunal (Cauchon) rend-t-il, seul et après tout le monde, une dernière visite à la captive ?
2 - Pour quelles raisons a-t-on pris tant de précautions pour dissimuler le visage de la victime aux yeux du public, alors qu'on entrouvrira le foyer pour montrer un corps méconnaissable ?
3 - Après le retard d'une heure, et bien que les juges aient recommandé la modération au bras séculier, le bailli ne prononce pas de sentence finale, mais précipite au contraire cette exécution à laquelle personne, parmi les officiels, n'assistera ?
4 - Pourquoi le bûcher est-il si volumineux, comparativement aux autres ? De son propre aveu, le bourreau ne pourra remplir entièrement son office : gêné par la hauteur des fagots, il ne put, selon l'usage, étrangler la suppliciée afin d'abréger ses souffrances.
5 - Les innombrables recherches effectuées dans les registres de l'archevêché de Rouen n'ont jamais permis de retrouver d'allusion au bûcher de Jeanne la Pucelle, ce que confirment à l'heure actuelle les archives départementales de la Seine-Maritime.

Quatre vers de Georges Chastelain (1404-1475) résument la question :

Arse à Rouen en cendres
Au grand dur des Français
Donnans depuis entendre
Son revivre autrefois.

Paroles d'autant plus dignes de foi que Chastelain était également l'historiographe de la Maison de Bourgogne, conseiller de Philippe-le-Bel et de Charles-le-Téméraire. Qui pouvait être mieux placé pour connaître la vérité et savoir que la Pucelle avait survécu au procès ?
(D'après Missions secrètes de Jehanne la Pucelle de M. Pierre de Sermoise déjà cité.)
Voir aussi L'affaire Jeanne d'Arc de Roger Senzig


^ Sommaire

Jehanne par elle-même et ses témoins

Jeunesse et vocation.

-Jeannette, dont il s'agit, est née à Domrémy et a été baptisée dans l'église de Saint-Rémy, paroisse de ce lieu. Son père s'appelait Jacques d'Arc et sa mère Isabelette, de leur vivant laboureurs à Domrémy [...] J'ai été moi-même l'un des parrains de Jehanne. [...] Jeannette était d'honnête conversation, comme peut l'être une fille de son état, car ses parents n'étaient pas bien riches; et dans sa jeunesse et jusqu'au moment où elle a quitté la maison de son père, elle allait à la charrue et gardait parfois les animaux aux champs, et faisait les ouvrages de femmes et tout le reste.
Jean MOREAU, laboureur.
-Assez proche de la ville de Domrémy, il y a un arbre qu'on appelle l'Arbre des Dames, et d'autres l'appelaient l'Arbre des Fées, auprès duquel est une fontaine, et j'ai entendu dire que les malades qui ont la fièvre boivent de l'eau de cette fontaine et ils demandent de cette eau pour recouvrer la santé... Quelquefois j'allais m'y promener avec les autres filles et je faisais à cet arbre des guirlandes pour l'image de Notre-Dame de Domrémy...
Jehanne.
-Mon père avait dit à ma mère qu'il avait rêvé que moi, Jehanne, sa fille, je m'en irais avec des gens d'armes. Et en avais grand soucis mon père et ma mère et ils me gardaient bien et me tenaient en grande sujétion; et moi je leur obéissais en toutes choses, sauf dans le procès que j'ai eu dans la cité de Toul pour cause de mariage. Et j'ai entendu dire par ma mère que mon père disait à mes frères : "Vraiment, si je savais que cette chose dût arriver que je crains au sujet de ma fille, j'aimerais mieux que vous la noyiez. Et si vous ne le faisiez pas, je la noierais moi-même."
La première fois que j'ai entendu la voix, j'ai promis de conserver ma virginité aussi longtemps qu'il plairait à Dieu, et c'était à l'âge de treize ans ou environ.
Jehanne.
-Quand j'eus l'âge de treize ans, j'ai eu une voix de Dieu pour m'aider à me gouverner. Et la première fois j'eus grand peur... Elle m'a dit qu'il fallait que moi, Jehanne, je vienne en France...
La voix me disait que j'irais en France et je ne pouvais durer où j'étais. La voix me disais que je lèverais le siège mis devant la cité d'Orléans... Et moi, je lui ai répondu que j'étais une pauvre fille qui ne savais pas chevaucher ni conduire la guerre.
Jehanne.
-J'ai vu souvent Jehanne la Pucelle et dans ma jeunesse j'ai conduit avec elle la charrue de son père, et avec elle et les autres filles j'ai été aux champs et à la pâture; souvent quand nous jouions ensemble, Jehanne se retirait à part et parlait à Dieu, à ce qu'il me semblait; moi et les autres, nous nous moquions d'elle.
Elle était bonne et simple, fréquentait les églises et les lieux saints; quand elle était aux champs, toutes les fois qu'elle entendait sonner la cloche, elle se mettait à genoux; elle travaillait volontiers; cousait, faisait les travaux et choses de la maison, allait à la charrue avec son père, et quelquefois, quand c'était son tour, gardait les animaux. Je l'ai vue quand elle s'en est allée du village de Greux, et elle disait aux gens : "Adieu !" Et j'ai entendu dire plusieurs fois qu'elle rétablirait la France et le sang royal.
Jehan WATERIN, laboureur à Domrémy, habitant de Greux.


^ Sommaire

Chinon.

-Gentil Dauphin, j'ai nom Jehanne la Pucelle, et vous mande le roi des cieux par moi que vous serez sacré et couronné dans la ville de Reims, et vous serez lieutenant du roi des cieux qui est roi de France. [...] Je te dis, de la part de Messire (Dieu) que tu es vrai héritier de France et fils de roi et il m'a envoyé à toi pour te conduire à Reims pour que tu reçoives ton couronnement et la consécration, si tu le veux.
Jehanne.

Orléans.

-Le jour après, soit le lendemain, de bon matin, ils sortirent de leur tente et se rangèrent en bataille pour combattre à ce qu'il semblait. L'ayant appris, la Pucelle se leva de son lit et s'arma, mais elle ne voulut pas que l'on s'en aille contre les Anglais, ni qu'on leur demande quelque chose, mais ordonna qu'on les laisse s'en aller, et en fait ils s'en allèrent sans que personne ne les poursuive, et à cette heure la ville fut libérée de ses ennemis.
Moi-même et tous ceux de la cité nous croyons que, si la Pucelle n'était pas venue de par Dieu à notre aide, nous autres habitants de la cité nous eussions été en peu de temps réduits à la merci et au pouvoir des adversaires qui assiégeaient; je ne crois pas que les habitants ni les soldats qui étaient dans la ville auraient pu longtemps résister contre la puissance des ennemis qui alors prévalaient tellement contre eux.
Jehan LUILLIER, mercier à Orléans.

Le sacre.

-La couronne lui a été remise par un archevêque, à savoir l'archevêque de Reims, à ce qu'il me semble, en présence de mon Roi. Et l'archevêque l'a reçue et l'a remise à mon Roi. J'étais présente et la couronne a été déposée dans le trésor de mon Roi... Il est bon à savoir qu'elle était de fin or et cette couronne était si riche et opulente que je ne saurais dénombrer ou apprécier toutes les richesses qui sont en elle, et cette couronne signifiait que le roi tiendrait le royaume de France...
Il plut à Dieu ainsi faire, par une simple Pucelle, pour débouter les ennemis du roi...
Pendant le Procès, le mardi 13 mars 1431.
-Gentil roi, or est exécuté le plaisir de Dieu qui voulait que je lève le siège d'Orléans, et que je vous amène en cette cité de Reims recevoir votre saint sacre, et montrant que vous êtes vrai roi, et celui auquel le royaume de Dieu doit appartenir.
Jehanne, au moment du sacre.
-Et à l'heure que le roi fut sacré, et aussi quand l'on lui assit la couronne sur la tête, tout homme cria : "Noël" ! Et les trompettes sonnèrent en telle manière, qu'il semblait que les voûtes de l'église se dussent fendre. Et durant ledit mystère, la Pucelle s'est toujours tenue joignant du roi, tenant son étendard en sa main. Et c'était moult belle chose de voir les belles manières que tenait le roi et aussi la Pucelle. Et Dieu sache si vous y avez été souhaitée.
Trois gentilshommes angevins, chargés de raconter la cérémonie du sacre à Marie d'Anjou et à Yolande d'Aragon.


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Jehanne est faite prisonnière.

-Les Français, avec leur Pucelle, commençaient à se retirer tout doucement, comme ne trouvant point d'avantage sur leurs ennemis, mais plutôt périls et dommages. Par quoi les Bourguignons, voyant cela et émus de sang, et non contents de les avoir repoussés par défense, s'ils ne leur portaient plus grand mal que de les poursuivre de près, frappèrent dedans valeureusement à pied et à cheval, et portèrent beaucoup de dommages aux Français.
Dont la Pucelle, passant nature de femme, soutint tout le poids, et mis beaucoup de peine à sauver sa compagnie, demeurant derrière comme chef et comme le plus vaillant du troupeau. Et là, fortune permit, pour la fin de sa gloire et pour la dernière fois, qu'elle ne portât plus d'armes : un archer, raide homme et bien aigre, ayant grand dépit qu'une femme dont on avait tant ouï parler soit rebouteresse de tant de vaillants hommes, la prit de côté par sa huque de drap d'or et la tira du cheval, toute plate à terre; jamais ne put trouver rescousse ni secours en ses gens, pour peine qu'ils y mettent, qu'elle pût être remontée, mais un homme d'armes, nommé le bâtard de Wandomme, qui survint au moment où elle se laissa choir, la pressa de si près qu'elle lui donna sa foi, pour ce qu'il se disait noble homme.
Lui, plus joyeux que s'il eût un roi entre ses mains, la mena hâtivement à Margny et la tint en sa garde jusqu'à la fin de la besogne.
Georges CHASTELLAN, un Bourguignon.
-Le 23 mai, dame Jehanne, la Pucelle aux Armagnacs, fut prise devant Compiègne par messire Jehan de Luxembourg, ses gens et mille Anglais qui venaient de Paris. Quatre cent au moins des hommes de la Pucelle furent tués ou noyés.

La Prison

-Quand Jehanne fut malade, les juges m'ont mandé de la visiter et j'ai été conduit vers elle par le nommé d'Estivet. En présence de d'Estivet, de maître Guillaume de La Chambre, maître en médecine, et de plusieurs autres, je lui ai tâté le pouls pour savoir la cause de sa maladie, et je lui ai demandé ce qu'elle avait et où elle avait mal.
Elle m'a répondu qu'une carpe lui avait été envoyée par l'évêque de Beauvais, qu'elle en avait mangé et qu'elle pensait que c'était la cause de sa maladie. Alors d'Estivet la rabroua, disant que c'était faux, et il l'appela paillarde disant : "C'est toi, paillarde, qui as mangé de l'alose et d'autres choses qui t'ont fait mal"; elle répondit que non, et il y eut beaucoup de paroles injurieuses échangées entre Jehanne et d'Estivet.
Par la suite, voulant en savoir davantage sur la maladie de Jehanne, j'ai entendu dire par des gens qui étaient là qu'elle avait eu beaucoup de vomissements.
Jehan TIPHAINE, médecin de la duchesse de Bedford.
(empoisonnement ou intoxication accidentelle ? On ne le saura jamais au juste...).
-En ce qui concerne sa maladie, le cardinal d'Angleterre et le comte de Warwick m'envoyèrent chercher. J'ai comparu devant eux, avec maître Guillaume DESJARDINS, maître en médecine, et d'autres médecins. Alors le comte de Warwick nous dit que Jehanne avait été malade, à ce qu'on lui avait rapporté, et qu'il nous avait fait mander pour que nous prenions soin d'elle, car pour rien au monde le roi ne voulait qu'elle meure de sa mort naturelle.
Le roi en effet la tenait pour chère, et l'avait cher achetée, et il ne voulait pas qu'elle meure, si ce n'est dans les mains de la justice, et qu'elle fut brûlée, et nous fîmes tant, la visitant avec soin, qu'elle guérit.
J'allai la voir ainsi que maître Guillaume DESJARDINS et les autres. Nous la palpâmes du côté droit et la trouvâmes fiévreuse; c'est pourquoi nous décidâmes de la saigner; en rendant compte de la chose au comte de Warwick, il nous dit : "Faites attention à la saignée, car elle est rusée et pourrait se tuer."
Néanmoins, elle fut saignée, ce qui la soulagea immédiatement; une fois ainsi guérie, un certain maître Jehan d'ESTIVET survint qui échangea des paroles injurieuses et l'appela : putain, paillarde; Jehanne en fut fort irritée, si bien qu'elle eût de nouveau la fièvre et retomba malade.
Guillaume de La CHAMBRE, médecin.


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Le Procès

-A très excellent prince, le roi de France et d'Angleterre... Nous avons nouvellement entendu qu'en votre puissance est rendue à présent cette femme dite la Pucelle, ce dont nous nommes fort joyeux, confiants que par votre bonne ordonnance cette femme sera mise en justice pour réparer les grands maléfices et scandales advenus notoirement en ce royaume à l'occasion d'elle, au grand préjudice de l'honneur divin, de notre sainte foi et de tout votre bon peuple.
Lettre de l'Université de Paris au roi d'Angleterre.
-Quelques-uns de ceux qui assistèrent au déroulement du procès étaient poussés, comme l'évêque de Beauvais, par leur partialité. Certains, comme quelques-uns des docteurs anglais, par appétit de vengeance.
D'autres, les docteurs de Paris, par l'appât du gain. D'autres encore étaient poussés par la crainte, comme le sous-inquisiteur et quelques autres dont je ne me souviens pas; et tout cela fut fait sur l'initiative du roi d'Angleterre, du cardinal de Winchester, du comte Warwick et des autres Anglais qui payèrent les dépenses faites à l'occasion de ce procès.
Frère Isambart de La Pierre, dominicain du couvent de Saint-Jacques de Rouen.
-J'ai entendu dire par plusieurs, dont je ne me souviens plus, que Jehanne fut examinée par des matrones et qu'elle fut trouvée vierge et que cet examen avait été fait sur l'ordre de la duchesse de Bedford et que le duc de Bedford se tenait en un lieu secret d'où il voyait examiner Jehanne.
BOISGUILLAUME""", le notaire.
-Je sais bien qu'elle a été examinée pour savoir si elle était vierge ou non par des matrones et sages-femmes et cela sur l'ordre de la duchesse de Bedford, et notamment par Anna BAVON et une autre matrone dont je ne me rappelle pas le nom.
Après cet examen, elles ont déclaré qu'elle était vierge et intacte et cela je l'ai entendu dire par Anne elle-même; à cause de quoi la duchesse de Bedford a fait défendre aux gardiens et aux autres qu'ils ne lui fissent quelque violence.
Jehan MASSIEU.
-J'ai connu Jehanne au moment où elle fut amenée à la ville de Rouen et je l'ai vue au château de Rouen où moi et mon compagnon fûmes mandés pour mettre Jehanne à la torture.
Elle fut alors interrogée quelque peu et elle répondait avec beaucoup de prudence, tant que les assistants s'en émerveillaient. Enfin, nous nous retirâmes, moi et mon compagnon, sans avoir attenté à sa personne.
Maugier LEPARMENTIER, bourreau.
-La manière que j'ai toujours dite et tenue en ce procès, je la veux maintenant tenir quant à cela. Et si j'étais en jugement et vois le feu allumé et les bourrées prêtes, et le bourreau prêt à bouter le feu et que je sois dedans le feu, je n'en dirais pourtant autre chose et soutiendrais ce que j'ai dit au procès jusqu'à la mort.
Jehanne, le mercredi 23 mai 1431.


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Les deux sentences

-Ainsi donc nous, Pierre, par la miséricorde divine évêque de Beauvais, et frère Jehan Le MAISTRE, vicaire de l'illustre docteur Jehan GAVERENT, inquisiteur de la perversion hérétique [...] te disons relapse et hérétique, et par notre présente sentence... nous jugeons que, tel un membre pourri, afin que tu n'infectes point également les autres membres, il faut te rejeter de l'unité de l'Eglise, te retrancher de son corps et t'abandonner à la puissance séculière... en priant cette même puissance séculière de modérer son jugement envers toi en deçà de la mort et de la mutilation des membres.
-7 Juillet 1456 : Nous disons et prononçons, décidons que lesdits procès et les sentences, contenant dol, calomnie, contradiction et erreur manifeste de droit et de fait, ainsi que la susdite abjuration, l'exécution et toutes les suites furent et sont nuls, invalides et sans valeur...

La mort

-Ah ! France tu es bien abusée, tu as toujours été le pays très chrétien; et Charles, qui se dit roi et de toi gouverneur, a adhéré comme hérétique et schismatique aux paroles et faits d'une femme vaine, diffamée et de tout déshonneur pleine; et non pas lui seulement, mais tout le clergé de son obéissance et seigneurie, par lequel elle a été examinée et non reprise, ainsi qu'elle l'a dit...
C'est à toi, Jehanne, à qui je parle, et te dis que ton roi est hérétique et schismatique.
Maître Guillaume ERARD.

Le bûcher

-Le jour où Jehanne fut brûlée, le bois était préparé pour la brûler avant que le sermon soit fini et que la sentence ait été prononcée. Et aussitôt la sentence portée par l'évêque, sans aucun délai, elle fut conduite vers le feu, et je n'ai pas vu qu'il y ait aucune sentence portée par le juge laïque.
Mais elle fut immédiatement conduite au feu. Une fois dans le feu, elle cria plus de six fois : "Jésus !" au point que tous les assistants purent l'entendre. Presque tous pleuraient de pitié et j'ai entendu dire que les cendres, après sa combustion, furent rassemblées et jetées dans la Seine.
Mauger LEPARMENTIER.
-Elle fut menée au Vieux Marché, et à côté d'elle étaient frère Martin (LADVENU) et moi, accompagnés de plus de huit cents hommes de guerre ayant haches et glaives. Et elle, après la prédication, montrait grands signes de sa contrition, pénitence et ferveur de la foi, par les pieuses et dévotes lamentations et invocations de la bénite Trinité, et de la bénite et glorieuse Vierge Marie, et de tous les bénits saints du paradis dont les juges assistants, et même plusieurs Anglais furent provoqués à grandes larmes et pleurs.
Et à grande dévotion elle demanda à avoir la croix, et ce voyant, un Anglais, qui était là présent, en fit une petite en bois, du bout d'un bâton qu'il lui bailla, et dévotement la reçut et la baisa, et mit cette croix en son sein, entre sa chair et ses vêtements et outre demanda humblement que je lui fisse avoir la croix de l'église, afin que continuellement elle la pût voir jusqu'à la mort, et je fis tant que le clerc de la paroisse Saint-Sauveur la lui apporta, dont le dernier mot, en trépassant, cria à haute voix : "Jésus"!
Jehan MASSIEU, huissier.
-Evêque, je meurs par vous !
Jehanne.
-L'un des Anglais, un soldat, qui la détestait extraordinairement et qui avait juré que de sa propre main il porterait un fagot au bûcher de Jehanne, au moment où il le faisait et entendait Jehanne criant le nom de Jésus à son dernier moment, demeura tout frappé de stupeur et comme en extase, et fut conduit à une taverne près du Vieux Marché, pour que, la boisson aidant, les forces lui reviennent.
Et après avoir déjeuné, avec un frère de l'ordre des frères prêcheurs, cet Anglais confessa par la bouche de ce frère, qui était Anglais, qu'il avait gravement pêché, et qu'il se repentait de ce qu'il avait fait contre Jehanne, qu'il tenait pour une sainte femme, car, à ce qu'il lui semblait, cet Anglais avait vu lui-même, au moment où Jehanne rendait l'esprit, une colombe blanche sortant du côté de France.
Isambart de La PIERRE, dominicain, assesseur au Procès de Condamnation de Jehanne.


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Actes passés ou concernant les du LYS et descendants en Orléanais

Listes des actes concernés :


Date Teneur de l'acte
1 1443 Vidimus d'une charte de 1443 octroyant à Jehan du LYS, fils de Pierre, l'usufruit de l'Ile-aux-Boeufs, sur la Loire.
2 1452 La maison où habitèrent les du LYS, rue des Africains à Orléans, près de St.Pierre-le-Puellier, prise à bail du chapitre de Saint-Euverte. Reprise de cette maison par le chapitre en 1505.
3 1456 Mariage de Jehan du LYS avec Macée de VEZINES, et arrangements financiers y afférent.
4 1460 Vente du lieu de Luminart, à ST.Denis-en-Val, par Mengin de Vouthon et sa femme, Guillemette, à Jehan de THAMENAY, bourgeois d'Orléans, et reprise du lieu par les mêmes, le même jour, à titre de locataires (2 actes).
5 1461 Acte d'hommage de Jehan CAILLY à Jehan de VEZINES, au sujet du fief de Villiers-Charbonneau, à Ardon. Terre qui reviendra à Jehan du LYS par son mariage avec Macée, fille de Jehan de VEZINES.
6 1472 Extrait du bail de la Maison de l'Image-Saint-Denis, qui était voisine de celle des du LYS, près de Saint-Pierre-le-Puellier à Orléans.
7 1476 Hommage de Jehan DAMONT à Jehan du LYS pour le lieu de la Couaspellière, à Ménestreau-en-Villette.
8 1476 Acte de garantie donné au sergent ducal Jehan BIEMONT par Jehan du LYS, au sujet de l'étang du Coignier, situé sur La Ferté-saint-Aubin, au sud d'Orléans.
9 1481 Bail de Jehan du LYS à Guillaume Le FOLLETIER, pour une métairie située à Villers-Charbonneau à Ardon.
10 1481 Bail de l'Ile-aux-Boeufs par Jehan du Lys aux frères MIGNON, des bouchers d'Orléans.
11 1484 Donation d'une rente de 4 livres tournois, par Jehan du LYS, en faveur de Pierre Le BERRUYER, bachelier en lois, étudiant à l'Université d'Orléans.
12 1484 Remise de dettes, par Jehan du LYS, au profit de sa nièce, Jehanne MARESCOT, à l'occasion du mariage de celle-ci.
13 1485 Règlement de comptes entre Jehan du LYS et Jehan de VEZINES fils, son beau-frère, au sujet de 40 livres parisis de rente qui reviennent à Jehan du LYS, sur le lieu de la Goislière (Ardon ?).
14 1489/1490 Donation à Jehan du LYS, par Jehan d'ETAMPES, seigneur de La Ferté, de trois muids de blé.
15 1493 Renouvellement du bail concédé par Jehan du LYS à Guillaume Le FOLLETIER, à Villers-Charbonneau.
16 1496 Deux dons de Jehan du LYS à Jehan des MONTS : 18 livres tournois, pour ses services, et un arpent de vigne à prendre sur des vignes que Jehan du LYS possède au clos de Savigny, à Sandillon.
17 1501 Bail de l'Ile-aux-Boeufs, par Antoine de BRUNET, pour Ymbert CHEVALIER et à son fils Colas, à Combleux.
18 1502 Vente faite par les ayants cause de Jehan du LYS, des biens qui proviennent de sa succession, à Antoine de BRUNET, seigneur du Mont. Les ayants cause, venus de Lorraine, sont mandatés par un cousin de Jehan du LYS, Pierresson TALLEVART.
19 1525 Problème entre Antoine de BRUNET et son fils Jehan, au sujet de la succession de Marguerite du LYS, qui était l'épouse d'Antoine et la mère de Jehan.
20 1539 Entrée en religion de Michel de BRUNET, arrière-petit-fils de Jehan d'ARC/du LYS, et donc arrière-petit-neveu de la Pucelle.


Acte n°1

Vidimus d'une charte de 1443 octroyant à Pierre du LYS et à Jehan, son fils, l'usufruit de l'Ile-aux-Boeufs sur la Loire.
Suite à l'anoblissement de décembre 1429 par le roi Charles VII, Pierre d'ARC se nommait dorénavant Pierre du LYS.
Depuis juillet 1440, Pierre, Isabelle "Romée" sa mère, et d'autres membres de la famille résidaient dans l'Orléanais. La famille vivait au début dans la rue des Pastoureaux à Orléans. En 1442, Pierre obtiendra à bail emphytéotique, du Chapitre cathédral, la métairie de Bagnault, à Sandillon, dite aussi la métairie des Chanoines, et qui existe toujours, bien qu'en piteux état de délabrement.
Ce n'est qu'en 1452 qu'il prendra à bail, du Chapitre Saint-Euverte, la maison située près de Saint-Pierre-le-Puellier. Les Procureurs lui accordant une rente pour vivre dans la cité. Isabelle en fera peut-être sa résidence principale.
La métairie de Sandillon ne devait pas suffire à entretenir toute la famille, bien que Pierre touchera lui aussi une pension du roi, de 125 livres tournois, qui sera reportée sur son fils Jehan. Il faut dire aussi que Pierre, on l'a vu, devra vendre les héritages de sa femme pour payer sa rançon, suite à sa capture à Compiègne et même temps que Jehanne.
L'usufruit de l'Ile-aux-Boeufs que le duc d'Orléans lui concède, va lui permettre de pouvoir accroître ses revenus, surtout par le forestage, ou droit de péage qu'il touchera en exploitant les bois situés sur l'île. Plus tard, son fils Jehan, puis Antoine de BRUNET, son petit-cousin, vont l'exploiter de manière plus rentable.
On possède le vidimus, du 28 juillet 1443, accordant cet usufruit.
C'est un vidimus (en latin : nous voyons), c'est-à-dire une ampliation du document, une sorte de "recopiage" et d'entérination effectuée par les tabellions du duc, à Orléans et à Blois.
D'abord l'introduction, avec les formules usuelles, où l'on indique que la décision vient du duc lui-même :

A tous ceulx qui ces présentes lectres verront, le bailli de Bloiz, salut; savoir faisons que par Jehan des Estangs, tabellion, juré du scel aux contraux de la chastellenie de Bloiz, ont esté tenues, veues et leues et diligemment regardées de mot à mot unes lres (lectres ?) saines et entiers en scel et escrpture scellées en cire vermeille sus double queue du grat (grand) scel de monsir. le duc d'Orliens, desquelles la teneur sensuit :
Charles, duc d'Orliens et de Valoys, conte de Bloiz et de Beaumot (Beaumont) et seigneur d'Ast et de Coucy.
A noz amés féaulx gens de nos comptes général et trésorier sur le faict et gouvernement de noz finances, gouverneur, procureur et reçeveur de nostre duchié d'Orliens ou à leurs lieutenants, salut et dilection.

On expose pourquoi le duc prend cette décision en faveur de Pierre, qui l'a bien servi autrefois :

Receue avons l'umble supplication de nostre bien amé Pierre du LIS, chevalier, contenant que pour acquiter sa loyauté envers monseigneur le Roy et nous, il s'en feust départi de son païs et venu ou (au) service de mondit seigneur le Roy et de nous, en la compaignie de Jehanne la Pucelle, sa soeur, avecqs laquelle jusques à son absentement et depuis ce jour jusques à présent, il a exposé son corps et ses biens oudit service, et au faict des guerres de mondit seigneur le Roy, tant à la résistance des ennemis de ce royaume qui tindrent le siège devant nostre ville d'Orliens, come en plusieurs voïages faiz et entprins (entrepris) par mondit seigneur le Roy et ses chiefs de guerre et autrement en plusieurs et divers lieux, et par fortune desdictes guerres a esté prisonnier desdits ennemis et à ceste cause vandu les héritaiges de sa femme et perdu tous ses biens tellement que a paine a de quoy vivre ne (ni) avoir la vie de sa femme et de ses enfants.

(nb : à remarquer que l'on ne précise pas "feue Jehanne la Pucelle", mais que l'on parle seulement de son "absentement".
Alors on cite et localise l'objet du don que l'on octroie :

... nous requérant très humblement que pour luy aidier à ce, il nous plaise luy donner sa vie (lui procurer un moyen d'existence) , la vie durant de luy et de Jehan du LIS, son fils naturel et légitime, les usufruicts, prouffiz, revenues et émolumens d'une ysle appellée l'Ysle-aux-Boeufs, à nous appartenant, assise en la rivière de Loyre, près de la Salle, au droit de Chécy, ainsi comme elle se poursuit et comporte, et comprenant environ demy arpent de la dite ysle, qui est au droit de l'ostel de la Court-Dieu, appelé Guiron, laquelle ysle Jehan BOURDON et aultres tenoient naguières de nous à la somme de six livres parisis valant marc d'argent, sept livres tournoys, payant chascun an, par moictié, à deux termes, c'est à scavoir à tous et aulcun nostre seigneur, et à laquelle ysles et choses dessusdictes de nostre consentement, ils ont naguières renoncé à nostre prouffiz, et pour en disposer à nostre voulenté, ainsi que plus aplain peut apparoir par lectres de renonciation données le XXVIe jour de ce présent moys de juillet, l'an mil CCCC quarente et trois.

Ce passage important renseigne que l'ancien tenancier se nommait Jehan BOURDON. C'est pour cette raison que l'île porta un temps le nom de l'île-aux-Bourdons".
Le duc ayant récupéré le bail, il le transfère aux du LYS.
Il semblerait que le bail ne concerne pas l'île dans sa totalité, car il est bien écrit : ... demy arpent de la dicte ysle... au droit de l'ostel de la Court-Dieu, appelé Guiron.
Il est possible aussi que l'on n'incluait pas le reste de l'île, fréquemment sous les eaux, au gré des crues de la Loire, et que l'on en indiquait que la partie toujours émergée.
L'acte se poursuit :

Pour quoy nous, eue considéracion aux choses dessusdies, voulons en faveur et contemplacion de ladite Jehanne la Pucelle, sa soeur germaine, et des grants, hauls (hauts) et notables services qu'elle et ledit Pierre, son frère, ont faiz à mondit seigneur le Roy et à nous, à la compulsion et résistance desdits ennemis et autrement, avons donné et donnons de nostre certaine science (de manière mûrement réfléchie) et grâce espécialle, par ces présentes, audit messire Pierre, lesdicts usfruiz, prouffitz, revenues et émolumens de la dite ysle et choses dessusdites pour y ceulx prandre et parcevoir doresnavant par luy et sondit filz, la vie durans d'eulx et de chascun d'eulx, tant come le survivant d'eulx vivra et aura la vie au corps...

Il est nettement dit qu'il s'agit d'une grâce spéciale, obtenue, leur vie durant, par Pierre et son fils, eu égard aux services rendus à la couronne par Jehanne, leur soeur et tante, et par déférence envers elle.
Arrive l'ordre du duc à son administration d'obtempérer :

... si (aussi) vous mandons, comandons et expressément enjoignons par ces dites présentes et à chascun de vous, si come à luy appartendra et aussi à tous noz aultres justiciers, officiers et subjiés (sujets) de nostre dit duchié présents et à venir, que de nostre présent don facent, seuffrent et laissent lesdicts messire Pierre et Jehan du LIS, son filz, joir (jouir) et user plainement et paisibleent et ycelles exploictez avoir prandre et perçevoir les prouffiz, usfruiz, revenues et appartenances, ledit temps durant, sans leur faire mectre ou donner ni souffrir estre faict, mis ou donné aulcun arrest, d'estourbier ou empeschement, au contraire.

Et aux comptables du duché de rester quite, et de prendre bonne note :

Et par rapportant ces présentes ou vidimus d'icelles, collationné en la chambre de noz comptes pour une foiz seulement avecque recoingnoissance dudit chevalier joyssent (jouissent) desdictes choses, nous voulons vous nostre reçeveur et tous aultres qu'il appartendra estre et demourer quictes et deschargez le temps dessusdit durant desdictes vies dudit chevalier et de sondit filz, de la recepte des revenus dessusdictes par vous, gens de noz ditz comptes et par tout aultres à qui il appartendra sans aulcun contredict ou difficulté.

La suite nous apprend que d'autres bontés ont été faites au chevalier, «non exprimées dans ces présentes », et qu'aussi la famille de la Pucelle profitait de la reconnaissance ducale et royale :

Car ainsi le voulons et nous plaist estre faict, non obstant quelzconques aultres dons ou biens faiz par nous audit chevalier non exprimez en ces présentes et quelzconques ordonnances par nous faictes et à faire de non donner ou aliéner aulcune chose de nostre domaine retrainçons, mandemens ou deffensement à ce contraires.
En tesmoing de ce, nous avons faict mettre nostre scel à ces présentes.
Donné à Orliens le XXVIII jour de juillet, l'an de grâce mil cccc quarente et trois.

Le vidimus est entériné par Jehan Le FUZELIER, général conseiller de Monseigneur le duc d'Orléans, et se termine ainsi :

... Me consens en tant que en moy est, et qu'il me touche et appartient, à l'entérinement et accomplissement du contenu ès desdictes lectres, tout selon pour les causes et par la fourme et manie (manière) , que mondit seigneur le duc le veult et mande pour icelles.
Donné soubz mes saingt manuel et signet, le XXIXe jour dudit moys de juillet, l'an mil cccc quarente et trois, et signée J. Le Fuzelier.

Le 2 août suivant, tout sera confirmé par le sceau de la chatellenire de Blois, et signé par Jehan des ESTANGS, tabellion juré du scel de cette chatellenie.
Pierre et son fils sont dorénavant et légalement usufruitiers de l'Ile-aux-Boeufs.

Deux ans et demi plus tard, en janvier 1446, sans doute sur demande des instances ducales, Pierre du LYS affirmera que tout a bien été exécuté et accompli des ordres donnés :

L'an mil ccc quarente et six, le vendredy XXVIIe jour de janvier, messire Pierre du LIS, chevalier, confessa que, par vertu de ces présentes, les gens et officiers de monseigneur le duc d'Orliens le ont lessé et le lessent paisiblement joir et user de l'ysle et appartenences contenues au blanc et en prandre et perçevoir les fruiz et revenues pour les causes contenues en ces présentes, sans aulcune chose en paier et bailler.

On précise bien ci-dessus que Pierre et Jehan du LIS n'ont pas de redevances au payer au duc.
(Arch. Loiret – n°A.274 – Bull. S.A.H.O., t.3, 1860).

Acte n°2

La maison où habitèrent les du LYS, rue des Africains, à Orléans, près de Saint-Pierre-le-Puellier, prise à bail du chapitre de Saint-Euverte – Reprise de cette maison par le chapitre en 1505.
1440 - En juillet, Isabelle « Romée » arrive à Orléans avec une partie de sa famille. La ville les loge dans la rue des Pastoureaux.
1441 - Pierre du LYS obtient à bail du chapitre cathédral la métairie de Bagnaulx à Sandillon.
1442 – Le duc d'Orléans accorde à Pierre du LYS et à son fils Jehan l'usufruit de l'Ile-aux-Boeufs, située sur la Loire.
1452 – Le chapitre de Saint-Euverte accorde à bail, à Pierre du LYS, une maison près de Saint-Pierre-le-Puellier, où résidera Isabelle « Romée » et, plus tard, son petit-fils Jehan.
Avant de détailler l'acte, précisons la signification de le Puellier. Le terme vient du latin : puella/puellae, qui signifie : une jeune fille non mariée. Le mot pucelle, qui en découle, signifie de nos jours une jeune fille vierge, sans doute parce que l'on considérait qu'une fille devait l'être, tant qu'elle n'était pas mariée. Pour le mot « vierge », le latin a un autre mot : « virgo ».
En fait, on pourrait traduire « puella » ou « pucelle » par demoiselle. C'est d'ailleurs ainsi que l'on nommais les jeunes filles nobles.
Puellier en est l'équivalent masculin, qu'on pourrait traduire par « jeune homme » et non par puceau.
Pour l'église en question, on pourrait dire : Saint-Pierre-le-Jeune.
Contrairement à ce pensent beaucoup d'Orléanais, les d'ARC/du LYS n'ont pas toujours habité dans cette maison. Ils étaient là depuis presque 12 ans quand Pierre obtient ce bail, le 8 mai 1452 (date symbolique), probablement pour avoir un « pied à terre » à Orléans.
Voulant sans doute honorer la famille de la libératrice de la cité, le chapitre de Saint-Euverte accorde à Pierre des conditions plus qu'avantageuses. Voici ce bail :

A tous ceulx qui ces présentes lectres verront, nous, frère Adam, humble abbé de l'abbaye et église de monseigneur Sainct-Euverte d'Orliens, et tout le couvent d'icelluy lieu, salut en Nostre-Seigneur.

Scavoir faisons que nous, pour le bien, utilité et prouffit de nous et de nostre dicte église et abbaye, pour ce aujourd'huy assemblez en nostre chapitre, par le somp (son) de la cloiche, en la manière accoustumée, et tous d'un accord et assentement, congnoissons et confessons que nous avons baillé et baillons à rente, ferme ou pension, du jour de la Nativité Sainct-Jehan-Baptiste prouchaine venant jusques à cinquante-neuf ans prouchains venans et ensuivans, à noble homme messire Pierre du LYS, chevalier, demourant à présent en la parroisse Sainct-Aignan de Sandillon, près d'Orliens, pour luy, pour ses hoirs (héritiers) et pour ceulx qui auront cause de luy...
C'est net : il habitait alors à Sandillon. Sans doute Isabelle devait souvent y venir, et rester quelques temps sur place, surtout aux mois d'été, mais sa résidence principale devait être sur Orléans, dans la rue des Pastoureaux. Pierre voulait-il aussi que sa mère ait vraiment une maison à elle, en ville, et la fit-il déménager pour qu'elle s'installe dans celle-ci ? Le bail pour 59 années n'est pas une rareté. On pratiquait souvent ainsi.

... Une maison en ruyne que nous avons assise à Orliens, en la parroisse Sainct-Père-Pulier (sic) sur la rue et faisant le coing de la rue qui va de ladicte rue de Sainct-Flou à l'église dudit Sainct-Père-Publier (sic) , et tenant à … (un blanc) , à tenir et exploicter ladicte maison en ruyne par ledit messire Pierre du LYS, preneur, et par ceulx qui auront cause de luy, et en faire les loyers, yssues, prouffitz et revenues siens, durant ledit temps : pour le pris et somme de trente-deux solz parisis, monnoye vallant sept livres tournois, marc d'argent, de rente, ferme ou pencion, chascun an, durant ledit temps, à nous rendre et payer chascun an, aux termes de Sainct-Jehan et de Noël;

La maison avait beaucoup souffert, durant les combats et bombardements du siège, et on précise à deux reprises, ci-dessus, qu'elle était en ruines.
Le loyer de 32 sols parisis, sans être excessif, laisse penser qu'elle était tout de même assez grande. Il était sans doute possible de la remettre en état sans trop de difficultés et, pour ce faire, le chapitre accorde à Pierre les conditions suivantes :

Sauf et excepté que ledit messire Pierre, preneur, ne (ni) ceulx qui auront cause de luy ne seront tenuz paiez auculne chose de ladicte rente pour les deux premières années qui finiront à Noël mil quatre cens cinquante trois. Et commencera le premier terme à la Nativité Sainct-Jehan-Baptiste qui sera l'an mil quatre cens cinquante quatre.
Auquel premier terme ledit messire Pierre du LIZ ne paiera que douze solz parisis jusques à quatre ans ensuivans, qui finiront à Noël mil quatre cens cinquante et sept.
Et de là en avant, ledit messire Pierre du LIZ, preneur, ou ceulx qui auront cause de luy, seront tenuz paier par chascun an, durant ledit temps, trente-deux solz parisis de rente par an, ausditz termes, à chascun terme seize solz parisis, le premier terme commençans à la Nativité Sainct-Jehan-Baptiste qui sera l'an mil quatre cens cinquante et huit.

Deux années gratuites, 12 sols durant les 4 ans qui suivront, avant de payer le loyer annuel dans sa totalité, sont des conditions plutôt avantageuses. En contrepartie, Pierre doit s'engager à retaper la maison :

Et par ce contrault (contrat, bail) faisant, ledit messire Pierre du LIZ, preneur, sera tenu mectre ladicte maison en bon estat et convenable, dedens du jourduy en six ans prouchains venant, tant de couverture comme de murailles, planchers et aultres choses; et icelle mise, la maintenir durant ledit temps; et en la ffin d'icelluy temps la laisser en bon estat et onvenable, et couverte toute en thuille;

Pierre devra évidemment payer les impôts et taxes, sauf le cens qui restera à la charge du chapitre; il payera aussi les frais éventuels de transfert de bail :

et paier toutes tailles d'église, de ville, puis (puits) pavés et aultres choses qui seront imposées sur ladicte maison (c'est l'équivalent des impôts locaux qui existent de nos jours) durant ledit temps; sans riens rabattre de ladicte rente, sauf ledit cens que nous paierons en nostre main; et à chascune mutaccion qui se fera de ladicte maison, durant ledit temps, du cousté dudit preneur, soit par mort, transport ou autrement, celluy ou ceulx qui tiendront ladicte maison seront tenuz eulx venir obligez envers nous, dedens ung an après ladicte mutaccion;

Et l'acte se poursuit :

Si promectons en bonne foy et soubz l'obligacion de nous, de noz successeurs et de tous noz biens et des biens de nostre dicte église et abbaye, que jamais par nous ne par aultres, encontre le bail et choses dessus dictes ne viendrons, ne assérons à venir; ainçois (ainsi) , les ons (ont) et aurons, tendrons et garderons fermement et loyaulment, sans jamais venir contre; et ladicte maison par nous ainsi baillée à rente, ferme ou pencion, comme dict est, garentirons, délivrons et deffendrons, durant ledit temps, audict preneur, et à ceulx qui auront cause de luy, de tous empeschements, vers tous et contre tous, en jugement et dehors, aux us et coustumes du païs.

Ces formules nous semblent un peu compliquées. Comprenons-nous absolument tout - de nos jours - de ce qui figure sur les actes de nos actuels notaires ? Et l'acte se termine ainsi :

Et si, rendrons et paierons tous coustemens et dommaiges qui seront par deffault de garentie, de délivrance ou de deffence. Et renonçons en cest faict à tout et généralement que dire et proposer pourrions contre ces lectres ou la teneur d'icelles;
En tesmoing de laquelle chose nous avons seelé (scellé) ces présentes de noz séaulx; qui furent faictes et données en nostre dit chapitre le lundy huityesme jour de may, l'an mil quatre cens cinquante et deux.

La famille fut longtemps locataire de cette maison, de 1452 et probablement jusqu'au décès de Jehan du LYS, en 1501, soit 49 années.
C'était donc véritablement "la maison des du LYS".
Quand Jehan décède, le bail n'était pas terminé, les 59 ans prévus n'arrivant à terme qu'en 1511.
Marguerite du LYS, cousine et héritière de Jehan, et son mari, Antoine de BRUNET, ne semblent pas avoir repris cette maison. Peut-être ne les intéressait-elle pas.
Elle sera reprise en 1505 par le chapitre de Saint-Euverte, dans la manière et les conditions qu'on va découvrir ci-après.

Reprise de la maison par le chapitre:
En 1505 on reparle de cette maison. La prévôté d'Orléans la fait saisir, pour être cédée aux enchères au plus offrant.
Quelle en est la raison ? Elle devait être vide et abandonnée, mais restait quand même toujours la propriété du chapitre. Le prévôt fait établir l'acte suivant :

A tous ceulx qui ces présentes lectres verront, Loys ROILLART, licencié en loiz, conseiller du Roy nostre sire, garde de la prévosté, salut.
Comme à la requeste du procureur du Roy nostre sire ou bailliage d'Orliens, Jehan LIGNAGE, sergent et crieur des bans, crys et proclamacions du Roy nostre sire ès ville et prévosté d'Orliens, eust dès le huityème jour de novembre, l'an mil cinq cens et cinq, pris, saisy et mis en la main du Roy nostre sire, le droit de tenue et seigneurie utille, durant le temps que, un maison assise à Orliens, sur la rue par où l'en va de le Tourneufe à l'église Sainct-Flou, faisant le coing des rues à aller de Sainct-Père-Pullier à Sainct-Aignan est à tenir; tenant d'une part icelle maison à ladicte rue où l'en va de ladicte rue à l'église Sainct-Flou, d'autre part aux hoirs feu Androuet, et d'autre part aux hoirs feu Jacquet Habert; laquelle maison fust et appartint à feu Jehan du LYZ et est de présent vacant par faulte de détenteurs et de héritiers dudit du LIZ; pour icelle maison estre criée, vendue et décrétée, aux charges anciennes et foncières, et au plus offrant et dernier enchéresseur.

La maison est vide d'occupant, et on va le signaler et le "crier" au lieu habituel, le Châtelet, afin de trouver quelqu'un d'intéressé.
Le sergent Jehan Lignage est chargé de cette tâche. Quelqu'un portant le même nom et le même prénom est cité dans les comptes de la ville, le 6 mai 1429 : Jehanne et les français ont passé la Loire et stationnent devant les Tourelles du pont, face aux anglais; les Orléanais ravitaillent les troupes. Jehan Lignage, boulanger de la cité, va fournir 8 douzaines de gros pains chauds, pour nourrir les combattants qui prendront les Tourelles le lendemain. Celui-ci était-il le père de l'autre ?
Le sergent de la prévôté met en route la procédure :

Et ledit jour se feust ledit Lignage, sergent, transporté devant le prétoire de Chastellet d'Orliens, qui est le lieu accoustumé à faire criz et publicacions.
Auquel lieu, heure et manière en tel cas acoustumé, pour premier cry et première quinzaine, eust crié et faict cryer et publier à haulte voix que il avoit mis et exposé, mectoit et exposoit ladicte maison dessus déclairée en vente, criées et subhastacions, (!) à la requeste dudit procureur, aux charge des cens et droiz seigneuriaulx que peut devoir ladicte maison, pour les deniers qui ystront (découleront) de la vente, tourner, convertir et employer au prouffit du Roy nostre dict seigneur, et ailleurs où raison sera.

S'il y a un acquéreur, il faudra qu'il se présente dans les délais prescrits; la même chose s'il s'avérait que quelqu'un revendiquerait des droits sur cette maison :

en faisant assavoir à tous en général que l'il y avoit personne qui ladicte maison dessus déclairée voulsist achapter et mectre à pris, ou sur icelle ou à la distribucion des deniers qui en ystroient aucune chose demander veusist avant, pendant le procès et délay desdictes criées; et il seroit sur tout oy (entendu) et receu, et luy seroit faicte raison et justice.
Et sinon, lesdictes criées faictes et parfaictes et le décret sur ce donné, jamais aulcun n'y viendroit à temps, mais en seroit du tout fourcloux (forclu) et débouté.

Ce qui veut dire que si des ayants droits existent, ils doivent se faire connaître rapidement, sinon la maison reviendra au roi. Puis vient la relation des autres "criées" légales :

En en continuant lesdictes criées, eust ledit Lignage, sergent et crieur dessus dit, le samedy vingt-deuxyesme jour dudit moys de novembre, mis et exposé ladicte maison en ventes, criées et subhastacions pour second cri et seconde quinzaine;
Item, pour tiers et tierce quinzaine, le samedy sixyesme jour de novembre (sic, mais erreur : il s'agit de décembre bien sûr !) .
Et pour mectre fin et parachever lesdictes criées, eust icelluy sergent, le samedy vingtiesme jour dudit moys de décembre, ou dit an, exposé et mis ladicte maison en vente, criées et subhastacion pour une huitine (huitaine) d'abondant et dernier cry, auquel cry et aultres préceddans il eust faict semblebles proclamacions que faict avoit ou dit premier cry.

Le sergent a donc, à chaque fois de la même manière, "crié" cette affaire aux dates indiquées.
Mais, deux oppositions se soulèvent. Il aura fallu du temps ! Pourquoi la réaction a-t-elle été si tardive ? Quoiqu'il en soit, donc, deux opposants : les religieux du Chapitre Saint-Euverte, et un nommé Pierre Le BERRUYER (on le retrouvera à l'acte n°11).
Ce dernier avait été bénéficiaire, en 1484, d'un don de Jehan du Lys, en l'occurence d'une rente de 4 livres tournois, pour l'aider à terminer ses études de droit à l'Université d'Orléans. Pourquoi fait-il opposition à la vente de cette maison, ou au droit d'usage de celle-ci ? Peut-être avait-il l'intention de la reprendre, en souvenir de son bienfaiteur et de la générosité que celui-ci lui avait manifesté ? Ou bien voulait-il un "pied-à-terre" à Orléans ? On ne sait. (petite prenthèse : le nom Berruyer semble indiquer q'il était d'origine berrichonne).
Les opposants sont convoqués au Châtelet, le 23 février suivant, pour y exposer chacun leurs raisons :

à l'encontre desquelles criées se feussent opposez les religieux, abbé et couvent de l'église monseigneur Sainct-Euverte d'Orliens, et honnorable et sage maistre Pierre Le Berruyer.
A quoy, par ledit sergent, eussent esté receuz et jour à eulx préfix (fixé) et assigné pour dire les causes de leur opposicion, et au dit procureur du Roy, pour soustenir lesdictes criées, à comparoir pardevant Nous, ou nostre lieutenant en Chastellet d'Orliens, au vingt-trois jour de février prouchain et ensuivant, et pour procedder èsdictes criées, et en oultre ainsi qu'il appartendra par raison, ainsi que ces choses sont à plain contenues et déclairées en la relacion et procès-verbal dudit Lignage, sergent, duquel la teneur s'ensuit.

Vient alors le procès-verbal du sergent, reprenant tout ce qui est dit ci-dessus, et qui se termine ainsi :

... Et tout ce, mon très-honoré seigneur, vous certiffie estre vray par ceste ma relacion scellée et signée de mes seel et seing manuel. Ce fust faict l'an et jour dessus ditz. Ainsi signé : J. Lignage.

Vient l'opposition du couvent de Saint-Euverte, qui fait valoir que la maison avait jadis été prise à bail par Pierre du Lys :

Auquel jour ou aultre d'icelluy deppendant, ledit procès de criées eust esté rapporté par devers nous. Et ce faict, eussions assigné jour ausditz religieux et Le Berruyer à fournir de leurs causes d'opposicion, lectres et tiltres à certain aultre jour; auquel iceulx religieux, abbé et couvent de Sainct-Euverte eussent fourni de leurs causes d'opposicion, lectres et tiltres, requérans estre préférez et mis en ordre pour la somme de trente-deux solz parisis de rente ferme ou pencion chascun an, paiable aux termes de Sainct-Jehan et Noël.
Laquelle rente noble homme messire Pierre du Liz, chevalier, dès le huityesme jour de may, l'an mil quatre cens cinquante et deux, pris à tiltre de rente, ferme ou pencion, desdicts religieux, abbé et couvent de Sainct-Euverte, qui luy baillièrent soubz leurs seaulx ladicte maison dessus déclairée, du jour de la Nativité Sainct-Jehan-Baptiste lors prouchaine venans jusques à cinquante-neuf ans prouchains ensuivans; comme tout ce peut apparoir par les lectres dudit bail sur ce faictes et passées lesditz an et jour, et desquelles la teneur s'ensuit.

Les religieux font donc valoir que cette maison leur appartient et leur procure des rentes. Ils le prouvent en exhibant le bail fait à l'époque à Pierre du Lys, dont une copie vient alors s'intercaler dans l'acte (voir ce bail ci-avant).
Pierre Le Berruyer ne devait pas avoir d'opposition valable et, en tous cas, pas de document à présenter pour se justifier. Il va se désister.

Et au regard dudit, maistre Pierre Le Berruyer eust déclairé qu'il se désistoit de ses causes d'opposicion, voullant et consentant que ladicte maison fust vendue et décrétée nonobstant icelle opposicion, come par nos lectres d'appoinctement sur ce par nous données, desquelles la teneur s'ensuit, peut à plain apparoir.

La cause est entendue. On résume l'affaire, prenant note que le chapitre de Saint-Euverte sera représenté par un dénommé Fleurantin Mairart (est-ce le nouveau locataire ?), et on met à statuer pour un décret dont la promulgation interviendra dans quelques jours.

Saichent tous que en la cause meue et pendant par devers nous, prévost d'Orliens, entre le procureur du Roy, demandeur en procès, d'une maison qui fust à Jehan du Liz, comparant en sa personne, contre les religieux, abbé et couvent de Sainct-Euverte d'Orliens, comparant par Fleurantin Mairart, leur procureur, et Me. Pierre Le Berruyer, en sa personne, deffendeurs et opposans.
a esté tant procédé, que ledit Berruyer s'est désisté de ses causes d'oppposicion, voulant et consentant que ladicte maison soit vendue et décrétée (faisant l'objet d'un décret, d'un arrêté) nonobstant ladicte opposicion; avons assigné et assignons jour ausdictes parties, à décrété à jeudy prouchain.
Donné soubz le seel aux causes de ladicte prévosté, le trente et pénultième (le 31) jour de mars avant Pasques, l'an mil cinq cens cinq.
Ainsi signé : D.Barbedor.

Ce Barbedor était sans doute le tabellion qui rédigeait les actes. Le nom est amusant ! Peut-être était-il blond ?

Précisons ici que, l'année débutant alors à Pâques, le ""31e jour de mars avant Pasques" était en fait le 31 mars 1506.
Quelques jours plus tard, le 2 avril 1505 avant Pâques (donc 1506), le décret est signé et promulgué. Le texte reprend tous le déroulement ci-dessus, et accorde audit Mairart le droit de tenure de la maison. Il aura ainsi le droit de l'habiter, et de la prendre à bail du Chapitre, comme personne d'autre n'en revendique le droit. Dans quel état était alors la maison ?

Ausquieulz pris et charges ledit droit de tenue de la maison dessus dicte est demouré audit Mairart, oudit nom, comme au plus offrant et dernier enchéresseur; combien que nous avons enquis et demandé à plusieurs assistans par devant nous, s'il y avoit personne que ledit droit de tenue vousist achapter et acquitter les pris et charges dessus dictes; et sur ce faist longue stacion et demouré. A quoy ne s'est apparu personne.
Et partant, avons audit Fleurantin Mairart, oudit nom de procureur, vendu, livré et adjugé, vendons livrons et adjugeons par nostre sentence, auctorité et décret, ledit droit de tenue dessus déclairé, aux pris et charges dessus dictes, comme au plus offrant et dernier enchéresseur; en luy en baillant la possession, saisine, seigneurie, fons, tresfons et aultres poursuictes qui en deppendent, par le signe et tradicion d'une plume qu'il a prise et acceptée pour lesdictz religieux, abbé et couvent de Sainct-Euverte, leurs successeurs et aians cause ou temps avenir.

Que veut dire "par le signe et tradition d'une plume qu'il a prise et acceptée" ? La coutume voulait-elle alors que, lorsqu'on était d'accord pour une transaction, on recevait une plume et que, dès lors l'acceptant, la transaction était alors complète et terminée ? Il serait sans doute intéressant de rechercher si cette mention figure dans d'autres décrets de ce type. Etait-ce une coutume purement Orléanaise ou ducale, ou bien cela se pratiquait-il ailleurs ? Quoiqu'il en soit, la formule est élégante.

Si donnons en mandement au premier sergent royal en ladicte prévosté et ressorz, sur ce requis, que lesditz religieulx, abbé et couvent de Sainct-Euverte, ou ledit Mairart leur procureur il mecte en possession et saisine dudit droit de tenue de ladicte maison dessus dicte, à présent vandue....
Donné soubz le seel aux causes de ladite prévosté, le second jour d'avril avant Pasques, l'an mil cinq cens et cinq (1506). D. Barbedor.

(Archives du Loiret, série H, fonds de Saint-Euverte; liasses des paroisses. Une pièce formée de trois feuilles de parchemin cousues ensemble. Ancienne cote 225).

Acte n°3

Mariage de Jehan du LYS avec Macée de VEZINES (VERINES) et arrangements financiers y afférent.
Jehan du LYS, fils de Pierre d'ARC/du LYS, allait épouser Macée de VEZINES, d'une famille d'origine Berrichonne. Le père de Macée, Jehan de VEZINES, écuyer, avait en fief le lieu de Villiers-Charbonneau, situé sur la paroisse d'Ardon (dans l'Orléanais), et qui reviendra plus tard, par Macée, à Jehan du LYS. Un contrat de mariage est établi le 26 mars 1456 (*) à Orléans.
Le mariage fut célébré le 19 juillet suivant, en l'église Saint-Pierre-le-Puellier à Orléans. A cette occasion, la ville d'Orléans offrit aux jeunes époux la somme de 16 livres parisis, dans une bourse en velours qui coûta 2 sols 4 deniers.
Le repas avait eu lieu la veille, lundi 18 juillet, peut-être dans la maison où résidait Isabelle "Romée", à deux pas de l'église en question, ou bien à l'Auberge de l'Ange. La cité avait acheté chez Simon Le MAZIER, hôtelier de l'Auberge de l'Ange, 51 pintes de vin, tant blanc que vermeil présenté par la ville au disner et soupper des nopces du filz (de) messire Pierre du Liz, chevalier, frère de feu Jehanne la Pucelle, pour ce qu'il estoit venu faire sa feste du village (de Sandillon) en ceste ville, et n'avoit point de bon vin vieil de provision pour pouvoir festoyer. (comptes de la ville)
Venons-en au contrat de mariage :

Le samedy XXVIe jour de mars avant Pasques, Jehan du Lis, escuier, filz de messire Pierre du Lis, chevalier, et de dame Jehanne (Baudot) sa femme, en la présence et de l'auctorité de ses ditz père et mère, d'une part, et Jehan de Vézines, escuier, et damoiselle Jehanne Gouygnete, (ou Gouynette) sa femme, d'autre part; lesdictes femmes auttorisées... Confesse que au traictié de mariaige et par le mariaige faisant dudit Jehan du Lis, à la personne de damoiselle Macée, fille desdicts Jehan de Vézines et de damoiselle Jehanne, sa femme, ilz ont faict entre eulx les dons, dote, promesses, convenances et choses cy après déclairées.
C'est assavoir que ledit Jehan du Lis a promis de prandre ladicte demoiselle Macée, par nom de mariaige, et ledict Jehan de Vézines et sa femme la luy ont promise donner et bailler à femme et espose se (si) Dieu et saincte église s'y accordent.

Une promesse de mariage était alors une chose très importante, et la rompre constituait alors un acte très grave. Jehanne la Pucelle elle-même fut assignée à l'Official de Toul, tribunal ecclésiastique, pour avoir rompu la promesse de mariage que Jacques d'Arc avait faite pour elle à un jeune homme de la région. Elle s'en tira en affirmant qu'elle ne lui avait rien promis.

Poursuivons la lecture de l'acte; Jehan de Vézines promet d'accorder une rente aux jeunes futurs époux :

Et avec ce ont lesdits Jehan de Vézines et sa femme promis paier et bailler ausdits Jehan du Lys et damoiselle Macée, à cause d'elle, chascun an, durant les vies desdits de Vézines et sa femme, la somme de dix livres parisis de rente, aux termes de Sainct-Jehan-Baptiste et Noël, par moictié, le premier terme commançans à Noël prouchain venant.

A cette époque coexistaient la livre tournois (de Tours) et la livre parisis (de Paris), cette dernière étant un peu plus forte.
On édicte que les époux pourront, soit accepter la rente de 10 livres parisis, soit opter pour une somme de 150 écus d'or (beau pactole !), payée en une seule fois mais, en ce dernier choix, renoncer alors à tout ce qui pourrait échoir à Macée sur l'héritage de ses parents, choix à faire après leurs décès :

Et a esté dit que, après le trespas desdits de Vézines et sa femme, lesdits Jehan du Lis et damoiselle Macée prandront à touzioursmés (à perpétuité) ladicte somme de 10 livres parisis de rente sur les héritaiges et biens desdits de Vézines et sa femme, ou pour et en lieu d'icelle rente, la somme de cent et cinquante escuz d'or pour une fois paiés, (réglés en une seule fois) pour et en lieu de toute ou telle partie et porcion de biens meubles et héritaiges que à icelle damoiselle Macée pourras eschoir et advenir par les successions de sesdits père et mère; pourveu toutesvoye que se (si) icelle Macée veult venir ausdictes successions de ses dits père et mère, faire le pourra par ainsi que elle ne aura pas ladicte somme de 10 livres parisis de rente, ne ladicte somme de CL (150) escuz d'or.

Donc, soit la rente, soit les 150 écus d'or mais pas de droit à l'héritage, ou droit à l'héritage, mais plus de rente et pas d'écus. Qu'ont-ils choisi ?
A présent, les sommes et conditions concernant les du Lys, et les clauses en cas de décès :

Et pour ledict mariaige estre consommé et acompli, ledit Jehan du Lis a doéé (doté) et doe (dote) ladicte damoiselle Macée de la somme de cent escuz d'or de doe à prandre pour une fois sur la part des biens qui, par la succession dudit Jehan, avendront (adviendront) à ses héritiers.
Ou cas toutes voyes que ledit Jehan yra de vie à trespassement avant elle sans enfans d'eulx, et se enfans y a, elle ne prandra pour sa dicte dote que cinquante escuz d'or à prandre comme dessus; lequel dote se prandra tel comme dessus est dict ou cas que ledit Jehan yroit de vie à trespassement avant ses dicts père et mère.
Et se ledit messire Pierre et sa femme vont de vie à trespassement avant ledit Jehan leur filz, ladicte damoiselle Macée sera doée de dote coustumée ou de ladicte somme de cent escuz d'or ou choix d'elle.

Que signifie "de dote coustumée" ? Sans doute y avait-il une règle.
Et une dernière cause pour les enfants qui pourront toucher la part de leur mère Macée, si celle-ci décède avant ses parents. (Cette clause ne jouera pas, Jehan et Macée n'ayant pas eu de descendants) :

Et a esté dit par ledit mariaige faisant que au cas que ladicte damoiselle Macée yroit de vie à trespassement avant ses dits père et mère, et même ou l'un d'eulx, délaissant enffans de leur dit mariaige, que lesdits enffans vendront (viendront) , ce bon leur semble, aux successions desdits de Vézines et sa femme, avect leurs aultres enffans (c'est-à-dire avec les frères et soeurs de Macée) , pareillement que feroit ladicte damoiselle Macée se elle estoit vivant, et y présenteront sa personne.
Paié par messire Pierre XVI deniers, et par ledit de Vézines 11 solz.

Un contrat bien tourné, en bonne et due forme, où tout est prévu.
(*) A cette époque, l'année commençait à Pâques. La date est donc le 26 mars 1457.
(Minutier de Me. Paillat, notaire)

Acte n°4

Vente du lieu de Luminart, à Saint-Denis-en-Val, par Mengin de VOUTHON et sa femme Guillemette, à Jehan de THAMENAY, bourgeois d'Orléans, et reprise du lieu le même jour, à titre de locataires, par les mêmes.
Une propriété privée nommée Luminart (ou Luminard) existe encore de nos jours sur ce territoire.
Lieu situé sur la paroisse de Saint-Denis-en-Val, près d'Orléans, Luminart fut occupé longtemps par Mengin de VOUTHON (frère d'Isabelle "Romée") et son épouse Guillemette. Ils n'eurent pas d'enfants.
Luminart était attenant au domaine du Mont, les deux sites étant repris plus tard par les seigneurs de l'Ile, lieu situé tout près de là. Il semble certain que cette propriété ait appartenu en propre à Mengin, grand-oncle de Jehan du Lys, comme frère de sa grand-mère Isabelle "Romée".

Le 6 septembre 1460, Mengin vend Luminart, pour 10 livres tournois (somme assez modeste) à un Orléanais nommé Jehan de THAMENAY. Vu la relative modicité de la somme, il est probable que la propriété en question n'était pas importante. Sans doute l'acheteur voulait-il faire un investissement pour l'avenir. L'acte de vente est assez complet :

Mengin de Voton (sic), natif de Voton en Lorraine, oncle de feu Jehanne la Pucelle, de présent demourant en la parroisse Saint-Denys-en-Vaulx, lequel tant pour luy en son nom, comme pour et ou nom de Guillemette, sa femme, et promectant la faire consentir et obliger si toust que requis en sera..., a la vente et transport des héritages cy après déclarez, confesse avoir vendu, ceddé, transporté et delessé et par ces présentes, vend, céde, transporte et du tout délaisse, dès maintenant pour tousioursmès, à Jehan de Thamenay, demourant à Orliens, en la parroisse Saint-Donnacian Saint-Donatien, achapteur, ad ce présent et acceptant, les héritaiges qui s’ensuivent : Mangin de Voton, natif de Voton en Lorraine, oncle de feu Jehanne la Pucelle, de présent demourant en la parroisse SaintDenis-en-Vaulx, lequel tant pour lui et en son nom, comme pour et ou nom de Guillemette, sa femme, et promectant la faire consentir et obliger si toust que requis en sera, a la vente et transport des héritages cy après déclarez, confesse avoir vendu, ceddé, transporté et delessé et par ces présentes, vend, céde, transporte et du tout délaisse, dès maintenant pour tousjoursmès, à Jehan de Thamenay, demourant à Orléans, en la parroisse Saint-Donnacian, achateur, ad ce présent et acceptant, les héritages qui s’ensuivent :

La propriété était aux deux noms de Mengin et Guillemette, mais celle-ci semble ne pas être présente au moment de la rédaction de l'acte. L'acte se poursuit, donnant la description des lieux :

C’est assavoir ung petit lieu ou a logeis (où il y a un logis), petite grange, vergier, bois, aisances et appartenances audit lieu, ainsi comme tout se comporte et poursuit, sans riens excepter, ne parfaire, où de présent demeurent lesdiz Mengin et sa dicte femme, assis au lieu de Luminart, en la parroisse Saint-Denis-en-Vaulx, tenant d’une part au chemin allant dudit lieu de Luminart à Jarguau, d’autre part à une noé nommée la Noé à Lalemande, d’autre part à la turcie de la rivière de Loyre ; icellui lieu contenant environ arpent et demi d’éritaige.

Après l'endroit où s'élève la maison, on décrit les dépendances. On y apprend les noms des voisins :

Item, une pièce de bois contenant environ trois quartiers, qui fust à feu Guillot Fermain, tenant à ladicte noé à Lalemande, d’une part, ung foussé (fossé) entre deux, d’autre part au long du champ de Sainct-Euvertre, par ung bout au talu de ladicte rivière.

Et encore quelques terres, situées un peu plus loin, non attenant au reste :

Item, ung arpent de terre, ou environ, assis au lieu des Plantes, tenant à Jaquet Pastault, d’une part, et à Pierre Charpentier de deux autres parts.

Dans la suite, il est bien précisé que Mengin avait acquis la propriété de son conquest, c'est-à-dire de ses propres deniers, à un cordonnier :

Iceulx héritaiges mouvans du conquest dudit vendeur, par lui faict de Denys Janvier, cordoannier, comme il disoit : chargez iceulx héritaiges des cens et charges foncières, qu’ilz pèvent devoir, sans aultre charge, frans et quictes des arrérages desdiz cens et autres ypothèques quelzconques, de tout le temps passé jusques à présent.

On indique alors le prix de la vente :

Ceste vente faicte pour la somme de dix livres tournoys, monnoye courant à présent, que icellui vendeur a confessé en avoir pour ce eue et receue dudit achapteur et dont icelui vendeur s’est tenu contant et bien païé, et en quicte et clame quicte ledit achapteur, etc.

Bizarrement, par un acte daté du même jour, Mengin de Vouthon reprend à titre de locataire le petit domaine qu'il vient de vendre à Jehan de Thamenay. Quelle en est la raison ? Il est possible que Mengin et son épouse, obérés et ne pouvant plus entretenir la maison, aient préféré la transférer à cet Orléanais qui, peut-être par déférence à ce couple âgé, pour un loyer annuel très raisonnable. C'est un bail à vie, jusqu'au trépas de Mengin et de Guillemette :

Ledit Mengin de Voton confesse avoir pris à tiltre de loage (louage) , ferme ou pencion, dudit Jehan de Thamenay, qui a confessé luy avoir baillé audit tiltre de ferme ou pencion, lesdits héritaiges dessus déclarez, du jourd'huy jusques durant le plain cours des vies desdiz de Voton et sadicte femme, et jusqu'au trépas du survivant et derrenier de vie d'eulx deux...

On précise le loyer et le terme :

... pour la somme de six solz parisis par an, icelles vies durans, païables par chascun an par icellui Mengin audit Jehan de Thamenay et au terme de la feste de Toussains; le premier paiement commençans de la feste de Toussains prouchaine venans, en ung an.

Le couple devra veiller à maintenir lelieu en bon état, le nouveau propriétaire, lui, s'engageant à faire rénover les toitures :

Et par de bail faisant, seront tenuz iceulx mariez de mectre, tenir, sous-tenir et maintenir iceulx héritaires, tant de couverture, cheminée, charpenterie, comme autrement en bon estat et convenable, moyennant que icellui Thamenay a promis de faire couvrir lesdictes maison et grange, dedens Karesme prenant prouchainement venant. Et à la fin dudit temps, les lesser en bon et souffisant estat.

Et enfin, bien sûr, les charges et impôts restent à payer par Mengin :

Et aussy paieront du leur iceulx preneurs, pour et au nom dudit achapteur, les cens et charges foncières avec toutes tailles de guerre, de puis (puits) , de turcie, de rivière et aultres charges et subvencions qui seront mises et imposées sur iceulx héritaiges le temps desdictes vies durant.
Promectans et oblegeans par foy de chascune partie, consentans...

Mengin et Guillemette eurent ainsi une rentrée d'argent qui dut bien leur convenir, car ils ne semblent pas avoir été bien riches. La maison et la grange reçurent un nouveau toit.
Dans ces contrats, tout se passe comme si Jehan de Thamenay, qui était peut-être un proche ou un ami du couple, avait voulu qu'ils restent tous deux sur place.
Le couple n'ayant pas eu d'héritier, il a dû récupérer les lieux après leurs morts. Plus tard, Luminart sera incorporé au domaine de l'Ile, tenu par la famille Groslot.

(Minutes de Jehan Petit, notaire au Châtelet d'Orléans en 1460. Etude de Me. Regnault, notaire à Orléans, successeur de Jehan Petit et dépositaire de ses minutes.(

Acte n°5

Acte d'hommage de Jehan CAILLY à Jehan de VEZINES au sujet de Villiers-Charbonneau, à Ardon.
Terre qui reviendra à Jehan du LYS par son mariage avec Macée de VEZINES, fille de Jehan de VEZINES.
Cet acte ne concerne pas directement les du LYS, mais il donne une bonne idée de ce que devait être le fief de Villiers-Charbonneau. L'hommage était un acte de soumission et de respect que le vassal devait à son suzerain.
Jehan CAILLY, notaire d'Orléans, fut un moment redevable à Jehan de Vézines pour une métaierie située sur ce site, dans la paroisse d'Ardon, au sud d'Orléans.
Jehan de Vézines était donc toujours en vie en 1461, et Jehan du Lys, déjà marié à sa fille Macée, n'était pas encore le seigneur en titre du lieu.

- Le XXVe jour d'aoust (1461) ... noble homme Jehan de Vérines, (sic) escuier, demourant en la parroisse de Mensay ou (au) diocèse de Bourges; lequel recongnut et confessa avoir mis et receu, et de faict mist et receut, présent ledit notaire, en ses foy et hommaige, sauf son droict et l'autruy, Jehan Cailly, notaire dudit Chastellet d'Orliens, à ce présent, de certains champart, coustume et aultres et aultres droitz seignoriaulx que ledit Jehan Cailly, à cause de Marion Ladmiraulde, sa femme, a en la parroisse d'Ardon, tenu en fié (fief) dudit escuier, à cause du lieu de Villiers-Charbonneau à luy appartenant, séant en la parroisse d'Ardon.

Dans ce qui est dit ci-dessus, on apprend que les de Vézines étaient originaires de la région de Bourges, et que Jehan Cailly tenait ses droits sur la métairie de par son mariage avec Marion Ladmiraulde. S'ensuit la localisation, la contenance et description du fief, et les tenanciers :

- Desquielx champars, coustume et droits seignoriaulx la déclaration s'ensuit :
C'est assavoir : d'un champart assis au lieu nommé Esser, en la parroisse d'Ardon, qui se extend sur plusieurs héritaiges assis en ladite parroisse, reddevables dudit champart. Et premièrement :
- la mestaierie Guillaume Mignon; la mestaierie Richard d'Esser et ses enffans; la mestaierie qui fust à feu Richard d'Esser (père, sans doute). Et sont bornées icelles mestairies par la borne qui vient de la Croix de Villiers, en venant jusques à la borne dont est bornée la terre des Gallines, et en venant d'icelle borne droit à la noue Guillaume Mignon, et de ladicte noue jusqu'aux Bois-Thierry.
- Item, les terres assises devant Esser, qui sont Hervé d'Esser et André Le Musnier, et sont bornées de la borne Pierre Loireau, jusques à Esser, et toutes les terres qui sont entre les vignes d'Esser et le Bois-Thierry.
- Item, neuf mines de terre qui sont à Guiot Boileaue, assises à Morteinch, mouvans du lieu de la Tonnelière.
- Item, quinze minées de terre assises à Morteinch, mouvans de la métaierie dudit Boniface.
- Item, six mines de terre assises derrière la mestaierie dudit Cailly, qui sont feu Boniface Ladmirauld.
- Item, huit mines de blé, quatre pains, quatre deniers et quatre gélines deues par chascun an audit Cailly, le dymenche d'après l'an neuf, ledit blé à la mesure de La Ferté-Nabert (aujourd'hui La Ferté-Saint-Aubin).

On s'aperçoit que le fief, bien et clairement délimité, est important, constitué de plusieurs métairies, tenues par plusieurs familles de tenanciers. Les profits venaient du blé, sans doute d'autres cultures, et aussi du vin; la forêt devait aussi générer des profits avec le vente du bois. La mine, mesure de quantité pour les matières sèches, représentait 78 litres. Les huit mines de blé étaient-elles une bonne récolte, une bonne quantité par rapport à la surface ? L'acte précise les redevances dévolues à chacun d'eux :

Lesquelles choses dont deues de rente sur quatre hostelz et sur les appartenances d'iceulx, séans en la parroisse d'Ardon. C'est assavoir :
- la mestaierie Hervé d'Esser, deux mines de blé, ung pain, une géline et ung denier;
- sur la mestaierie feu Hervé d'Esser, autant;
- et sur la mestaierie dudit Cailly, qui fust audit feu Boniface, autant;
et à cing solz parisis de deffault pour ladite rente non paier audit jour, sur chascun desdiz hostelz;
Item, aultres neuf deniers parisis de coustume deue, chascun an, audit Cailly, sur sadicte métaierie.
Item, aultres neufz deniers parisis deuz de coustume, chascun an, audit Boniface, sur la mestaierie des hoirs (héritiers) feu Hervet d'Esser.

Enfin, Jehan de Vézines donne quittance, et exprime sa satisfaction :

- Et avec, a confessé ledit escuier avoir esté paié, satisfait et contenté dudit Cailly, du rachat de prouffit du fié à luy deu, à cause desdiz champars. Et acquicté... Promectant...

Les redevances n'étaient pas toujours dues en argent, mais aussi "en nature", tel qu'une géline ou un pain...
(Minutes de Chauvreux, notaire. Etude de Me Francheterre, à Orléans.)

Jehan Cailly, notaire au Châtelet d'Orléans, a laissé de nombreux actes. On le cite aussi dans les comptes de la ville, lors de l'arrivée de Jehanne La Pucelle sur Orléans, accompagnée d'hommes d'armes, mais aussi d'un convoi de vivres et de munitions, en particulier de blé, qui transite par chaland de Chécy à Orléans. C'est lui qui mesura le blé lors de la mise en grenier.
Un autre nom, sur cet acte, attire l'attention : Guillaume Mignon, qui tenait l'une des métairies de Villers-Charbonneau. Est-il en famille avec les trois frères Mignon, Estienne, Jacques et Berthier, bouchers d'Orléans, à qui Jehan du Lys, 20 ans plus tard, fera un bail pour les pâturages de l'Ile-aux-Boeufs ? (voir acte n°10).
En ce qui concerne Marion "Ladmiraulde", on la nommait ainsi parce qu'elle était la femme d'un certain "Ladmirault". Un Guillaume "Ladmiraud" se distingua au siège en 1429.

Acte n°6

Extrait du bail de la "Maison de l'Image Sainct-Denys", qui était voisine de celle des du LYS, près de Saint-Pierre-le-Puellier
Cette maison portait probablement ce nom à cause d'une représentation de Saint-Denis qui devait être peinte sur l'un des murs.
Le cas était fréquent. La maison de Jacques BOUCHER, trésorier du duc d'Orléans, où fut logée Jehanne La Pucelle, a longtemps été appelée "La maison de l'Annonciade" pour le même motif.
Un acte de 1472, qui parle de la "Maison de l'Image-Sainct-Denys", précise qu'elle était mitoyenne de celle que les du LYS occupèrent, sur cette paroisse, à deux pas de l'église Saint-Pierre-le-Puellier. On y apprend qu'elle possédait un verger. Cet acte est également intéressant, car on y cite les voisins des du LYS. Voici un extrait de cet acte du 8 octobre 1472 :

Acte passé par devant Tassin Berthelin, notaire, Louis Ruzé étant prévost d'Orliens, par lequel :
Jehan Mérigot, dit Meigute, texier en toiles, et Marion, sa femme,
Estienne Jehannet, homme de bras, et Simonne, sa femme, fille de feu Pierre Collas,
Jehan d'Authon, homme de bras, et Jehanne, sa femme, fille dudit Jehan Mérigot,
prennent à rente du Chapitre Sainct-Pierre-le-Puellier, pour 59 ans....

Six personnes prennent donc cette maison, appartenant aux religieux du Chapitre voisin. Sans doute avaient-ils des enfants.
Isabelle "Romée" et Pierre d'ARC/du LYS étaient décédés à cette date, mais ces gens ont dû connaître et fréquenter quelque peu Jehan du LYS et Macée de VEZINES, qui s'étaient d'ailleurs mariés sur cette paroisse. Et l'acte se poursuit, localisant la maison :

Une masure assise à Orliens en ladicte paroisse Sainct-Pierre-Pullier, sur la rue à descendre de ladicte église Sainct-Flô (Saint-Flou) à ladicte église Sainct-Pierre-Pullier, devant et à l'opposite du grand hostel Sainct-Flô, en la censive d'icelle église... tenant d'un cousté à l'ostel d'Affricant..., d'aultre cousté au vergier (de) Jehan de la Pucelle, dit du Liz, et aulx héritaiges de la chapelle Sainct-André fondée en l'église Sainct-Avy, que tient Jacques Habert...

(Série G, fonds de Saint-Pierre-le-Puellier, coté Y)

Acte n°7

Hommage de Jehan DAMONT à Jehan du LYS pour le lieu de la Couaspellière, situé à Menestreau-en-Villette.
Le samedi 8 juin 1476, un nommé Jehan Damont fait hommage à Jehan du Lys, tenant du fief de la Couaspellière, lieu situé à Menestreau-en-Villette.
Malgré certaines recherches, ce lieu n'a pu être localisé avec certitude.

- Noble homme Jehan du Lis, dit de La Pucelle, escuier, seigneur de Villiers-Charbonneau, confessa que honnorable et saige maistre Jehan Damont, liscencié ès loix, contrerolleur de la despence ordinaire de la royne, (la reine) à ce présent, luy a faict et porté, et en la présence dudit notaire juré, fist audit escuier, les foy et hommaige telz que icellui maistre Jehan estoit tenu luy faire à cause du lieu et appartenances de la Couaspellière, séant en la parroisse de Ménestreau-en-Villette, appartenant audit maistre Jehan et tenuz en fief dudit escuier, à cause de son dit lieu et domaine de Villiers...

De quoi était composé ce fief ? Que rapportait-il à Jehan du Lys ?
(Minutier de Me. Paillat.)

Acte n°8

Acte de garantie donné au sergent ducal Jehan BIEMONT, par Jehan du LYS, au sujet de l'étang du Coignier, situé sur La-Ferté-Saint-Aubin.
L'étang du Coignier était situé sur le territoire de Saint-Aubin-en-Sologne, aujourd'hui La-Ferté-Saint-Aubin.
Le lundi 8 avril 1476, est établi un acte de garantie donné par Jehan du Lys au sergent ducal Jehan Biémont, touchant la vente de la pêche de l'étang dit "du Coignier".
Il s'agit de l'un de ces étangs, nombreux en Sologne, dépendant du fief de Jehan du Lys nommé Villiers-Charbonneau, et situé, comme il est dit, sur "Sainct-Aubin-en-Sologne".
Le sergent est autorisé à prandre et lever... la pesche d'un estang assis en la parroisse de Sainct-Aubin-en-Souloigne, appellé le Coignier, tenu en fief dudit escuier (Jehan du Lys).
Le sergent a baillé et délivré audit escuier xii c (1.200) de carpe, qui a esté vandu à Jehan Girart, au pris de xxiij (23) sols parisis le cent; deux cens de carpeau de demy piè ou environ, qui a esté vandu à Guillaume Garsonnet; et six quarterons de béchetons de demy piè ou environ, qui ont esté pris par le receveur du domaine, et mis ès estangs de Chasteauneuf...
Le prix des deux cents carpeaux n'est pas indiqué, mais les 1.200 carpes, à 23 sols le cent, font 13 livres et 16 sols, somme non négligeable dans les revenus de Jehan du Lys.
N'est pas précisé non plus le prix des six quarterons de béchetons, qui étaient destinés à repeupler des étangs situés à Chateauneuf-sur-Loire, mais Jehan du Lys a dû toucher de l'argent pour cela.
A quoi étaient destinés les 1.200 carpes et les 200 carpeaux ? Achetés par des particuliers, ils sont sans doute allés garnir les étals des poissonniers d'Orléans et des environs.
On consommait beaucoup de poissons à cette époque, et les comptes de la ville d'Orléans en font souvent mention dans les repas et les banquets payés par la cité.
Il serait intéressant de connaître la localisation actuelle de cet étang, s'il existe toujours.
(Minutes de Colin, notaire; minutier de Me. Gitton, notaire à Orléans).

Acte n°9

Extrait du bail de Jehan du LYS à Guillaume LE FOLLETIER pour Villiers-Charbonneau, à Ardon
Le 7 août 1481, Jehan du Lys donne à bail, à un nommé Guillaume Le Folletier, une partie de son fief de Villiers-Charbonneau, contenant six arpents. On situe le lieu :

Noble homme Jehan du Lis, escuier, seigneur de Villiers, en la parroisse d'Ardon; et congnut et confessa avoir baillé à rente à Toujoursmais à Guillaume Le Folletier, laboureur, demeurant en la parroisse d'Arllon, (sic) ad ce présent, qui a pris, audit titre, pour luy, ses hoirs et aiens cause ou (au) temps advenir, une pièce contenant environ six arpens ou environ, assis devant le lieu de Moteaux, tenant d'une part à Marchès-Ront; d'autre part au chemin à aller de Marchès-Ront à Sainct-Quay; et d'autre au foussé neuf; et d'autre part à ung petit foussé où descendent les eaues (eaux) du Bois-Thierry et au chemin à aller de Sainct-Cire à Ardon.

Les redevances sont précisées :

... à tenir..., au pris de deux solz parisis chascun arpent que sera mesuré aux despens dudit bailleur, en faisant les despens de bouche par ledit preneur, de rente perpétuelle, avec deux poulles, chascun an, à toujoursmès, paiable au terme de Toussainct, le premier paiement commençans de la Toussainct prouchaine venant en ung an.

Donc, 12 sols parisis chaque année de rente pour Jehan du Lys... plus deux poules ! Sûrement aussi une partie des récoltes. Que sont donc ces despens de bouche ? Sans doute un repas qui sera servi au moment du mesurage des terres, et chaque année à la remise de la rente.
Jehan du Lys se réserve la première moisson, et Guillaume promet de faire édifier des bâtiments :

Et suivra le mesureur son guéret ceste année, dont le dit bailleur prandra la moisson à son prouffit; par ainsi que ledit preneur promect faire édifier maison de deux fermes entre deux quignons,(?) oudit héritaige, dedens deux ans prouchains venans, et tenir et soustenir les dicts héritaiges en tel estat qu'ilz puissent continuellement valoir ladicte rente, et mieulx.

L'endroit devait être démuni de maison et de grange, sans doute. Etait-ce un lieu encore non exploité de Villiers-Charbonneau, ou une nouvelle acquisition, augmentant ainsi le fief d'une nouvelle parcelle ?
Le nouveau tenancier ne pourra pas exploiter d'élevage personnel, ce qui voudrait dire que le lieu était essentiellement réservé à la culture. Peut-être aussi Jehan du Lys se réservait-il le droit pour lui d'élever du bétail ?

Et ne pourra ledit preneur tenir audit lieu aucuns vaches ni bestial, synon dudit bailleur, pourveu que luy en veuille bailler.
Et ne pourra vandre...
Et à chaque mutacion...
Et aussy se ledit preneur ose défaillir dudit paiemens par trois ans ensuivans....

Macée de Vézines, femme de Jehan du Lys, ne devait pas être présente lors de la transaction. Son accord est requis, ce qui est normal, car Villiers-Charbonneau était venu de l'héritage de son père :

Et promect faire consentir damoiselle Macée, sa femme, dedens la Toussainct prouchaine.
Et ou cas qu'elle ne s'y voudra consentir à ce présent marchié, demourra nul. Et sera paié ledit preneur des réparacions qu'il auroit faict esditz héritaige.

En juin 1493, le bail sera renouvelé à Guillaume Le Folletier (voir acte n°15).
Il serait intéressant de trouver, par exemple, l'acte de succession de Jehan de Vézines père, pour savoir en quoi consistait alors Villiers-Charbonneau dans son ensemble.

(Minutes de Jehan Courtin, notaire. Etude de Me. Paillat, à Orléans.)

Acte n°10

Bail de l'Ile-aux-Boeufs par Jehan du LYS aux frères MIGNON, bouchers d'Orléans Le père de Jehan du Lys, Pierre d'Arc (puis du Lys) avait reçu en 1443 l'usufruit de cette île sur la Loire (voir acte n°1).
Cette île appartenait en propre à la famille d'Orléans; le tenancier précédent était un nommé Bourdon.
Il semble que Pierre (qui en avait l'usufruit) en tire quelques revenus, essentiellement du forestage.
Jehan du Lys, lui, touchera des droits de forestage sur cet endroit, comme en témoignent les comptes de la ville :

1477 : Payé 77 sous à Jehan Dulars, laboureur, pour la façon de 2.300 fagots faits de saules, pris sur l'Isle-aux-Boeufs, appartenante à Jehan du Lys, escuier.
Payé 115 sous à Jehan du Lis, escuier, pour le forestage de 2.300 fagots, à raison de 5 sous le cent.

Ce qui faisait 5 livres 15 sols, somme minime comme revenu.
Jehan du Lys, outre le forestage, tirera d'autres revenus de cette île, ainsi qu'on va le voir dans cet acte de 1481 :

Ledict jour 15 octobre (1481) ... noble homme Jehan du Lis, dit La Pucelle, seigneur de Villiers, en la parroisse d'Ardon, confessa avoir baillé à ferme et pencion de la Toussainct prouchaine venans, à Estienne MIGNON, Jacques MIGNON et Berthier MIGNON, marchans bouchers du grant bourch (!) d'Orliens, à ce présens et acceptans pour eulx, leurs hoirs, etc... les ysles que ledit bailleur a, assises sur le coustau de la rivière de relevée (la Loire) appelée l'Isle-aux-Boeufs, ainsy que ladicte isle se comporte et poursuit au regard de ce qui est encleux (inclus) en eaue (de ce qui est émergé) à tenir..., pour la somme de diz escus d'or aient de présens cours de ferme et pencion, chascun an, paiable audict bailleur ou au porteur de ces lectres, franchement et quictement, au terme de Toussainctz prouchains venans, le premier paiement commençans de la Toussainctz prouchaine venant en ung an, ainsi chascun an durant ledict temps;

Jehan du Lys se réserve une partie des pâturages, avec le droit d'y élever jusqu'à 12 bêtes; chaque année, il vendra les petits qui en naîtront, pour conserver ce nombre à demeure :

par ainsi que ledict bailleur pourra mectre en pasture, à son prouffit, esdictes ysles, jusque à XII chefs (têtes) de beste à corne et leur suite d'un an, sans aulcun contredict, pendant ledict temps; et au bout de l'an oustera (enlèvera) touziours la suite.

Il est précisé que Jehan du Lys se réserve un pré pour son propre élevage, mais aussi quelques terres labourables de l'île. Il s'engage à clôturer tout cela.
Les frères Mignon seront tenus de réparer ou rembourser si leurs bêtes occasionnent du dégât et détériorent la clôture :

En en ce bail n'est pas compris le pré, ne les terres qui sont à présent en labour que ledict bailleur recent (garde) à soy, moyennant que ledict bailleur sera tenu faire cloure (clôre, fermer) ledit pré et terres labourables à ses despens.
Et s'il advient que le bestial des diz preneurs feron aucun doumaige audit pré et labouraige dudict bailleur, après que ledit bailleur les aura faict cloure deument, audit cas seront tenuz de réparer et admender le dommaige, au dit de gens de biens et ce cognoissans.

Les trois frères versent à Jehan du Lys, en forme de caution, d'avance ou de dépôt de garantie, la somme de 40 livres tournois :

Et moyennans ces présentes, lesdiz preneurs ont paié et avancé audit bailleur qui a rente d'eulx contant, en présence... la somme de quarante livres tournois; et laquelle somme ledit bailleur promect et sera tenu desduire et rabatre ausdiz preneurs à chaque année huit francs deux solz parisis sur ladicte pencion de diz escuz d'or jusques affin desdiz quarante francs; promectent garentir... et lesdiz preneurs paier...

Les bouchers d'Orléans purent ainsi élever le bétail destiné à être ensuite débité et vendu sur les étals d'Orléans.
Jehan du Lys tirait donc des revenus de plusieurs sources, sur l'Ile-aux-Boeufs :

- le forestage,
- le labourage des terres qui le permettent, et aussi probablement les arbres fruitiers,
- l'élevage d'un petit troupeau de bêtes à cornes,
- la location de la plus grande partie des pâturages pour le bétail des frères Mignon.

A cette date, il semble qu'il ait exploité l'Ile-aux-Boeufs au maximum des possibilités de celle-ci.

Acte n°11

Donation d'une rente de 4 livres tournois, par Jehan du Lys, à Pierre Le BERRUYER, bachelier en lois, étudiant à l'Université d'Orléans.
Jehan du Lys avait pour épouse Macée de Vézines. Le père de celle-ci, Jehan de Vézines, avait un frère, Pierre. Ceux-ci, à ce qu'il semble ici, avaient eu un différent dans lequel Girard Boileaue paraît être impliqué, et qui se termina par la condamnation de Pierre, envers Jehan son frère.
Il s'agit d'un rente de quatre livres tournois qui échoit à Macée et à son frère Jehan de Vézines junior (fils de Jehan) et à Jehan du Lys par son épouse, probablement sur le lieu de la Goislière, qui avait appartenu à Pierre de Vézines.
Ceux-ci transfèrent cette rente à Pierre Le Berruyer, bachelier en lois, étudiant à l'Université d'Orléans. Etait-il en famille avec le Guillaume Le Berruyer qui figure sur la liste de ceux qui se distinguèrent au siège en 1429 ?

Le vendredy quart et samedy Ve jours de juing, oudict an (1484)...noble homme Jehan du Liz, escuier, seigneur de Villiers-Charbonneau; damoiselle Macée de Vérines, (sic) sa femme, sur ce deuement auctorisée; et noble homme Jehan de Vérines, escuier, frère de ladicte Macée, donnent et transportent à Me. Pierrre Le Berruyer, bachelier ès loiz, escolier estudient à Orliens, à ce présent et acceptant, tout tel droit que lesdiz donneurs avoient, ont et pèvent avoir, pour raison et à l'occasion de certaine sentence donnée en la prévosté de Vouson, le iije jour de novembre, mil cccc cinquante et ung, par laquelle feu Pierre de Vézines, en son vivant seigneur de la Goislière, est condamné envers feu Jehan de Vézines, en son vivant seigneur dudit lieu de Villiers-Charbonneau, père de ladicte demoiselle et dudict Jehan de Vézines, donateurs... l'acquitter, affranchir et délivrer envers feu maistre Girard Boileaue et ses ayant cause, de la somme de quatre livres tournois de rente, ensemble (pour et aussi) des arrérages qui en estoient deuz, comme plus à plain est contenu en ladicte sentence, dont est apparu... avec tous les droits, noms, etc..., que lesditz donneurs avoient et pouvoient avoir à l'encontre des hoirs et aiens cause dudict feu Pierre de Vézines;
Ensemble, toutes aultres actions et poursuites qu'ils avoient et pouvoient avoir pour raison des choses dessusdictes et les deppendances; et des despens, dommaiges et intéretz que lesditz donneurs ont euz, souffers et soustenuz, pour raison de certains procès et arbitrage sur ce intervenuz depuis la dicte sentence, à l'envontre de ceulz qu'il appartendra. Dessaississent..., saississent, en le constituant...

Puis l'on précise que le don de cette rente est fait par amitié, et pour l'entretenir dans ses édudes. Quelle était la raison de cette sollicitude envers Pierre Le Berruyer ?

Ces présens don et transport faiz, par lesdiz donneurs, audict estudient, pour la bonne amour qu'ilz disoient avoir envers luy et pour luy aidier à soy entretenir audict estude; si comme..., promectant...

Jehan du Lys et Macée signent le 4, Jehan de Vézines le 5 :

Et ce fust faict et passé, c'est assavoir desditz Jehan du Lis et sa femme, le vendredy quart; et du dit Jehan de Vézines le samedy cinquiesme jour de juing, l'an mil CCCC IIIJxx quatre. (1484)

(nb : on retrouvera Pierre Le Berruyer à l'acte n°2).
(Minutes de Barthélémy Sevin, notaire. Etude de Me. Francheterre, à Orléans).

Acte n°12

Remise de dettes, par Jehan du LYS, au profit de Jehanne MARESCOT, sa nièce, à l'occasion du mariage de celle-ci.
Macée de Vézines, épouse de Jehan du Lys, avait une soeur, Perrette, qui avait épousé un nommé Jehan Marescot.
Le couple avait une fille, Jehanne, qui a longtemps servi chez les du Lys. N'ayant pas eu d'enfants, ceux-ci avaient dû prendre cette nièce en affection. Sa mère étant alors veuve, et Jehanne désirant se marier, son oncle efface la dette de 44 francs et 20 deniers parisis que Perrette lui devait. Il avait dû probablement l'aider après la mort de son époux, et voulait ainsi aider les deux femmes.

Ledict jour samedy 31 juille,t (1484) noble homme Jehan du Lis, escuier, seigneur de Baignault, lequel pour demourer quicte envers Jehanne, sa niepce, fille de feu Jehan Marescot, jadis escuier, demourant à Ardon, et de Perrette de Vézines, jadis sa femme; des saillères et services que ladicte fille a faict et gaigniez avec ledit du Lis, son oncle, de tout le temps qu'elle a demouré en sa maison jusqu'à huy; aussi pour le grand amour et affection naturelle que a à sadicte niepce et pour aidier à la marier.

Le montant est précisé :

pour ces causes et aultres à ce le mouvans, donne, transporte et délaisse à ladicte Jehanne sa niepce, présent et acceptant, la somme de XLIIIJ (43) frans XX deniers parisis que doit audict du Lis ladicte Perrette de Vasines, (sic) mère de ladicte fille, pour faire compte faict entre eulx de toutes choses quelconques en quoy ladicte Perrette pourroit estre tenue audit du Lis, tant de près que autrement, jusques à huy, ainsi que ledit du Lis et ladicte Perrette, à ce présens, disoient.

Il semble qu'il n'y ait pas que la dette de Perrette :

Avec ce, luy transporte tous les droits et actions qui en deppendent. Ledit don et transport pour les causes que dessus, et ainsi que ladicte Perrette et ladicte fille quictent et promectent acquitter ladit du Lis des services que luy a faict ladicte fille de tout le temps passé, jusques à huy. Et partant dudit debt s'est dessaisy.

Le dernier paragraphe laisserait-il entendre que la nièce, Jehanne, renonce au salaire que lui devait encore son oncle pour ses services ?

(Minutes de Jehan Courtin, notaire. Etude de Me. Paillat, à Orléans.)

Acte n°13

Règlement de comptes entre Jehan du LYS et Jehan de VEZINES fils, son beau-frère, au sujet de 40 livres parisis de rente qui reviennent à Jehan du LYS sur le lieu de la Goislière.
Par son mariage, et par héritage de sa femme, Jehan du Lys avait droit sur une rente de 40 livres parisis que devait lui verser Jehan de Vézines fils, son beau-frère, sur le lieu de la Goislière. Ce lieu était probablement situé sur Ardon, au sud d'Orléans.
Ceci ne devait par avoir été exécuté correctement, car il faut qu'un acte du 17 juin 1485 les mettent d'accord. On en profite pour régler tous les différents frais, prêts et coûts de procès qui sont intervenus entre eux et à l'égard d'un nommé Loys de Mores. Jehan de Vézines paiera les sommes dues et les arrérages correspondant.

Le XVIJe jour de juing (1485)...noble homme Jehan de Vézines, seigneur de Marchès-Lambert, en la parroisse d'Ardon, d'une part,
Et noble homme Jehan du Lis, seigneur de Baignaulx, qui a esposé damoiselle Macée de Vézines, d'autre part,
lesquelles parties recongnurent et confessèrent qu'ilz avoient et ont faict compte ensemble généralement de toutes choses quelconques, en quoy lesdictes parties pourroient estre tenuz l'un à l'autre, au regard de toutes debtes personnelles, tant de pretz que ledit du Lia a faict et peu faire audit Jehan de Vézines et à feu Jehan de Vézines son père;

Ce qui est dit ci-dessus indique que Jehan du Lis avait dû aider financièrement, à plusieurs reprises, les de Vézines.

Et des fraiz, mises et despens que ledit Jehan du Lis a faiz et paiez pour ledit de Vézines, à la poursuite de certains procès qu'ilz ont eu ensemble à l'encontre de Loys de Mores; aussy des arrérages de quarente livres parisis de rente que ledit de Vézines doit, chascun an, audit du Lis, pour le recompenser (le rembourser) d'aultres quarente livres parisis de rente que ledit du Lis, à cause de sadicte femme, avoit droit de prandre sur le lieu de la Goislière;
Comme aucunement, à quelque cause que ce soit, au regard de toutes debtes personnelles quelzconques; lesdictes parties sont et demourent quictes l'un envers l'autre, de tout le temps passé jusque à aujourd'huy.

Jehan de Vézines doit une somme importante : 70 écus d'or, qu'il s'engage à payer :

Moyennant que par ledit faicompte, ledit Jehan de Vézines demeure tenu envers ledit Jehan du Lis en la somme de soixante et diz escuz d'or aient de présent cours; que promect par sa foy rendre paiez et baillez audit du Lis ou au porteur de ces lectres, à sa plaine voulenté et requeste, sans aucun terme, avec tous coustz et intérestz qui faiz seront par deffaut dudit paiemens, au simple serrement du porteur de ces lectres, sans aultre preuve faire. Et quant....

Clair et net ! Le contractant n'aura pas le choix. Douze jours plus tard, Jehan de Vézines donnera un premier acompte sur la somme due :

Et le neufviesme jour de juillet ensuivant, oudit an, Jehan du Lis, escuier, a receu comptant, en présence dudit Vérines, la somme de douze francs et demi sur et tauxement de la somme dessus contenue. Quicte...

En combien de temps Jehan de Vézines s'acquitta-t-il de la totalité de sa dette ?

(Minutes de Jehan Courtin, notaire. Etude de Me. Paillat, à Orléans.)

Acte n°14

Donation à Jehan du LYS, par Jehan d'ETAMPES, seigneur de La-Ferté, de 3 muids de blé.
Le seigneur de La-Ferté-Nabert (La-Ferté-Saint-Aubin, au sud d'Orléans), à la fin du 15e siècle était Jehan d'Etampes.
Dans les livres de comptes de sa seigneurie, son receveur, Pierre Girard, a inscrit la mention suivante :

A Jehan du Lis, escuier, seigneur de Bagnaulx, la cantité de troys muis (muids) (de) seigle, mesure de ladicte Ferté, à luy baillée et délivrée par le commandement de mondit seigneur de La Ferté, comme appert par la quictance dudit du Lys, cy rendue : III muis blé.

Le muid était une mesure de quantité pour les liquides et diverses matières, qui variait sensiblement selon les territoires. Pour évaluer quelque peu ce don, on peut se référer à la mesure de Paris, où le muid valait 274 litres, pour le vin. 3 muids x 274 = 822 litres, don d'une relative importance tout de même. Il ne semble pas que ce fut dans le cadre de revenus pour Jehan du Lyz. Sans doute ce don devait-il récompenser ponctuellement quelque service rendu.
Une partie de Villiers-Charbonneau dépendant du seigneur de La Ferté, il s'agirait alors d'un don ponctuel du suzerain à son vassal, ou peut-être d'une petite redevance que Jehan d'Etampes devait à Jehan du Lis.

(Comptes de Pierre Girard, receveur de Jehan d'Etampes. Comptes du 24/06/1489 au 23/06/1490).

Acte n°15

Renouvellement du bail, par Jehan du LYS, à Guillaume Le FOLLETIER, à Villiers-Charbonneau à Ardon. (voir acte n°9)
Une partie du fief de Villiers-Charbonnier, à Ardon, était tenue depuis le 7 août 1481 par Guillaume Le Folletier. Jehan du Lys, le 16 juin 1493, lui renouvelle son bail. Celui-ci est pratiquement identique au précédent.

Le dimenche seiziesme jour de juing oudit an mil CCCC IIIJxx treize... noble homme Jehan du Lis, escuier, seigneur de Villiers en la parroisse d'Ardon, et damoiselle Macée de Vézines, sa femme, souffisamment auctorisée en ceste partie dudit escuier son mary, et recongnut et confessa avoir baillé et par ces présentes baillée à tiltre de rente annuelle et perpétuelle, dès maintenant à toujoursmés, à Guillaume Le Folletier, laboureur, demourant en la paroisse de Ardon, à ce présens, qui a pris et retenu d'eulx audit tiltre, pour luy, ses hoirs et aians cause ou temps advenir.

La terre en question est exactement délimitée comme en 1481 :

Une pièce de terre contenant environ siz arpens assis devant le lieu de Montaux, tenant d'une part à Marchès-Ront, d'autre part au chemin à aller de Marchès-Ront à Sainct-Quay et d'autre part au foussé neuf, d'autre part où descendent les eaux du Bois-Thierry et au chemin à aller de Sainct-Cire à Ardon.

La redevance est la même, y compris les deux poules :

A tenir, avoir, posséder et exploiter ladicte pièce dessus déclairée par ledit preneur, par ses hoirs et aient cause, et par leur nom, en prandre, lever et cuillir les usfruitz, prouffitz, revenus et émoluments d'iceulz à toujoursmés, au pris de deux solz parisis chascun arpens, qui sera mesuré aus despens desdictz bailleurs, en faisant les despens de bouche par ledit preneur, de rente perpétuelle, avec deux poulles chascun an à toujoursmés;

Le terme est toujours à la Toussaint de chaque année. On renouvelle l'injonction de faire édifier des bâtiments; depuis 12 années titulaire de la tenancerie, Guillaume ne l'avait donc pas encore entrepris. Il devait y avoir une raison valable, car Jehan du Lys lui fait de nouveau confiance en lui renouvelant le bail. Aucun élevage personnel n'est autorisé, comme en 1481.

... paiable au terme de Toussainct, le premier terme et paiemens commençans à la Toussainct prouchaine venans; par ainsi que ledict preneur promect faire édifier une maison de deux fermes entre deux pignons audict héritaige dedens deux ans prouchains venans, et tiendra et sustiendra lesditz héritaiges en tel estat qu'ilz puissent continuellement valoir ladicte rente et mieulx.
Et ne pourra ledict preneur tenir audit lieu aucunes vaches ne bestial, sinon desdiz bailleurs, pourveu que luy en veuillent bailler.

Viennent différentes clauses, dont la première stipule que le tenancier ne pourra transférer le bail sans l'accord des du Lys, et la seconde que le bailleur pourra retirer son bail au preneur en cas de défaut de paiement de celui-ci :

Et ne pourra vandre ne transporter ledict héritaige que lesdiz bailleurs, leurs hoirs et aians cause n'en fussent les premiers reffusants de l'avoir pour le prix raisonnable que aultres personnes voudroient donner et paier sans fraulde.
Et à chacune mutacion qui se fera dudict héritaige, les nouveaux détenteurs seront tenuz eulx venir obliger les dits bailleurs, leurs hoirs ou aiant cause, au paiement de ladicte rente et accomplissement des choses dessus dictes, ung an ensuivant ladicte mutacion.
En en déffault de ce faire et du paiement de ladicte rente, par trois ans ensuivans, lesdiz bailleurs pourront reprendre lediz héritaige sans contredict après sommacion deuement faicte. Promectant en tenir compte et les diz bailleurs garentir et ledit preneur paier, faire ce que dict est.

On a parlé du Moyen-Age comme d'une période où les serfs et paysans étaient opprimés et où les seigneurs affamaient et faisaient crouler les gens sous les impôts et autres charges. Mais verrait-on de nos jours un propriétaire souffrir durant trois ans de ne percevoir son loyer avant de faire partir le locataire ?

(Minutes de Gilbert, notaire. Etude de Me. Linget, à Orléans.)

Acte n°16

Deux dons de Jehan du LYS à Jehan des MONTS : 18 livres tournois pour ses services, et un arpent de vigne à prendre sur des vignes que Jehan du LYS possède au clos de Savigny, à Sandillon.
Le 31 octobre 1496, deux actes notariés concrétisent deux dons que Jehan du Lys fait à un dénommé Jehan des MONTS. Celui-ci est qualifié de "cousin". De quelle manière l'était-il ?
Il ne semble pas que ce soit du côté des d'Arc ou des de Vouthon. Une piste peut-être : Pierre d'Arc/du Lys, père de Jehan du Lys, avait l'un de ses frères prénommé Jehan (dit "Petit-Jehan"), dont la fille unique, Marguerite du Lys, avait épousé Antoine de BRUNET, qualifié de "seigneur du MONT", lieu situé sur la paroisse de Saint-Denis-en-Val, non loin d'Orléans.
Peut-être alors ce "Jehan des Monts", fils de Colas, était-il alors un cousin ou petit-cousin, par alliance, issu de cette branche ?
D'après le texte du premier don, Jehan du Lys a utilisé les services de Jehan des Monts, et le logeait dans sa maison :

Ledit jour, ... noble homme Jehan du Lis, seigneur de Baignaulx, situé en la parroisse de Sandillon, au diocèse d'Orliens, confessa devoir à Jehan des Monts le jeune, son cousin, fils de feu Colas des Monts, au vivant de luy escuier, à ce présent et acceptant, la somme de dix-huit livres tournois, pour et à cause des services que ledit Jehan a faict audit escuier à le servir, de tout le temps qu'il a demouré avec luy jusqu'à huy, et qu'il fera jusques à la feste de Noël prouchaine venant...

Pour tenter d'évaluer ce que représente ces 18 livres tournois, on peut dire que :

- la monnaie était divisée en livres, sols et deniers,
- 12 deniers valaient un sol (ou sou), et 20 sols valaient une livre.

Si l'on prend quelques prix pratiqués à cette époque :

- un veau valant 18 sous, la somme représente alors 20 veaux,
- un mouton valant 10 sous, la somme représente alors 36 moutons,
- une vache valant 44 sous, la somme représente alors 8 vaches.

La somme est donc relativement importante. A titre de comparaison, Mengin de Vouthon avait vendu Luminart pour 10 livres tournois, en 1460 (voir acte n°4). Cet arrangement entre les deux cousins est constitué en lieu et place d'un autre accord précédemment conclu entre eux :

Et demoure par ce moien nulle et de nulle valeur la lectre par laquelle icelui escuier estoit tenu de paier audit Jehan des Monts certaine somme de deniers pour son service et choses contenues et déclairées ès dictes lectres, et desquelles lesdictes parties ne se pourront aidier d'une partie ne d'autre, ne l'une partie contre l'autre.

On déclare alors nul le premier accord, et on le raye du registre :

Et consentent le registre estre rayé et mis au néant par Droin Jacquet, nottaire dudit Chastellet, par lequel ont, dit ladicte lectre, avoir esté passé. Consentant...

Le deuxième acte est une donation, toujours au même, et l'on y apprend que Jehan du Lys possédait des vignes à Sandillon, au lieu-dit Savigny. On en apprend aussi un peu plus sur les protagonistes :

Ledit jour, (31 octobre 1496) ... noble homme Jehan du Lys, seigneur de Baignaulx, situé en la parroisse de Sandillon, au diocèse d'Orliens, confessa de sa libéralle voulenté avoir donné, ceddé, quicté, transporté et délaissé par don pur, solempnel et irrévocable, faict entre vifz sans espérance ne entencion de jamès le révoquer ne rappeller à Jehan des Monts le jeune, son cousin, fils de feu Colas des Monts, au vivant de luy escuier, et de feu Agnès, jadis sa femme, à ce présent, icelui Jehan estant aagé de dix neuf à vingt ans, lequel, en la présence de Vyart et Jehan des Monts, ses frères, et de Loys Manceau, son serrurge (son tuteur ?) a pris et accepté pour luy, ses hoirs et aians cause...

Puis l'on précise l'objet du don et sa localisation :

... ung arpens de vigne à prandre ès vignes que le dit donneur disoit avoir de par conquest, (achat en propre) assis au cloux (clos) de Savigny en ladicte parroisse de Sandillon, chargé des cens qu'il peut chascun an devoir envers qui il appartient; retenu et réserve toutes voyes (toutefois) par icellui donneur l'usuffruict et joissance dudit arpent de vigne, sa vie durant, et sans ce que ledit usuffruict ores , ne pour le temps avenir puisse nuyre ne préjudicier à ce présent don.

On voit que le don de cet arpent de vignes ne sera réalisé qu'après la mort de Jehan du Lys, qui s'en réserve l'usufruit sa vie durant. On ajoute une clause prévoyant le décès éventuel de Jehan des Monts avant son donateur, et sans enfants :

Et s'il advient que ledit Jehan des Monts aille de vie à trespas sans hoir de son corps, avant ledit donneur, en ce cas icellui donneur vieult (veut) que ledit arpens de vigne vieugne, (vienne) soit et appartienne aux dessuz diz frères et soeur dudit Jehan des Monts, à leur hoirs et aians cause.

Et enfin, la raison invoquée par Jehan du Lys pour cette donation :

Ces présens don, transport et délès faiz, pour la bonne amour qu'il disoit avoir audit Jehan des Monts et sesdiz frères et soeur, et pour recompenser icelui Jehan de plusieurs plaisirs, services et courtoisies qui luy a faict en sa personne et mesnaige, oultre les deniers qu'il peut avoir gagnez, méritez et desserviz au service dudit donneur, et pour ce que, telz sont les plaisirs et vouloir d'icelui donneur.
Lequel s'est dudit héritaige, soubz les réservacions, moyens et condicions dessus diz, déssaissi...

Jehan du Lys et Macée de Vézines, son épouse, n'ayant pas eu d'enfants, avaient sans doute reporté leur affection sur ce jeune homme, vivant à leur foyer, et désiraient lui laisser, en donation entre vifs, un petit héritage.
Jehan du Lys devait alors avoir plus de 60 ans, et de jeune homme de 20 ans quittera leur maison à Noël prochain, nanti d'un viatique, les 18 livres tournois, et d'un arpent de vigne qui lui reviendra après le décès de Jehan du Lys.
Jehan du Lys décédera 5 ans plus tard, en 1501.

(Minutes de Girard, notaire. Etude de Me. Dubec, à Orléans).

Acte n°17

Bail de l'Ile-aux-Boeufs, par Antoine de BRUNET, à Ymbert CHEVALIER et à son fils Colas.
Jehan du Lys meurt entre le 8 mai et le 30 octobre de l'an 1501. Son épouse était sans doute décédée avant lui. N'ayant pas eu d'enfants, c'est Marguerite du Lys, leur nièce, fille de Jehan d'Arc/du Lys qui recueille leur succession, avec en particulier cette île située sur la Loire, à peu près au droit de Combleux. Cette île appartenait à la famille d'Orléans, qui en avait transféré jadis l'usufruit à Pierre d'Arc/du Lys.
Marguerite avait épousé Antoine de BRUNET, seigneur du Mont, à Saint-Denis-en-Val, qui fait de suite établir un bail à de nouveaux métayers.
Pierre du Lys avait tiré quelques revenus de cette île, provenant surtout du forestage et de quelques cultures.
Jehan, son fils, en avait longtemps loué une grande partie à trois frères, bouchers d'Orléans, pour y faire paître les bêtes destinées à l'abattage.
Antoine de Brunet imposera des conditions bien précises à ces nouveaux exploitants :

Le mardy XXe jour d'octobre, (1501) au lieu de l'Isle-aux-Boeufs, entre deux rivières, parroisse de Combleux... Anthoine de Brunet, escuier, sieur du Mont et de l'Isle-aux-Boeufs, parroisse de Combleux, congnut et confessa avoir baillé et baille à moictié, à Ymbert Chevalier et Colas Chevalier, son filz, laboureurs, à présent demourant audict lieu de l'Isle, (à Saint-Denis-en-Val) à ce présens et acceptans, qui assemblement (ensemble) et chascun d'eulx seul et pour le tout sans division, ont prins de luy dujourd'hui jusques à ung an ensuivant ledit lieu, mestaierie, terres et appartenances de l'Isle-aux-Boeufz, ainsi qu'il se comporte et poursuit en pasturaiges, bois, buissons et aultres appartenances et deppendances dudict lieu, situé et assiz entre deux rivières en ladicte parroisse de Combleux...

Il est fort peu probable qu'une maison, du moins en dur, ait existé sur ce site, très sablonneux et périodiquement recouvert en partie par les crues de la Loire. On poursuit en énonçant certaines restrictions :

... sauf et réservé le pré de ladicte mestaierie qui demeurra audict bailleur seul, et aussi les bois d'icelle mestaierie, esquelz lesdicts preneurs ne prandront et auront sinon du bois mort pour leur chauffaige seulement.

Il est dit expressément d'où provient la possession de cette île :

lequel lieu et mestaierie ledit bailleur dit à luy appartenir et estre, puis naguière escheu et advenir à damoiselle Marguerite du Lys, sa femme, cousine et héritière de feu Jehan du Lys, derrenier possesseur d'icelluy.

Les du Lys y entretiennent un élevage de chevaux, que l'on partage à moitié avec les Chevalier; on leur fait confiance, car ils ont jadis travaillé pour Jehan du Lys :

Et pour norrir et entretenir en icelluy lieu et appartenances pendant ledit temps, ledict bailleur a baillé à moictié audict preneur deux jumens, l'une de poil bayart et l'autre de poil noir, aians les deux piez blancs, avec trois poulins, l'un âgé de deux ans, de poil bayard, et les deux aultres de ceste année.
Lesquelles bestes qui ont été prisées (évaluées en prix) et estimées entre eulx à la somme de dix-huit livres tournois, lesdicts preneurs seront tenuz tenir, nourrir, garder et gouverner avec le croist qui en ystra, (leur descendance) audict lieu de l'Isle-aux-Boeufs et ses appartenances, bien et deceament, pendant ledit temps, (nb : un contrat renouvelable d'un an) selon le coustume du païs, et tout ainsi que ledict Ymbert Chevalier a cy devant tenus aultres bestes dudit Jehan du Liz.

On fera du "50/50" :

Et en la fin dudit temps partiront (partageront) le tout par moictié après que ledit bailleur aura premièrement prins lesdictes dix-huit livres tournois pour son chetel (cheptel) desdictes deux jumens et trois poulins.

Antoine de Brunet veut donc récupérer sa mise de départ, ayant servi à commencer l'élevage. Mais on précise des clauses restrictives :

Et ne pourront lesdicts preneurs, pendant ledict temps, tenir ni nourrir aucunes bestes audict lieu et appartenances sans le congé, voulloir et consentement dudit bailleur.
Et si seront à garder les bois dudit lieu à leur pouvoir, sans aulcune chose en enlever sinon pour leur chauffaige seullement, comme dict est.

Antoine de Brunet se réserve donc le forestage à son profit. Les Chevalier devront mettre en culture les quelques terres labourables, et aussi s'occuper des arbres fruitiers du lieu. Là aussi on partagera par moitié :

Et au regard des terres labourables, s'aucunes en y a audit lieu de l'Isle, lesdicts preneurs les seront tenuz labourer de toutes façons et ensemencer à leurs despens, en les fournissant par ledict bailleur et la moictié des semences et aussi de la moictié des jumens et boeufz qu'il conviendra avoir pour faire ledit labouraige.
Et touchant des fruictz comme pommes, poires, noiz et aultres fruitaiges, lesditz bailleur et preneur les prandront par moictié et les cuelleront (cueilleront) à commun despens...

Puis, les témoins :

Présens à ce Pierre Mignon, sergent royal au bailliage d'Orliens, et Pierre Bury, archer de l'élection d'Orliens, soubz le cappitaine Bongars, pour tesmoings.

Tout est clair, net et bien pesé ! Antoine de Brunet tient bien en main son nouveau domaine. Le sergent Mignon est-il en famille avec les trois frères Mignon, bouchers d'Orléans, qui avaient eu l'Ile-aux-Boeufs en bail ? (voir acte n°10)

(Minutes de Rousseau, notaire. Etude de Me. Linget, à Orléans).

Acte n°18

Vente faite par les ayant-cause de Jehan du LYS, des biens provenant de sa succession, à Antoine de BRUNET, seigneur du Mont.
Les ayant-cause, venus de Lorraine, sont mandatés par Pierresson TALLEVART, cousin de Jehan du LYS.
Son cousin Jehan du Lys n'ayant pas eu d'enfants, Marguerite du Lys est héritière de ses biens, en particulier de la métairie de Bagneaux à Sandillon. L'époux de Marguerite, Antoine de Brunet, déjà seigneur du Mont, lieu situé à Saint-Denis-en-Val, était intéressé par cet héritage, situé à Sandillon, le village voisin.
C'est alors qu'entre en scène un autre ayant-droit à la succession de Jehan du Lys. Il s'agit d'un nommé Pierresson TALLEVART, habitant en Lorraine. Pierresson, qui est dit "cousin" de Jehan du Lys, donne procuration à son fils, Colas, et à son neveu Pierre, qui vont faire le voyage jusqu'à Orléans pour régler cette succession.
De quelle manière étaient-ils en cousinage ? Rien de précis n'a été trouvé à cet égard, mais l'étude généalogique de cette famille permet d'échafauder une hypothèse vraisemblable.
Peut-être s'agit-il d'un cousinage provenant du côté d'Isabelle de Vouthon, dite "Romée", mère de Jehan d'Arc/du Lys. L'un de ses frères, Jehan, avait épousé vers 1405 Marguerite Colnel. Quatre enfants sont issus de cette union : Poiresson, Perrinet, Henri et Mengette.
Pour étayer cette théorie, on peut rappeler que Mengette, témoignant au Procès de Réhabilitation de La Pucelle, est bien dite amie d'enfance de Jehanne, mais aussi sa cousine. Le frère aîné de Mengette, "Poiresson", serait-il donc le "Pierresson" en question, qui donna procuration à son fils Colas et à son neveu ?
Le second frère de Mengette, Perrinet, qui habitait Faveresse, avait un fils : Henri "dit Perrinet", qui serait peut-être le "Pierre", le neveu mandaté par Pierresson ?
Reste le problème du patronyme : TALLEVART (ou TALLEVAZ). Ceci pourrait être résolu d'une manière simple. A cette époque, les patronymes n'étaient pas encore définitivement fixés. De la même manière que les "d'ARC", originaires d'Arc-en-Barrois, on appelait ainsi les "de VOUTHON", car originaires du village de ce nom. Mais leur véritable patronyme était peut-être TALLEVART ou TALLEVAZ, qu'ils auraient repris, parce qu'ils n'habitaient plus dans le village de Vouthon ?
De cette manière, ce Poiresson (Pierresson) aurait bien été le cousin de Jehan du Lys ou, plus exactement, son petit-cousin. Poiresson (Pierresson) serait donc cousin "germain" des enfants d'Isabelle "Romée", donc de Pierre d'Arc/du Lys et donc, comme dit, petit-cousin de Jehan du Lys, fils de Pierre, dont il est l'un des ayants-droits.
Venons-en à l'acte passé à Saint-Denis-en-Val, au lieu-dit "le Mont", pardevant le notaire Rousseau, en août 1502. On énonce les protagonistes et leurs qualités :

A tous ceulx qui ces présentes verront, Loys Roillart, licencié en loix, garde de la prévosté d'Orliens, salut.
Scavoir faisons que par devant Estienne Rousseau, clerc, nottaire juré du Roy, nostre sire, au Chastellet d'Orliens, furent présents en leurs personnes Colas Tallevart, laboureur, et Pierre Tallevaz, (sic) drappier, demourant à Marcay-sous-Brixey, (Maxey-sous-Brixey) en Berrois, (Barrois) ou bailliage de Chaulmont, du nom et comme procureurs de Pierresson Tallevart, demourant audit lieu de Marcey, père dudit Colas, et oncle dudit Pierre, souffisamment fondez quant à faire et passer la vente et choses qui ensuivent comme par lectres de procuration insérées en la fin de ces présentes peut apparoir.

Les "héritiers lorrains" cèdent leurs droits sur la succession de Jehan du Lys à Antoine de Brunet :

Lesquelz congnurent et confessèrent esditz nom, mesmement ledit Colas avec et comme soy faisant et portant fort en ceste partie de son dit père, auquel il a promit et promect faire avoir agréable la vente et choses qui ensuivent, toutes foiz que requis en sera, avoir vandu, ceddé, quicté, transporté et délaissé, et par ces présentes vendent, ceddent, quictent, transportent et délaissent du tout en tout dès maintenant à tousioursmais à Anthoine de Brunet, escuier, seigneur de Mons, (sic, pour du Mont) parroisse de Sainct-Denys-en-Vaulx, à ce présent et acceptant, qui a acquis pour luy, ses hoirs et aians cause, tous et chascuns les héritaiges, cens, rentes, revenues, possessions ès biens meubles quelzconques qui audit Pierresson Tavellart (sic) pèvent compecter et appartenir et qui luy sont escheuz et advenuz par le trespas et succession de feu Jehan du Lys, son cousin, en son vivant seigneur de Bagnaulx, parroisse de Sandillon; duquel ledit Pierresson Tallevart a esté héritier avec ledit de Brunet, à cause de feue damoiselle Marguerite du Lys, sa femme;

La part de l'héritage en question concerne surtout, comme il est dit ci-après, la métairie de Sandillon :

assiz et situez lesditz héritaiges, possessions et biens meubles audit lieu de Baignaulx et ailleurs ès environs de la ville d'Orliens, en quelque lieu ou lieux qu'ilz soient et pourront estre ditz, sceus (sus) ou trouvez, sans aucun choze en excepter, ne retenir en aulcune manière, aux charges que lesditz héritaiges et biens immeubles pèvent devoir, que ledict achecteur sera tenu paier doresnavant envers les seigneurs ou dames dont ilz sont tenuz, et de ce en acquicter et rendre indempnes ledit Pierresson Tallevart et les siens à tousioursmais;

Antoine de Brunet devra rendre quittes "les cousins lorrains" de toutes charges et taxes. Se révèle alors le montant de la transaction :

Ceste vente faicte pour la somme de douze escuz d'or à la couronne, vallans vingt-huitz solz parisis pièce, paiez et baillez par ledict achacteur ausditz vendeurs, si comme ilz disoient, et dont iceulx vendeurs se sont tenuz et tiennent pour contans par devant ledit nottaire juré; et en ont quicté et promis acquiter ledit achacteur, ses hoirs et aians cause de tous aultres à qui quictance en peut et doit appartenir.

Puis, les formules constatant le désistement des Tallevart contre cette somme :

... lesditz vendeurs, esditz noms, se sont dessaisiz et dévestuz paisiblement... par leur foy, non jamès venir ne faire venir par eulx ne par aultres encontre ladicte vente...
Et renoncèrent en ceste faict et par leur dictes foy à toutes grâces et privilèges quelzconques, excepcions, décepsions, aides, raisons et deffenses de faict et de droit.
En tesmoins de ce, nous, à la relacion dudit nottaire juré, avons faict seeler (sceller) ces présentes lectres du seel au contraictz (contrats) de ladicte prévosté d'Orliens.
Ce fust faict en présence de maistres Estienne Gayete et Jacques Housse, d'Orliens, pour tesmoings, audit lieu de Mons, (du Mont) parroisse de Sainct-Denys-en-Vaulx, le cinquiesme jour de septembre, l'an mil cinq cens et deux.

A la suite de l'acte, figure la teneur des lettres de procuration, fournies par Colas et Pierre Tallevart, de leur père et oncle, établies et scellées devant la prévôté de Vaucouleurs.
Voilà donc Antoine de Brunet, par son épouse Marguerite du Lys, tenant du fief et seigneurie de Bagnaulx, à Sandillon.
Avec quelques péripéties, ce lieu reviendra plus tard, en 1525, à Jehan de Brunet, leur fils.
Quant aux cousins Tallevart, ils repartirent chez eux, dûment nantis. Les 16 livres 16 sols parisis en leur possession représentaient, par comparaison, l'équivalent de 7 à 8 vaches, ou encore la solde d'un archer anglais, stationné au siège, pour une période d'environ quatre mois et demi.

(Minutes de Rousseau, notaire.)

Acte n°19

Problème entre Antoine de BRUNET et son fils Jehan au sujet de la succession de Marguerite du LYS, épouse d'Antoine et mère de Jehan.
Litige portant sur la métairie de Bagnault (Baignaulx), à Sandillon, et celle de Lussault, à Viglain (Loiret).
Marguerite du Lys était la fille de Jehan d'Arc/du Lys, frère de la Pucelle. C'est elle qui fut l'héritière de Jehan du Lys, fils de Pierre, qui était un autre frère de La Pucelle. Vers 1468, Marguerite épouse Antoine de Brunet, seigneur du Mont, lieu situé sur la paroisse de Saint-Denis-en-Val. Elle décède avant août 1525, et Antoine épousera en secondes noces une nommée Marguerite Potin, dont il eut des enfants
Antoine et Marguerite avaient eu 4 enfants : Jehan, Antoine (décédé avant 1519), Anne et Jehanne (décédée avant 1519). L'aîné, Jehan de Brunet, avait épousé en 1519 (contrat du 17/11) Catherine de Thiville, fille de Guillaume, seigneur de la Roche-Vert, et de Marie de la Forêt. C'est ce Jehan de Brunet, petit-cousin de Jehanne La Pucelle, que nous allons retrouver dans un acte du 25 août 1525.
Le père et le fils n'étaient pas d'accord. Jehan accuse son père de lui avoir laissé une terre de peu de valeur, la seigneurie de Lussault, sur la paroisse de Viglain, non loin de Sandillon, et demande à récupérer celle de Bagnault, qui avait été un fief de Pierre, puis de Jehan du Lys, et qui était passé, par héritage, à sa mère Marguerite.
Antoine de Brunet déclare que Lussault était un beau lieu seigneurial, mais il devra le céder à son fils. Nous verrons qu'il est aussi question de sommes d'argent.
Au début de l'acte, nous apprenons que Jehan de Brunet était allé jusqu'à Paris réclamer l'arbitrage du roi.

Ledict jour 25 aoust (1525) ... comme procès soit meu (mu) et assis pardevant nosseigneurs les gens tenant les requestes du roi nostre sire, en son pallais à Paris, entre noble homme Jehan de Brunet, demandeur et requérant l'entérynement de lectres royaulx de récision de contract, à l'encontre de noble homme Anthoine de Brunet, son père, seigneur du Mont, parroisse de Sainct-Denys-en-Vaulx-lès-Orliens, deffendeur,

Puis, on expose les faits :

pour raison de ce que ledict Jehan du Brunet disoit que le dix-septiesme jour de novembre l'an mil cinq cens et dix neuf, en traictant et passant le mariaige de luy et de damoiselle Katherine de Thiville, sa femme, il auroit baillé, ceddé, transporté et délaissé à toujoursmay audict Anthoine de Brunet, son père, tous et chascun les héritaiges et biens que luy compectoient et appartenoyent et pouvoient compecter et appartenir, tant par le trespas et succession de feu damoiselle Marguerite du Lix, jadis première femme d'Anthoine de Brunet, sa mère, que par les trespas de feu Anthoine et Jehanne du Brunetz, (sic) ses frère et soeur, tant de patrimoigne que des conquestz (acquisitions) faictz par ledict Anthoine du Brunet, depuis le trespas d'icelle defuncte Marguerite du Lis, et aussi ceulx qui luy pourroyent escheoir et advenir par la succession et trespas dudict Anthoine du Brunet, son père; ensemble (et aussi) auroit reçeu ledict Anthoine du Brunet de son mariaige la somme de quatre cens livres tournois qui luy avoyent esté promises paier par Loys de Thiville, escuier, en traictant ledit mariaige.

Loys de Thiville était l'oncle de Catherine de Thiville, épouse de Jehan de Brunet (on retrouvera Loys à l'acticle n°20).
On expose l'objet du désaccord, et la requête auprès du roi :

Et que pour toutes les choses dessusdictes luy auroit seullement, ledict Anthoine du Brunet, son père, laissé le lieu et seigneurie de Lussault, assis et sictué en la parroisse de Viglain en Sauloigne, qui estoit de peu de valeur.
A moyen de quoy, voyant par luy estre deceu (déçu) et circonvenu, auroit soubz son donné à entendre, obtenu lectres royaulx de récision de contraict, tendant affin par icelles Anthoine du Brunet estre condampné à luy rendre et restituer lesditz biens et héritaiges ainsi par ledict Jehan du Brunet délaissez avec ladicte somme de quatre cens livres tournois et ledict Anthoine du Brunet reprandre ledict lieu de Lussault. Lesquelles il auroit présentées et d'icelles requis l'entérynement et exécution;

Le père se défend, disant que son fils a mal géré et entretenu le lieu de Lussault. De plus, il a payé ou remboursé des dettes que celui-ci avait contractées; on apprend que Lussault abritait un moulin :

ce que ledict Anthoine du Brunet auroit contredict et empesché, disant que ledict Jehan du Brunet ne avoit esté circonvenu ne desceu, et que lorsqu'il bailla ledict lieu de Lussault audict Jehan du Brunet, son filz, s'estoit un beau lieu seigneurial, auquel y avoit plusieurs beaux héritaiges, bastimens, moulin, terres labourables, non labourables, prez, pastilz, (pâturages) bois, buissons, aisances et appartenances, avec plusieurs biens immeubles estans audict lieu, et les terres d'icelui toutes emblavées, (ensemencées de céréales) la grange dudict lieu pleine de grande quantité de blez, foings et pailles que auroit prins ledict Jehan du Brunet, à son prouffit, et que de présent requérir l'entérynement desditz lectres royaulx et vouloir avoir ces ditz héritaiges, et ledict Anthoine du Brunet estre contrainct reprandre ledit lieu de Lussault, il n'y auroit propos ne apparance, parce que depuis ledict traitié de mariaige, ledict Jehan, par sa faulte et coulpe, auroit laissé brusler et descheoir tous les bastimens et édiffices dudit lieu, couppé grande quantité des boys dudit lieu, laissé manger et déguster le revenu d'iceulx et cheoir en ruyne et décadence tout ledict lieu et moulin, prins les biens meubles estant lors audict lieu, avec grant quantité de bestial que y avoit ledict Anthoine du Brunet, et tellement que à présent ledict lieu ne vault pas comparaison la moictié de ce qu'il valloit lorsque ledict Atnhoine du Brunet le luy délaissa;

Six années après le mariage de son fils, Antoine fait un bien sombre tableau de la gestion de Lussault par Jehan. De plus, il aurait acquitté certaines dettes de son fils :

davantage (pour : et de surcroît) auroit paié ledict Anthoine du Brunet, pour ledict Jehan du Brunet et en son acquit, à plusieurs personnes la somme de quatre-vingt-quatre livres tournois, dont estoit obligé, desquelles personnes icelluy Anthoine du Brunet auroit retiré les lectres obligatoires;

Antoine précise aussi qu'il avait des frais pour le mariage de Jehan, et que donc tout cela était inutile, et que l'escalade dans les procès risque de leur coûter fort cher :

aussy auroit employé et frayé grans deniers en traictant et faisant le mariaige d'icelluy Jehan du Brunet; et que partant de la part dudict Jehan du Brunet n'y avoit propos, estoyent lesdictes lectres inutilles et de devoyent sortir effect, pour les raisons susdictes et aultres que ledict Anthoine du Brunet avoit intention desduire; et aultres plusieurs causes et raisons disoyent lesdictes parties d'une part et d'autre; sur quoy elles estoyent en voye de cheoir en grans involucions de procès et en iceulx frayer grans despens, si comme elles disoient;

On ne va pas contre une décision du roi; de toutes façons le père et le fils ne veulent plus se déchirer entre eux, et désirent régler le problème une fois pour toutes afin de rétablir l'entente :

Scavoir faisons que iceulx Anthoine et Jehan du Brunetz, establiz et présents le jourd'huy en personnes, pardevant moy, notaire, recongnurent et confessèrent qu'ilz avoient et ont de et sur ledict procès différand circonstances et deppandances affin de nourrir paix et amour entre elles, qui y doict estre entandu que s'est le père au filz, traicté, transigé, cheny, composé et appoincté, ensemble à la manière qui ensuit;

Et l'on expose les termes de l'accord décidé entre eux :

c'est assavoir que pour tous et chascun les biens, héritaiges, rentes, revenus et possessions quelzconques qui à icelluy Jehan du Brunet compectent, appartiennent, sont escheuz de ladicte feue Marguerite du Lis, sa mère, semblablement des successions desditz feu Anthoine et Jehanne du Brunetz, ses frère et soeur; aussy pour tous aultres héritaiges et biens que luy pourroient compecter et appartenir les acquisitions faictes par ledict Anthoine du Brunet, tant auparavant le trespas d'icelle deffuncte que depuis, qui demourent audict Anthoine du Brunet;

Jehan annonce qu'il renoncera à l'héritage qui pourrait lui venir de son père, afin de ne pas pénaliser les enfants que celui-ci a eu de son remariage avec Marguerite Potin :

et les luy a ledict Jehan du Brunet, son filz, ceddez et délaissez, et pareillement de ceulx qui audict Jehan du Brunet pourroient escheoir et advenir de la succession dudict Anthoine du Brunet, son père, après son trespas; à laquelle succession, et ce faisant, ledict Jehan du Brunet, dès à présent comme pour lors, renoncé et renonce du tout par ces présentes, pour et au prouffit de damoyselle Marguerite Potin, à présent femme dudict Anthoine du Brunet, et des enffans des dictz Anthoine du Brunet et de ladicte Marguerite Potin, sans jamais y pouvoir quereller, ne demander aulcune chose.

En compensation, Anthoine cède à son fils la métairie de Baignault, mais aussi une maison située au bourg, et des vignes à Puchesse, le tout situé à Sandillon :

Icelluy Anthoine du Brunet auroit et a ceddé, et par ces présentes cedde, quicte, transporte et délaissé dès maintenant à toujoursmays audict Jehan du Brunet, acceptant pour luy, ses hoirs,... ce qui ensuit :
- scavoir est le lieu es mestaierie appelé Baignault, assis en la parroisse de Sainct-Aignan de Sandillon, ainsi qu'il se comporte et poursuit, en maisons, granges, bergeries, terres labourables, non labourables, arbres fruictiers, buissons, pastiz et aultres ses appartenances et deppendances, que tient à présent à moyson (moisson) Martin du Genest, ensemble le bestial qui est à présent audict lieu, qui demourre audict Jehan du Brunet, que ledict Genest tient à moictié dudict Anthoine du Brunet, avec une maison assise près ledict lieu que tient à loyer Colin Barat, ainsi qu'elle se poursuit en toutes ses appartenances;
- item, une aultre maison et appartenances située au bourg dudit Sandillon, près l'église, baillée à rente par ledit Anthoine du Brunet à Raoulet Lasne, auquel Lasne ledict Jehan du Brunet sera tenu chenir et pacifier si bon luy semble, pour la seigneurie utile d'icelle maison, sans que par raison dudict bail Anthoine du Brunet soit envers luy tenu d'aulcun parentaige;
- item, demy-arpens de vigne, assis au lieu de Puchesse, en ladicte parroisse de Sandillon, tenant d'une part aux hoirs feu Jehan Prévost, jadis notaire, et des aultres pars ausditz héritiers, aux charge des cens et rentes fonciers et anciennes, que les dicz lieux et héritaiges doivent et peuvent devoir, que ledict Jehan du Brunet sera tenu doresnavant paier et acquitter.<br

On apprend ainsi ce que représentait la métairie de Sandillon à cette époque, et les noms de deux tenanciers : Martin du Genest cultive le lieu et y fait de l'élevage, et la maison où avait résidé Isabelle "Romée" est habitée par un certain Colin Barat.
Bien après 1501, la métairie de Bagnaulx, dite "des Chanoines" était toujours dans la famille des d'Arc/du Lys, et de leurs descendants, en l'occurence les de Brunet, avec Jehan de Brunet, petit-neveu de Jehanne la Pucelle.
Leur appartenait aussi une maison au bourg de Sandillon et des vignes à Puchesse. Un certain Raoulet Lasne est locataire de cette maison au bourg.
Donc Antoine, le père, récupère la métairie de Lussault, à Viglain, mais se réserve, en nature ou en argent, les moissons et foins de l'année; de même, on va le voir, il devra verser à son fils, en deux fois, la somme de 100 livres tournois. Ils seront ainsi quittes l'un envers l'autre.

aussy a ledict Jehan du Brunet ceddé, quicte et délaisse audict Anthoine du Brunet, à ce présent et acceptant, pour luy, ses hoirs, etc, le lieu et appartenances de Lussault, ainsi que à présent il se comporte et poursuit, et toutes et chascunes ses aysances et appartenances pour, par ledict Anthoine du Brunet et ses ditz hoirs et ayans cause en joyr doresnavant, comme il faisoit lors et auparavant le delays par luy faict d'icelluy audict Jehan du Brunet, son filz, chargé ledict lieu des charges ainsi que ledict Anthoine du Brunet l'auroit délaissé audit Jehan du Brunet par le traictié de mariaige faisant de luy, dessus mentionné, des arréraiges que d'icelles charges peuvent estre deuz jusqu'à présent, que ledict Anthoine du Brunet sera tenu paier et acquitter et sur ce garantir ledict Jehan du Brunet, sans aultres charges au surplus, frans et quictes de toutes aultres rentes et ypothèques jusques à huy;
lesquelles, si aucune aultres y estoyent trouvez, ledict Jehan de Brunet sera tenu faire et acquitter, garantir et rendre indampte ledict Anthoine du Brunet, ses hoirs, etc..., biens et héritaiges, etc... et jouira ledict Anthoine du Brunet jusques à la Toussainct prouchaine des moysons et foings dudit lieu de Baignault, etc... moyennant ce présent appoinctement lesdictes parties quictent l'un l'autre, etc...
mesmement des quatre cens livres tournois mentionnez audit traicté de mariaige..., moyennant la somme de 100 livres tournois que ledict Anthoine du Brunet promect et se oblige paier et bailler à son dict filz, c'est assavoir la moictié à Noël prouchain et l'autre moictié à la Toussainctz après ensuyvant; se sont, ... etc; promectant et obligent...

Jehan de Brunet récupère donc l'héritage de Marguerite du Lis, sa mère, et devient le nouveau seigneur de Baignault, comme l'ont été ses ascendants, Pierre d'Arc/du Lis et Jehan du Lys.
Suivent les témoins :

Présens, Jehan Yver, marchand, demeurant à Orliens, et Hugues Genest, serviteur dudit Anthoine du Brunet, tesmoings à ce appelez par lesdictes parties.

(Minutes de Michel Duboys, notaire. Etude de Me. Mallet, à Orléans.)

Acte n°20

Entrée en religion de Michel de BRUNET, arrière-petit-fils de Jehan d'ARC, et donc arrière-petit-neveu de La PUCELLE
En 1539, un acte notarié montre que les descendants de Jacques d'Arc et d'Isabelle "Romée" avaient une situation financière correcte.
Cet acte concerne Michel de Brunet. Il est l'arrière-petit-fils de Jehan d'Arc, descendant de celui-ci par sa fille, Marguerite du Lys, qui est donc la grand-mère de Michel. Ses parents sont Jehan de Brunet et Catherine de Thiville.
Après le décès de Jehan, Catherine s'était remariée à l'écuyer Abel de MIROE. Dans cet acte, le jeune Michel demande le transfert de la gestion de son héritage, dont s'occupait jusqu'alors un curateur, sur la personne de l'un de ses oncles, frère de sa mère, nommé Loys de Thiville (voir aussi l'acte n°19).
Cet oncle devra pourvoir aux études et à l'entrée en religion de Michel, jusqu'à concurrence de 400 livres tournois.
Laissons parler l'acte :

Ledict jour (9 juillet 1539) ... noble personne Michel du Brunet, filz de feu noble homme Jehan de Brunet, luy vivant seigneur du Mont, et damoiselle Katherine de Thiville, ses père et mère, congnut et confessa que pour le bon voulloir qu'il a à servir Dieu, son intencion est d'entrer en religion, et parce qu'il n'a deniers pour paier à entrer en ladicte religion et aultres bonnes causes à ce la mouvans, et en la présence de l'auctorité, voulloir et consentement de noble homme Abel de Miroé, escuier, seigneur du Bois, et à ladicte damoyselle Katherine de Thiville, à présent sa femme, mère dudit Michel de Brunet; de François Corbery, praticien, demourant à Sandillon, curateur dudit Michel...

On voit là que, si ses parents devaient résider à Saint-Denis-en-Val, sur le domaine du Mont, le curateur du jeune Michel habitait à Sandillon, village voisin. Une fois posées les identités et filiations, on en arrive au transfert :

... avoir ceddé, quicté, transporté et délaissé, et par ces présentes cedde, quicte, transporte et délesse dès maintenant pour touzjours à noble homme Loys de Thiville, seigneur de la Roche-Vert, huissier de la chambre du Roy nostre sire et lieutenant de monseigneur de Savigny, cappitaine des archers de la garde du corps du Roy nostre sire, oncle dudit Michel du Brunet, à ce présent et acceptant, pour luy, ses hoirs,... tous et chascun les héritaiges, rentes, revenus qui audit donneur sont escheuz et avenuz par le trespas et succession dudit Jehan de Bonnet, (sic: pour Brunet)son père, quelque part qu'ilz soyent assis, situez, sciz ou trouvez, avecque tous les droitz, menées, raisons et actions qui en deppendent, et aux charges foncières et anciennes que lesditz héritaiges doivent et peuvent devoir et aultres qui sont deuz, ensemble du douère que ladicte veufve damoiselle Katherine de Thiville pourroit prétendre sur lesdictz héritaiges.

Viennent les obligations de l'oncle, qui devra faire le nécessaire pour l'entrée de Michel en religion, à l'exception des ordres Mendiants :

Ce présent transport faict ausdictes charges et aultres, à la charge que ledict seigneur de la Roche-Vert a promis et sera tenu faire mectre ledict Michel du Brunet en religion, aultre que de mendiens, faire des fraictz de son entrée en icelle jusqu'à ce qu'il soit reçeu profez, ainsy qu'il appartient, payer et faire les fraictz de la profession qui (qu'il)pourra faire en ladicte religion où il sera mis, et aultres fraiz nécessaires à l'entrée et réception dudict Michel en ladicte religion, jusques à la somme de quatre cens livres tournois, à une foiz payer, si tout lesditz fraiz montent.
Et par ce faisant, ledict Michel du Brunet demeure quicte envers ledict seigneur de la Rochevert, son oncle...

Une dernière clause pour stipuler que si Michel n'est pas religieux, son oncle devra lui laisser son droit à l'héritage de sa mère, et les 400 livres. Dans ce cas, Michel rembourserait son oncle des sommes dépensées pour ses études et son entretien :

Et a esté dict et accordé par lesdictes parties que s'il avyent (advient) que ledict Michel du Brunet ne soit profez en religion, ainsi que dict est, et prenne estat d'homme lay, en ce cas ledict seigneur de la Rochevert sera tenu et a promis luy délaisser lesditz héritaiges, rentes et choses ainsi à luy données, comme dict est, en le remboursant des fraiz et choses qu'il auroit payées et fournyes pour l'entrée, fraiz de ladicte religion, et aultres fraiz faictz pour ledit du Brunet, ensemble de la dicte nourriture et entretenement qui luy a cy devant faicte, au préjudice à ladicte demoyselle Katherine de Thiville de ses droitz pour son douère sur aultres héritaiges que ceulx que ledict deffunct Jehan du Brunet (père) a délaissez par son trépas....

Puis les témoins :

Présens honorable homme saige, maistre Alain Mersant, licencié en loix, advocat à Orliens, et Nicolles de Paisent, demourant à Orliens, tesmoings.

(Minutes de Patisson, notaire. Etude de Me. Paillat, à Orléans.)

^ Sommaire

Orléans au jour le jour

1428

- Jeudi 21 octobre 1428 :
Depuis le 12, les troupes anglo-normandes sont sur Orléans et ses environs. Jehan, le Bastard d'Orléans", qui sera plus tard comte de DUNOIS, qui avait fait fondre un gros canon par un nommé Jehan DUISY, avec des matériaux que lui avaient fournis avec empressement les Orléanais, le fait placer entre la porte Renart et la Loire, dans un endroit qu'on éleva sur les murailles; il fut si bien servi que les assiégeants en éprouvèrent un grand dommage, et furent même obligés de retirer leur poste des "Grands Carmes" pour se réfugier dans la forteresse de Saint-Laurent, laquelle fut même endommagée par cette arme meurtrière.
Ce canon portait le nom de "chien". Ce qui fit dire aux assiégeants, lorsqu'ils voyaient une pièce d'artillerie qui portait loin : c'est comme le chien d'Orléans, il aboie de loin, pour dire qu'elle porte loin, qu'elle s'entend de fort loin. Ce dicton est passé en proverbe.
Le même jour, Raoul de GAUCOURT, gouverneur d'Orléans, fait établir, dans une maison de la rue des Hôtelleries (aujourd'hui rue Sainte-Catherine), une fabrique de poudre à canons et à bombardes.
- Vendredi 22 octobre 1428 :
Jehan COURROYER, surnommé maistre Jehan, natif de Lorraine, est en garnison à Orléans. Spécialiste de la couleuvrine, arme nouvelle, il abattait toujours deux ou trois anglais à la fois. Il fut aussi à Jargeau, avec Jehanne, et aussi avec elle à Compiègne. Plus tard il revint à Orléans après l'arrestation de la Pucelle. On le retrouvera plus loin.
- Samedi 23 octobre 1428 :
Le brave capitaine français Pierre de La CHAPELLE fut grièvement blessé à la défense des Tourelles, au bout du pont, que les Anglais finissent par investir. Il meurt ce jour-là. On lui fit un service religieux avec pompes en l'église Sainte-Croix.
- Mardi 2 novembre 1428 :
Raoul de GAUCOURT crée un nouvel arsenal et un magasin de poudre dans une maison entre le Châtelet et Saint-Hilaire, près de la chambre louée en mai 1420 par les Procureurs de la ville qui y avaient déposé les attirails de guerre depuis ce temps. Le gouverneur nomma un officier pour faire la distribution des armes et de la poudre qui étaient renfermées dans ce nouvel arsenal.
- Dimanche 28 novembre 1428 :
Jehan de DUNOIS, capitaine français, est un noble de haut lignage et compagnon de Jehanne (certaines thèses disent même qu'elle était sa demi-soeur). Surnommé le Bastard d'Orléans, il est le fils du duc Louis d'Orléans, et donc à la fois le demi-frère de Charles d'Orléans (prisonnier durant 25 ans en Angleterre de 1415 à 1440) et du roi Charles VII. Sa mère était Valentine VISCONTI et l'eut par adultère avec le duc. Certaines thèses accréditent le fait que Jehanne soit aussi le fruit d'un adultère du duc Louis avec la reine Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI. Ce qui ferait de Jehanne une demi-soeur, à la fois, de Charles VII, du duc Charles d'Orléans et du comte de DUNOIS.
Ce jour-là, à Orléans, dans le faubourg Bourgogne, Dunois fait pendre à un arbre deux soldats français accusés de trahison lors de la prise des Tourelles par les anglo-normands. Leurs corps furent rendus à leurs parents qui étaient dans Orléans, lesquels les firent enterrer sur les lieux de l'exécution, et y firent alors élever une croix de bois qui, souvent renouvelée, se voyait encore en 1836, en avant de la porte Bourgogne, sur la gauche, en allant sur Saint-Marc.
- Mardi 7 décembre 1428 :
Un habitant d'Orléans se nommait MONTMONICAU. C'est dans sa maison (où se situait-elle ?) que logèrent les Orléanais qui étaient chargés de défendre le boulevard de la Belle-Croix et celui du pont.
- Vendredi 10 décembre 1428 :
Le gouverneur Raoul de GAUCOURT, prévenu que les assiégeants voulaient faire une tentative sur la ville, du côté du faubourg Bourgogne, y fit passer des secours et y accourut lui-même.Mais il de déboîta le bras gauche, son cheval s'étant abattu devant Saint-Pierre-Empont. Il fut porté aux étuves qui en étaient peu éloignées. Les étuves étaient des lieux hermétiquement fermés que l'on échauffait beaucoup, et dans lesquels on plaçait les malades pour les faire transpirer, dans l'espérance de les guérir par cette sudation. Il y avait plusieurs étuves à Orléans, savoir : deux pour les hommes et une pour les femmes. Celles des hommes étaient placées à la porte Parisis, et près de Saint-Donatien et Saint-Rogatien, rue du Petit-Puits. Celles des femmes étaient au vieux Marché de l'ancien bourg d'Avenum, marché aux veaux plus tard, près de l'Aumône Saint-Paul.
- Samedi 25 décembre 1428 :
Après une trêve entre assiégeants et assiégés - de 9 heures à 15 heures - à cause de Noël, les français se portent devant les Tourelles, par le pont, pour détruire les redoutes en terre que les anglo-normands y avaient construites pour franchir le dit pont.
Le "maistre Jehan" se fit remarquer avec sa couleuvrine lors de cette action. Il feignait de tomber mort, puis de se faire porter en ville, à la grande joie des assiégeants. Puis il revenait, quelques moments plus tard, se faire voir aux ennemis, et se moquait d'eux en leur lâchant la charge de sa couleuvrine. La couleuvrine dont ce brave homme se servait était moins longue et moins pesante que celles des remparts; mais elle l'était encore assez pour être portée sur un petit chariot tiré par des servants. Il la chargeait de plusieurs balles de plomb, de fer, ou avec des cailloux.

1429 - 1er semestre

- Vendredi 7 janvier 1429 :
Combat à l'avantage des anglo-normands, entre la porte Renart et une petite rivière, nommée Flambert, qui se jetait dans la Loire au niveau de l'actuelle rue de Recouvrance. Le "maistre Jehan" y officiait.
- Mercredi 12 janvier 1429 :
La batterie de canons placée à la Belle-Croix, sur le pont, dirigée par le "maistre Jehan" le couleuvrinier, fait sauter la couverture et le comble des Tourelles, après avoir tué plusieurs Godons (anglais) parmi ceux qui l'occupaient.
- Mardi 25 janvier 1429 :
Plusieurs barques de vivres étaient sur le point d'entrer à Orléans, lorsque les habitants de la Sologne en avertissent "Glacidas" (le seigneur et capitaine anglais GLASDALE ou GLANSDALE, surnommé ainsi par Jehanne), qui envoya des troupes au port de Saint-Loup, qui était alors de ce côté du fleuve (rive gauche), pour s'opposer à leur passage et leur entrée dans la ville.
Les Orléanais s'étant portés en avant, se firent transporter sur une île qui en était voisine; mais malheureusement ils donnèrent dans une embuscade, et ils furent contraints de battre en retraite. Plusieurs braves y périrent. Le "maistre Jehan" faillit se noyer, et perdit même sa couleuvrine et son petit chariot. Les Anglais partagèrent les vivres qu'ils venaient de prendre avec les traîtres de Sandillon, qui les avaient avertis de leur passage.
- Samedi 29 janvier 1429 :
Jour de deuil dans le camp anglo-normand. Ce jour-là, l'important seigneur et capitaine Lancelot de LISLE est tué par un boulet.
- Lundi 31 janvier 1429 :
Les assiégeants se répandent dans les environs de Saint-Jean-de-la-Ruelle (à l'ouest d'Orléans) pour enlever tous les échalas des vignes, afin de les utiliser pour faire du feu. Il en résultat un rude combat dans lequel fut tué le brave Orléanais Miron de BEAUZENER, que certains disent originaires de Beaugency, à quelques lieues en aval d'Orléans sur la Loire.
- Lundi 21 février 1429 :
Voir : Une combine utilisée au siège d'Orléans en 1429
- Jeudi 3 mars 1429 :
Les Orléanais font une sortie, pour empêcher les nouveaux travaux que les assiégeants réalisaient pour leurs tranchées qui communiquaient d'une bastille à l'autre du côté de Saint-Laurent. Le "maistre Jehan" tua plusieurs ennemis, entre autres Lord GRAY, neveu de feu le comte de Salisbury. Mais malgré quelques avantages, les français furent repoussés jusque sous le canon des boulevards de la porte Bernier (Bannier). S'étant jetés dans le fossé, plusieurs français furent tués par les Orléanais qui ne les reconnaissaient pas.
- Jeudi 17 mars 1429 :
Mort d'Alain DUBAY, prévôt d'Orléans, chéri par ses vertus et l'intégrité de ses jugements. On pensa que les malheurs de sa patrie avaient avancés ses jours. Ce citoyen estimable fut regretté de tous les Orléanais, qui lui firent un service public aux frais de la ville. (Il s'agit probablement du "A. Du BEC" (ou "du BEY") qui figure sur l'état nominatif ci-avant, des gens qui se sont fait remarquer au siège.)
- Vendredi 25 mars 1429 :
Après la mort d'Alain DUBAY (voir ci-dessus), il fallut le remplacer, et c'est Jehan LEPRÊTRE (ou LEPRESTRE) qui fut nommé prévôt. Huit jours après, le nouveau prévôt organise une grande distribution de vin et de blé, faite à la garnison d'Orléans, en présence de Jehan "Le CAILY" (CAILLY), notaire au Châtelet d'Orléans, du consentement des bourgeois, manants et habitants de la cité. A savoir :

Troupes Vin Blé pour
Aux Ecossais étant en cette ville 3 tonneaux 1/2 3 muids 1/2 560 hommes
A monseigneur de GRAVILLE (1) 1 tonneau 1/2 1 muid 1/2 240 hommes
A MADRE (2) 1 traversin 1/2 muid 160 hommes
A Denis de CHAILLY 1 tonneau 1/2 1 muid 1/2 180 hommes
A Thibault de TERMES 1 traversin 5 mines 80 hommes
A monseigneur de GUTRY 1 traversin 8 mines 80 hommes
A monseigneur de COARAZE 1 traversin 5 mines 80 hommes
A messire THIAUDE (3) 1 tonneau 1/2 1 muid 1/2 260 hommes
A messire CERNAY 1 traversin 6 mines 240 hommes
A Poton de SAINTRAILLES 1 tonneau 10 mines 160 hommes
Aux soldats de SAINTE-SEVERE (4) 2 tonneaux 2 muids 320 hommes
A monseigneur de VILLARS 1 tonneau 1/2 1 muid 1/2 240 hommes

Pour un total de : 2.600 hommes.
(1) Guy de GRAVILLE.
(2) Guillaume MADRE.
(3) Théolde de VALPERGUE.
(4) Le Maréchal de SAINTE-SEVERE.
(vin = environ 7.020 litres, soit 2,7 litres en moyenne par homme; blé = environ 4.450 kilos, soit 1,71 kilo en moyenne par homme)
Ce tableau donne une bonne appréciation du nombre des défenseurs d'Orléans à cette date. A cela, il faut rajouter la milice locale, difficile à évaluer.
Il faut préciser que les soldats n'étaient pas nourris par l'entremise de leurs chefs, et qu'ils devaient eux-mêmes assurer sur place leur subsistance. Et la vie était chère à Orléans. Elle l'était sans doute encore plus pour les assiégeants. On a l'exemple des archers anglais, dont la solde correspondait à la moitié de celle d'un homme d'armes. Leur solde ne suffisant pas, ils avaient demandé une augmentation, passant de 5 à 6 livres tournois, qui leur fut accordée à compter de février 1429.
- Samedi 2 avril 1429 :
Plusieurs canons sont montés sur des affûts roulants et conduits à différentes places des remparts (jusqu'alors, les canons n'étaient point montés sur des affûts roulants, mais placés sur des chevalets immobiles). Il fut payé 3 livres 6 sous à Jehan CHAUMART pour 17 journées des charpentiers qui ont "mis à point" les affûts roulants et les ont mis en place.
- Dimanche 17 avril 1429 :
Baudet MIXY, seigneur de la cour du duc de Bourgogne, accompagné d'un trompette, arrive à Orléans pour rappeler les troupes bourguignonnes au service des Anglais. Ce qui fit que les troupes anglo-normandes furent très affaiblies par le départ des Picards, des Champenois et des Bourguignons. Cet envoyé et son trompette furent très bien accueillis à Orléans, et l'on donna à Baudet MIXY 4 écus d'or, valant 8 livres 16 sous, et au trompette 20 "salus ou sous d'or" valant 58 livres. De plus, ils furent régalés chez Thévenon VILLEDART, qui reçut pour la despence et la bonne chair faite en son hôtel, la somme de 22 livres parisis. (un "Estienne" VILLEDART est cité dans les défenseurs de la cité s'étant distingués lors du siège).
- Vendredi 29 avril 1429 :
Jehanne arrive à Orléans avec un convoi de ravitaillement. Voir Voir
- Dimanche 1er mai 1429 :
Le 29 avril précédent, vers 20 heures, Jehanne était entrée dans la ville d'Orléans, qu'elle avait traversé pour aller loger chez Jacques BOUCHER. Ce jour, Jehanne assiste à la messe. Jacques LEPRÊTRE, garde de la prévôté, est chargé de présenter à la Pucelle, au nom de la ville, 7 pintes de vin à 6 deniers la pinte (environ 8 litres). Il était coutume à l'époque de faire des dons en nature de cette sorte pour honorer un hôte ou un invité.
- Mardi 3 mai 1429 :
Ce jour-là, les garnisons de Montargis, Gien, Château-Renard, du pays de Gâtinais, de Châteaudun, avec un grand nombre de gens de pied, armés de traits et de guisarmes, entrent dans Orléans pour contribuer à sa défense. Dans la journée, a lieu la Procession de la Vraie-Croix. Jacques LEPRÊTRE est chargé de payer 2 sous parisis à ceux qui portent les torches lors de cette cérémonie. Raoulet de RECOURT, l'un des procureurs de la ville, est chargé de présenter à Jehanne une belle "alouse" (une alose).
Une armée, conduite par DUNOIS, a quitté Blois et vient, après une marche forcée, passer la nuit à quelques lieues d'Orléans. Ils amènent des vivres qui entreront en ville le lendemain.
- Jeudi 5 mai 1429 :
La ville fait faire de grandes provisions d'huile d'olive, destinée à oindre les fagots, pour l'assaut des Tourelles, et d'autres matières, ainsi qu'il suit :

Produit Quantité
Huile d'olive 98 livres 1/2
Poix noire 89 livres 1/2
Soufre 32 livres
Poudre à canon 10 livres, pour être jetée sur le taudis de fagots des Tourelles
Résine 15 livres, pour oindre les fagots et engraisser les drappiaux pour mettre le feu aux boulevards des Tourelles

A l'époque, la poudre à canon était fabriquée avec du salpêtre, du soufre, du charbon et du vinaigre. Elle était renfermée dans des sacs de cuir ou dans des caques à harengs pour la préserver de l'humidité.
- Vendredi 6 mai 1429 :
Après la prise du couvent des Augustins par les Français, et les combats au Portereau, Jehanne et les soldats stationnent devant les Tourelles, face aux anglo-normands. Les Orléanais font passer des vivres et du matériel aux troupes. Les habitants de la ville passaient la Loire dans de petits bateaux pour les porter. On en trouve la liste dans les comptes de la ville :

- Jehan LIGNAGE, boulanger, fournit 8 douzaine de gros pains chauds,
- Un nommé PILARD, autre boulanger, fournit 7 douzaine de grands pains et un petit,
- Charlot LUILLIER fournit 5 tonneaux de vin,
- Jehan MORCHOASME fournit 8 pourceaux et 4 douzaines de tasses de Beauvais (?),
- Jehan MARTIN, artillier, fournit deux douzaines de fusées incendiaires à maistre JEHAN le couleuvrinier, pour faire sauter et brûler le pont des Tourelles,
- Jehan de VONIES fournit 14 peaux de moutons pour faire les lances (ce avec quoi on les lançait) et fusées données au maistre JEHAN,
- Un certain GUILLEMIN, charron, fournit 22 grandes lances,
- Jehan Le CAMUS fournit 2 crocs,
- Un nommé EMERY, fèvre (serrurier) fournit 2 pinces de fer, pesant ensemble 54 livres.

Les lances fournies aux soldats français étaient destinées à écarter les ennemis qui voudraient défendre les approches du fossé. Les crocs et les pinces de fer devaient servir pour ébranler et renverser les piquets qui soutenaient les palissades.
Les fusées incendiaires étaient déjà connues à cette époque; on n'a pas de renseignements certains sur leur forme et leur composition exacte, ainsi que sur les moyens de s'en servir. Nous savons seulement qu'elles étaient recouvertes de peaux de moutons pour les préserver de l'humidité, et qu'elles étaient quelquefois attachées à une flèche ou à un fer très aigu qui les fixaient sur les objets qu'elles atteignaient.
Le maistre JEHAN à qui elles furent remises était cet habile et brave couleuvrinier qui se fit souvent remarquer au siège et lors d'autres combats. Des auteurs prétendent qu'il était du pays de Jehanne; d'autres en doutent car elle ne lui fit pas plus d'accueil qu'aux autres soldats de la garnison. Il fut chargé de détruire, avec ses fusées incendiaires, le pont des Tourelles, seul endroit par où les assiégeants pouvaient s'échapper.

On place l'invention de la couleuvrine à l'année 1428. C'est au siège d'Orléans qu'elle fut utilisées pour la première fois. Le canon, la bombarde étaient isolés; la couleuvrine, sans affût, était appuyée sur une fourchette de fer. Plus tard on la perfectionna en combinant la couleuvrine avec le pied de l'arbalète. Jusqu'au 16e siècle, il fallut user de cette fourchette de fer et se servir d'une mèche pour mettre le feu au foyer de l'instrument, puis on usa d'un mécanisme pour produire l'étincelle à l'aide d'une pierre de silex.
Dans la ville assiégée se trouvaient environ 71 bouches à feu ou canons, mais seulement quelques couleuvrines. L'arme était toute nouvelle. On ne comptait que 12 canonniers principaux, dont plusieurs avaient un varlet (aide ou servant).
On connaît au moins deux couleuvriniers : Philippe NICOLAS et le célèbre maistre Jehan, dont on sait qu'il perdit sa couleuvrine, et la retrouva dans le fort des Tourelles après le siège, et aussi son petit chariot. Les deux firent grand mal aux assiégeants.
Ces couleuvrines étaient des pièces d'artillerie longues et moins fortes que les canons et les bombardes. Il y en avait même de petites, montées sur de petits chariots, qui suivaient le mouvement des troupes, comme celle du maistre JEHAN, qui la faisait accompagner toutes ses expéditions. Elles se chargeaient avec des balles de plomb de 2 livres chacune. Le service en était fait par un militaire que l'on appelait le couleuvrinier, et qui avait à sa disposition un servant. Les couleuvrines portaient ce nom parce qu'elles se terminaient par un bouton à la culasse qui avait la forme de la tête d'une couleuvre.

Donc ce jour, 6 mai, Jehanne, avec 3.000 hommes, avait passé la Loire à l'Ile-aux-Toiles, et débarqué sur la levée du Portereau (rive gauche), puis on prit le couvent des Augustins. Les combats font rage, et Jehanne est blessée au talon par une chaussetrappe. DUNOIS remet l'attaque des Tourelles au lendemain (Jehanne recevra alors une flèche au-dessus du sein).
Aujourd'hui encore, Jehan HILAIRE, procureur de la ville et receveur des deniers communs, a paié et baillé des deniers de sa recepte, à monseigneur le Bastard d'Orléans (Dunois) la somme de 500 livres tournois pour 14.000 traits (flèches) qu'il avait fait venir de Blois. Ces flèches ou traits à arbalètes étaient contenues dans un tonneau, trois traversins et deux caisses. Le lendemain, Orléans sera libérée !
- Samedi 7 mai 1429 :
On sait que ce jour-là les combats font rage toute la journée. Les français l'emportent et Orléans est délivrée. Il se passa tant de choses... qui ont été amplement racontées et commentées !
Citons toutefois une anecdote amusante :
Lebour de LABAR (*), un Orléanais, brave soldat et excellent capitaine, fait prisonnier par le seigneur anglais Jehan TALBOT depuis quelques jours, fut confié à un moine Augustin, anglais de nation, qui, pour s'assurer de son captif, lui avait fait mettre les fers aux pieds. Le religieux ne sachant pas, à la porte Bannier, où il était, ce qui se passait sur le pont et aux Tourelles, voulait remettre son prisonnier aux anglais qu'il croyait encore maîtres de la bastille Saint-Pouair (près du Saint-Paterne actuel, au bout de la rue Bannier), nommée Paris.
Mais le prisonnier, plus au fait des événements, saisit le moment, et se jette brusquement sur l'Augustin en lui serrant fortement la gorge. Il ne lui accorda grâce que sous la condition qu'il le porterait sur son dos - étant gêné par les fers - jusqu'au milieu d'Orléans. Sa présence d'esprit rendit un service d'autant plus grand que le religieux, captif à son tour, donna sur les troupes anglo-normandes les détails les plus importants. Mais combien a-t-on dû rire en apercevant cet étrange équipage !

(*) ou Lebourg, qui signifie "le bâtard". Ce qualificatif n'était nullement offensant. C'est un enfant issu d'un adultère d'un seigneur, mais qui était reconnu comme tel, et avait des droits. Ainsi le "bâtard d'Orléans", Jehan, comte de Dunois. La réalité est pourtant là ! Si la victoire est totale, on doit déplorer beaucoup de morts, et aussi un grand nombre de blessés. Mais il n'existe par encore d'hôpital militaire, et on se débrouille sur le terrain. La ville distribue de l'argent aux blessés pour qu'ils se fassent soigner et panser, et c'est Jehan HILAIRE, procureur et receveur des deniers communs, qui s'en occupe.
Berthault COULON, par exemple, soldat de la compagnie de Audin de BOISSY, reçoit une somme d'argent. Blessé d'un coup de canon à l'assaut du boulevard du Portereau, il va pouvoir ainsi s'en sortir, sans doute. Jehan MAHY reçoit de l'argent de la ville pour donner à 3 Escossois blessés, pour les aidier à vivre. Mais les "hommes de l'art" sont là aussi. Thomas CUROGIER reçoit de l'argent pour son sallaire d'avoir appareillé (pansé, soigné) des hommes d'armes qui ont été blessés. Jehan PICHORE est barbier (ceux-ci faisaient aussi fonction de chirurgien)et il est payé pour avoir visité les bléciez en ladicte ville, et appareillé ceux-ci, par l'ordonnance des procureurs. Il sera payé une autre fois : au mesme pourcequ'il a revisité les gens d'armes bléciez devant le siège des Thorelles.
- Dimanche 8 mai 1429 :
Les deux armées sont face à face. Mais les anglo-normands refusent le combat et, en bon ordre, partent pour se replier sur les villes de Meung-sur-Loire et Beaugency, encore - pour peu de temps - sous leur domination. Une procession générale est faite, de l'église Sainte-Croix à celle de Notre-Dame-des-Miracles.

1429 - 2e semestre

- Jeudi 9 juin 1429 :
Jehan d'Orléans, dit Coeur de Lis, le hérault de la ville, va crier par toutes les places et carrefours que le lendemain, jour de la Fête-Dieu, on porterait le "Corpus Domini" (procession du Saint-Sacrement), et que les gens d'église seraient pieds nus.
Le hérault de ville était une espèce d'officier qui portait une robe, sur laquelle étaient peintes, devant et derrière, les armes de la ville. Il avait dans sa main droite une masse, et sur la tête une toque. Ses fonctions étaient d'annoncer par la ville les ordres du Corps des Procureurs (échevins), ainsi que les fêtes civiles et religieuses.
On l'appelait Coeur de Lis à cause des armes de la ville où se trouve le pistil de cette fleur. Dans certaines occasions de ses fonctions, il portait la dénomination de poursuivant, parce qu'il était chargé de poursuivre ceux qui ne voulaient pas obéir à ses ordres et les citait à la Chambre de la ville. Quelle est l'origine de cette fonction ?
Les habitants des villes considéraient comme leur privilège le plus précieux celui de se garder eux-mêmes, et d'échapper par là aux déprédations des gens de guerre en rupture de contrat. Malgré la crainte que manifestait la féodalité française que le peuple ne s'exerçat au maniement des armes, cependant, dès l'année 1384, et pendant une trêve d'un an conclue avec l'Angleterre, on avait organisé, dans les grandes villes, des compagnies d'arbalétriers.
A Orléans, au quartier de la Maison-Neuve, près de la porte Renart, on avait établi une école d'arbalétriers qui, dit-on, remontait à l'année 1340. Pour cela, on avait approprié des terrains, à l'une des extrémités desquels on avait placé des buts où devaient viser ceux qui se livraient à ces exercices, et qu'on appelait les buttes. Les archers, ou tireurs à l'arc, et les arbalétriers, ou tireurs à l'arbalète, avaient chacun leur butte.
On avait attaché des privilèges à l'adresse que l'on devait travailler à acquérir : le ""roi des arbalétriers" était exempt de la taille (impôt) et de toutes les redevances et impositions, et tous les ans, le 8 mai, le maire donnait, après un banquet, à ce "roi", un émail d'or aux armes de la ville, appelé Coeur de Lis.
- Vendredi 10 juin 1429 :
Jour de la Fête-Dieu où avait eu lieu la Grande Procession où fut porté le "Corpus Domini", fête remarquable pourceque les gens d'église furent nu-pieds. Mais aussi par les chapeaux de fleurs qui étaient sur la tête des Procureurs qui portèrent le Ciel (le dais) sur leurs épaules. Ces chapeaux de fleurs, achetés par Jacques LEPRESTRE, étaient faits en forme de couronne, avec des bandes qui se réunissaient en pointe au-dessus de la tête.
Nous sommes à la veille de la prise de la ville de Jargeau. Par ordonnance des Procureurs, Charlot Le LONG fournit aux frères de la Pucelle (Pierre et Jehan), 3 paires de housseaux (guêtres en cuir qui s'attachaient avec une broche en fer en place de boutonnière), et aussi 3 paires de souliers. Les Procureurs de la ville chargent l'un d'eux, Jehan MORCHOASME, de payer à Thévenon VILLEDART la despence que ont faicte en son ostel les frères de la Pucelle pendant leur séjour à Orléans. Pierre et Jehan d'Arc devaient être bien impécunieux ! Ceux-ci ne partirent pas les mains vides car le même procureur fut chargé de bailler auxdits frères de la Pucelle pour don à eulx faict trois escuz d'or qui ont cousté chascun 64 sous parisis.

Jehanne quitte donc Orléans pour se porter sur la ville de Jargeau - qui sera prise le lendemain - avec les troupes qu'elle conduisait avec les autres chefs, et aussi certains Orléanais qui la suivirent dans cette expédition, et composée, dit-on, de 8.000 combattants.
Le maistre JEHAN, qui s'était déjà fait remarquer à Orléans, voulut aussi participer à cette bataille, à laquelle il se rendit avec sa couleuvrine, son petit chariot et ses varlets (ses assistants). La ville sera prise et saccagée, et les assiégés passés au fil de l'épée, sauf quelques religieux que Jehanne sauva.
Jehanne, montée à l'escalade des remparts dans les premiers rangs, fut renversée dans le fossé par un anglais qui lui jeta sur la tête un gros caillou qui, arrêté par son casque, et la pierre étant friable, ne blessa pas Jehanne qui reprit le combat. Mais elle aurait été prise si le maistre Jehan n'était pas venu à son secours, avec sa couleuvrine, tuant tous les hommes qui s'approchaient d'elle, et put ainsi la dégager.
Puis ce sera la recouvrance des villes de Meung-sur-Loire et de Beaugency. Ensuite, la bataille de Patay, le 18 juin suivant, pour entamer la longue marche, par Troyes et Sens, jusqu'à Reims pour le sacre de Charles VII.
- 28 octobre 1429 :
Un nommé BOMBACHELIER, paveur d'Orléans, est chargé de réparer le pavé du pont, dans la longueur de 48 toises et demie, à l'endroit du boulevard de la Belle-Croix. Lesdits travaux estimés à 8 livres. Auparavant, le 12 octobre, avait eu lieu une procession générale pour l'anniversaire du siège que les anglois avoient mis devant Orliens.
Les Procureurs de la ville chargent l'un d'eux, Jacquet LEPRESTRE, de payer 4 sous parisis à ung pauvre homme qui avoit ôté un cheval mort qui estoit devant l'oster de MARESCOT, pour cause de la procession générale en mémoire que les Godons (anglais) mesdrent (mirent) le siège devant Orliens.
- 29 octobre 1429 :
Fin de l'Assemblée des Trois Etats à Orléans. Les députés de la ville furent les citoyens : GIRARD, BOYLEVE, Estienne LUILIER, maistre Raoul (de Recourt), maistre Philippe (?), Guillaume COMPAING, Jehan MIGNAI et Thévenet de BOURGES. On leur paya leur nourriture, pendant la tenue des Etats, depuis le 21 jusqu'au 29 octobre, mais on le la paya pas le samedi 24 et le dimanche 25, parce qu'il n'y eût point de séance ces jours-là.

Egalement durant le mois d'octobre 1429 :
Destruction de la catapulte, ou Grand Couillard de la tour Saint-Paul. Les bois sont portés en la Chambre de la ville. Les Procureurs chargent Jehan, charretier, de ramasser les tabliers (voir ci-après) et de les ardre (les brûler).
Raoul BEAUPIGNE, charron d'Orléans, est chargé de faire l'eschaffault à Sainte-Croix, pour y brûler les tabliers, et de fournir plusieurs étantières (pièces de bois) pour faire ledict eschaffault qui brûlait avec les registres.
On appelait "tabliers" des registres ou des tarifs qui restaient constamment sur les tables de l'octroi, lesquels étaient toujours à la disposition du public qui voulait les consulter. Les placards se mettaient au coin des rues, places et carrefours, et les tabliers restaient sur les tables. L'on disait alors : "donnez-moi le tablier", pour dire "donnez-moi le registre ou le livre qui reste sur la table". Dans plusieurs ordonnances des rois de France, notamment relatives au tarif des vins, comme celle de l'année 1304, le nom de "tablier" est donné au bureau de l'octroi lui-même. On appelait aussi "tabliers" des espèces de nappes en grosse toile, qui se mettaient sur les tables, lesquelles avaient des garnitures ou pendants en toile plus fine qui servaient à s'essuyer les mains et la bouche, les serviettes n'étant pas encore en usage.

^ Sommaire

Quelques personnages (Anglais)

Richart GREY, capitaine de Janville en 1428-1429

Richart GREY, seigneur anglais, capitaine de Janville (en Beauce) en 1428-1429, et sa participation au siège d'Orléans.
Janville en Beauce, plaque-tournante du dispositif anglo-normand.
Le comte de SALISBURY, venant d'Angleterre, entrait en campagne. Il commença par mettre en l'obéissance du roi d'Angleterre aulcunes meschantes places que tenoient ses adversaires.
Il explore tout d'abord le terrain entre Dreux et Chartres. La première ville prise, d'après tous les historiens, est Nogent-le-Roi, suivie bientôt de Rambouillet, Brethencourt, Rochefort, Châteauneuf-en-Thimerais et Courville.
Chartres, depuis longtemps anglais, avait augmenté sa garnison depuis le mois de février 1429 et réparé ses fortifications. Salisbury reçut dans cette ville un brillant accueil, et y employa quelques jours à concentrer et à reposer ses troupes.De Chartres il se rend à Janville. Frontière du pays Chartrain, cette petite ville était une des châtellenies royales de l'Orléanais. A ce titre, elle avait son capitaine permanent et une petite garnison dans son château et sa grosse tour (qui avait jadis servi de prison d'état). Elle était entourée d'une double enceinte, de profonds fossés et de murailles flanquées de tourelles et percée de quatre portes.
A distance rapprochée, se trouvaient Le Puiset, Toury, lieux défendables, et de petites paroisses qui avaient fortifié les châteaux et les tours des églises : Trancaainville, Oinville, Saint-Liphard, Tillay-le-Péneux, Santilly-le-Moutier, Tivernon, Bazoches-les-Gallerandes et, dans un rayon plus éloigne, Patay, Terminiers, Sougy, Poupry, Artenay.
Salisbury donne d'abord l'assaut au Puiset, et fait pendre tous les soldats s'y trouvant. Toury, d'où Giraud de La Pallière s'enfuit, malgré sa bravoure habituelle, se rend, mais est néanmoins incendiée. Puis le gros de l'armée entoure Janville qui fait plus de défense et se laisse bombarder. Prégent de Coëtivy lui-même, dans sa fameuse lettre écrite au Maire et aux Aldermen de Londres, et datée de Janville le 5 septembre 1428, rapporte qu'il approcha plusieurs fois de la ville, et que le dimanche précédent, il y a huit jours, il s'empara de Janville par le plus fort assaut qu'il vit jamais.
Huit jours avant le 5 septembre, c'est le 29 août. Ces deux dates sont citées exactement par la Chronique de la Pucelle. Une quittance de Lancelot de LISLE, donnée le 28 août, au siège devant Janville, indique que les anglo-normands n'en étaient pas encore maîtres ce jour-là.
Les défenseurs s'étaient retirés dans la tour, avant de se rendre à discrétion. Là sont pris, entre autres, Prégent de Coëtivy, le Gallois de Villiers, Gilles des Ormes, seigneur de Saint-Germain-en-Chartrain, et Simon Davy, seigneur de Saint-Péravy-Epreux, qui fut enfermé à la bastille de Saint-Antoine à Paris.
Salisbury mit la ville à rançon, comme prise d'assaut, et chacun dut contribuer au rachat pour une somme importante. Il eut de sa tierce, 13 livres 6 sols et 8 deniers tournois pour sa part sur 9 prisonniers. Le pillage et l'incendie se mirent de la partie; les papiers du receveur et du contrôleur du grenier à sel furent dispersés où brûlés.
Janville devint, pour un temps, le siège de l'armée anglo-normande en campagne, le lieu de concentration et d'approvisionnement. Du 20 au 28 août, 191 hommes d'armes et 545 hommes de trait y font leur revue, et quelques autres les jours suivants.
De Mantes, le trésorier demanda à Salisbury une escorte pour venir payer ses gens d'armes. Eustace Gaudin et ses gens vinrent au-devant de lui. Au même moment, un voiturier de Rouen, Martin Foulon, apportait sur trois chevaulx à bast (sorte de coffre) une partie des 8.000 livres que Pierre Surreau destinait à la solde de la moitié de l'armée anglo-normande assemblée à Janville.
On peut se livrer ici à un calcul approximatif, mais sans doute néanmoins assez proche de la réalité.
On trouve pas mal de quittances pour "le groupe de base" de l'armée anglo-normande, qui est de un homme d'armes (chevalier ou écuyer) et 3 archers, soit 4 hommes.
Leur solde était, pour le groupe, de 29 livres 15 sols 10 derniers tournois, que nous arrondissons à 30 livres.
267 de ces groupes font donc 8.010 livres (267 fois 30 livres).
Donc : 267 hommes d'armes + 801 archers (trois fois plus), font 1.088 hommes.
Se cela représente la moitié de l'armée, c'est donc à plus de 2.100 hommes environ qui se tenaient alors regroupés à Janville.

Le neveu de Salisbury, lord Richart GREY fut un peu plus tard nommé capitaine de Janville, avec 7 hommes d'armes à cheval, 8 hommes d'armes à pied et 43 archers, troupe qui restera quasi identique depuis sa prise de fonction, le 27 décembre 1428, jusqu'au 3 mai 1429, jour de sa mort au siège d'Orléans.
De Janville sont lancées, dans plusieurs directions, des colonnes volantes. L'une d'elle, par Artenay, Poupry, Terminiers et Patay, alla soumettre plusieurs petites places entre cette dernière ville et Châteaudun, Sougy, Saint-Sigismond, Porcheresse, Machelainville et la Rainville, pour aboutir à Marchenoir, où Mondot de Lansac et Snyllington font revue de leurs 30 hommes d'armes et 87 archers.
Une autre colonne, conduite par Richart Hankford, alla chevaucher, vers le 5 septembre, devant la ville et le château de Meung, qui se rendirent à l'obéissance du roi d'Angleterre. De Meung, les Anglais se rendirent à Montpipeau, où ils entretiennent une garnison pendant la durée du siège (hommes de Richart Waller).
Plus tard, ils entrent à Beaugency, dont la garnison se retire au château et aux fortifications du pont, pour se rendre le 25 septembre 1428. Salisbury eut encore là pour sa tierce, le profit du rachat de 5 prisonniers et 11 livres 2 sols 2 deniers tournois pour le prix de la vente du froment et de l'avoine trouvés au château de Beaugency, à l'instant de la reddition.
En amont de la Loire, les villes de Jargeau, Sully et Châteauneuf-sur-Loire étaient soumises. L'étau se refermait, et le siège de la ville d'Orléans pouvait commencer.

Richart GREY (aussi lord Richart Gray, Grès), chevalier, seigneur de Gray, neveu de Salisbury le chef de l'armée anglaise.
Capitaine des ville, tour et forteresse d'Yenville (Janville, en Beauce). Tué au siège d'Orléans le 3 mai 1429.
Endenture (contrat d'engagement) avec le Régent anglais BEDFORD, le 20 janvier 1429, pour la durée du siège d'Orléans, pour sauvegarde d'Yenville.
A payer de mois en mois, au début de chaque mois, aux gaiges (gages, solde) de :

- homme d'armes à cheval : 12 deniers d'esterlin le jour,
- homme d'armes à pié : 8 deniers d'esterlin le jour,
- archer : 6 deniers d'esterlin le jour,

pour 7 hommes d'armes à cheval, lui non compris, 8 hommes d'armes à pied et 45 archers. (les sommes sont exprimées en monnaie anglaise, mais les hommes étaient payés en monnaie française tournois.)
Pour le premier mois, du 27/12/1428 au 26/01/1429. Montre (revue militaire de contrôle) devant Jehan Popham et Jehan Hanneford, chevaliers, commissaires de montre. Quittance à Chartres, le 21/01/1429, pour 381 livres 17 sols 6 deniers tournois.
Cette troupe de 60 combattants forma la garnison anglaise de Janville, pendant la durée du siège d'Orléans, jusqu'à ce que cette ville fut reprise par les troupes françaises.

Richart GREY avait reçu une autre endenture, le 22 décembre 1428, cette fois pour servir au siège d'Orliens, pour une troupe identique, prévue pour 20 hommes d'armes à cheval, lui compris, et 40 archers :
- Gaiges de lui, 14 hommes d'armes et 46 archers à cheval. Pour un mois, du 21/12/1428 au 20/01/1429. Montre le 27/12/1428 devant Jehan Popham et Jehan "Hanford", commissaires.
Quittance le 30/12/1428, pour 461 livres 16 sols et 6 deniers tournois.
- Gaiges de lui, 15 hommes d'armes et 40 archers à cheval. Pour service de 10 jours, du 20/01 au 31/01/1429. Montre le 28/01/1429 devant Phillebert de "Mollens" (Mollens), écuyer, et maître Raoul Parker, secrétaire du roi, commissaires.
Quittance le 25/01/1429, pour 148 livres 17 sols et 9 deniers tournois.

Et du surplus de sondit service audit siège, a ou doit avoir esté paié par Andry d'Esparnon, trésorier des guerres en France, à ce ordonné, pour 610 livres 15 sols 3 deniers tournois.

Donc :
- Troupe A - Affectée à la garde de Janville.

Du 27/12/1428 au 26/01/1429, pour le premier mois, 7 hommes d'armes à cheval, 8 à pied et 45 archers, soit 60 combattants. Il semble que cette troupe, en garnison à Janville, reste avec un effectif constant.
Richart Grey avait dû laisser à l'un de ses lieutenants le commandement de cette troupe. Il commandait lui-même le reste de ses hommes, au siège d'Orléans.

- Troupe B - Au siège à Orléans.

Le nombre d'hommes a dû varier un peu au fil du temps. Sans doute des soldats furent-ils blessés ou tués, ou affectés temporairement aux escortes des convois de vivres, auxquelles presque chaque troupe participait.
- Lui + 14 hommes d'armes + 46 archers, du 21/12/1428 au 20/01/1429 = 61 combattants.
- Lui + 15 hommes d'armes + 40 archers, pour les 10 jours jusqu'à fin janvier = 56 combattants.

Ces hommes stationnèrent au siège d'Orléans, jusqu'à la prise d'assaut du fort des Tourelles, le 7 mai 1429, et la retraite des troupes anglo-normandes le 8 mai sur Meung et Beaugency.
Le chef était mort entre temps, tué au siège.
Le troupe fut certainement commandée alors par un autre lieutenant, ou bien incorporée à un détachement plus important, sous les ordres d'un autre chef. Sans doute participèrent-ils aussi à la bataille de Patay, le 18 juin 1429, et au retrait sur Etampes, probablement avec ceux de Janville.
Tué le 3 mai 1429 à Orléans, lors d'une escarmouche, la mort de Richart Grey est relatée ainsi dans le Journal du siège :

...Y tua maistre Jehan d'une couleuvrine cinq personnes à deux coups. Et desquelz cinq fust le seigneur de Grez... dont les anglois firent grans regretz, parce qu'il estoit de grant hardiesse et vaillance.

Richart Grey, en 1414, avait été l'un des négociateur pour le mariage du roi anglais Henry V avec Catherine de France.
Le 5 décembre 1414, il avait reçu des pouvoirs pour la négociation des trêves, et, en novembre 1418, il était délégué d'Henry V à la conférence d'Alençon.
Un chef militaire, donc, doublé d'un diplomate, pour ce chevalier qui trouva la mort au siège devant Orléans.

Richart WALLER, capitaine de Montpipeau en 1428-1429

Un écuyer anglais ayant participé au siège d'Orléans.

Ecuyer, bailli et capitaine d'Evreux. Capitaine de Conches. Capitaine de Montpipeau le temps du siège d'Orléans. (voir l'article)
Montpipeau

Henry de LISLE, écuyer.

Avant de parler d'Henry de LISLE, disons quelques mots sur son frère, Lancelot, dont il avait repris la troupe.
Lancelot, chevalier bachelier, avait été favorisé par le roi d'Angleterre Henry V, qui avait dépossédé les seigneurs normands qui ne suivaient pas le parti anglais, et donné leurs biens à des seigneurs de son choix, souvent pour des redevances ridicules. Lancelot avait reçu le château de Nonant, élection de Bayeux, en Normandie, pour une redevance vraiment risible : à la charge de payer la redevance d'un glaive à Caen, le jour de Noël. De quoi attiser la rage combative des anciens propriétaires !
Lancelot avait un passé de combattant, et avait commandé des troupes à la bataille de Cravant (31/07/1423) et à celle de Verneuil (17/08/1424), et participé en septembre 1427 au siège de Montargis. Le 26 juin 1428 il est nommé capitaine de Montigny et Nogent-le-Roi, en Bassigny.
En juillet 1428 il est à Paris, puis est retenu dans l'armée que Salisbury amène d'Angleterre, et participe à la prise de Janville, en Beauce, fin août 1428, qui sera longtemps l'une des bases importantes du dispositif anglais pour la conquête des villes de la Loire et le siège devant Orléans.
Le 12 octobre 1428, il arrive devant Orléans avec Salisbury (Thomas Montaigu, comte de), par le faubourg du Portereau, avec l'armée qui allait s'installer pour le siège jusqu'au 7 mai 1429. Le 29 janvier 1429, un boulet lancé par ceux d'Orléans lui enleva la tête, au moment où il revenait d'une conférence avec le capitaine français Etienne de VIGNOLLES, le fameux La Hire.
A ce moment, la troupe de Lancelot est partagée en deux parties quasi égales : 22 hommes d'armes et 64 archers à la bastide du pont, sous les ordres de Henry, son frère, et 18 hommes d'armes et 56 archers qui évoluent entre Orléans et Meung-sur-Loire, et dans les autres bastides du siège.

Henry, écuyer, après la mort de son frère, eut le commandement de toute la troupe, ce qui fut confirmé par une endenture (contrat d'engagement) du 13 mars suivant :

Lesquelz hommes d'armes et archiers furent et estoient de la charge et retenue de feu Messire Lancelot de Lisle, son frère dessusdit, au jour de son trespas, pour estre audit siège.

La troupe resta identique. La montre (revue militaire pour comptes les hommes présents et vérifier les équipements) correspondant avec la paie du 25 mars 1429, avait été passée devant Thomas Guérart, écuyer, mareschal dudit siège, et maître Raoul Parker, secrétaire du Roy et prévost des mareschaulx, commissaires de montre, pour :

- lui, 19 hommes d'armes et 62 archers, à la bastide du bout du pont (les Tourelles),
- 20 hommes d'armes et 64 archers, pour le siège, dans d'autres bastides d'Orléans.

Il semble qu'Henry de Lisle ait eu, pour le seconder, un nommé William Brocas.
Henry de Lisle avait dû suivre son frère sur les champs de bataille, mais sa carrière militaire ne dura plus longtemps. Du 1er au 10 février 1430, il est capitaine de Longny-au-Perche (Orne), mais il semble ne s'y être même pas rendu, car le 15 mai 1430 il était en garnison à Chartres. Le 28 avril 1431 il reçoit encore des gages, mais en septembre de la même année il n'a plus aucune charge de gens de guerre.

Rouland STANDISCH, chevalier bachelier

Chevalier bachelier, il reçoit le 25 novembre 1428, à Chartres, une endenture (contrat d'engagement) de 4 mois, pour servir au siège d'Orliens.
Il est retenu comme capitaine de 30 hommes d'armes à cheval, lui compris, et 90 archers, tous natifs d'Angleterre, venus avec Salisbury. Il n'avait donc pas de fonctions ni de charges en Normandie à cette époque, et ses hommes étaient Anglais. Lui non plus n'aligne pas toute sa retenue sous les murs d'Orléans.
Le premier mois, sa troupe est amalgamée avec celle de Edouard WYVRE, un autre chevalier bachelier, qui avait reçu une endenture égale à la sienne, ce qui porte à un total de 240 hommes, eux compris, troupe importante pour l'époque.

- le 03/02/1429, montre (revue militaire) de lui, 28 hommes d'armes et 64 archers, soit 93 hommes,
- en mars, montre de lui, 23 hommes d'armes et 43 archers, soit 67 hommes.

C'est la solde pour cette dernière montre (une partie de la troupe) que l'on distribue le 25 mars à la Bastide du pont d'Orléans.
En raison du paiement qu'ils avaient reçu par avance, au titre de leur ancien corps (celui de Salisbury), ils devaient ne recevoir que la solde mensuelle ordinaire pour quatre période de 35 jours, tandis que les autres sont payés au taux habituel.
Rouland Standisch resta en Normandie, du moins durant 5 ou 6 ans. Le 26 octobre 1429, il est capitaine de Charlemesnil (Anneville-sur-Scie, Normandie) et, en avril et mai 1430, il est au siège de l'imposante forteresse de Château-Gaillard. En 1434 il sera bailli et capitaine d'Evreux.

Thomas de SCALES, chevalier banneret

Il était chevalier banneret (l'un des rares au siège d'Orléans), le plus haut "grade" de chevalier, et capitaine de Pontorson et de Domfront, en Normandie.
Thomas de SCALES (d'ESCALLES, LESCALE), seigneur de Nucelle, avait des armoiries de gueules à six coquilles ou écailles - en anglais : Scale - de Saint-Jacques en argent.
Il était, en particulier, aux batailles de Cravant et de Verneuil. En 1424, il était capitaine de Verneuil, aux gages de 1.500 livres tournois; la même année, il assiégea et prit Gaillon; il commandant alors 200 hommes d'armes et 600 archers (forte troupe !).
Au siège du Mont-Saint-Michel (que les Anglais ne réussirent jamais à prendre !) il avait une retenue considérable. En 1429, il est capitaine de Domfront (en outre de Pontorson), avec 60 combattants. Il l'est encore en 1443.
Sa retenue pour la garde de Pontorson était de 80 hommes d'armes et 240 archers. De là, il tire la majorité des hommes qu'il commandera au siège d'Orléans. La garnison de Pontorson était importante : 320 hommes au total. Il faut dire qu'elle se trouve aux limites de la Normandie anglaise, "en frontière" de la Bretagne.
Le 12 octobre 1429, il arrive lui aussi sous les murs d'Orléans avec SALISBURY. Il y revient le 1er décembre avec Jehan de TALBOT, après avoir été nommé Lieutenant du Roy (d'Angleterre), et enfin, le 30 décembre pour installer ses troupes, une partie aux Tourelles, et le reste à la bastide de Saint-Laurent, à l'ouest d'Orléans.
Après la levée du siège, il se rend à Beaugency. Il est fait prisonnier, le 18 juin 1429, à la bataille de Patay. On le retrouve à Rouen en septembre 1429.
Sa carrière militaire durera encore 30 ans. Il eut encore des capitaineries et des commandements. En 1460, il périt de mort violente à la suite de la reddition qu'il fit de la Tour de Londres aux révoltés contre le roi Henry VI.

Son endenture (contrat d'engagement) pour servir au siège d'Orliens était prévue pour 50 hommes d'armes et 150 archers. Il n'aligne pas sa retenue entière sous les murs d'Orléans :

Dates Composition Total Commentaires
Du 27/12/1328 au 26/01/1429 Lui + 41 hommes d'armes + 99 archers 141 hommes Texte de la cellule
Du 27/01 à fin 01/1429 Lui + 35 hommes d'armes = 83 archers 119 hommes Texte de la cellule
Février 1429 Lui + 35 hommes d'armes + 83 archers 119 hommes Ici on précise dont 20 lances, lui compris, et 60 archiers de sa retenue de Pontorson
Mars et avril 1429 Lui + 19 hommes d'armes + 60 archers 80 hommes (ce sont là les hommes de Pontorson)

La paie du 25 mars au siège (voir [1]), concernait les hommes venus de cette garnison de Pontorson. De la garnison de Domfront, dont Thomas de SCALES était aussi le capitaine, quelques hommes furent requis. Ils ne participèrent pas directement au siège, mais furent utilisés pour une mission d'escorte des convois de vivres, munitions, finances et divers, sous le commandement d'un lieutenant :

Gaiges et regars de Thomas STRIEBY, homme d'armes, et 3 archiers à cheval, dudict lieu de Dompfront, pour service au conduict des vivres, de 15 jours, à compter du 9 avril 1429.

Montre (revue militaire de contrôle) à Paris, le 09/04/1429, devant Symon MORHIER, prévôt, et Morelet de BETHENCOURT, chevalier du guet de la ville de Paris, commissaires.
Quittance dudit Strieby à Paris, le 11/04/1429, pour 14 livres 17 sols 11 deniers tournois.
Ces hommes n'ont dû que très brièvement séjourner à Orléans, et repartir en Normandie rapidement, à moins que certains aient été réquisitionnés pour rester sur place.

^ Sommaire

Les personnages Écossais

La liste ci-dessous n'est pas exhaustive.

Alain GHARAM

Ecuyer Ecossais. On sait qu'il était présent à la bataille de Verneuil, en 1424, et qu'il fit prisonnier Henri DESQUAY, écuyer, noble de la vicomté de Bayeux, qui escortera plus tard un convoi de vivres, en avril 1429, destiné aux assiégeants d'Orléans. Quel fut le destin de cet écuyer ?

Hugh KENNEDY

Capitaine Ecossais. En 1427, il se distingue au siège de Montargis, lors d'un assaut avec Etienne de VIGNOLLES, dit La HIRE.
En 1429, durant le siège d'Orléans, lui et ses hommes jouèrent un rôle prépondérant, surtout pendant l'attaque du fort des Tourelles.
Par la suite, Kennedy se chargea de dégager la route pour Jehanne La Pucelle jusqu'à Reims, pour le sacre du roi Charles VII.

John CARMICAEL of DOUGLASDALE

Alias Kirkmichael ou Saint-Michel. Survivant de la bataille de Verneuil, en 1424, où fut tué le comte de DOUGLAS dont il était le chapelain. Charles VII le fit nommer évêque d'Orléans en 1426 sous le nom de Jean de SAINT-MICHEL. Baron Carmichael of Carmichael, 3ème du nom, il avait débarqué en 1420 avec le corps de 6.000 écossais de John Stewart of Buchan. Evêque, mais aussi homme d'armes, il avait vaillamment participé à la bataille de Baugé en 1421 oû il désarçonne le duc de Clarence qui fut tué par le maréchal de La Fayette. Il participe au sacre de Charles VII en qualité de pair ecclésiastique. Il était le neveu de John, premier baron de Carmichael en 1370, et fils de William, confirmé 2ème baron du nom en 1413. Il mourut en 1436 ou 1438. Armes d'argent à la fasce tortillée d'azur et de gueules.

John STEWART of DARNLEY

John STEWART of DARNLEY était le gendre du comte de DOUGLAS - De la branche cadette de la famille royale d'Ecosse.
1418 - 6.000 Ecossais arrivent en France, sous le commandement du comte John of BUCHAN (fils d'ALBANY, le régent d'Ecosse), d'Archibald DOUGLAS, comte de WIGTOWN et de John STEWART of DARNLEY.
1423 - Connétable d'Ecosse, il se vit confier le commandement des troupes Ecossaises qui restaient en mesure de combattre après la bataille de Cravant, où il perdit un oeil et fut fait prisonnier.
1424 - Il est à la bataille de Verneuil où, parmi les 6.000 soldats alliés qui furent tués, 4.000 étaient Ecossais.
1428 - Il est en Ecosse pour lever une nouvelle armée.
Février 1429 - Alors à Orléans, il participe à la fameuse Bataille des Harengs, à Rouvray-Saint-Denis, en Beauce, où les français firent une tentative pour attaquer un convoi de vivres à destination d'Orléans, pour ravitailler les troupes anglaises qui faisaient le siège de cette ville. Il y fut tué. Son corps fut transporté par Jehan de DUNOIS, son frère d'armes, depuis le champ de bataille jusqu'à Orléans, où il fut inhumé dans la cathédrale, et dans laquelle il resta jusqu'à la Révolution. Quelques jours auparavant, par lettres-patentes de Charles VII à Chinon, le 30 janvier 1429, on lui attribuait, pour les Ecossais, une somme de 3.900 livres tournois.

John WISCHART

Chevalier Ecossais. En même temps que l'arrivée de Jehanne La Pucelle à Orléans, arriva un convoi de vivres et de munitions, sous bonne garde Ecossaise, dont John Wischart. Il était capitaine de 48 hommes et 105 archers. On trouve, dans les livres de comptes de Hémon RAGUIER, trésorier des guerres de Charles VII :
Octobre 1428 à Chinon : 20 livres tournois.
Novembre 1428 à Orléans : 50 livres tournois.
Mars et avril 1429 à Orléans : 300 livres tournois.
Et encore : 250 écus 20 livres 15 sols tournois.
Et aussi : 39 écus pour deux plattes (?) et une cappeline qui luy furent délivrés à Bloiz.
Et : 100 livres tournois, que ledit seigneur (Charles VII) luy a donné pour achepter un cheval pour sa personne.

Thomas BLAR

Thomas BLAR ou BLAIR. Ecuyer Ecossais présent à Orléans dès le début du siège, commandait une compagnie de 20 hommes d'armes et 29 archers. De la vieille famille écossaise BLAIR of Balthayock (contrées de Perth, Fife et Angus). Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement de 67 écus 55 sols tournois, pour 20 hommes d'armes et 29 archers. Il est mort vers 1453. Armes d'argent au chevron de sable accompagné de trois tourteaux de gueules.

Alexandre NORWIL

Ecuyer Ecossais. Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement de 46 écus 8 livres tournois, pour 15 hommes d'armes et 29 archers.

David MALLEVILLE

Ecuyer Ecossais. Dans les comptes de Hémon Raguier, paiement de :

- 40 écus 8 livres tournois, pour 12 hommes d'armes et 28 archers.
- 466 livres tournois, pour lui, 50 hommes d'armes et 32 archers.
- 200 livres tournois (avance) sur 60 payes.

Thomas HOUSTON

Chevalier Ecossais. Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement de 108 écus 21 livres tournois, pour 22 hommes d'armes et 71 archers.

Henry GALOYS

Ecuyer Ecossais. Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement, pour le compte de Guillaume HAMETON, de 62 écus 30 livres tournois, pour 10 hommes d'armes et 30 archers.

Douard de LINAUX

Ecuyer Ecossais. Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement de 323 livres tournois, pour lui, 42 hommes d'armes et 108 archers.

Patris d'OGILBY

Chevalier Ecossais, vicomte d'ANGUS, conseiller et chambellan de Charles VII. Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement de :

- 01/1429 : 600 livres tournois.
- 04 et 05/1429 : 1.370 livres tournois, pour 60 hommes d'armes et 300 archers.
- 06/1429 : 3.849 livres tournois, pour les Ecossais.

Michel NORVIL

Ecuyer Ecossais. Dans les comptes de Hémon Raguier : paiement de 130 livres tournois, pour 20 hommes d'armes et 25 archers.

Cristy CHAMBER

Alias Cristin de La CHAMBRE. Il n'est pas certain qu'il ait combattu au siège d'Orléans (les comptes de Hémon Raguier ne le mentionnent pas), mais il fit partie de l'armée qui accompagne Charles VII à Reims pour son sacre. Il était en effet capitaine de la compagnie des gardes du corps écossais depuis 1427, et le demeura jusqu'en 1445 (il est remplacé par son fils, Nicole ou Nicolas de La Chambre). Il s'établit en Saintonge et y fit souche. Il reçut la seigneurie de Villeneuve-la-Comtesse (Charente-Maritime). En 1453, il est institué, sans doute à titre de retraite, concierge et garde du palais du Roi à Paris. Armes d'azur au chevron d'or accompagné de 3 têtes de lion de même, lampassées de gueules.
^ Sommaire

John CRICHTON

Alias Criston ou Cresson. Commandait en avril et mai 1429 une compagnie d'hommes d'armes et d'archers écossais. Il sera fait gouverneur de Châtillon. Armes d'argent au lion d'azur armé et lampassé de gueules.
^ Sommaire

Archibald de DOUGLAS

Alias Archambaud Douglas. Décédé en 1439. Vicomte de Douglas, de Wigtown et de Touraine, seigneur de Dun-le-Roi, fut-il présent à Orléans en 1429 et dans la campagne qui suivit ? Il était le fils d'Archibald, IVe comte de Douglas, duc de Touraine, tué à la bataille de Verneuil, le 17 août 1424. Archibald, Ve comte de Douglas, appelé Victon par les chroniqueurs français d'après le nom de son comté de Wigton, avait été fait comte de Touraine à titre honorifique. Mais le Douglas présent au siège fut sans doute un autre membre de cette grande famille écossaise, peut-être son cousin William. Armes : la famille Douglas portait d'argent à un cœur de gueules sous un chef d'azur chargé de trois étoiles d'argent à cinq ou six pointes (le cœur sera couronné d'or à partir de 1542). Archibald, duc de Touraine, écartelait : au 1 de France, au 2 de Douglas, au 3 d'azur au lion d'argent armé et lampassé de gueules, couronné d'or (Galloway), au 4 d'or au sautoir de gueules sous un chef de même (Annaudale).
^ Sommaire

Les Ecossais en France (conférence)

Conférence sur le thème Les Ecossais libèrent Orléans, donnée le 5 mai 2000, à l'amphithéâtre du Muséum d'Orléans, par Raymond Campbell-Paterson, écrivain et historien Ecossais.
Les Ecossais en France.

Tout d'abord, permettez-moi de dire que Monsieur Hutchings est coupable d'un peu trop d'espièglerie. Je souhaiterais clarifier les choses et préciser qu'Orléans et la France ont bel et bien été sauvées par le peuple français et le sacrifice de Jeanne d'Arc.
Néanmoins, avant l'arrivée de Jeanne, pendant les années sombres qui ont suivi la bataille d'Azincourt, des milliers de soldats écossais sont venus au secours de la France. J'aimerais souligner qu'ils ne sont pas venus en tant que mercenaires, comme les Italiens et les Espagnols, mais bien en tant qu'amis et alliés.
Entre les années 1419 et 1429, on peut estimer que jusqu'à 15.000 soldats écossais sont venus combattre en France parmi lesquels un grand nombre d'entre eux y ont laissé leur vie. C'est l'histoire de ces hommes et de l'alliance entre l'Ecosse et la France dont j'aimerais vous parler aujourd'hui.
Je me demande combien parmi vous ont déjà entendu parler de la Vieille Alliance ? J'imagine que la plupart d'entre vous n'en ont jamais entendu parler. D'une certaine façon, cela n'est pas surprenant. La France est l'un des plus importants pays d'Europe. Elle a été l'alliée de nombreux pays mais a également été en guerre avec de nombreuses nations. Contrairement à cela, l'Ecosse, perdue au fin fond de l'Europe, a pendant une grande partie de son histoire, été en guerre avec un seul pays, l'Angleterre, et l'alliée d'un seul, la France. Dans son roman Quentin Durward, l'écrivain écossais Sir Walter Scot, écrit : la nation écossaise était l'ennemi héréditaire des Anglais...
Comment en est-on arrivé là ? Depuis 1296, l'Angleterre avait tenté à maintes reprises de conquérir l'Ecosse. Jusqu'à l'an 1400, l'Angleterre avait envahi l'Ecosse à vingt et une reprises. C'est peu de temps après la mort du roi Robert the Bruce que la lutte atteignit son apogée alors que l'Ecosse était vaincue lors de deux batailles majeures au cours desquelles les Anglais utilisèrent des stratégies employées plus tard lors de la bataille de Crécy. Et c'est précisément pendant cette période critique que le roi français Philippe VI leur apporta une aide précieuse. Le roi d'Ecosse, David II, qui n'était alors qu'un enfant, trouva refuge en France et des troupes, de l'argent et des armes furent envoyées en Ecosse.
Reconnaissants de l'aide qu'ils avaient reçue, les Ecossais se montrèrent toujours prêts à porter assistance à leur allié lorsque le besoin s'en faisait sentir. Alors qu'Edouard III envahissait la Normandie en 1346, David II lançait une attaque sur le nord de l'Angleterre pour faire diversion. En 1356, des soldats écossais combattaient lors de la bataille de Poitiers. Peu de temps avant la débâcle subie à Azincourt, l'Ecosse faisait à nouveau diversion en lançant une attaque de l'autre côté de la frontière anglaise.
C'est en 1418, que la France eut le plus besoin d'aide, alors qu'Henry V achevait de conquérir la Normandie. Désespéré, le Dauphin Charles, qui était à cours d'hommes et d'argent, fit appel à Albany (régent d'Ecosse) qui régnait alors à la place du roi Jacques 1er prisonnier des Anglais depuis 1406.
Immédiatement, Albany convoqua le parlement écossais qui accepta d'envoyer des troupes en France. Cette armée d'environ 6.000 hommes, fut placée sous le commandement de John, comte de Buchan, le propre fils d'Albany, Archibald Douglas, comte de Wigtown, et John Stewart of Darnley, que le Dauphin lui-même avait nommé. Très vite, les Ecossais dont la présence en France ne cessait de se renforcer, constituèrent un contingent non négligeable au sein des forces du Dauphin, et avant l'été 1420, l'armée écossaise était devenue un élément à part entière de l'armée royale française.
Alors, pourquoi ces hommes sont-ils venus ? L'amour pour la France est une réponse évidente; mais hélas dans tous les rapports humains, la triste vérité est que la haine motive plus que l'amour. Beaucoup de ces hommes, surtout les partisans de la famille des Border, les Douglas, étaient des soldats professionnels qui avaient passé toute leur vie à combattre les Anglais. Et s'ils ne pouvaient pas les trouver chez eux, ils allaient les chercher outre mer. Juste avant la bataille de Verneuil en 1424, le comte de Douglas, venu en France en personne, aurait dit à John, duke de Bedford, commandant-en-chef des forces anglaises, qu'il l'avait cherché partout en Angleterre et que maintenant il était venu le dénicher en France.
Bien entendu, la présence d'un si grand contingent de forces étrangères, même alliées, ne pouvait que produire troubles et ressentiments. Rapidement, parmi les proches du Dauphin, beaucoup de plaignaient du fait que les Ecossais n'étaient bons qu'à boire et à manger du mouton. Ils allaient bientôt réaliser à quel point ils avaient tort.
Lorsqu'en février 1421, Henry V retourna en Angleterre, il avait raison de se réjouir des progrès réalisés en France. La longue lutte que le roi Edward III avait entamé en 1337, semblait près d'être achevée; lui et ses alliés contrôlaient la plupart des régions du nord de la France et selon l'infâme Traité de Troyes, il devenait l'héritier légal de Charles VI, le roi fou. Ce n'était qu'une question de temps, avant l'anéantissement des troupes du Dauphin Charles.
Cependant, le nombre croissant de soldats Ecossais dans l'armée française, lui posait (Henry V) visiblement problème. Pendant l'été 1420, il ramena Jacques 1er, alors captif, en France, et tirant parti de sa présence, il menaça les Ecossais, porteurs d'armes, de les prendre pour trahison envers leur roi. Et c'était une menace qu'il ne fallait pas ignorer. Quand la ville de Melun se rendit en novembre 1420, un certain nombre d'Ecossais de la garnison furent exécutés. Mais rien ne fit plier la volonté des Ecossais. En réponse à l'appel de Jacques 1er de rendre les armes, le comte de Buchan annonça que pendant la durée de captivité de son roi entre des mains étrangères, il ne se sentait pas obligé d'obéir.
Avec le retour d'Henry en Angleterre, la direction des opérations sur le terrain incombait à Thomas, duc de Clarence. Avide de gloire, il s'embarqua à destination du Maine et de l'Anjou. Buchan et les Ecossais sont à Tours, où ils sont rejoints par une force de troupes françaises, enrôlées localement. Ayant appris que les Anglais étaient à Baugé, au nord-ouest de Tours, les alliés décidèrent d'avancer dans cette direction. Après une marche forcée, Buchan se retrouva à Baugé le soir du Vendredi-Saint, le 21 mars 1421. Le matin suivant, Clarence, désormais au courant de la présence Ecossaise, décida de lander une attaque surprise.
Croyant à une victoire facile, Clarence fut surpris de l'acharnement de la résistance ennemie. Un nombre croissant d'Ecossais partit à l'assaut des lignes anglaises, brisant l'ennemi sous la violence de leur assaut. Clarence en plus d'un millier de ses compatriotes furent tués. Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Anglais furent vaincus au cours d'une bataille.
A minuit, le jour de la bataille de Baugé, Buchan écrivit au Dauphin :

... toute la puissance de l'armée de votre adversaire est soit entre nos mains, soit tuée. Et c'est pour cette raison, oh prince tout puissant, que nous vous prions ardemment de vous rendre en Anjou afin de poursuivre le conquête de Normandie, car avec l'aide de Dieu tout vous appartient.

En témoignage de cette victoire, la bannière de feu Clarence fut expédiée avec cette lettre. Charles, qui jubilait, adressa, à ceux qui autrefois se moquaient de lui, les mots suivants :

Vous qui pensiez que les soldats d'Ecosse ne seraient d'aucune utilité pour notre royaume et ne valaient que par leur réputation de mangeurs de moutons et de buveurs de clairet, voyez maintenant à qui revient l'honneur, la gloire et la victoire de la bataille.

La nouvelle de la victoire se répandit à travers l'Europe, détruisant ainsi le mythe de l'invincibilité anglaise. A Rome, le Pape Martin V fit observer que les Ecossais sont l'antidote contre les Anglais. Buchan fut récompensé en étant fait connétable de France, le rang militaire le plus prestigieux du pays et marque d'honneur tout particulier pour un étranger.

Pendant une courte période, on aurait pu penser que les Anglais pouvaient être totalement chassés du territoire. C'est seulement après le retour du roi Henry V, avec une armée fraîchement constituée, que la situation militaire commença à s'améliorer. Il revint avec Jacques 1er, même si une fois de plus, cela n'eut absolument aucun effet sur la détermination des Ecossais à se battre.
Après avoir contraint l'armée du Dauphin à regagner l'autre rive de la Loire, Henry entreprit d'assiéger la ville de Meaux, défendue par une force Franco-Ecossaise. Le siège se prolongea mois après mois, période durant laquelle le roi Anglais contracta la dysenterie. Selon des chroniqueurs écossais, peu de temps avant, les troupes du roi avaient pillé un monastère dédié à un Saint Ecossais, connu sous le nom de Fergus ou Fiacre. Lorsqu'il apprit qu'on appelait parfois la dysenterie "maladie de Saint-Fiacre", il se mit à délirer sur le compte des Ecossais :

C'est une nation maudite. Où que j'aille, je me retrouve nez à nez avec ces Ecossais. Ce n'est pas étonnant qu'ils soient aussi sauvages et revanchards dans la vie, lorsqu'on les voit semer si cruelles destruction et vengeance après la mort.

La mort d'Henry V fut suivie peu de temps après par celle du malheureux Charles VI. Dans la plus grande partie de la France située au sud de la Loire, le Dauphin était désormais reconnu en tant que roi Charles VII, même s'il resta sans couronne pour quelques années encore.
Charles décide d'ouvrir la saison de campagne de 1423 en lançant une attaque sur l'imposante forteresse de Cravant en Bourgogne. Avec le retour du comte de Buchan en Ecosse qui recrutait une nouvelle armée, John Stewart of Darnley, connétable d'Ecosse, se vit confier le commandement des forces écossaises en mesure de combattre.
Alors que Darnley et ses hommes se concentraient autour de Cravant, Bedford envoya le comte de Salisbury avec mission de lever le siège. Les soldats écossais combattirent vaillamment contre des forces adverses supérieures en nombre, mais la situation devint rapidement désespérée surtout après la disparition des forces Lombardes et Espagnoles.
Les forces Franco-Ecossaises continuèrent leur combat seules. Cependant, malgré de lourdes pertes et même lorsque l'heure de la retraite sonna, les Ecossais tinrent leur position. John Stewart of Darnley perdit un oeil dans les combats et fut fait prisonnier. Plus tard il sera échangé. Charles fit également preuve de suffisamment de compassion pour payer la rançon d'une vingtaine d'archers écossais en passe d'être pendus. On raconte que l'un des soldats écossais aurait garde une pointe de flèche dans la tête, huit ans après la bataille, jusqu'à ce que Sainte-Catherine lui apparaisse dans un rêve et la lui retire.
La bataille de Cravant fut un échec, pas plus. En Angleterre, les autorités tellement inquiètes de voir le flux de soldats écossais en route pour la France, firent savoir qu'elles étaient prêtes à libérer James 1er, incarcéré depuis longtemps. Elles tentèrent de négocier sa libération contre le retour de tous les soldats écossais en France; mais se heurtant à un refus, elles se contentèrent de l'assurance qu'il n'y aurait plus d'envoi de troupes après le retour du roi en Ecosse. Toutes celles qui étaient déjà en France, pourraient y rester. Avant la traversée de la frontière par James au printemps 1424, Buchan et Archibald, comte de Douglas, entrèrent dans la ville de Bourges avec 6.500 hommes. Charles ravi de leur présence fit Douglas duc de Touraine; malheureusement, cette fière armée fut presque totalement détruite un peu plus tard cette année-là, à la bataille de Verneuil.
Verneuil fut l'une des batailles les plus sanglantes de la Guerre de Cent Ans et pour les Anglais ressemblait beaucoup à une seconde bataille d'Azincourt. En tout, 6.000 soldats alliés furent tués, dont 4.000 écossais. Parmi les morts se trouvaient les comtes de Buchan et de Douglas. Les Anglais perdirent 1.600 hommes, un chiffre très important pour eux et beaucoup plus significatif que leurs pertes à Azincourt, signe que la bataille fut féroce. L'armée écossaise avait été malmenée, mais pas suffisamment pour qu'elle disparaisse de l'histoire. Extrêmement attristé par la défaite de Verneuil, Charles continua néanmoins d'honorer les survivants, parmi lesquels John Carmicael of Douglasdale, chapelain du feu comte de Douglas, qui fut nommé évêque d'Orléans.
Sous le commandement de John Stewart of Darnley, les Ecossais alors considérablement réduits en nombre, restèrent de valeureux soldats pendant quelques années encore. La situation militaire devenait tellement intolérable pour le Dauphin que, pendant l'été 1428, il envisagea de s'exiler en Ecosse.
Mais, au lieu de cela, il prit la décision de lever de nouvelles troupes. Cet été-là, une très importante délégation vint plaider sa cause auprès du roi James. A la tête de cette délégation, se trouvait l'Archevêque de Reims et le poète Alain Chartier. Dans son allocution devant James et sa cour, Chartier décrira l'Auld Alliance en ces termes :

(la Auld Alliance)... n'a pas été écrite sur un parchemin de peau de brebis mais gravée sur la peau d'homme, tracée non par l'encre mais par le sang.

Après cet intermède poétique, l'ambassade se concentra sur le problème le plus pressant. Les ambassadeurs demandèrent qu'un nouveau traité soit préparé, dont le point d'appui serait un mariage entre la fille de James, Margaret, et le fils du roi Charles VII, le Dauphin Louis. La dot de Margaret devait être réglée, pas en argent mais en troupes - 6.000 hommes. Charles cherchait le salut de son pays par le biais de la petite princesse Margaret; mais en fin de compte, c'est une toute autre femme qui sauvera la France.
John Stewart of Darnley avait accompagné l'ambassade de France en Ecosse et pendant que les négociations se poursuivaient, il s'était occupé de constituer une toute nouvelle armée. Au moment où il était rentré en France, Orléans était devenue le centre des opérations militaires. Même avant le retour de Darnley, des soldats écossais s'étaient battus et étaient morts pour la défense d'Orléans. Darnley, lui-même, fut tué en février 1429, à la bataille de Rouvray-Saint-Denis durant une tentative pour empêcher le ravitaillement des anglais qui assiégeaient Orléans. Son corps fut transporté par Dunois, son frère d'armes, depuis le champ de bataille, et fut inhumé en la cathédrale d'Orléans où il est demeuré jusqu'à la Révolution.
Après cela, les Ecossais restants se replièrent sur Orléans, où ils furent intégrés à la garnison et témoins de ce qui allait se passer. L'un d'entre-eux était un clerc anonyme qui, après son retour en Ecosse des années plus tard, devait écrire :

En ces jours, le Seigneur a pénétré l'esprit d'une certaine merveilleuse fille qui a apporté la réhabilitation du Royaume de France, le sortant des mains du tyran Henry, roi d'Angleterre et que j'ai vue et côtoyée et en compagnie de laquelle j'ai combattu; je me trouvais près d'elle pendant l'oeuvre de sa vie et jusqu'à sa mort.

Parmi les compagnons qui accompagnèrent Jeanne jusqu'à Orléans en cette fin du mois d'avril 1429, il y avait un convoi de provisions sous bonne garde écossaise, parmi lesquels Sir Patrick d'Ogilby et Sir John Wishart. Dans la bataille qui suivit, Hugh Kennedy, un autre commandant important et ses hommes jouèrent un rôle prépondérant, surtout pendant l'attaque du Fort des Tourelles. Par la suite, Kennedy se chargea de dégager la route pour Jeanne d'Arc jusqu'à Reims, pour le sacre du roi, et une vingtaine de ses hommes furent tués en combattant lors de la bataille de Patay.
Avec la reconquête de la France qui était en bonne voie, il n'y avait plus besoin de troupes fraîches; mais les Ecossais présents dans le pays continuèrent à servir pendant quelques années encore. En 1445, ils étaient organisés en deux compagnies de Gardes Ecossais. Ces hommes constituaient une force permanente de gardes du corps des rois de France, rôle qu'ils ont rempli avec fierté et courage jusqu'à l'époque de Charles X. Un historien militaire français écrivit que sous le titre de Scots Men-at-Arms, on pourrait écrire l'Histoire des Guerres de France de Jeanne d'Arc jusqu'à la Révolution.
Si vous me permettez, je souhaiterais conclure par une note personnelle. Lorsque l'Ecosse était l'alliée de la France, son destin était lié à celui très important de l'histoire et de la culture européenne. Notre union avec l'Angleterre a eu pour effet de transformer une nation en une province, au point que nous avons presque cessé d'exister. Maintenant que nous faisons nos premiers pas incertains au sein de la grande famille des nations européennes, j'ose espérer que nous allons nous tourner vers la France et qu'une alliance nouvelle basée sur la coopération et l'amitié pourra un jour être construite sur le modèle de l'ancienne : the Auld Franco-Scottish Alliance.

(Texte aimablement communiqué par le Président de l'Association "Alliance France-Ecosse", à Orléans. Il s'agit d'une traduction, anglais-français, du texte original écrit par l'historien et écrivain Ecossais Raymond Campbell-Paterson.)
Note :
Un natif d'Ecosse est un Scot, et si un Scot peut à la rigueur être Britannique, il n'est en aucun cas Anglais...
En 1513, par lettres de naturalité générales et réciproque, Français et Ecossais disposaient, dans chacun des pays, des mêmes droits que les ressortissants de souche.
La Auld Alliance fut concrètement formalisée par des traités, sans cesse renouvelés au fil des siècles, de la fin du 13e siècle, avec Philippe le Bel et John Balliol, jusqu'à la fin du 16e siècle avec François II, roi de France et d'Ecosse, et son épouse Marie Stuart, reine d'Ecosse.
Avant d'être rattachés à l'Angleterre, à contrecoeur, en 1707, les Ecossais défendirent leur indépendance, épée au poing, durant plus de 400 ans. Mais ils gardèrent et entretinrent soigneusement une identité propre, gardant le contrôle sur un certain nombre d'institution sociales et politiques.
La "Garde Ecossaise" des rois de France, créée en 1423, perdurera jusqu'après 1814.
Pour en savoir plus sur la "Auld Alliance" cliquez ici

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Quelques personnages (Français)

Yolande d'ARAGON

Belle-mère de Charles VII qui avait épousé sa fille Marie d'ANJOU.

Fille de Jean 1er, roi d'Aragon, et de Yolande de BAR. Elle fut duchesse d'Anjou, comtesse du Maine et de Provence, reine de Naples et de Jérusalem titulaire et dame de Guise. Née le 11/08/1384 à Saragosse (Espagne), décédée le 14/11/1442.

Epouse de Louis d'ANJOU, elle eut plusieurs enfants dont Marie d'ANJOU et René d'ANJOU.
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Robert de BAUDRICOURT

Seigneur de Baudricourt, Blaise, Buxy (Bussy) et Soray. Né vers 1400, décédé entre février et août 1454. Fils de Liébaud de Baudricourt, chevalier et chambellan du roi.

Conseiller et chambellan du duc de Bar René d'ANJOU. Nommé en 1415 capitaine de Vaucouleurs.

Il était aux côtés de René d'Anjou à la bataille de Bulgnéville le 2 juillet 1431. Il s'enfuit du champ de bataille pour ne pas être pris par l'ennemi anglo-bourguignon. On lui donne 7 enfants de trois mariages, dont un fils : Jean.
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Bernard de COARRAZE

Seigneur de Berat - Gouverneur de Pithiviers (1427). Décédé en 1435. Fils de Raymond (+1355) et de Navarrine Barrave d'ASPET (+1403).

Compagnon de Jehanne d'Arc.
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Jehan de DUNOIS

Dit le Bastard d'Orléans. Né le 18/04/1403 (ou 1402) au Château de l'Hay-les-Roses, y décédé le 23/11/1468. Inhumé dans la basilique de Cléry-Saint-André, près d'Orléans (Loiret). Chevalier. Comte de Dunois. Fils de Louis, duc d'Orléans (1371-1407) et de Mariette d'Enghien. Marié 2 fois.

Compagnon de Jehanne d'Arc. Orléans, Jargeau, Meung, Beaugency, Patay, Reims, Paris.
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Jean V MALET de GRAVILLE

Chef militaire français, né vers 1390, décédé en 1449. Compagnon de Jehanne d'Arc. Cumule d'importantes dignités civiles et militaires auprès de Charles VII.

Capitaine de Malesherbes - Maître des arbalétriers - Grand panetier de France - Grand fauconnier de France.

Batailles de Jargeau, Meung-sur-Loire - Beaugency, Patay.
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Gérard de la PALLIERE

Capitaine gascon au service de la France. Capitaine de Toury, Loiret (1427).
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Richard POCQUAIRE

Seigneur de Chailly. Décédé vers 1450 julien. Fils de Guillaume et de Catherine du MONCEAU.

Bailly de Montargis (1427) - Capitaine de Beaune-la-Rolande et de Lorris (1427). Partisan convaincu de Charles VII.
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Arthur de RICHEMONT

de Bretagne. Dit le Connétable de Richemont ou le justicier. Seigneur Breton. Né le 24/08/1393 au Château de Suscinio, Sarzeau, décédé à Nantes le 26/12/1458.

Fils de Jean IV de Bretagne (duc de Bretagne) et de sa troisième épouse Jehanne de NAVARRE.

Marié trois fois : 1° en 1423 avec Marguerite de Bourgogne, 2° avec Jehanne d'ALBRET, 3° en 1445 avec Catherine de Luxembourg-Saint-Pol.

Frère de Jean V de Bretagne.

Blessé à la bataille d'Azincourt en 1415, fait prisonnier en Angleterre pendant cinq ans, il est nommé connétable de France par Charles VII le 7 mars 1425. Il reprend Paris aux Anglais le 13 avril 1436, après avoir été l'un des compagnons de Jehanne d'Arc. Il devient duc de Bretagne en 1457.
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Jehan SALVAIN, bailli de Rouen

Jehan SALVAIN, bailli de Rouen, et sa participation au siège d'Orléans.

Jehan SALVAIN, chevalier bachelier, était bailli de Rouen et également capitaine de Dieppe. On peut suivre sa troupe quelques temps, avec les documents, précis, que l'armée anglaise établissait pour le paiement de son armée : les endentures (contrats d'engagement), les "montres" (revues militaires) et les quittances de solde.

Endenture à Chartres, le 15/12/1428, pour 21 hommes d'armes, lui compris, et 63 archers à cheval, pour servir au siège d'Orléans... Pour trois mois, débutant le 02/01/1429, dont il fait montre à Rouen.
En outre : lettres de garant du Régent anglais Bedford, le 13/01/1429, à Chartres, pour 10 hommes d'armes et 4 archers à cheval... oultre et pardessus sa retenue ordinaire."Ce qui porte le total de ses troupes, avec lui, à 31 hommes d'armes et 67 archers, troupe importante pour le temps.

1- Gages et regars pour 11 hommes d'armes et 45 archers (une partie de sa troupe), oultre sa retenue de 12 hommes d'armes et 36 archiers à luy paravant baillée en charge...
Payé pour lui, 20 hommes d'armes et 63 archers à cheval, pour service audit conduict des vivres et sur les champs, pour le premier des trois mois, du 03/01/1429 et se terminant le 02/02/1429.
Montre à Rouen devant Jehan Beauchamp, chevalier, Richart Cursum, lieutenant du capitaine de Rouen, et Rogier Mustel, "viconte de l'eaue dudit lieu." 
Quittance à Rouen, le 04/01/1429, pour 635 livres 12 sols 6 deniers tournois.

 :Et pour le service des aultres 10 hommes d'armes et 4 archiers, du premier moys, selon la mesme monstre, à Rouen, le 3 janvier 1429, par aultre quictance du 4 janvier 1429, pour 87 livres 18 sols 4 deniers tournois.

2- Gaiges et regars de 15 hommes d'armes et 32 archers à cheval, lui non compris, pour service d'un mois au conduict des vivres et sur les champs, du 03/02/1429 au 02/03/1429.
Montre à Corbeil, le 07/02/1429, devant Jehan de Saint-Yon et Robert Cottes, écuyers, commissaires.  :... et le surplus des gens de sadite retenue estoit audit siège d'Orliens, où ilz ont ou doivent avoir esté paiés par ledit trésorier des guerres pour ledit moys."
 :Pour ce ycy, quictance de Henri Grégory, écuyer, chief de monstre et conduiseur desdictes 15 lances et archiers, faicte à Paris, le 8 février 1429, pour 381 livres 17 sols 6 deniers tournoys."

nb : on voit donc qu'une partie de la troupe de Jehan Salvain participait directement au siège, sur place, une autre partie, sous les ordres d'un de ses lieutenants, participant aux escortes des convois de vivres et munitions que les anglais envoyaient sur Orléans.

3- Gaiges et regars de 10 hommes d'armes et 33 archers à cheval, pour service de 28 jours du 3ème mois de cette endenture, à desservir audit siège et estre et demourer en ycelui, dont à ce faire se soubzmirent et obligèrent, du 03/03/1429 jusqu'à fin mars. A 6 livres tournois par archer, au lieu de 5, ceux-ci ayant obtenu une augmentation de leur solde pour cause de "vie chère".
Montre à Paris, le 14/03/1429, devant Guillaume Mineurs et maître Guillaume Brounyng, secrétaire du roi, commissaires.
 :Et le surplus de sesdictes gens estoient et servoient audit siège soubz George Seynlinkton, escuier, ordonné par mondits. le bailli; auquel siège ilz ont esté payez dudit temps par ledit trésorier des guerres en France, pour ce ycy, par quictance dudit Henry Grégory, escuier, faicte à Paris le 16ème jour dudit moys, pour 322 livres 16 solz tournoys.

4- A lui, par vertu d'aultres lectres de mandement... pour ledit siège et conduict des vivres,pour le mois d'avril. Pour les gaiges et regars de 19 lances à cheval et les archiers(donc environ 60 normalement), lui non compris, "résidans tous audit siège, soubz et avec George Seynlinkton, pour service du moys d'avril," à 6 livres tournois par archer (nouvelle solde pour ceux-ci depuis février 1429).
Montre le 20/04/1429 devant Richart Waller et maître Raoul Parker, commissaires.
Quittance "dudit George" le 20/04/1429, pour 473 livres 10 deniers tournois.

Pour tout : 1.981 livres 6 sols 2 deniers tournois.

Troupes tirées directement de la garnison de Rouen 
Il s'agit probablement là de son escorte personnelle.
Gaiges et regarsde 2 hommes d'armes et 6 archers, du nombre de sa retenue, pour l'exercice et chevauchée de sondit office.
Pour service au conduict des vivres, de 15 jours, à compter du 04/04/1429.
Montre à Vernon, le 04/04/1429, devant Jehan Popham et Guy Bouteillier, chevaliers, commissaires, pour ce mandez venir à Vernon.
Quittance de luy faicte, le 04/04/1429, pour 29 livres 15 sols 10 deniers tournois.

Ce qui donne une troupe comprenant, en tout, environ entre 80 et 100 hommes.

Notice biographique succincte : 
Aussi : SALVAYN, SALVAING.

- 1422 à 1425 : écuyer, bailli de Rouen.
- 17/08/1424 : participe à la bataille de Verneuil.
- 1424 à 1429 : capitaine de Dieppe.
-  1425 : chevalier.
- 04/07/1426 : reçoit des montres à Bonneval.
- 1427 : bailli de Rouen. Novembre 1428 : l'est aussi de Gisors.
- 1429 : à Lagny-sur-Marne.
- 1428-1429 : participation au siège d'Orléans.
- 16/04/1432 : bailli de Rouen et de Gisors.
- 1433 : capitaine de la Rivière de Thibouville aux gages de 500 livres tournois.
- 1433-1434 : bailli de Rouen, capitaine de Dieppe, trésorier de Normandie.
- 11/11/1435 : bailli de Rouen.

Jehan Salvain est chevalier bachelier en 1429 et banneret en 1435. Dès 1423, il est bailli de Rouen et de Gisors en 1424, et aussi capitaine de Dieppe aux gages de 500 livres tournois par an.
En septembre 1429, il fera montre d'une troupe allant secourir Paris contre les hommes menés par Jehanne la Pucelle.

Le 18/09/1428, le Régent fixait la garde de son bailliage à 2 lances et 24 archers. Ce n'est pas de cette garde qu'ont pu être retirées les troupes ou la troupe qu'on voit servir sous son nom au siège d'Orléans. Apparemment, il n'en existe qu'une seule, de 20 hommes d'armes et 60 archers à cheval. George Swyllyngton (Suylinlgton...) s'en dit le capitaine, le 08/01/1429; il n'en est réellement que le lieutenant, puisque c'est sous le nom du bailli qu'elle est passée en revue le 20 avril suivant.
Comme les droits à la solde remontaient au 28/12/1428, on peut croire que les hommes provenaient de la dislocation du corps de Salisbury, dont le service expirait à cette date.

Une fraction de 15 hommes d'armes et 32 archers se trouve à Corbeil, puis à Paris, en février. Elle y est sous le commandement de Henry Grégory, écuyer, qui se dit seulement chef de montre. Depuis longtemps, celui-ci était sous les ordres de Jehan Salvain, et il conduisait une partie de sa retenue au siège de la place de Gaillon, qui fut prise en 1424.

D'après le témoignage de Pétrus Boucher, le bailli de Rouen aurait lui-même conduit Jehanne la Pucelle au bûcher; ce bailli ne pouvait être que Salvain, car nous voyons celui-ci exercer ces fonctions de 1423 à 1449. Il semble donc que ce ne soit pas - comme on l'a dit - Jehan Le Bouteillier. 

Jehan Salvain, comme bailli de Rouen, jouera un rôle important dans le rassemblement du contingent de féodaux, pour les envoyer au siège d'Orléans.
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Thibaut de TERMES

Dit d'Armagnac (1405-1457). Fils de Jean IV d'Armagnac, seigneur de TERMES. Capitaine de Mailly-la-Ville - Bailli de Chartres (1432,1457) - Capitaine de Dreux (1444) - Lieutenant du comte de DUNOIS à Harfleur (1455).

Compagnon de Jehanne d'Arc - Orléans, Jargeau, Meung, Beaugency, Patay, Reims.
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Etienne de VIGNOLLES

Né en 1390 à Préchacq-les-Bains (Landes), décédé le 11/01/1443 à Montauban. Mercenaire gascon. Siège d'Orléans, bataille de Jargeau, bataille de Patay. Années de services : 1418-1443, dit "La HIRE" (de ire = colère ou peut-être une référence à son origine géographique : Hinx, ou deux localités situées près de Vignolles : La Hite ou Larehille). Homme de guerre. Compagnon d'armes de Jehanne d'Arc.
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Les capitaines (français)

Suivre ce lien.
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Exemples de documents militaires (anglais) :

Une endenture

L'endenture était un contrat d'engagement, pour une période donnée, que le roi ou son représentant passait avec un chevalier ou un écuyer, pour faire la guerre.
Stipulations particulières de l'endenture faite par Henry de LISLE, succédant à son frère, Lancelot, pour 43 hommes d'armes et 129 archers, pour servir au siège d'Orléans.
Le terme de l'endenture de Lancelot n'était pas arrivé, puisqu'elle était faite pour la durée du siège: c'est la mort du chef qui en nécessite le renouvellement :

Ceste endenture faicte entre le Régent et Henry de LISLE, escuier... à la charge de quarante-trois hommes d'armes, sa personne en ce comprise, et de six-vingt et neuf archiers...
Lesquelz hommes d'armes et archiers furent et estoient de la charge et retenue de feu mons. Lancelot de LISLE, en son vivant chevalier, frère dudict escuier, au jour de son trespassement, pour estre au siège d'Orliens.
Parmy ce que, pour lesdiz hommes d'armes et archiers, ledit escuier aura et prandra gaiges, c'est assavoir :
- Pour hommes d'armes, 12 deniers esterlins le jour, monnoye d'Angleterre, avecques les regars accoustumez, en prenant le noble d'Angleterre pour 6 solz et 8 deniers esterlins de la dicte monnoye, ou autre monnoye de France à la valeur,
- et pour chascun archiers, 6 francs par chascun moys,
dont paiemens sera faict audit escuier, de moys en moys, au commencement d'un chascun moys, selon les monstres ou reveues que ledit escuier a faicte et fera desdiz hommes d'armes et archiers, des finances du païs de France ou du duchié de Normendie, par l'ordonnance et commandement des trésoriers et généraulx gouverneurs desdictes finances, et par la main du trésorier des guerres dudit païs de France ou du receveur général dudit duchié de Normendie.
Iceux gaiges et regars commançans incontinent que le terme pour lequel ledit feu mess. Lancelot de LISLE a esté derrenièrement paié pour luy et les hommes d'armes et archiers de sa retenue, fut finy et acomply; et de là en avant de moys en moys, durant ledit siège.
Donné à Paris, le 13e jour de mars, l'an de grâce 1428 (1429 en fait)
Signé : Bradshawe.

nb : l'endenture est rédigée en monnaie esterlin, mais les hommes sont payés en monnaie tournois.
Pour le temps, l'année débutant à Pâques, on est encore en 1428. Pour notre calendrier actuel, c'est en fait le 13 mars 1429.

Une montre

La montre était une revue militaire, dans laquelle on vérifiait le nombre d'hommes par rapport à l'endenture, et où l'on contrôlait si l'équipement était adéquate.
Voici un exemple de montre, en l'occurence du 4 avril 1429, à Vernon, pour un détachement conduit par l'écuyer Jehan de CARREL, chef de montre des nobles des vicomtés d'Argentan et de Domfront, requis pour 15 jours, afin de participer aux escortes des convois de vivres, munitions et autres fourniture, à destination du siège d'Orléans.

C'est la monstre des nobles de la vicomté de Argenten et Donfront, qui passez ont esté à Vernon sur Saine, le 4e jour d'avril 1429 après Pasques, par devant nous, Jehan POPHAM et Guy Le BOUTEILLIER, chevaliers, conseilliers du Roy nostres. (notre sire) et commissaires ordonnez de par ledit seigneur à prandre et recevoir toutes les monstres des nobles du duchié de Normendie et païs de conqueste, mandez audit lieu de Vernon venir faire leurs monstres et prandre les gaiges d'icelui seigneur pour le conduict (des vivres) de l'armée du siège estans à présent devant Orliens.
Lesquelx nobles nous avons recheus et passez aux monstres, par diverses manières selon leur abillemens; (équipement) c'est assavoir : les uns pour prandre gaiges de lance à cheval, les aultres pour prandre demi-gaiges, et les aultres pour prandre gaiges d'archier, par la fourme et manière qui s'ensuit.
Hommes passez à gaiges de lance à cheval :
- Jehan DECARREL, escuier, chief de monstre,
- Jehan GREVE, escuier,
- Thomas OUARDE, escuier,
- Jehan HEUDE, escuier,
- Richart DECERCEAU, escuier.
Archiers passez à gaiges :
Jehan BRIDON - Thomas CHATTOLK - Jehan ALLY - Jehan LUCAS - Nicolas CHEROUDE - Thomas CENEST - Jehan SAULEY - Thomas CRAY - Richert QUELLE - Robin MOULLEREY.

Lesquelles lances, montans cinq, et dix archiers, sont montez et armez souffisamment.
Tesmoing nos saings cy mis, l'an et jour dessusdits.
Signé : Popham - G. Le Bouteillier.
Deux jours plus tard, toujours à Vernon, l'écuyer signera une quittance de solde pour 61 livres 19 sols et 6 deniers tournois.

Une quittance

Quittance concernant William GLASDALL, capitaine qui séjourna aux Tourelles d'Orléans.
Faite pour 30 hommes d'armes (y compris Glasdall) et 80 archers à cheval (du nombre des 400 lances nouvellement retenues) - 2 décembre 1428.
Saichent tuit (que tout le monde sache) que je, Guillaume Glasdal, escuier, bailly d'Alençon et cappitaine de 30 lances et les archiers (correspondant) du nombre des 400 lances de nouvel retenus par Mons. le Régent de France, duc de Bedfort, pour estre avec luy et servir le Roy nostres., (notre sire) au siège devant Orliens et ailleurs où il luy plaira.
Confessons avoir eu et receu de Pierre Surreau, receveur général de Normendie, la somme de huit cens quarante-trois livres quinze solz tournois en prest et payement des gaiges et regars de moy, 29 aultres hommes d'armes et 80 archiers à cheval, de madicte retenue, pour leur service d'ung moys à la bastide et tour du bout du pont d'Orliens, pour ung moys commençans le 19e jour de novembre derrenier passé, et dont j'ay faict monstre aujourduy, à la dicte bastide, pardevant Thomas Dirthile et Richart Fortescu, escuiers, à ce commis par mess. de Suffork, de Talbot et d'Escalles. (*)
Et paiemens à moy faict, par vertu des lectres du Roy nostre seigneur, données à Chartres le... (?) jour dudit moys de novembre.
De laquelle somme de 843 livres 15 solz tournois dessus dicte, je me tiens pour contens et bien paié, et en quicte le Roy nostre seigneur, ledit receveur général et tous aultres.
En tesmoing de ce, j'ay scellé ceste présente quictance de mon seel, à la dicte bastide, le second jour de décembre l'an 1428.

(*) (C'étaient les trois chefs au siège d'Orléans, après la mort de Salisbury.)


Une pénalité

Exemple de pénalité infligée pour mauvais équipement.
Suite à une "montre" de la troupe de Hue de PREZ, bailli de Chartres, le 02/01/1429, au siège d'Orléans, pour 10 hommes d'armes, lui non compris, et 20 archers. Sur cette troupe, on retient sur la solde une somme, en tant que pénalité pour un défaut d'équipement de 3 hommes d'armes à qui il manquait le casque :
- Quittance à Chartres, le 13 janvier 1429, montant 242 livres 18 sols 4 deniers tournois, en laquelle somme sont compris 60 sols tournois (3 livres) qui rabatuz luy ont esté par ledit receveur général pour trois desdiz hommes d'armes défaillans à ladicte monstre de bacinet ou salade à visière, comme par ladite monstre appert, pour chascun d'eulx 20 sols tournois par moys dont ledit receveur faict recepte...

^ Sommaire

Documents authentiques

1°- Les comptes de la ville d'Orléans
Dès la fin du 14e siècle, et jusque vers le milieu du 16e, ce sont douze notables de la ville, portant le nom de procureurs, qui géraient les affaires et les finances de la cité.
Elus tous les deux ans par la population réunie sur la place des halles, les procureurs, dès le début de leur mandat, en choisissaient un parmi eux, qui prenait le titre de receveur des deniers communs, pour régler les affaires courantes, payer les dépenses et percevoir les revenus.
Chaque somme devait faire l'objet d'un mandement écrit de l'un ou l'autre procureurs, autorisé par le bailli ou son prévôt, et contresigné par le notaire de la ville (en 1428-1429 : Jehan Cailly).
Deux fois par an des comptes étaient rendus.
Les états des recettes et des dépenses étaient ensuite transcrits sur un registre de parchemin.
Pour chacune des gestions bisannuelles, existait deux sortes de registres : les comptes de commune et les comptes de forteresse, ces derniers étant surtout destinés aux dépenses concernant la défense de la ville (entretien des remparts, achats de canons et poudre, garnison, etc.)
Beaucoup de ces registres ainsi que de mandements originaux de paiement ont été fort heureusement conservés jusqu'à nos jours. Ils constituent une source inépuisable et de "première main" pour les plus précieux renseignements.

2°- Archives départementales du Loiret
Ces archives contiennent des multitudes de documents sur la ville, les habitants, les établissements publics, la topographie locale (plans...), et des archives de l'ancien duché d'Orléans dont le seigneur était, à l'époque, du duc Charles.

3°- Les Procès de condamnation et de réhabilitation de La Pucelle
Ces documents ont été publiés pour la première fois par M. Jules Quicherat, de l'Ecole des Chartes, d'après les manuscrits déposés à la Bibliothèque Nationale, en 5 volumes in 8°, de 1841 à 1849.
La publication des procès-verbaux authentiques, officiels, de ces deux procès, nous donne les plus précieux détails sur la personnalité de Jehanne.

4°- L'Histoire et discours au vray... ou journal du siège
Un texte trouvé par un érudit local, M. Daniel Polluche, dans le dernier tiers du 19e siècle, nous apprend qu'en 1467 : 11 sols parisis furent payés par la ville à maistre Sousdan, clerc, pour avoir escript, en parchemin, la manière du siège tenu par les Anglois devant la ville d'Orliens, en 1428 et 1429... (Bibliothèque d'Orléans - manuscrit 451).
A peine 37 ans après les événements, des témoins oculaires existaient encore, et le souvenir en était encore présent dans les familles. Aux frais de la ville, le clerc établit un document qui témoignera des faits, et sera conservé dans les archives municipales.
Cette précieuse chronique fut imprimée à Orléans, pour la première fois, en 1576, sous ce titre : Histoire et discours au vray du siège qui fut mis devant la ville d'Orléans, par les Anglais, le mardi XIIe jour d'octobre mcccxxviii...Contenant toutes les saillies, assauts, escarmouches et autres particularités notables qui de jour en jour y furent faites, avec la venue de Jeanne la Pucelle, et comment par grâce divine et force d'armes, elle fist lever le siège de devant aux Anglais... Prise de mot à mot, sans aucun changement de langage, d'un vieil exemplaire escrit à la main, en parchemin, et trouvé en la maison de ladicte ville d'Orléans, illustrée de belles annotations en marge.
Plus tard l'abbé Dubois étudia de près cette chronique, et lui donna le nom de Journal du siège, qui depuis lui a été conservé.
D'autres grands érudits, comme MM. Quicherat et Vallet de Viriville, l'étudièrent à leur tour.

5°- Chronique de la Pucelle
Publiée sous ce titre et sans nom d'auteur, en 1661, par Denys Godefroy, dans son recueil des historiens de Charles VII, cette chronique fait autorité.
Elle fut publiée à nouveau, en 1859, par M. Vallet de Viriville, accompagnée de commentaires.
Il semble que cette chronique soit un amalgame de plusieurs textes, dont une partie aurait vraisemblablement été écrite par Guillaume Cousineau, chancelier du duc d'Orléans, au moment des faits, et collationnés par Guillaume Cousineau, deuxième du nom, neveu et filleul du 1484, et donc puisé aux sources les plus directes.

6°- Chronique de l'établissement de la fête du 8 mai
Document conservé par la Bibliothèque du Vatican, dans le fonds dit de la Reine Christine de Suède, et découvert, vers 1847, par un érudit français, M. André Salmon, ancien élève de l'Ecole des Chartes, et qui le publia dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes (t.III de la 2e série, août 1847).
Ce récit, selon M. Quicherat, serait celui d'un vieillard qui raconte des choses dont il a été témoin dans sa jeunesse, et contient des renseignements très précieux.
Le manuscrit provient originairement de la riche Bibliothèque de Saint-Benoît-sur-Loire et, après diverses pérégrinations, aboutit au Vatican.

7°- La note de Guillaume Giraut
Notaire au Châtelet d'Orléans, Guillaume Giraut consigna sur son registre de minutes, le 9 mai 1429, les journées décisives des 4, 7 et 8 mai et son admiration pour la Pucelle.
Ce récit succinct à l'immense valeur d'être la relation d'un témoin oculaire des événements.
Le registre en question fut retrouvé en 1818.

8°- Histoire de Charles VII, par Jean Chartier
Cet ouvrage d'histoire générale donne des détails intéressants sur le siège d'Orléans et sur la coopération de Jehanne à la délivrance de la ville. Il est l'oeuvre de Jean Chartier, sous-chantre de l'abbaye de Saint-Denis, et historiographe de France sous Charles VII.
Cet ouvrage, écrit certainement entre les années 1440 et 1450, fut publié en 1661 par Denys Godefroy dans son recueil des historiens de ce règne.

(Sources : bull. S.A.H.O., t.XV, 1876).

Essai de récit sur le début de la vie de Jehanne

Cet essai de récit sur le début de la vie de Jehanne est bien sûr issu de l'imagination !
Mais, après tout, pourquoi les événements ne se seraient-ils pas déroulés ainsi ?
C'est juste pour le fun, pourrait-on dire !
Peut-être y aura-t-il une suite....

Le baptême de Jehanne.

- Monsieur le curé, vous venez naturellement jusqu'à la maison, partager avec nous ce repas de baptême !
- Tu es gentille, Zabillet, et je me joindrai à vous avec grand plaisir.

En ce début de l'année 1408, au village de Domrémy, en Lorraine, l'abbé Jehan MINET, curé de l'église vouée à Saint-Rémy, vient de baptiser une petite fille prénommée Jehanne. C'est encore un tout petit bébé.
La famille part vers la maison, située à quelques mètres, et Monsieur le curé range son étole et les objets qui ont servi à la célébration, congédiant les deux garnements qui ont servi d'enfants de choeur, leur lançant :

- Il y aura aussi des gâteaux pour vous. Partez, je vous y rejoindrai.

Ils ne se font pas prier et partent en courant.
Le bedeau qui avait sonné les cloches pour l'événement attend Monsieur le curé, l'aidant afin d'aller plus vite.
L'église de pierre est petite, mais solide et assez spacieuse pour recevoir la quasi totalité de la population qui se rend à la messe et aux divers services religieux.
C'est un édifice important pour les gens d'ici. Pour le culte, bien sûr, mais aussi comme abri éventuel lors des razzias des hommes de guerre.
Les cloches y rythment la vie, sonnant pour la messe, les vêpres, les mâtines, et les complies, mais aussi pour les baptêmes, les mariages et les enterrements.
Ce sont elles également qui préviennent de la grêle, du feu, de la foudre, et pour signaler les soldats, et, plus souvent encore, les hordes de pillards qui écument fréquemment le pays, ravageant, dévastant, violant et semant dépossessions, famine, tristesse et meurtres lors de leurs incursions.
Il n'empêche que la vie de tous les jours y conserve ses droits, et surtout les événements comme ce baptême.
La famille et les invités atteignent la maison. Il y a là l'entourage habituel des d'ARC.
Jehan MOREAU, un laboureur de Domrémy, qui est parrain de Jehanne, un jeune homme d'environ 21 ans (à cette époque on ne connaît pas toujours exactement la date de sa naissance), Béatrice d'ESTELLIN, mariée à un autre laboureur du village, 31 ans, marraine de la petite fille, Jehannette ROYER, 21 ans, une autre marraine, selon l'usage du temps, qui a environ 11 ans, et qui épousera plus tard Tiercelin de VITEAU.
Puis Jacques d'ARC, le père de Jehanne, laboureur lui aussi, installé à Domrémy depuis l'an 1390 environ, venant de Ceffonds, âgé d'environ 35 ans. L'un de ses frères est là aussi, Nicolas d'ARC, avec sa femme, une autre Jehanne, et également un autre de ses frères nommé Jehan d'ARC.
Les enfants de Jacques et Isabelle, frères et soeur de la petite Jehanne : Jacques, dit Jacquemin, environ 12 ans, Jehan, environ 6 ans, Catherine, dans les 4 ans, et enfin Pierre qui a un peu plus d'un an.
La maman, que l'on surnomme Zabillet, épouse de Jacques, se nomme en fait Isabelle de VOUTHON, car originaire de ce village situé dans la région. Elle a environ 30 ans. Plus tard, on la surnommera Romée suite à un pèlerinage qu'elle entreprendra.
Certains membres de la famille sont là, eux aussi : Jehan de VOUTHON, frère d'Isabelle, marié depuis 1405 avec Marguerite COLNEL, puis sa soeur, Aveline, fiancée avec Jehan Le VAUSEUL (ou Le VOYSEUL) qu'elle épousera en 1410, et aussi un autre frère d'Isabelle, Mengin de VOUTHON et son épouse. Egalement un cousin, Perrinet de VOUTHON, qui réside dans la région, à Sermaize, et y exerce la profession de couvreur.
Les amis et les proches, comme les LASSOIS (ou LAXART) du village de Burey, famille de laboureurs, les DRAPPIER, dont le fils Perrin deviendra marguillier de Domrémy, les MUSNIER, SYONNE, JOYART, LEBUIN, WATERIN et TURLANT, de Domrémy, les GUILLEMETTE, de Greux, village frère de Domrémy, et puis encore les voisins dont les BIGET (ou BIZET), tous ces gens qu'on fréquente ou avec lesquels on partage la vie et le labeur quotidien.
D'autres cousins, sans doute, du côté du chef de famille, des d'ARC : Guillaume, Raoul et Yvon, qui seront dans les années suivantes des personnages importants, nous le verrons, comblés d'honneurs et de charges conséquentes.

Tous ces gens, suivi des enfants de choeur, de Monsieur le curé et du bedeau, sont maintenant devant la maison de Jacques, et Isabelle rassemble tous ses invités.
Pour tout ce monde, il fallait de la place, et l'on avait dressé dans la grange, contigüe à l'écurie, deux grandes tables en bois, disposées en L, sur lesquelles des draps étaient posés en guise de nappe.
Un petit lit de bois trône dans le fond, près du mur, pour y faire reposer le bébé, qui restait ainsi le personnage principal, et aussi pour qu'il soit tout près des femmes, afin qu'elles puissent intervenir si le besoin s'en faisait sentir.
La maison elle-même est en pierres, car Jacques est un notable du village, assez longue, mais basse. Elle est assez massive, avec seulement trois ou quatre fenêtres sur la façade. Le sol est dallé et tout y est simple.
Il y a peu de meubles, juste le strict nécessaire : une grande table rustique en bois, des bancs, une maie et la huche dans laquelle on stocke le pain. Des coffres complètent l'aménagement dans lesquels on range gamelles, vêtements et objets divers.
Les lits, sur lesquels sont disposées des paillasses et où l'on dort à deux ou trois, et puis la pièce principale, où se trouve la cheminée, avec son âtre où l'on cuisine et qui chauffe difficilement la maison, ses landiers de fer battu et la crémaillère.
Aux murs, des chevilles de bois et des râteliers pour suspendre les paniers et les vêtements de tous les jours, et quelques chandeliers afin de poser les bougies pour l'éclairage qui reste sommaire.
Les murs sont noircis par la fumée et la suie.Au-dessus de l'entrée, un crucifix, avec le buis béni de la dernière fête des Rameaux. Devant la bâtisse, la cour, dont la terre est dure et poussiéreuse l'été, pleine de boue et d'eau le restant de l'année, et dans laquelle errent et picorent les poules, puis quelques dépendances pour les animaux domestiques.
On pénètre dans la grange, et petit à petit, devisant gaiement, les invités prennent place; les parents, Jacques et Isabelle s'assoient aux places d'honneur, entourés des parrains et des marraines de la nouvelle petite fille présentée aujourd'hui au Dieu qui régit toute la vie religieuse, importante en ces temps, mais aussi journalière.
Sur la table, les écuelles et les bols, les cuillères en bois, et les plats que l'on se passe les uns aux autres.
Le repas est simple : du porc et des volailles que l'on a cuits dans la grande cheminée, accompagnés de quelques raves (peu de légumes à l'époque). On mange avec les doigts et l'on s'essuie avec la nappe.
Le tout est accompagné de vin clairet de la région, que Jacques se fait livrer.
Du fromage, des noix, des pommes et des galettes confectionnées sur place.
Les convives devisent joyeusement, et tout le monde admire le bébé, calme, dans son petit lit, étonné par toutes ces personnes, et légèrement craintif à cause du bruit et des conversations animées.
Les autres gens du village qui passent devant la maison félicitent les parents, et reçoivent généreusement de ces galettes fabriquées en grand nombre pour l'occasion.
C'est un jour calme, heureux, et, le soir venu, tout le monde rentre chez soi, content d'avoir participé à cette fête chez maître Jacques, une personnalité du village.
Demain on va se lever tôt.
Les d'ARC réintègrent leur demeure. Les enfants, excités et fatigués, vont vite dormir, pensant à la nouvelle petite soeur arrivée au foyer. Un événement important se termine. Isabelle et Jacques discutent encore un peu avant de s'endormir. Cet enfant est le cinquième qu'ils vont élever. Mais quel enfant !
Demain est un autre jour. On souffle les bougies, et la maisonnée sombre dans le sommeil.

On révèle à Isabelle qui est Jehanne.
Quelques jours plus tard, une femme met la dernière main à la préparation du maigre bagage qu'elle emmènera pour regagner Paris.
C'est Jehanne, la femme de Nicolas d'ARC, frère de Jacques. Son mari est déjà reparti à cheval, mais elle a tenu à rester quelques temps encore à Domrémy chez sa belle-soeur.
Elle est dame de compagnie dans l'entourage d'un personnage très important : Isabeau de Bavière, la reine, épouse de Charles, sixième du nom, un Valois qui règne sur la France en ces temps bouleversés.
Dans quelques heures, elle profitera du passage d'une caravane de marchands pour faire la route jusqu'à la capitale dans un chariot.

- Avant de partir, Zabillet, il faut que nous parlions. J'ai des choses importantes à te dire. Viens, marchons un peu.

Les deux femmes cheminent sur la route de terre, gelée par le froid, franchissent un fossé, et gagnent un pré derrière l'église.
Il y a une douzaine de jours, Jehanne avait quitté la cour de la reine pour arriver dans la nuit du 6 janvier 1408 à Domrémy. Un froid terrible durant le voyage !
Accompagnée d'une escorte "royale", son arrivée n'était pas passée inaperçue. Des porteurs de flambeaux avaient jalonné le convoi (privilège réservé aux gens d'importance), et avaient à tel point éclairé le petit village que les coqs avaient chanté ! Tout cela pour amener chez les d'ARC un bébé de deux mois que l'on n'attendait pas : la petite Jehanne que l'on venait de baptiser.
On savait pourtant bien qu'Isabelle n'était pas enceinte.
Alors, qui était donc cet enfant dont l'arrivée avait provoqué ce tapage nocturne, et sur lequel les habitants n'avaient pas posé de questions ?

- Zabillet, le messager que j'avais fait envoyer ne vous a pas tout dit ! Cette petite fille est maintenant à votre foyer, et tu pourvoieras à son éducation, je le sais, comme tu l'as promis. Tu recevras périodiquement de l'argent pour son entretien, et tu lui inculqueras les principes de la foi et de la religion, puisqu'elle est destinée à devenir religieuse chez les Clarisses.
- Bien sûr, Jehanne, lui répond Zabillet - ne t'inquiètes pas. D'ailleurs je l'aime déjà ce bébé... elle est si mignonne !
- Oui, mais il est nécessaire que tu en saches plus sur ses origines. Ce n'est pas n'importe quel enfant, c'est une princesse.
- Une princesse.... !?
- Elle est la fille de notre reine Isabeau. Mais son père n'est pas le roi, c'est le duc Louis, son frère, avec lequel elle a entretenu une liaison depuis quelques années. Il a été assassiné. Il y avait deux bébés, Jehanne et son frère, un garçon que l'on a appelé Philippe, mais qui est mort juste après avoir été ondoyé, et que l'on a inhumé à Saint-Denis. Pour des raisons d'état dynastiques et aussi de sécurité, il fallait donc, tu peux le comprendre, que l'on fasse disparaître la petite.

Zabillet en reste interloquée....

- Un grand honneur, mais aussi une telle responsabilité. Saurais-je y faire face ?
- Je n'en doute pas - lui rétorque Jehanne - et la reine n'y sera pas indifférente.

.......

Quelques représentations de Jeanne d'Arc

Bibliographie

  • Jeanne d'Arc, la Bonne Lorraine, Emile Hinzelin, Ed. Berger-Levrault, Paris, 1929.
  • Missions secrètes de Jehanne la Pucelle, Pierre de Sermoise, R. Laffont, 1970.
  • Historiquement correct. Pour en finir avec le passé unique, J. Sévillia, Perrin, 2003.
  • Jour après jour la chevauchée de Jeanne d'Arc sur les bords de Loire, André-Roger Voisin, Ed. Reflets du Terroir, 2007, ISBN 2-84503-503-9.
  • La Conjuration de Jeanne, Michel de Grèce, Ed. XO, 2002, ISBN 2-84563-072-7.
  • Encyclopédie par l'image : Jeanne d'Arc, Librairie Hachette.
  • Jeanne d'Arc. Et Dieu donnera la victoire, Michel Peyramaure, Robert Laffont, 1999, ISBN 2-221-08922-7.
  • Jeanne d'Arc. La couronne de feu, Michel Peyramaure, Robert Laffont, 1999, ISBN 2-221-08923-5.
  • Reportage sur la vie de Jehanne d'Arc, Claude Saint-Yves, imp. Bonne Presse, 1949.
  • Jeanne d'Arc. De Domrémy à Orléans et du bûcher à la légende, Roger Caratini, Ed. L'Archipel, 1999, ISBN 2-84187-173-8.
  • Jeanne d'Arc, Régine Pernoud, Marie-Véronique Clin, Ed. Fayard, 1986, ISBN 2-213-01768-9.
  • Jeanne Darc, Jean-Jacques Greif, Médium, imp. Firmin-Didot, 1999, ISBN 2-211-053-56-4.
  • Jeanne d'Arc, Lucien Fabre, Ed. Taillandier, 06/1978.
  • Orleanskaja djeva. La Pucelle d'Orléans, opéra de Pjotr Illjich Tchaïkovskij, d'après la pièce de Friedrich von Schiller, 1881, livret édité par l'Opéra du Rhin, Strasbourg, saison 1997-1998, ISSN 1257-1473.
  • Dans les pas de Jeanne d'Arc', Régine Pernoud, Frédérique Duran, Librairie Hachette, 1956.
  • La vie des Français au temps de Jeanne d'Arc, coll. l'Histoire au quotidien, dirigée par François Trassard, Larousse, 2003, ISBN 2-03-505374-6.
  • Jeanne d'Arc démystifiée article paru dans la revue Tout sur l'Histoire, n°8, septembre-octobre 2015, p.97,105.
  • Album historique - Le Moyen Âge, lib. Armand Colin, 1908.
  • Un amour de Jeanne, Michel Ragon, Ed. Feryane, Versailles, 2003, ISBN 2-84011-538-7.
  • Jeanne d'Arc, Le temps qui court, Régine Pernoud, n°17, 1970.
  • L'Histoire d'Orléans, Louis d'Illiers, seconde édition, Laffitte Reprints, 1977.
  • Vie et mort de Jeanne d'Arc, Régine Pernoud, Marabout, 1982.
  • La famille de Sainte Jeanne d'Arc, vicomte F. Neige, 1987.
  • Correspondance avec M. J.Y. Garnier-Genet, octobre 1988.
  • Gilles de Rais, ou la fin d'un monde, Michel Herubel, Ed. Jean Picollec, 1993.
  • Les dossiers de l'histoire, n°96, 1996.
  • Jeanne d'Arc : mythes et réalités, La Ferté-Saint-Aubin, Olivier Bouzy, l'Atelier de l'Archer,‎ 1999, 191 p. ISBN 2-84548-021-0
  • Jeanne d'Arc, l'histoire à l'endroit !, Olivier Bouzy, Tours, CLD éditions,‎ 2008, 284 p. ISBN 978-2-85443-531-3
  • Jeanne d'Arc en son siècle, Olivier Bouzy, Paris, Fayard,‎ 2013, 317 p. ISBN 978-2-213-67205-2
  • Gilles et Jeanne, Michel Tournier, de l'Académie Goncourt, Gallimard, 1983, ISBN 2-07-037707-5
  • En suivant Jeanne d'Arc sur les chemins de France, M.F. Richaud et P. Imbrecq, Librairie Plon, Paris, 1956, p. 19 et 20.
  • Recherches historiques sur la ville d'Orléans, par D.Lottin père, Imp. Jacob, Orléans, MDCCCXXXVI, plusieurs tomes (médiathèque Orléans 944-5. Disponible en salle de lecture, salle des documents précieux).
  • L'affaire Jeanne d'Arc de Roger Senzig, ed. Florent Massot, 2007, ISBN-10: 2916546049, ISBN-13: 978-2916546049.

Sources diverses

  • Bulletins de la Société Archéologique et Historique d'Orléans (S.A.H.O.).
  • Médiathèque Orléans, "Documents précieux".
  • Comptes de la ville.
  • Comptes de forteresse.
  • Journal du siège d'Orléans.
  • Comptes de Hémon Raguier, trésorier des guerres du roi Charles VII.
  • Procès de Condamnation et procès de Réhabilitation (ou de Nullité).
  • Médiathèque d'Orléans : La salle patrimoniale réunit un fonds précieux (ouvrages anciens des débuts de l'écriture à la fin du XIXe siècle) un fonds local (24 000 ouvrages ayant trait à l'Orléanais) et le fonds du centre Jeanne d'Arc (22.000 documents imprimés, 41 manuscrits du XVe au XVIIIe, plus de 4 600 documents photographiques).

Liens utiles (externes)

Textes divers

Les textes qui suivent sont tirés des bulletins de la Société Archéologique et Historique de l'Orléanais, conservés à la Médiathèque d'Orléans, salle des Documents précieux.

Jeanne d'Arc savait-elle écrire ou signer ?

Monsieur le comte de Maleissye nous communique une réponse qu'il a faite à "l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux". Cette lettre a sa place marquée ici. Les fac-simile des lettres conservées dans la famille de Maleissye et de la ville de Riom figurent au musée de Jeanne d'Arc et dans les archives de la Société (Société d'Archéologie et d'Histoire de l'Orléanais, SAHO) :

Monsieur,

La question faite dans "l'Intermédiaire" du 20 mars : "Jeanne d'Arc savait-elle écrire ou signer", paraît s'adresser particulièrement à ceux qui possèdent les lettres de la Pucelle; et puisque votre correspondant veut bien citer votre nom, je tiens à répondre à cette invitation d'une manière aussi complète que possible.

Les doutes, les hésitations de votre correspondant tomberaient immédiatement s'il voulait bien faire un petit voyage avec moi et venir aux environs de Chartres, au château d'Houville, chez mon neveu.

Il verrait les lettres, examinerait la signature et en même temps s'intéresserait à tous les documents réunis par Charles du Lys. Je faisais ce voyage, il y a quelques jours, avec M. Baguenault de Puchesse, le si distingué président de la Société historique d'Orléans. Lui aussi avait des doutes, et ces doutes ont été remplacé par une certitude. N'importe qui rapporterait la même impression.

Le papier, l'écriture, les fragments de sceaux, tout atteste que l'on est bien en présence de lettres de Jeanne d'Arc.

Voilà pour l'érudit qui peut apprécier ces détails, et il ne fera que suivre Quicherat.

Pour les trois lettres de Jeanne d'Arc que nous possédons, "deux" sont signées, "une" ne l'est pas. Le corps des trois lettres est du même secrétaire et pour les deux lettres signées (Jehanne) l'oeil le moins expérimenté reconnaîtra une main peu habile et qui n'a rien de commun avec celle qui a écrit le corps de la lettre. Dans les deux lettres, il ne peut y avoir de doute, c'est bien la même main qui a tracé le nom de "Jehanne".

Si nous possédons trois lettres de la Pucelle, il en existe une quatrième que, depuis le jour où Jeanne d'Arc la lui envoyait, la ville de Riom a précieusement conservé dans ses archives. Une comparaison avec nos lettres s'imposait; aussi ai-je tenu, avant de vous répondre, à m'en procurer le fac-simile.

La lettre aux habitants de Riom est signée; un enfant n'hésiterait pas à reconnaître la même signature que sur nos deux lettres. Il y a "identité complète".

Les mêmes formes de jambages, les mêmes tremblements, et la même hésitation qui, sur deux lettres (une des nôtres et celle de Riom), donne cinq jambages pour les deux "n", puis tâche d'en rattraper un. Chaque jambage est séparé et l'on reconnaît une main incapable de le lier avec celui qui suit.

Il ne peut donc y avoir de doute : Jeanne d'Arc "pouvait" signer, mais cela ne veut pas dire qu'elle "savait".

Si sa main hésitait pour écrire (Jehanne) au temps de ses triomphes, serez-vous étonné que, pendant son procès et pour signer une cédule d'abjuration, elle se rendit compte que l'émotion permettrait à sa main que de tracer des caractères informes ? On ne peut donc être surpris qu'elle n'ait voulu mettre qu'une croix.

Je n'ose aller jusqu'à dire que j'y verrais, de sa part, un refus de signer et que la croix n'est pas d'elle ! Tant de mauvaise foi s'est montrée dans ce procès que cette supposition pourrait être la vérité !!

La première explication suffit, car l'existence d'une lettre non signée établit que cela devait être pour la Pucelle une chose très étudiée et difficile que de tracer "Jehanne". Elle ne devait le faire que lorsqu'elle attachait à sa missive une plus grande importance.

Dans la lettre de Riom, elle réclame des subsides, poudre, salpètre, arbalestes, vivres et habillements. A Clermont, les registres du temps attestent que la ville avait reçu une lettre de "Jehanne la Pucelle et messaige de Dieu" faisant les mêmes demandes.

Des nombreuses lettres que Jeanne d'Arc a envoyées, s'il n'en reste que quatre, leur histoire est aussi claire, aussi nette que possible, et peu de documents peuvent être suivis d'une manière aussi précise.

La lettre de Riom se trouve dans les archives de la ville depuis novembre 1429. Je n'ai pas à rappeler comment les trois autres sont venues en notre possession. Toutes trois ont été adressées à la ville de Reims, toutes trois sont restées dans les archives de Reims jusque vers 1630. Elles sont indiquées dans un inventaire des archives fait en 1625 par l'un des échevins, Jehan Rogier; or, en faisant son inventaire, Jehan Rogier paraphait toutes les pièces. Quicherat a reconnu sur nos lettres la signature de Jehan Rogier; pour Quicherat, il ne peut y avoir d'hésitation, nos lettres sont celles qui étaient à Reims en 1625.

Comment ont-elles quitté Reims ? Charles du Lys avait un culte profond et éclairé pour sa grand'tante. Il était avocat général en la cour des aydes et avait par conséquent une assez grande situation dont il profitait pour réunir tous les souvenirs qui se rattachaient à la mémoire de sa grand'tante.

Il est donc évident que Charles du Lys obtint que la ville de Reims se dessaisit en sa faveur des lettres de la Pucelle; et la preuve est faite par une lettre de Peiresc qui établit qu'en 1630 les lettres de Jeanne d'Arc étaient en la possession de Charles du Lys; il lui demande d'en prendre copie. Nous possédons cette lettre de Peiresc.

Charles du Lys fut le dernier descendant mâle de la famille de Jeanne d'Arc. Ses deux fils moururent avant lui, et il n'eut qu'une petite-fille ayant laissé postérité, Anne de Barentin, qui épouse en 1684 le marquis de Maleissye.

En terminant, je ne peux que répéter : si l'autorité de Quicherat ne vous suffit pas, venez, examinez par vous-même et vous de douterez plus :

Jeanne d'Arc ne savait ni lire ni écrire, mais elle pouvait apposer sa signature.

Je veux espérer ne pas avoir trop abusé de l'intérêt de vos lecteurs et vous prie, Monsieur, de vouloir bien agréer l'expression de mes sentiments les plus distingués.

Comte C. de Maleissye.


(Bulletins de la S.A.H.O., T.13, 1902-1904, p.439 à 442.)


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Note sur la maison habitée à Orléans par Isabelle Romée, mère de Jeanne d'Arc.

On sait qu'Isabelle Romée vint s'établir dans l'Orléanais vers 1440, amenant avec elle sa nièce Marguerite; son fils, Pierre du Lys ne tarda pas à la rejoindre (1). Suivant Boucher de Molandon, la mère de Jeanne d'Arc, après avoir habité provisoirement la ville, dut ensuite se fixer avec son fils, à Bagneaux, dans la paroisse de Sandillon, où elle vécut, selon toute vraisemblances, jusque vers l'année 1452 (2). Mais à cette époque, il est certain qu'elle revint à Orléans, afin, peut-on supposer, de suivre de plus près les efforts faits pour la réhabilitation de la Pucelle; elle eut alors son domicile dans la ville : les textes cités par M. Boucher de Molandon ne permettent aucun doute à cet égard (3).

Quelle fut la demeure d'Isabelle Romée à Orléans ? Question non éclaircie jusqu'à ce jour, et sur laquelle un document inédit tiré des comptes de l'ancien Hôtel-Dieu peut jeter quelque lumière.

On lit, en effet, dans le compte de l'année 1453-1454, au chapitre des recettes provenant de la location des maisons, la mention suivante :

"L'ostel de la grant cour appelé l'Official. De la mère de la Pucelle, pour deux chambres basses dudict hostel, XXIV s." (4).

Cette mention est malheureusement isolée, la série des comptes présentant de graves lacunes pour le XVe siècle. Quant au contrat de location, nous n'avons pu le retrouver ni dans la collection des titres de propriétés conservés en expéditions authentiques (5), ni dans les registres où les notaires consignaient les actes passés au profit de l'Hôtel-Dieu, et dont le premier ne commence qu'à la date du 27 novembre 1452 (6). Le document que nous venons de citer n'en garde pas moins une réelle valeur à cause de sa précision, et parce qu'il s'accorde parfaitement avec les conclusions du travail de M. Boucher de Molandon. On peut donc admettre qu'en 1454, Isabelle Romée occupait deux chambres d'une maison appartenant à l'Hôtel-Dieu et surnommée hôtel de l'Official.

Cette maison s'élevait dans la paroisse de Saint-Pierre-Lentin, rue du Petit-Alleu (7); la rue du Petit-Alleu ou des Barbacanes s'ouvrait sur la rue Parisis, en face de la tour du nord de l'église Sainte-Croix (8); c'était une impasse qui, ne servant pas de voie de communication, devait sans doute à cette particularité le titre de "cour" que lui donnent certains textes (9). La plupart des maisons qui la bordaient étaient propriétés de l'Hôtel-Dieu : l'hôtel de la Croix-Blanche, l'hôtel de l'Épervier, l'hôtel Sébille, l'hôtel Corps-Saint, l'hôtel Loiseau, l'hôtel de l'Official. Ce dernier lui appartenait depuis une époque très ancienne : les comptes du XIVe siècle le mentionnent régulièrement et nous apprennent qu'il était habité alors par l'Official d'Orléans (10). On pourrait peut-être l'identifier avec la maison donnée en 1249 par un habitant d'Orléans nommé Letoud (11); mais il n'existe à ce sujet aucune preuve certaine.

P.Bouvier.

(1) Boucher de Molandon, "La famille de Jeanne d'Arc", dans Mém.Soc. arch. hist. Orl., t.XVII (1880), p.12.

2) Ibid., p. 108.

(3) Ibid., pp. 111 et 76, note.

(4) Arch. hosp. d'Orl., Hôtel-Dieu, E.32, compte du 1er nov. 1453 au 31 oct. 1454.

(5) Ibid., B.57. Titres des immeubles situés dans la paroisse Saint-Pierre-Lentin. Cette liasse ne contient pas les titres de l'Hôtel de l'Official.

(6) Ibid., B.140. Registre de Guillaume Garsonnet, notaire du Châtelet d'Orléans (1452-1478).

(7) Ibid., E.29. Compte 1424-1425 (n.s.). "Pour réparations faictes en l'ostel de l'Official, en la rue du Petit-Alleu".

(8) Vergnaud-Romanési, "Histoire de la ville d'Orléans", Orléans, 1830, in-12, pp. 64 et 65.

(9) Arch. hosp. d'Orl., Hôtel-Dieu, E.34. Compte 1471-1472 (n.s.), dépense des cens : "... pour l'ostel feu Loiseau, assis en la rue du Petit-Alleu, qui fait le bout encontre la grant cour des Barbecanes...".

(10) Arch. hosp. d'Orl., Hôtel-Dieu, E.23. Compte 1359-1360 (n.s.) : "De domo in qua moratur Officialis, XII 1" - Compte 1360-1361 (n.s.) : "De domo magna in parvo allodio, XV 1" - Compte 1393-1394 (n.s.) : "De l'ostel de l'Official, VII 1, IV s."

(11) Cuissard (Ch.). "Les chartes originales de l'ancien Hôtel-Dieu d'Orléans", Orléans, 190, in-8°, charte n°66.

(Bulletins S.A.H.O., T.16, 1911-1913, p.56 à 58, bulletin n°200).


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Jeanne d'Arc en Nivernais (extraits)

Souvenirs historiques et récits légendaires recueillis par Gaston Gauthier, instituteur public (extraits).

I - APREMONT.

Après avoir dit que ce manoir, situé sur une colline de la rive gauche de l'Allier était compris dans l'ancien Nivernais, nous laisserons la parole à M. Roubet.

"1429 - Le Boulet de Jeanne d'Arc", tel est le titre de la seconde partie de son étude sur les chronogrammes".

"Ce millésime, dit-il, se trouvait écrit au-dessus d'un boulet à demi incrusté dans une pierre du donjon du château d'Apremont (Apremont-sur-Allier). Il rappelle que cette mémorable armée vit tout à coup se réveiller le sentiment de notre vieille nationalité qui semblait éteint" (Bulletin de la Société Nivernaise, p.237).

Mais laissons parler la légende où il est permis au merveilleux de se mêler à l'histoire. Voici donc ce que rapporte la tradition locale :

Jeanne d'Arc, revenant de Saint-Pierre-le-Moûtier (1) qu'elle avait enlevé aux Anglais, aperçut, de loin, le fier manoir d'Apremont, sur les bords de l'Allier, et demanda au sieur Aulon, son écuyer qui chevauchait à ses côtés, à quel seigneur ce châtel appartenait. On lui nomma un sire de Roffignac dont la famille possédait cette terre depuis le XIIIe siècle (2). "Et sous quelle bannière range-t-il ses lances ?" demande l'héroïne. "Sous celle d'Angleterre et de Bourgogne", répondit le noble écuyer.

"Cela étant, reprit Jeanne, nous lui devons un salut en passant !". A ces mots, poussant son cheval vers le maître canonnier, elle lui ordonna de faire tirer une volée sur le château d'Apremont, et le boulet qu'on y voit demeure attaché au monument pour attester le patriotisme de l'inspirée de Domrémy (3).

Nous avons le regret d'ajouter que ce fait n'a rien d'historique, car M. Roubet, dans sa consciencieuse étude dit "que ce boulet, enchâssé dans la façade du château qui regarde le Berry, à trente pieds du sol, mesure dix-huit pouces de circonférence et qu'on reconnaît qu'il a été fondu en coquille". Or, conclut-til, "au temps de Charles VII les projectiles étaient en pierre (4) et c'est seulement sous Louis XI qu'on commença à se servir de boulets en fonte..." (5).

Il termine par cette phrase plus consolante que celle de Touchard-Lafosse :

"Quoi qu'il en soit, ce boulet est un symbole cher aux habitants de nos contrées et que notre foi patriotique nous fait un devoir de respecter; c'est le "vidimus" d'une page vivement intéressante de notre histoire locale. Et les routiers des rives d'Allier et de Loire ne manquent point, en passant devant le château d'Apremont, de rappeler la tradition que leur ont transmise leurs devanciers et de dire dans leur langage ami des assonances :

"Voici le château d'Apremont,

Jeanne d'Arc lui cracha au front,

Un boulet pour affront".

(1) Avec M. Roubet nous faisons remarquer qu'elle partait de Moulins.

(2) Le même auteur relève dans son travail cette fausse allégation.

(3) "La Loire historique", p. 20-21, et "Bulletin de la Société Nivernaise", p. 238.

(4) Il donne à l'appui des exemples pris dans l'histoire de l'époque.

(5) "Bulletin de la Société Nivernaise", p. 242.

(Bulletins de la S.A.H.O., t.11, 1895-1897, p.237 à 239).


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Pierre Cauchon, le juge de Jeanne d'Arc.

Pierre Cauchon est le personnage le plus connu et le plus méprisé du tribunal ecclésiastique qui condamna Jeanne d'Arc sur l'ordre des Anglais : il a manoeuvré les juges avec une dextérité et une habileté qui augmentent sa responsabilité.

Qui était-il donc ? Comment devint-il l'homme de confiance des Anglais ? Comment supporta-t-il le poids écrasant du crime qu'il avait commis ?

Il était Rémois, descendant d'émigrés de Normandie après le supplice des Templiers. Jacques Cauchon, le chef de famille, s'établit à Reims comme orfèvre et changeur vers 1340; son fils Rémy fut licencié en droit et serait le père de Pierre Cauchon, né vers 1370. Celui-ci fit ses études à l'Université de Paris où il acquit les grades de licencié et de docteur; il fut considéré par ses contemporains comme un des plus savants juristes de son temps.

Il devint très tôt un homme politique qui reçut une mission délicate à l'époque où il y avait trois Papes dans l'Église, gouvernant chacun un secteur de la chrétienté. Il fit partie d'une mission diplomatique chargée de négocier avec deux des Papes concurrents.

Le duc d'Orléans, frère du roi, ayant été assassiné par des hommes de main sur l'ordre du duc de Bourgogne, il prit publiquement parti pour l'assassin et plaida en sa faveur au Concile de Constance. Cauchon se trouva dès lors dans le camp des Bourguignons et des Anglais et devint rapidement l'homme de confiance du duc de Bourgogne qui lui donna l'évêché de Beauvais. Il avait mis le doigt dans l'engrenage et devint presque aussitôt le fidèle serviteur des Anglais.

Quand Jeanne fut prisonnière du duc de Bourgogne et que les Anglais voulurent l'acheter à tout prix, ils chargèrent Cauchon de négocier sa transaction; puis ils eurent besoin d'un agent sûr pour diriger à leur gré le tribunal qui avait pour mission impérative de la condamner comme sorcière. Bedford s'assura donc le concours dévoué de Cauchon en lui promettant ou seulement en faisant miroiter à ses yeux l'archevêché de Rouen. Cauchon mit donc son intelligence qui était grande, son incontournable savoir, son habileté diplomatique au service des Anglais et dirigea de main de maître les débats du tribunal ecclésiastique.

Au début, Jeanne lui dit qu'il était son ennemi... L'évêque de Beauvais répondit : "Le roi d'Angleterre m'a ordonné de faire votre procès. Je le ferai."

Jeanne ne s'est pas trompée sur ses intentions; sur la place du Vieux Marché, après lui avoir lu la sentence de condamnation qui livrait Jeanne au pouvoir séculier, donc au bûcher, l'évêque de Beauvais s'avança vers la Pucelle. Quand celle-ci l'aperçut, elle lui dit qu'il était la cause de sa mort, qu'il avait promis de la remettre aux mains de l'Église et qu'il l'avait abandonnée à celles de ses pires ennemis.

La droiture de Jeanne condamnait la duplicité de Cauchon.

Dès lors Cauchon fut définitivement à la remorque des Anglais qui lui confièrent de nombreuses missions : il assiste au sacre d'Henri IV à Notre-Dame de Paris avec un seul prélat français, collaborateur comme lui, Jean de Mailly, et prit part au cortège triomphal au sortir de la cathédrale.

Dès lors, il prit goût aux honneurs et il éprouva de cruelles déception. Bedford qui lui avait fait espérer le siège de Rouen n'était plus en état de tenir ses promesses : Cauchon vit monter sur le trône de l'archevêché de Rouen, Louis de Luxembourg, frère du duc de Bourgogne, puis Hugues d'Orges, et n'obtint que le siège minime de Lisieux où il ne résida jamais, car il continua d'habiter Rouen pour exercer ses fonctions grassement rétribuées de conseiller du roi d'Angleterre.

A ce titre, en 1435, il fut chargé d'assister à l'entrevue de Calais; puis Henri VI le délègue au Concile de Bâle pour y défendre la politique des Anglais, avec un traitement de 900 livres qui s'ajoutait à son traitement de membre du Conseil qui s'élévait à 1.000 livres, somme énorme pour l'époque.

Il fut le principal ambassadeur du roi d'Angleterre et au lieu de proposer un traité de paix que le monde attendait pour mettre fin à la Guerre de Cent-Ans, il proposa une trêve de 20 à 40 ans pendant laquelle le roi d'Angleterre conserverait le royaume de France, et il offrait en compensation le mariage de ce roi, encore enfant, avec une princesse française et une pension au roi Charles VII... un marché de dupes ! Ce diable d'homme ne doutait plus de sa bonne étoile, mais vint bientôt la période des désillusions. Paris ouvrit ses portes au roi Charles VII. Cauchon s'enferma avec la garnison anglaise dans un fort. Il fallut se rendre; les Français qui, pour se débarrasser des occupants, leur permirent de rentrer à Rouen. Du fort Saint-Antoine à la Seine où Cauchon s'embarque avec les Anglais, il fut copieusement conspué par les Parisiens.

Après les revers de fortune politique, il pensa enfin à faire une bonne action, et fit construire, dans la cathédrale de Lisieux, la chapelle de la Vierge. Une tradition veut que Pierre Cauchon ait élevé cette chapelle en repentance de son rôle criminel dans le procès de Jeanne d'Arc. C'est un bon sentiment qu'on lui attribue gratuitement, car aucun témoignage de l'époque, ni aucun document n'appuie cette assertion; il est plus vraisemblable qu'il vécut dans une espèce de bonne foi comme tous ceux qui ont servi les Anglais, car la notion de patrie est moderne.

On ne perçoit aucune trace de repentir chez Pierre Cauchon qui était trop engagé dans le parti Anglais pour faire volte-face.

Il mourut à Rouen dans son "hôtel de Lisieux", le 18 décembre 1442. Boisguillaume a déposé au procès de réhabilitation qu'il mourut subitement pendant qu'on lui faisait sa barbe. Cependant sa mort ne fut pas si soudaine puisqu'il eut le temps de faire son testament dans lequel il désigne ses neveux comme exécuteurs testamentaires. Il fut inhumé dans la chapelle de la Vierge à Lisieux. Le chapitre de Rouen, très opportuniste, le qualifia dans ses registres, longtemps après la réhabilitation de Jeanne d'Arc, de personnage "de bonne mémoire". Il n'était pas difficile !

Mais le peuple qui fut toujours instinctivement hostile aux traîtres, maudit le nom de Cauchon.

Les constructeurs de la Cour des Comptes, située en face de la cathédrale, devant la tour de Beurre (aujourd'hui le rez-de-chaussée de ce bel immeuble est occupé par le syndicat d'initiatives) firent sculpter, sur un corbeau, un porc revêtu d'ornements sacerdotaux et couché sur un encensoir; c'est une oeuvre satirique familière au moyen-âge; mais le bon peuple vit dans cette image celle du traître et l'attribua, pendant des siècles, à celui dont le nom ressemblait par sa prononciation, à celui de cet animal. Et cette image symbolisa, pendant des siècles, le mépris de la postérité pour le juge qui a fait condamner Jeanne d'Arc.

(Bulletins de la S.A.H.O., T. 33-42, 1967-1969, p. 52 et 53. Séance du 26 mai 1967 par M. l'abbé Guillaume).

Ajout de l'auteur de cette page :

CAUCHON : origine du nom : popularisé, si l'on peut dire, par l'évêque qui s'acharna sur Jeanne d'Arc; c'est un nom de famille normand (50,76), variante du français "Chausson": fabricant ou marchand de chaussons, sans doute à l'époque des sortes de caleçons ou chaussettes.

Variantes : Canchon, Caucheron, Cauçon, Cochon, Cochons, Cochont, Conchon, Couchon, Cuchon, Cunchon.

Pierre CAUCHON, né en 1371 julien à Reims - Décédé le 18 décembre 1442 julien à Rouen. Évêque de Beauvais (1420-1432), Évêque de Lisieux (1432-1442) - Juge de Jeanne d'Arc - Conseiller du roi Anglais Henry V.

D'autres sources indiquent que son père n'était pas Rémy, mais Jacques 1er CAUCHON (ca.1320-1376) et sa mère Rose TRIQUESEL (ca.1330-1388).

Frères et soeur : Gérard III CAUCHON (1355-ca.1388) - Jeanne CAUCHON - Jean VI CAUCHON (+ avant 1432).


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De la transmission de la noblesse par les femmes dans la famille de Jeanne d'Arc.

d'après un article de M. Caillemer.

Je crois que nous avons négligé dans son temps de signaler un intéressant travail, publié dans les "Mémoires de l'Académie de Lyon" (troisième série, p. XIII, 1913) par le savant doyen de la Faculté de Droit, M. E.Caillemer, et intitulé : "De la transmission de la noblesse par les femmes dans la famille de Jeanne d'Arc."

L'auteur commence par donner le texte authentique des lettres-patentes de Charles VII, datées de Mehun-sur-Yèvre, au mois de décembre 1429, par lesquelles le Roi décide que la Pucelle, son père nommé Jacques d'Arc, sa mère Isabelle Romée, ses trois frères Jacquemin, Jean et Pierre, ainsi que toute leur postérité née ou à naître, seront à l'avenir considérés comme nobles, qu'il devront jouir de tous les privilèges et prérogatives accordés aux nobles d'origine, et que non seulement la noblesse se transmettrait aux descendants mâles, mais que les filles issues de leur lignage et les filles de celles-ci, à l'infini, la transmettraient à leurs enfants, aussi bien que les fils et les descendants mâles des fils.

Du moins, cette interprétation exceptionnelle d'un texte douteux fut soutenue longtemps par les descendants collatéraux de la Pucelle. La jurisprudence sembla d'abord l'admettre.

De là, les innombrables arrière-neveux prétendant qu'ils ont le droit de prendre dans leur blason les armes connues de Jeanne d'Arc. Mais les pouvoirs judiciaires ne tardèrent pas à contester cette pratique, si contraire au vieux droit français. Une déclaration royale datée d'Amboise, le 26 mars 1555, prive les descendants des frères de la Pucelle du droit de transmettre la noblesse à leurs enfants issus d'un père roturier, et cette déclaration est signifiée aux cours de justice. De plus, sans doute après réclamation des intéressés, une décision de juin 1614 reconnaît que les descendants des frères de la Pucelle d'Orléans "qui vivent à présent", jouiront des privilèges de la noblesse, mais que "les filles et femmes n'anobliront plus leurs maris à l'avenir". Un édit de janvier 1634 confirme cette interprétation. Et ce qui la rend plus incertaine encore, ce sont toutes les lettres de maintenue ou de relèvement accordées à des personnes de la famille demandant au Roi d'user de son pouvoir pour faire une exception en leur faveur. Il y en a de Louis XIII, de Louis XIV, de Louis XV et même de Charles X.

Quelquefois les lettres contiennent des réserves expresses. Ainsi, en 1625, Messire Gilles Hallot, avocat du roi au bailliage de Rouen, marié à une Charlotte Bourdon, descendant de la race de la Pucelle, obtient le privilège de la noblesse pour lui et son enfant; mais il est stipulé que si, devenu veuf, il contractait un second mariage, les enfants nés de cette union ne pourraient jouir de cette prérogative et qu'il redeviendrait lui-même roturier.

Le cas tranché par l'ordonnance royale du 8 août 1827 concerne une demoiselle Gaultier, descendant en ligne directe féminine de l'un des frères de Jeanne d'Arc, qui demandait à jouir du privilège accordé par Charles VII à son ancêtre. Le Roi et son Garde des Sceaux, M. de Peyronnet, lui donna raison, décidant "qu'elle soit réputée noble, ensemble ses enfants, postérité, descendance à naître en ligne directe masculine et féminine", et lui permettant et à sa postérité de porter en tous lieux les armoiries telles qu'elles avaient été données à Jeanne d'Arc, lesquelles sont "d'azur, à la couronne d'or, accostée de deux fleurs de lys, de même l'écu timbré d'un casque, taré de profil, orné de ses lambrequins...".

Evidemment, ce privilège n'a plus guère qu'un intérêt rétrospectif, et, sous l'empire de la Constitution de 1875, le Président de la République ne peut plus conférer de titre nobiliaire. Mais le distingué jurisconsulte qu'est M. Caillemer soutient que, d'après la jurisprudence le plus récente, l'article 37 du Code civil n'interdit pas l'insertion dans un acte d'état civil de mention complémentaire de la personnalité, tels que les titres de noblesse, et que par conséquent les tribunaux civils seraient compétents pour reconnaître à un descendant de la famille de Jeanne d'Arc, pourvu que sa filiation soit bien établie, le droit de s'attribuer dans un acte la qualité de noble, dont ses ancêtres ont joui depuis Charles VII.

Appuyées par des textes nombreux et précis, ces observations méritaient de ne pas passer inaperçues.

G. Baguenault de Puchesse.

(Bulletins de la S.A.H.O.?, T.17, 1914-1916, p. 296 à 298.)


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Note de Guillaume Giraut, notaire à Orléans, sur la levée du siège.

Un document précieux pour l'histoire du siège d'Orléans a été retrouvé, vers l'année 1818, après quatre siècles d'oubli, dans les minutes de l'étude dont M. Assier est aujourd'hui titulaire en cette ville.

Guillaume Giraut, notaire à l'époque du siège, frappé des merveilleux événements qui venaient de s'accomplir sous ses yeux en quelques jours, eut la pensée de consigner, sur son registre de minutes, le 9 mai 1429, le récit sommaire des journées des 4, 7 et 8 mai, et l'expression de sa religieuse admiration pour la Pucelle.

Rapidement écrit, comme l'indiquent assez les abréviations, les interlignes, les ratures et les surcharges qui y abondent, ce court récit est immédiatement précédé sur le registre par diverses minutes à la date du 28 avril. Un acte daté du 9 mai le suit, au bas de la même page, et presque sans intervalle.

Il n'est pas signé, comme M. Quicherat l'a dit par erreur dans la petite notice placée en tête de ce document dans son quatrième volume (1); mais la signature de Guillaume Giraut se lit au bas de plusieurs minutes inscrites en ce même registre, tant avant qu'après la note relative à la levée du siège.

(1) "Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d'Arc, suivis de tous les documents historiques," etc, par Jules Quicherat.

Cette note est ainsi conçue :

Siège des Anglois levé.

"Le mercredi veille d'Ascencion, IIIIe jour de may, l'an mil CCCCXXIX, par les gens - (1) du roy nostre sire et de la ville d'Orliens présente et aidant (ou ordenant) Jehanne la Pucelle - treuvée par ses oeuvres estre vierge et à ce envoiée de Dieu nostre seigneur, - et aussi comme par miracle fut prise par force d'armes la forteresse des Anglois très puissants à St. Loup lès Orliens que avoient faict et tenoient les Anglois - ennemis du roy nostre dict sire, et y furent pris et mors plus de VI xx Anglois"".

Le samedi après l'Ascencion Nostre Seigneur ensuivant, VIIe jour du dit mois de may, par la - grace Nostre Seigneur et aussi comme par miracle le plus évident qui eust - esté apparent puis la passion Nostre Seigneur, à l'aide des dites gens du roy et de la - dicte ville d'Orliens fut levé le siège que les dits Anglois avoient mis ès - thorelles du bout du pont d'Orliens, ou costé de la Sauloigne, qui furent pris par très fort assault le mardi - XIIe jour du moys d'octobre précédent et dernier passé (2), et y furent - mors ou pris environ iiii c Anglois qui gardoient les dictes thorelles. A ce - fut présente la dicte Pucelle qui conduit la besoigne armée de - toutes pièces.

Et les dimanche et lundi (3) ensuivant, les ditz Anglois s'en alerent de St. - Poair où ils avoient faict une forte bastille qu'ils appelloient Paris, d'une autre bastille emprez - qu'ils appelloient la tour de Londres, du Pressoer ars qu'ils nommoient - Roen où ils avoient faict forte bastille, de St. Lorens où - ilz avoient faict plusieurs forteresses et bastilles, et toutes ces - forteresses et bastilles closes à II parties (ou en partie) de fossés et d'une forteresse - à l'autre."

(1) La fin de chaque ligne dans le manuscrit est indiquée ici par ce signe : -. Les mots ou portions de mots imprimés en italique à la fin de quelques lignes manquent dans le manuscrit et ont disparu avec la marge elle-même.

(2) On a remarqué avec raison que Giraut, trompé par ses souvenirs, a commis ici une erreur de date. Le mardi 12 octobre est le jour où^l'armée anglaise, sous la conduite de Salisbury, vint prendre position contre la ville, au faubourg du Portereau. Le fort des Tourelles ne fut pris que le dimanche 24 octobre.

(3) L'abbé Dubois remarque encore l'inadvertance commise par Giraut en ajoutant le mot "lundi", les Anglais, d'après tous les auteurs contemporains ayant complètement évacué leurs bastilles dès le dimanche 8 mai. Cette inexactitude semble pouvoir être facilement expliquée : Giraut écrivait sa note le lundi 9 mai, probablement dans la matinée, puisqu'elle est suivie sur le registre d'un acte reçu par lui le même jour. Il pouvait vraisemblablement ignorer encore à ce moment les circonstances précises du départ des troupes anglaises.


La lecture de ces lignes, d'une écriture cursive et mal formée, n'est pas sans difficultés. Le registre où elles sont inscrites a souffert dans sa conservation, par suite de l'abandon où il est resté pendant plusieurs siècles. Les marges, qu'une couverture en mauvais état n'a pu suffisamment protéger, usées par le frottement et l'humidité, ont entraîné quelques mots avec elles.

La note de Guillaume Giraut ne se recommande pas seulement par son incontestable authenticité et par le privilège que peu de documents possèdent d'avoir été écrite par un témoin oculaire au moment et sur les lieux mêmes où venaient de s'accomplir les événements qu'il raconte.

Oeuvre d'un homme éclairé, jouissant d'un rang honorable dans la cité, notaire au Châtelet, deux fois investi avant et depuis le siège des fonctions de procureur ou d'échevin, d'abord en 1417 et 1418, puis en 1433 et 1434, les faits qu'elle révèle ou confirme acquièrent une véritable autorité, et les sentiments qui y sont exprimés peuvent à juste titre être considérés comme l'écho fidèle des sentiments qu'éprouvaient alors les classes supérieures de la population.

Ainsi, pour ceux qui aiment à étudier, non dans des appréciations postérieures et personnelles, mais sur le fait même et sur l'heure, quelle était la pensée des populations amies ou hostiles relativement à cette merveilleuse intervention de la Pucelle; pour ceux qui cherchent à faire jaillir de ces révélations contemporaines et locales quelque lumière sur des points encore inexpliqués des triomphes de notre héroïne, il semble d'un grand intérêt d'entendre un Orléanais, placé comme l'était Guillaume Giraut, rendre par deux fois témoignage, dans un écrit intime et toutefois revêtu d'une certaine autorité, d'accord sur ce point, d'ailleurs, avec les traditions les plus authentiques au caractère surnaturel de la mission de Jeanne d'Arc.

D'autres renseignements précieux pour divers faits du siège se rencontrent également dans cette note. Les deux lignes finales, notamment, sur lesquelles j'aurai bientôt à revenir, révèlent des détails curieux sur la forme et l'assiette des ouvrages militaires construits par l'armée anglaise.

Aussi, dès le moment de sa découverte et depuis, ce document, malheureusement trop succinct, a-t-il appelé l'attention de tous ceux qui se sont occupés de notre siège mémorable et des faits qui s'y rattachent.

Le 30 mai 1818, sur la demande de M. le comte de Rocheplatte, maire d'Orléans, une copie authentique lui en fut délivrée par Me Lorin, alors titulaire de l'étude, et par Me Cabart, son collègue.

Cette expédition porte la mention suivante :

L'an mil huit cent dix-huit, le trente mai, à la demande de M. le comte de Rocheplatte, maire de la ville d'Orléans, chevalier de l'ordre royal de la Légion d'Honneur, collation des présentes a été faite par Me Jacques Christophe Pierre François-de-Sales Lorin et son collègue, notaires royaux à Orléans, soussigné, sur l'original de ladite notice demeurée avec le registre dont elle fait partie, en la garde et possession dudit Me Lorin, notaire, comme dépositaire des minutes de Guillaume Giraut.

Le registre d'où cette notice est tirée a éprouvé quelques altérations qui y ont causé des lacunes; elles sont indiquées ici par les blancs remplis de points.

Signé : Lorin, signé : Cabart.

Suit la copie figurée de la notice.


Malgré son caractère officiel, cette expédition contient beaucoup de lacunes et d'assez nombreuses erreurs, dont quelques unes sont graves et altèrent le sens du texte.

Ainsi, ligne 2 du manuscrit, MMes Lorin et Cabart ont lu : présence et ardeur au lieu de présente et aidant (ou ordenant). Même ligne par ses oeuvres étant vierge au lieu de treuvée par ses oeuvres être vierge.

Ligne 12, interligne : prises par effort assault, au lieu de par très fort assault.

Lignes 11 et 12, lundi XIIe jour du mois d'octobre, au lieu de mardi XIIe jour du mois d'octobre, etc.

Ligne 17, Saint Poair, qu'ils appelloient Paire, où ils avoient fait forte bastille, au lieu de St.Poair, où ils avoient fait forte bastille qu'ils appelloient Paris.

Ligne 18, de Pressevart au lieu de du Pressoër ars.

Lignes 20, 21 et 22, et toutes... forteresses et bastilles closes en pierres de fossés et d'une forteresse à l'entour, au lieu de et toutes ces forteresses et bastilles closes à II parties (ou en partie) de fossés et d'une forteresse à l'autre.

Quelques années plus tard, le savant abbé Dubois en inséra dans un de ses manuscrits, aujourd'hui déposé à la Bibliothèque publique (t.II, p. 49 du cahier n°24), une nouvelle version plus complète et plus exacte que l'expédition délivrée à M. de Rocheplatte, mais où se retrouvent encore les fautes signalées plus haut, lignes 11, 21 et 22.

M. Jollois dans son "Histoire du siège d'Orléans" (p.25), s'est borné à reproduire le texte de l'abbé Dubois.

Enfin, M. Quicherat, dans son recueil si précieux des documents relatifs à Jeanne d'Arc, a publié à son tour (t. IV, p. 282), "d'après une autre copie", dit-il, "prise sur l'original", la note de Guillaume Giraut, précédée d'une notice en quelques lignes.

Il est à regretter qu'avant de les insérer dans un ouvrage destiné à faire autorité à l'avenir, l'érudit et si exact M. Quicherat n'ait pu vérifier lui-même la copie et les notes qui lui ont été transmises. Quelques erreurs qui se remarquent dans la notice et diverses inexactitudes aux lignes 2, 7,9,11,12,et 22 du manuscrit eussent heureusement disparu.

Pour ne rien omettre, je dois mentionner ici une dernière traduction plus fautive qu'aucune autre, et qu'une personne inconnue a eu la malheureuse inspiration d'écrire en marge, et parfois entre les lignes du manuscrit.

Des recherches auxquelles je me livrais en 1857, au sujet des bastilles élevées par les Anglais autour d'Orléans, avaient appelé mon attention sur le dernier alinéa de la note de Giraut, où il est question de ces forteresses, et surtout sur la phrase finale, ainsi reproduite par M. Jollois d'après M. l'abbé Dubois : ... et toutes ces forteresses et bastilles closes à II parties de fossés et d'une forteresse à l'autre.

Ces 'forteresses closes d'une forteresse à l'entour me paraissaient quelque chose de si étrange que, pour éclaircir ce passage, je voulus consulter d'abord les autres leçons dont je connaissais l'existence. L'expédition authentique délivrée au maire d'Orléans avait, comme on l'a vu plus haut, reproduit ainsi cette phrase finale : Et toutes... forteresses et bastilles closes en pierres de fossés et d'une forteresse à l'entour. Enfin, la copie transmise à M. Quicherat, et publiée par lui, différait encore des précédentes : Et toutes ces forteresses et bastilles closes à II parties de fossés et d'une... .

Fort embarrassé au milieu de ces variantes, je recourus au texte original. Je ne fus pas médiocrement surpris de reconnaître, sans trop de difficultés, qu'une erreur grave avait été commise dans les diverses versions publiées jusqu'ici, et que la phrase devait se lire telle qu'on l'a vue dans la traduction qui précède : ... et toutes ces forteresses et bastilles closes à II parties de fossés et d'une forteresse à l'autre.

Cette nouvelle correction m'offrait à la fois un sens raisonnable et la confirmation précieuse et inattendue de deux faits indiqués par plusieurs auteurs contemporains, mais rarement d'une manière aussi formelle que par le témoin oculaire Guillaume Giraut, à savoir que les forteresses et bastilles étaient closes d'une double ceinture de fossés, closes à II parties de fossés, et que, de plus, des fossés en forme de ligne de circonvolution s'étendaient d'une forteresse à l'autre.

Je n'eus rien de plus pressé que de faire part de ma découverte à notre savant collègue, M. de Vassal, en appelant sur elle le concours à la fois et le contrôle de son érudition paléographique. M. de Vassal approuva ma version, mais seulement en ce qui concerne le membre final : et d'une forteresse à l'autre. Quant au membre précédent, où je lisais avec MM.Dubois, Jollois et Quicherat : closes à II parties de fossés, il maintint avec une inébranlable fermeté qu'il devait être lu autrement et ainsi qu'il suit : closes en partie de fossés, version nouvelle qui détruisait l'induction que j'avais cru découvrir, pour y subsistuer un sens différent et nouveau.

Entre l'une et l'autre interprétation, libre à chacun de choisir.

Au cours de ces recherches, j'avais été frappé de cette pensée que si, par un de ces regrettables accidents qu'il faut toujours prévoir, le précieux manuscrit confié à la garde de M. Assier venait un jour à disparaître, l'expédition authentique délivrée à la mairie d'Orléans, avec ses inexactitudes et ses lacunes, deviendrait en quelque sorte le texte officiel, et qu'au milieu des variantes accueillies dans les diverses reproductions publiées jusqu'ici, il serait difficile de retrouver le texte véritable et le sens réel de ce document.

Il me semblait donc désirable qu'une traduction fidèle et complète dissipât les incertitudes et reproduisit enfin la note dans son exacte intégralité. Elle figurera désormais en regard du texte dans le manuscrit dont M. Assier est dépositaire.

C'était déjà beaucoup : il me parut que la note de Guillaume Giraut méritait quelque chose de plus.

Je sollicitai et j'obtins de M. Assier l'autorisation de faire lever un fac simile de la page manuscrite. Ce fac simile, exécuté avec un soin minutieux, attentivement vérifié, et auquel l'inépuisable obligeance de M. de Vassal a donné la garantie d'une scrupuleuse fidélité, conservera désormais, non plus seulement le sens, mais le texte lui-même.

Ainsi se verront détruites les incertitudes qui existaient et auraient pu se perpétrer sur quelques passages de la note du notaire Giraut. Son existence se trouve à jamais assurée, sa connaissance plus répandue. Ce document était bien digne des soins qu'on en prend ici, car, malgré sa brièveté, et dans sa simplicité, il se rattache d'une manière intime à notre siège mémorable et à la grande et sainte figure de la libératrice d'Orléans.

Boucher de Molandon.


^ Sommaire

L'âge de Jeanne d'Arc à l'époque du siège d'Orléans.

Quelques paroles échangées à notre dernière séance m'ont engagé à étudier de plus près cette intéressante question et a recourir aux sources. J'y ai trouvé ce que je n'attendais pas : une grande diversité d'opinions et un écart considérable entre les opinions extrêmes. Il y en a qui donnent seize ans à la Pucelle, et d'autres qui lui en attribuent vingt-sept.

Parmi des derniers se distingue un des plus grands écrivains de l'Angleterre, David Hume (1). Qu'il ait souffert dans son patriotisme de voir les armes anglaises battues par une jeune fille, il faut savoir le lui pardonner et comprendre qu'il n'ait pas été tenté de laisser à la postérité un portrait flatté de la Pucelle. Il aura cru la rendre moins intéressante en lui attribuant vingt-sept ans. Mais où a-t-il recueilli ce détail ? Dans Monstrelet écrit-il en note. Or, la vérité est que Monstrelet n'a rien dit de tel : c'est vingt ans environ, et non vingt-sept qu'il donne à Jeanne. Même Berryat Saint-Prix, a eu la conscience de feuilleter à la Bibliothèque nationale toutes les grandes éditions et tous les manuscrits de Monstrelet : partout il a trouvé vingt ans.

Gardons-nous cependant de suspecter la sincérité de Hume : il n'est pas si coupable. Son tort, qui est si commun, a été de ramasser de tous côtés indistinctement, avidement, à peu près tous sans contrôle, ce qui flattait ses préventions et s'accordait avec sa manière de voir. Les vingt-sept ans de la Pucelle, qui ne sont pas dans Monstrelet, il ne se souvient plus, au moment où il écrit, qu'il les a pris chez un historien, son prédécesseur, un Français émigré, plus acharné contre la France que n'étaient les Anglais eux-mêmes, Rapin Thoyras (2). Rapin Thoyras se rejette sur Etienne Pasquier; et il est vrai que nous pouvons lire au livre VI, chap. V des "Recherches de la France" : Interrogée... elle dit... qu'elle estoit lors de vingt et neuf ans ou environ. Vingt-neuf ans au temps du procès (1431), c'est bien vingt ans au moment du siège.

Remarquons que Pasquier ne parle point ici en son nom personnel : il transcrit seulement un passage du procès; mais, par inadvertance, par défaut de mémoire, par la faute peut-être d'un copiste ou de l'imprimeur, il nous transmet une erreur grossière, en nous faisant lire XXIX, dans un texte où il y a XIX : Item interrogata cujus oetatis ipsa erat respondit quod prout sibi videtur, est quasi XIX annorum (3).

Ainsi tombe, avec sa base, l'opinion de Hume : il n'y a point à en tenir compte, non plus que celle de quelques historiens anglais qui l'ont précédé ou suivi.

Celui, après Hume, qui a le plus vieilli la Pucelle, c'est notre vieil historien du Haillon. Dans son livre dédié à Henri III, en 1576, il donne à Jeanne vingt-deux ans, au moment du siège. Il n'invoque aucune autorité, mais il est aisé de voir, dans la suite de son récit, et dans l'analyse qu'il fait du procès, ce qui l'a induit en erreur. On y voit, en effet, d'après l'acte d'accusation, que la Pucelle avait vingt ans quand elle se réfugia à Neufchâteau avec sa famille. L'acte, en effet, porte vingt ans, à peu près; du Haillan ne s'est point trompé : Item dicta Johanna, circa vigesimum annum oetatis ejus... transvivit ad villam de Novocastro, in Lothoringra. (4)

C'est l'acte d'accusation lui-même qui contient une erreur manifeste, en contradiction avec toutes les autres données du procès. La fuite à Neufchâteau eut lieu vers le 28 juin 1428 (5). Or, comme le remarque M. Siméon Luce (6), Jeanne qui n'avait que dix-neuf ans, à peu près, en 1431, quand elle comparut devant ses juges, ne pouvait pas avoir vingt ans trois ans plus tôt, en 1428. Au lieu de XX ans, c'est XV ans qu'il faut lire, poursuit M. Siméon Luce; cette erreur ne peut provenir que de la distraction d'un scribe qui aura écrit un X en chiffres romains, à la place d'un V (7).

Je remarquerai, avant d'aller plus loin, que l'étude des pièces du procès était loin d'être négligée au XVIe siècle. Du Haillan, et Pasquier après lui, nous en ont laissé une analyse détaillée. C'est même une copie authentique que Pasquier avait sous les yeux : J'ai eu, dit-il, en ma possession, l'espace de quatre ans entier, le procès originaire auquel tous les actes, lettres-patentes du roi Henry, advis de l'Université de Paris estoient tout au long copiez... Et à la fin du registre estoient les seings et sceaux de l'évesque de Beauvais et de l'inquisiteur de la foy, ensemble celuy du greffier. Qui fait que j'en puis parler plus hardiment. Je veux doncques, ici, raconter comme les choses se passèrent, et vous discourant les principaux points de son procez, vous pourrez aussi recueillir par ses réponses, tout ce qui fut de sa maison et de son histoire particulière. (8)

J'ai cru devoir discuter avec quelques détails les opinions de Hume et de du Haillan, parce que ce sont eux qui s'éloignent le plus de l'opinion commune. Procéder ainsi pour tous les autres serait long, inutile et fastidieux. Je me bornerai donc à signaler rapidement les différentes opinions, ainsi que les auteurs qui se rattachent à chacune d'elles; puis j'essaierai, dans une discussion générale, de rendre à chacun la justice qui lui appartient, et d'arriver à une conclusion raisonnée.

II.

Ceux qui donnent à Jeanne d'Arc, au moment du siège, vingt ans, ou à peu près, sont assez nombreux. Je citerai : Monstrelet, son contemporain, qui l'a vue dans sa prison; - Jean Chartier, historiographe de Charles VII, témoin de plusieurs événements qu'il raconte (9); - Symphorien Champier (10); - Robert Caguin, dans son Histoire de Charles VII; - Polydore Virgile, dans son Histoire d'Angleterre dédiée à Henri VIII (11). Et parmi les modernes, Sismondi qui fait naître la Pucelle vers 1409 (12); après lui, Théophile Lavallée.

D'autres, moins nombreux, font naître Jeanne en 1410, ce qui fait qu'elle aurait eu dix-neuf ans, quand elle vint se présenter à Charles VII. Cette date se trouve surtout dans les dictionnaires biographiques, dans Feller, très répandu parmi le clergé; dans la première édition de la biographie Michaud : une note rectificative de Quicherat fut insérée dans la seconde; dans le dictionnaire de Bouillet, Moreri ne se compromet pas (13) : il dit Jeanne âgée de dix-huit à vingt ans, quand elle eut, à ce qu'on dit, commission expresse d'aller secourir la ville d'Orléans assiégée par les Anglais. Il ne fait du reste, en cela, que se conformer à l'opinion d'un contemporain, Jean Bouvier dit Berry, premier hérault de France.

Avec Perceval de Cagny, la Pucelle n'a plus que dix-huit ans. Or Perceval mérite que l'on écoute sa parole, car il a longtemps vécu auprès du duc d'Alençon, celui peut-être qui a le mieux connu Jeanne; et c'est peu de temps après le supplice de Rouen, en 1436, qu'il écrit ses souvenirs. En iceluy an (1429), dit-il, le VIe jour du dict mois de mars, une Pucelle de l'aage de dix-huit ans, ou environ, des marches de Lorraine et de Barrois, vint devers le roy à Chinon. (14)

Ne dirait-on pas que Jacques Meyer, de Bruges, s'est appliqué dans ses Annales de Flandre, à mettre en latin Perceval de Cagny ? Principio martis anni 1428 (1429 nov. styl.) accessit ad Carolum regem, apud Chinonem, Johanna illa, virgo gallica annos nata circiter XVIII (15) L'espagnol Mariana dit de son côté : Joanna puella annorum octodecim aut circiter (16), et notre Michelet : La sorcière avait dix-huit ans. (17) C'est l'opinion que l'on adopta sous la Restauration, vers 1820, quand on inscrivit sur la table de marbre appliquée à l'un des murs de la chambre où naquit la Pucelle.

L'AN MCCCCXI NAQUIT EN CE LIEU JEANNE D'ARC SURNOMMÉE LA PUCELLE D'ORLÉANS (18)

Cette date de 1411 est aussi celle qui se trouve au dictionnaire de Larousse, qu'il serait injuste d'oublier, puisque c'est là que d'importants personnages vont aujourd'hui puiser leur érudition.

Continuant de passer, comme nous avons fait, de ceux qui ont peut-être un peu vieilli la Pucelle à ceux qui nous la font plus jeune, nous rencontrons sur le chemin, entre deux stations pour ainsi dire, Cousinot de Montreuil, un de ses contemporains, qui lui donne, dans sa Chronique, de dix-sept à dix-huit ans (19). C'est au fond, du reste, l'opinion de Michelet qui, s'il écrit dix-huit ans, dans le texte de son histoire, se corrige, au bas de la page, dans une note où il dit : Elle déclara, en février 1431, qu'elle avait dix-neuf ans environ (20). Or, dix-neuf ans en 1431 c'est dix-sept ans en 1429. Il y a donc là une contradiction, du moins apparente, à laquelle on ne peut échapper qu'en disant, comme Cousinot : elle avait de dix-sept à dix-huit ans; elle avait dix-huit ans dans ce sens qu'elle était dans sa dix-huitième année.

J'arrive au groupe des historiens qui attribuent dix-sept ans à Jeanne d'Arc au moment du siège. Ils se distinguent par leur nombre et par l'autorité qui s'attache à leur nom. A leur tête se montre un témoin des événements de 1429, l'un des plus grands hommes de son temps, le Pape Pie II. Desporadis pene Francorum rebus, a-t-il écrit dans ses mémoires, puella sexdecim annos nata nomine Johanna ad profectum proximi oppidi se confert. (21)

Or, seize ans lors du premier voyage à Vaucouleurs (mai 1428) c'est dix-sept ans au moment du siège (mai 1429). Un autre contemporain, clerc de la cour de Martin V, dans un texte écrit en 1429 et publié en 1885 par M. Léopold Delille : La Pucelle a dix-sept ans. (22). C'est à cet âge de dix-sept ans que se rattacherait Pasquier, si une erreur ne s'était pas glissée dans son texte; et Villard, et le P. Berthier, et Lenglet-Dufresnoy; et de notre temps John Lingard, Henri Martin, Quicherat, Wallon, Guizot, Siméon Luce, le P. Ayroles, avec eux la nouvelle édition de la biographie Michaud et la biographie Hoefer. (23)

Nous n'avons pas fini encore. Le sage d'Aulon avait été choisi par Charles VII pour servir d'intendant à la Pucelle, et tant qu'elle fut sous les armes, il ne la quitta point. Appelé en témoignage au procès de réhabilitation, il fit, le 28 mai 1456, une déposition qu'on peut mettre parmi les pièces les plus importantes du procès. Il y dit qu'il était à Poitiers, auprès de Charles VII, quand on lui présenta la Pucelle, qui pour lors estoit de l'âge de seize ans ou environ (24) C'est cet âge que lui donne également un autre contemporain, Thomassin, qui, en 1407, étudiait à l'Université d'Orléans, qui était au temps du siège pourvu de la charge de conseiller au conseil delphinal, et qui devint, dans la suite, l'objet de la confiance et des faveurs de Louis XI. (25)

Telle est la diversité qui règne relativement à l'âge de la Pucelle d'Orléans. Cette diversité remonte jusqu'au temps même où elle vivait, puisque d'Aulon et Thomassin lui donnent seize ans, Pie II dix-sept, Cousinot dix-sept à dix-huit, Perceval de Cagne dix-huit, Jean Bouvier dix-neuf et Monstrelet vingt. Les historiens venus à leur suite n'ont guère fait que se rattacher à l'un d'eux ou se copier les uns les autres, sans rendre raison de leurs préférences. De tous ceux que j'ai cité, je n'en vois que deux, avant notre siècle, qui aient cherché à le faire, on a vu avec quel succès. Puis vint Michelet, qui le premier, je dois dire à ma connaissance, a fondé directement son opinion sur la réponse faite par la Pucelle dans son premier interrogatoire : Interrogata cujus oetatis ipsa erat, respondit quod, prout sibi vidatur est quasi XIX annorum (26) Quicherat et Henri Martin n'ont pas fait d'autres emprunts aux pièces du procès; M. Wallon en a détaché deux nouveaux textes; je vais en utiliser deux autres encore, et soumettre le tout à une interprétation raisonnée, qui n'a pas, je crois, encore été faite.

1- Le 22 février, Jeanne déclare à ses juges qu'elle avait XIII ans, quand elle entendit la voix de Dieu : Confessa fuit quod dum esset oetatis XIII annorum, ipsa habuit vocem a Deo pro se juvando ad gubernandum. (27) Ce passage semble avoir échappé à M. Wallon. Cinq jours plus tard, le 27 février, elle dit qu'il s'est bien écoulé sept ans depuis que des voix se sont fait entendre à elle : Dixit etiam quod bene sunt septem anni elapsi, quando ipsam acceperunt gubernandam. (28) Le calcul est aisé à faire : treize plus sept, c'est-à-dire vingt ans, tel est l'âge de Jeanne d'Arc au temps où on l'interroge, à la fin de février 1431. Elle est donc née en 1411, et Perceval de Cagny, Mariana, ainsi que le dictionnaire de Larousse ont raison.

2- Ce n'est là qu'un apparence. Nous avons, en effet, opéré sur des nombres ronds dont la valeur nest qu'approximative. C'est évident "à priori"; mais si l'on tient à une attestation écrite, la voici : le procès-verbal fait dire à la Pucelle qu'elle avait XIII ans, quand elle entendit la voix de Dieu; or c'est XIII ans "à peu près" qu'elle a voulu, qu'elle a dû dire. C'est si vrai que ses juges, revenant sur ses paroles, lui demandent quelle est la première voix qu'elle entendit quand elle avait "à peu près" treize ans : Interrogata quae fuit prima vox veniens ad eam dum esset oetatis XIII annorum vel circiter, respondit quod fuit sanctus Michael. (29)

Il y a plus, les juges de Rouen, désirant avoir l'avis de l'Université de Paris, lui envoyèrent, dans les premiers jours d'avril, un mémoire en douze articles, sur lesquels ils lui demandaient de vouloir bien se prononcer. Or, le premier article commence par ces paroles : Quaedam foemina dicit et affirmat quod dum esset oetatis annorum tredecim vel eocirca, ipsa suis ocutis corporalibus vidit sanctum Michaelum. (30) En voilà assez, trop peut-être; mais il importait d'établir que Jeanne avait à peu près "treize ans" quand elle entendit ses voix, et, par conséquent, à peu près "vingt ans" quand elle comparut devant ses juges. Ce simple mot "à peu près" donne naturellement lieu à des interprétations différentes, à raison de l'usage où l'on était alors, et où nous sommes encore aujourd'hui, d'exprimer l'âge tantôt par le nombre des années accomplies, d'autres fois en y ajoutant l'année courante. Même il est des cas où cet usage a force de loi. En droit canonique, par exemple, on emploie l'une ou l'autre manière de compter, selon l'intérêt qu'on y trouve, en vertu du principe : Favores empliandi, odia restringenda. C'est à vingt et un ans que le jeûne est obligatoire, à vingt et un ans "accomplis", odia restringenda. Il faut avoir vingt-cinq ans pour être ordonné prêtre, c'est-à-dire, ici, être dans sa vingt-cinquième année : favores empliandi.

La Pucelle avait donc à peu près vingt ans au moment du procès; c'est-à-dire vingt ans et un peu plus; ou bien un peu moins de vingt ans. Dans le premier cas, elle sera dans sa vingt et unième année; on pourra dire qu'elle a vingt et un ans. Dans le second cas, comme elle n'aura pas vingt ans accomplis, rien n'empêche de la dire âgée de dix-neuf ans et de la faire naître en 1410, avec les dictionnaires biographiques de Feller, de Michand (1ère édition) et de Bouillet.

III.

Le texte si simple et si précis, semble-t-il, emprunté au premier interrogatoire, n'on donne pas moins lieu à une interprétation semblable. Jeanne y déclare qu'elle a environ dix-neuf ans : Interrogata cujus oetatis ipsa erat respondit quod, prout sibi videtur, est quasi XIX annorum. (31). De là trois hypothèses :

1° Jeanne a dix-neuf ans, à très peu de chose près, soit en plus, soit en moins;

2° Elle a dix-neuf ans sensiblement passés; elle est dans sa vingtième année; on peut dire qu'elle a vingt ans;

3° Elle n'a pas encore dix-neuf ans; elle a seulement dix-huit ans accomplis au moment du procès; et, par conséquent, on peut lui donner seize ans lors de la levée du siège, ainsi que l'a écrit d'Aulon.

On voit qu'un moyen de nos textes pris à part, toutes les opinions se soutiennent, et qu'on peut, au moment où la Pucelle se présente au roi, lui attribuer, à volonté, tous les âges, depuis seize ans jusqu'au vingt-et-un ans. Mais on va se retrouver renfermé dans de plus étroites limites, si l'on s'astreint, comme il est juste, à satisfaire aux exigences de tous les documents à la fois.

D'abord on ne peut plus attribuer à la Pucelle dix-huit ans à l'époque du procès, puisque nous avons vu qu'elle en avait alors à peu près vingt. Que l'on dise avoir à peu près vingt ans, quand on a dix-neuf accomplis et que l'un est dans sa vingtième année, soit, c'est admis, mais si l'on a que dix-huit ans, cela ne se peut.

D'un autre côté, on ne peut accepter l'âge de vingt ans accomplis, car du moment qu'on a vingt ans accomplis, on n'est pas admis à dire, comme a fait Jeanne dans son premier interrogatoire, qu'on en a à peu près dix-neuf.

Jeanne avait donc moins de vingt ans, mais dix-neuf au moins, à la fin de février 1431; moins de dix-huit ans par conséquent, mais au moins dix-sept, quand elle se présenta au roi pour faire lever le siège. Elle avait de dix-sept à dix-huit ans, comme l'a écrit Cousinot de Montreuil. Telles sont les limites de la précision à laquelle il nous est permis d'arriver par l'examen comparatif des pièces du procès.

IV.

Mais quand il s'agit de Jeanne d'Arc, il est bien naturel que l'on désire connaître d'une manière exacte la date de sa naissance et l'âge qu'elle avait quand elle parut sous les murs d'Orléans. Une pièce conservée dans un manuscrit de la bibliothèque de Grenoble et signalée à trois reprises, en 1800, en 1802 et en 1817, par Berryat Saint-Prix, pouvait fournir quelques indications utiles. C'est une épitre en vers latins adressée au duc d'Orléans, en 1435, par Antoine d'Asti, son secrétaire, et dans laquelle il est dit que la Pucelle vint au monde le jour de l'Épiphanie (32). C'était une révélation; elle ne semble pas avoir été suffisamment remarquée et elle a, depuis, perdu beaucoup de son intérêt. Il se trouve, en effet, que l'épitre d'Antoine Astezan n'est que la traduction en vers d'une lettre adressée six semaines après la levée du siège, le 21 juin 1429, à Philippe-Marie Visconti, duc de Milan, par Perceval de Boulainvilliers.

Cette lettre, insérée d'abord dans le Codex historico-diplomaticus, puis publiée en 1820, sous la forme d'une traduction en vieil allemand, par Voigt, qui la croyait inédite, traduite d'allemand en français, par Buchon, placée par lui dans le "Panthéon littéraire", fut enfin publiée dans son texte original par Jules Quicherat en 1849. (33) C'est alors que nous avons appris, d'une manière il est vrai plus précise et plus sûre, ce que nous aurions pu savoir près d'un demi siècle plus tôt.

Perceval fait naître la Pucelle in nocte Epiphaniarum Domini, dans la nuit du 6 janvier. En quelle année ? Il ne le dit pas, et l'indication qu'il nous donne se trouve ainsi assez vague par elle-même. Mais les conclusions que nous avons précédemment tirées des pièces du procès nous permettent de la déterminer.

Ce ne peut pas être le 6 janvier 1411, car Jeanne, le 6 janvier 1431, aurait eu vingt ans, et nous avons vu qu'elle avait moins de vingt ans le 21 février suivant.

Ce ne peut pas être davantage le 6 janvier 1413. Dans ce cas, en effet, elle n'aurait eu que dix-huit ans le 6 janvier 1431, et il lui aurait été impossible de dire ou de faire entendre, six semaines plus tard, qu'elle en avait à peu près vingt.

La seule date possible de sa naissance, tous nos éléments d'information réunis, est donc le 6 janvier 1412, et c'est la date adoptée dans ces derniers temps par nos historiens : Henri Martin, Quicherat, Guizot et Wallon.

Née le 6 janvier 1412, Jeanne, le 6 janvier 1431, atteignait ses dix-neuf ans et entrait dans sa vingtième année; elle avait à l'époque de ses interrogatoires l'âge que ses réponses nous ont obligés d'admettre : plus de dix-neuf ans, moins de vingt. C'est donc bien à seize ans à peu près, comme le dit le Pape Pie II, qu'elle se rendit auprès de Baudricourt (18 mai 1428), c' est-à-dire dix-sept ans et quatre mois qu'elle délivra Orléans et sauva la France (8 mai 1429).

L. GUERRIER

(1) The history of England from the invasion of Jules Cesar to the revolution of 1688, London, 1782, t.III, p.138-160.

(2) Rapin-Thoyras, Histoire d'Angleterre, 2ème édition, 1727, tome IV : Dissertation sur la Pucelle d'Orléans, à la suite du règne de Henri VI.

(3) Séance du XXI février, Quicherat, t.1, p.46.

(4) Quicherat, t.1, p.214.

(5) Quicherat, t.II, p.392, note.

(6) Jeanne d'Arc à Domrémy, ch.VII.

(7) Siméon Luce, Jeanne d'Arc à Domrémy, 1888, p.CLXXI.

(8) Estienne Pasquier, Recherches de la France, liv.VI, ch.V.

(9) Dans le Recueil de Godefroy, 1661.

(10) Puella circiter annorum vigenti (Tropheum Gallorum, Lyon, 1507).

(11) Ad eum puella vigenti circiter annos nata ducitur (V.Nordal, Heroianae nobilissimae Joanna d'Arc, vulgo aurelianensis puellae historie ex variis gravissimae atque incorruptissimae fidei auctoribus excerptae, Ponte Mussi, 1612.

(12) Sismondi, Histoire des Français, 1831, t.XIII, p.115.

(13) Moreri, Dictionnaire, nouvelle édition, 1759, au mot "Arc".

(14) Quicherat, t.IV.

(15) Jacobus Meyerus, Brugensis, lib.XVI, Annal.Flandrae.

(16) Mariana, De rebus hispanicis, lib.XX.

(17) Histoire de France, 1841, t.V, p.64.

(18) Histoire de Jeanne d'Arc, par l'abbé Barthélémy de Beauregard, 1847, t.1, p.6.

(19) Voir la Chronique de la Pucelle, dans le recueil de Godefroy, 1661, et surtout l'édition de Vallet de Viriville.

(20) Michelet, Histoire de France, t.V, p.64.

(21) Quicherat, Procès, t.IV, p.507.

(22) Bibliothèque de l'École des Chartes, 1885, p.649, et le P.Ayroles, La Pucelle devant l'église de son temps., ch.IV.

(23) Elle naquit en 1412 (Villaret, Histoire de France, t.1, VII, p.401) - Elle n'avait que dix-sept ans (Berthier, Histoire de l'église gallicane, in-4°, 1747, p.181) - Lenglet-Dufresnoy - Lingard écrivit son histoire de 1819 à 1831, trad.fr., 1834, t.V, p.116) - Quicherat, Aperçus nouveaux, 1850, p.1, et note ajoutée à l'art. de Walkenaer dans la biographie Michaud - Wallon, Jeanne d'Arc, 1867, t.1, p.2 - Guizot, Histoire de France racontée à mes petit-enfants - Siméon Luce, Jeanne d'Arc à Domrémy, p. XLIX - Henri Martin, t.VI, p.139 de la 4ème édition - Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t.II, ch.V.

(24) Quicherat, Procès, t.III, p.209.

(25) Sur Thomassin, v. Berryat Saint-Prix, Jeanne d'Arc ou coup d'oeil sur les Révolutions de France - Sur les mss. de Thomassin, Bibliothèque du P. Lelong, n°37.930.

(26) Prima sessio publica, XXI februarii 1431.

(27) IIe Sessio, Quicherat, t.1, p.52.

(28) IVe Sessio, Quicherat, t.1, p.72.

(29) Sessio IV, t.1, p.73.

(30) Quicherat, t.1, p.328.

(31) Elle avait dit ailleurs, ce qui revient au même, qu'elle avait environ dix-sept ans quand elle quitte sa famille : Item dicta femina dicere confitetur quod, dum esset annorum XVII vel eocirca,... paternam domum, etc (Procès de condamnation, op.Quicherat, t.II, p.333).

(32) Berryat Saint-Prix, Jeanne d'Arc ou coup d'oeil sur la Révolution de France etc, p.273 et suiv.

(33) Procès, t.V, p.114.

(Bulletins de la S.A.H.O., t.11, 1895-1897, p.71 à 82, bulletin n°155.)


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Jeanne d'Arc et la Marine.

La Marine Nationale Française à honoré à plusieurs reprises le souvenir de "la Pucelle" en baptisant de son nom plusieurs navires.

Sous l'Ancien Régime, celle-ci a fait l'objet d'un oubli quasiment total entre le 16è et le 19è siècle. Seule la littérature parlait d'elle.

Puis plusieurs navires portèrent son nom :

1- Le 25 août 1820, pour la première fois, un bateau de notre marine porte son nom. Il s'agit d'une frégate de 52 canons mise à l'eau à Brest, qui fit campagne en Méditerranée et aux Antilles, et fut désarmée en 1834.

2- En 1835, une autre frégate fut mise sur cale à Lorient. Elle fit campagnes en Chine, en Crimée, dans la Baltique jusqu'en 1898, époque à laquelle elle avait été rebaptisée sous le nom de "La Prudente".

3- En mai 1865, ce fut une corvette cuirassée, mise sur cale à Cherbourg, et mise en service deux ans plus tard.

4- En 1896, il s'agit d'un croiseur cuirassé, qui fut le premier navire-école d'application des futurs officiers en 1912, et participa à de nombreuses campagnes et opérations militaires.

5- En 1928, à Saint-Nazaire, fut mis sur cale le croiseur-école qui accueillait chaque année 156 élèves officiers pour une croisière autour du monde. Ce navire, qui se trouvait aux Antilles en juin 1940, y resta jusqu'au 31 juillet 1943, puis participa aux opérations de Corse puis au débarquement de Provence le 15 août 1944.

6- Ce sixième bâtiment, surnommé "la Jeanne" fut construit à l'arsenal de Brest de 1959 à 1964 et armé le 16 juillet de la même année. C'était un porte-hélicoptères. "La Jeanne" effectua sa dernière mission le 27 mai 2010 et fut retirée du service le 7 juin suivant après 44 campagnes. Elle ne fut pas remplacée. Le navire a servi aussi d'école d'application pour les futurs officiers de marine. Elle abritait 677 personnes, soit 46 officiers dont 16 instructeurs, 158 élèves et 473 officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots. D'une vitesse de 26 noeuds, elle possédait 6 missiles Exocet, 4 tourelles de 100 mm et 8 hélicoptères de combat.

Notre Marine a bien honoré notre héroïne nationale.


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