Illustration du repeuplement de la Lorraine au 17ème siècle
L'histoire du château et de la seigneurie d'Albestroff illustre à maints égards l'histoire de l'ensemble de la Lorraine, qu'il s'agisse des régions qui relevaient des Trois-Évêchés (Metz, Toul et Verdun) ou de celles des duchés.
Albestroff comme d'autres places lorraines, a été plus d'une fois l'enjeu de disputes, sur fond de rivalités et de guerres entre les empereurs de Germanie et les rois de France. Ces rivalités se traduiront par une annexion définitive et, deux générations plus tard, par les événements les plus graves que la Lorraine avait connus jusque-là. Ce sont ces événements qui expliquent pour une grande part pourquoi les généalogistes d'aujourd'hui trouvent chez nous des noms d'origines si diverses.
Le château d'Albestroff était une possession des évêques de Metz depuis le haut Moyen Âge. Il marquait, comme les places de Vic et de Marsal, l'emprise de l'évêché sur une source de revenus importante : les salines de la région de la Seille.
Ces possessions faisaient partie du temporel de l'évêché, c'est à dire l'ensemble des domaines directs et des fiefs, des serfs et vassaux, des villes, villages, châteaux, des terres, eaux, usines, des droits et revenus de toute espèce, dîmes, patronages d'églises, redevances seigneuriales, corvées, services féodaux, cens et simples rentes qui appartenaient à l'évêché, tout cela épars dans des lieux parfois très éloignés les uns des autres.
Au XVIe siècle, Albestroff se trouve dans une situation des plus critiques, comme l'ensemble du temporel de l'évêché de Metz, qui est déjà fort réduit : le château, comme les places fortifiées de Vic et de Marsal que nous évoquons ci-dessus, sont maintenant les seules forteresses de l'évêché de Metz.
Dans la pièce qui va se jouer avec Henri II et Charles Quint, se croiseront les acteurs de l'histoire de France et ceux de l'histoire de la Lorraine :
- La famille de Guise, branche cadette des ducs de Lorraine, cousins du roi de France, et notamment :
- François de Lorraine, 2e duc de Guise et favori du roi Henri II.
- Le cardinal Charles de Lorraine-Guise, frère du précédent, devenu évêque de Metz en 1550, mais qui résigne l'évêché l'année suivante, en conservant toutefois pour lui le temporel.
- Robert de Lenoncourt, devenu évêque de Metz en 1551 lorsque le cardinal résigne l'évêché en sa faveur. Lenoncourt est un allié du roi de France et des Guise. Il espère restaurer l'autorité de l'évêque et reconstituer le temporel que ses prédécesseurs ont laissé s'amenuiser.
- Le roi de France Henri II, allié au duc de Guise. Ces deux familles sont alliées pour quelque temps encore, en attendant que leurs fils se livrent une lutte sanglante qui se terminera par l'assassinat du 3e duc de Guise (Henri, dit le Balafré) et de son frère Louis II, Cardinal de Lorraine, au château de Blois en 1588.
- Charles Quint, empereur, à qui la ville de Metz avait fait acte d'allégeance en 1544. Le catholique Charles Quint étant contesté par les princes protestants d'Allemagne, le roi de France a conclu un traité avec ces derniers.
En 1552, le roi de France décide d'affirmer sa présence dans les provinces orientales de son royaume face à Charles Quint. Son armée entreprend le "Voyage d'Allemagne".
Henri II entre d'abord dans Toul. Il lui suffit de demander ensuite à être hébergé à Nancy, pour que le jeune duc Charles III et son tuteur Nicolas de Vaudémont l'y accueillent. Le duché de Lorraine reste dans une neutralité bienveillante, et conserve son indépendance et une relative tranquillité.
Le lundi de Pâques 1552, le roi de France fait son entrée dans la ville de Metz occupée par son armée depuis quelques jours déjà. Il est précédé par le cardinal Charles de Lorraine-Guise et par l'évêque Robert de Lenoncourt. Il loge chez le même bourgeois qui hébergea Charles Quint 8 ans plus tôt, et se fait proclamer par les habitants « protecteur des libertés germaniques ». Il est vrai que Henri II est depuis peu l'allié des princes protestants d'Allemagne qui veulent se libérer de la "bestiale servitude" de leur empereur catholique.
Sept mois plus tard, Charles Quint vient assiéger Metz, mais sans succès. La ville et le temporel de l'évêché sont définitivement Français.
Le duché de Lorraine, quant à lui, conserve son indépendance, grâce à la sage neutralité de son souverain. Mais pour quelques décennies seulement.
Au XVIIe siècle, en 1618 survient la terrible guerre de Trente Ans. La conquête de la Lorraine par les troupes françaises est un des épisodes de la grande lutte qui ensanglante l'Europe entière. Un historien américain a nommé ces 30 années « la guerre civile européenne », expression qui illustre la sauvagerie et l'absurdité de l'un des épisodes les moins glorieux de l'histoire de l'humanité. Plusieurs villages lorrains n'ont plus aucun habitant, les autres ont perdu plus de la moitié de leurs occupants. Le duc fait appel à Vincent de Paul pour combattre la misère, et organise l'immigration pour repeupler les campagnes (hongrois, allemands, savoyards, normands).