Hôtel Biron
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77 rue de Varenne
Histoire
- C'est Abraham Peyrenc, marquis de Moras (1681-1735), financier, qui fait construire son hôtel, à côté des Invalides, à partir de 1728 par l'architecte Jean Aubert. Abraham Peyrenc de Moras décède en 1732 avant l'achèvement des travaux. En 1736, sa veuve loue l'hôtel à Louise Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine. Au décès de la duchesse en 1753, le fils du marquis de Moras vend la propriété à Louis Antoine de Gontaut Biron, futur maréchal de France, qui laissera le nom à l'hôtel.
- Louis Antoine de Gontaut, duc de Biron (1701-1788) achète une parcelle le long de la rue de Babylone doublant ainsi la superficie de son jardin à la française, creusant un bassin circulaire et réaménageant une partie du jardin à la mode anglaise. Ce jardin deviendra alors l'un des plus beaux et des plus renommés de Paris. À son décès, l'hôtel échoue au duc de Charost en 1795, qui transforme le jardin anglais en potager et donne de très nombreuses fêtes champêtres.
- Au décès du duc en 1800, la propriété est louée entre 1806 et 1808 au nonce du pape Pie VII, Giovanni Battista Caprara, puis au Tsar qui y transfère l'ambassade de Russie entre 1810 et 1811.
- En 1820, la duchesse de Charost vend la propriété à trois religieuses, dont la mère Madeleine-Sophie de Barat, fondatrice de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus. Les sœurs fondent une institution pour jeunes filles de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie. La future impératrice Eugénie de Montijo et sa sœur y furent élèves. Elles font disparaître les décors de l'hôtel et vendent boiseries, décors peints, ferronnerie pour réaménager l'intérieur du bâtiment. Entre 1820 et 1904, des bâtiments annexes à usage d"enseignement et de culte sont construits, notamment la chapelle néo-gothique conçue par l'architecte Juste Lisch en 1876. La société du Sacré Cœur de Jésus est dissoute en 1904 et contrainte d'abandonner les lieux.
- En 1905, la maison est reconvertie en logements à faible loyer, et accueille de nombreux artistes : l'écrivain Jean Cocteau (1889-1963), le peintre Henri Matisse (1869-1954), la danseuse Isadora Duncan (1877-1927), et l'épouse du poète Rainer Maria Rilke (secrétaire de Rodin), la sculptrice Clara Westhoff (1878-1954). C'est grâce à Rainer Maria Rilke que Rodin découvre le domaine.
- Dès 1908, Auguste Rodin installe ses ateliers dans quatre pièces au rez-de-chaussée donnant sur le jardin, ce qui lui permet de disposer certaines de ses œuvres dans le jardin laissé en friche. Il occupera tout l'hôtel en 1911. Dès 1909 il souhaite léguer à l'État toute son oeuvre : "Je donne à l'État toute mon œuvre plâtre, marbre, bronze, pierre, et mes dessins ainsi que la collection d'antiques que j'ai été heureux de constituer pour l'apprentissage et l'éducation des artistes et des travailleurs. Je demande à l'État de garder en l'hôtel Biron qui sera le musée Rodin toutes ces collections , me réservant d'y résider toute ma vie". Il est soutenu, entre autres, par Claude Monet, Octave Mirbeau, Raymond Poincaré, Georges Clémenceau, Étienne Clémentel.
- En 1911, le domaine est vendu à l'État qui y installe les services du Bâtiment civil du ministère de l'Instruction publique, et crée, dans les jardins côté rue de Babylone, un lycée (l'actuel Lycée Victor Duruy). L'État fait raser de nombreux bâtiments comme les communs, les deux ailes latérales de part et d'autre de la cour d'honneur, seuls sont conservés la chapelle et le pavillon d'entrée droit.
- En 1926, Auguste Rodin fait une congestion cérébrale qui le plonge dans une inconscience totale.
- En 1916, l'Assemblé Nationale ainsi que le Sénat acceptent les trois donations successives de l'artiste (ses oeuvres, ses collections, sa bibliothèque ainsi que ses écrits et manuscrits), et décide la création du musée Rodin en l'hôtel Biron.
- Le musée Rodin ouvre officiellement ses portes en 1919.
- De vastes travaux de rénovation et de mise aux normes de sécurité de l'hôtel Biron ont lieu entre 2012 et 2015 ; une présentation fluide, épurée et précise permet d'admirer les 600 œuvres de l'artiste. D'autre part, le décor originel a été retrouvé avec les beaux parquets remis en état, les moulures des plafonds rafraîchis, et des boiseries réinstallées.
L'hôtel Biron est classé aux Monuments Historiques depuis le 12 juin 1926 : [1].
Patrimoine bâti
- La construction de l'hôtel de Moras se fait alors dans les faubourgs de la ville, entre cour et jardin, ce qui est peu fréquent à cette époque, il se présente à la fois comme une maison de ville et une maison de campagne. L'immeuble est sur une plateforme accessible grâce à quelques marches. La demeure comporte trois étages : un entresol percé de fenêtres coiffées d'un arc surbaissé, un haut rez-de-chaussée et un étage séparés d'un bandeau mouluré.
- Auber donne une grande élégance à la façade côté jardin, avec la saillie des cabinets latéraux dans les tours d'angle, qui rappellent celles d'un château de campagne. Mascarons et rocailles ornent les fenêtres et baies. Un balcon en ferronnerie souligne les trois travées du logis central, orné d'un fronton orné du relief Le couronnement de Flore.
- Côté cour d'honneur, deux pavillons autonomes légèrement en saillie s'articulent autour d'un corps de logis central orné de mascarons au-dessus des fenêtres en plein cintre, et les autres baies, coiffées d'un arc surbaissé, reçoivent une simple rocaille.
Le Musée Rodin
- Le musée ouvre ses portes officiellement le 4 août 1919.
- 18 salles sont consacrées à l'exposition des diverses œuvres de Rodin et montrent son évolution tout au long de sa vie : esquisses en terre, moulages en plâtre, sculptures en bronze ou en marbre
- Les trois premières salles sont consacrées aux débutx de l'artiste, l' âge d'airain ; puis on peut voir de nombreux dessins (des paysages, des nus parfois érotiques, inspirées de Dante ou de Baudelaire).
- Dans la salle 16, on peut admirer les œuvres de Camille Claudel, qui rappellent l'importance du lien qui unit les deux artistes.
- Une salle est consacrée aux acquisitions personnelles du sculpteur, dont un Monet, un Renoir et deux Van Gogh.
- Dans la dernière salle, entouré de la collection d'antiques que possédait Rodin, on peut admirer L'Homme qui marche.
Auguste Rodin au fil du temps
- Auguste Rodin est né à Paris le 12 novembre 1840 et décède à Meudon le 17 novembre 1917.
- Rodin est un autodidacte. À l'âge de 14 ans, Rodin entre à l'École impériale spéciale de dessin et de mathématiques (qui deviendra l'École nationale supérieure des arts décoratifs). Il y reste quatre ans et y remporte un premier prix de dessin. Il essaie d'entrer aux Beaux-Arts en section sculpture mais échoue trois fois au concours. Il devient maçon d'art, dégrossit les marbres et les pierres. Il ne participe à aucun Salon pendant 20 ans. En 1860 il sculpte son premier buste, son père Jean Baptiste Rodin, qui ne sera jamais exposé.
- En 1864, il rencontre Rose Beuret (1844-1917), qui sera son modèle et la compagne de toute sa vie, avec qui il aura un fils, et qu'il épousera peu de temps avant la mort de Rose.
- Rodin commence une collaboration avec le sculpteur Albert Ernest Carrier-Belleuse (1824-1896), La jeune femme au chapeau fleuri date de cette période, dont le détail correspond parfaitement au goût de la bourgeoisie de l'époque. Il s'installe à Bruxelles entre 1871 et 1877 et travaille comme ornemaniste pour Carrier Belleuse, il peint également de nombreux paysages.
- En 1876, il se rend en Italie pour étudier les artistes de la Renaissance et plus particulièrement Michel-Ange.
- En 1877, de retour à Bruxelles il expose sa première statue de nu grandeur nature, L'âge d'airain, qui fait scandale puisqu'il est accusé de surmoulage.
- Les années 1880 marquent le début d'une production foisonnante où il exalte la volupté, la passion, la force et la douleur, notamment avec Les portes de l'enfer, oeuvre inspirée de la Divine Comédie de Dante, sur laquelle il travaille 20 ans, sans qu'elle ait été livrée ni coulée en bronze durant sa vie. Le Penseur, oeuvre conçue pour les portes de l'enfer date de cette époque. Puis ce sera, Victor Hugo, Balzac (qui provoque un vrai tollé) , et le monument Les bourgeois de Calais.(qui ne plaira pas aux commanditaires).
- En 1884, Camille Claudel (1864-1943) intègre l'atelier de Rodin et devient son élève talentueuse, son modèle et sa muse dont il tombe amoureux. Histoire passionnée qui inspire les deux artistes dont les œuvres reflètent leurs sentiments. Le baiser date de cette époque.
- Dès 1890, Rodin connaît un succès international, avec sa maîtresse la duchesse de Choiseul, il parcours le monde avec ses expositions et se lie d'amitié avec des artistes comme Monet, Whistler, Isadora Duncan, Nijinsky, Rilke et Zola.
- Il se sépare de Camille Claudel en 1893.
- Dans le musée, plusieurs portraits sont exposés :
Quelques œuvres
- Nombre de ses œuvres ont été dupliquées : douze monuments des Bourgeois de Calais, vingt statues du Penseur, quatre de Balzac, trois du Baiser.
Camille Claudel (1864-1943)
- Les dons de Paul Claudel (1868-1955) en 1953 répondent au souhait exprimé par Rodin d'une salle dédiée à Camille Claudel dans son musée.
- La sculptrice est entourée par d'autres artistes, élèves ou non de Rodin. L'amitié de ce dernier avec Alphonse Legros, et l'italien Medardo Rosso, son estime pour Aristide Maillol, ses liens professionnels avec Antoine Bourdelle ou Jules Desbois, le rôle enfin du Tchèque Josef Maratha dans la diffusion de son œuvre, expliquent leur présence au côté de Camille Claudel.
Le Jardin
- Le jardin comprend une roseraie encadrant la cour d'honneur ; côté jardin, autour du parterre de verdure central, deux parcours thématiques sont créés en 1993 : le jardin d'Orphée où végétation et rocaille s'entremêlent du côté gauche du parterre et le jardin des Sources ponctué de pièces d'eau côté droit.
- Dans le sous-bois planté à l'est du grand parterre, un véritable musée de plein air. Les statues de bronze sont disséminées dans le jardin, notamment chacun des Bourgeois de Calais est présenté individuellement.
:
- - Le Penseur
- Le Penseur est créé dès 1880 pour La Porte de l'Enfer. Il représente Dante, l'auteur de La Divine Comédie, qui a inspiré La Porte, mais aussi Chronos, le dieu grec des enfers, ou encore le créateur penché sur son œuvre. Par son alliance entre calme et force, l'oeuvre devient un symbole d'espoir et de foi en l'homme et connait une célébrité mondiale.
- Installé devant le Panthéon en 1906, cet exemplaire fut transféré au musée en 1922.
- - Balzac
- Commandé en 1891 par la Société des Gens de Lettres, le monument au romancier Honoré de Balzac (1799-1850), présenté au Salon de 1898 suscite un violent rejet. Conservé par Rodin, il n'est fondu qu'après sa mort.
- L'évocation symboliste de l'écrivain domine, enveloppé dans la robe de moine qu'il revêtait pour écrire, Rodin utilise le drapé pour magnifier la tête, animée par l'accentuation de la chevelure qui contemple l'humanité et sa Comédie humaine.
- Une réplique de la statue est visible à l'angle du boulevard Raspail et du boulevard du Montparnasse à Paris (14e).
- - La muse Whistler
- Grand modèle nu, bras coupé. En 1905, le projet d'un monument au peintre James MacNeill Whistler (1834-1904) est confié à Rodin. Le génie du peintre est évoqué par une figure allégorique, nouvelle conception du monument public.
- À la mort de Rodin, le monument n'est pas prêt et le comité londonien refuse la statue. La simplification des volumes et l'originalité de la pose invitent aujourd'hui à considérer l'œuvre comme l'une des plus belles pièces de la fin de la carrière, mêlant plénitude de la Grèce antique et simplicité moderne du modelé.
- - Ugolin et ses enfants
- Issu d'un des épisodes les plus noirs de La Divine Comédie de Dante Alighieri (1264-1321), le comte Ugolin prisonnier, rendu fou par la faim dévore ses enfants morts, ce qui lui vaut la damnation. Conçu pour La Porte de l'Enfer, le groupe évoque le moment qui précède le paroxysme : Ugolin décharné rampe parmi les corps de ses enfants mourants. Le regard fou, la bouche ouverte sont autant de trous noirs qui dramatisent les jeux de lumières.
- Le groupe agrandi devient une œuvre autonome au début du siècle.
- - L'Ombre
- L'Ombre est liée à un sujet antérieur de Rodin, Adam, très marqué par l'art de Michel-Ange. Des trois ombres placées au sommet de la Porte de l'Enfer, Rodin a tiré la figure isolée et agrandie de L'Ombre. La douleur de la damnation est rendue par la pose contrainte et l'inclinaison exagérée de la tête qui dessine une seule ligne avec le cou et les épaules. Par de telles déformations anatomiques, Rodin atteint une puissance expressive sans égale à son époque.
- - Monument à Victor Hugo dit du Palais Royal
- La commande d'un monument au poète et homme politique Victor Hugo (1802-1885) est confiée à Rodin en 1889. Après de nombreuses versions, l'oeuvre en marbre, avec la seule figure du poète, est installée au Palais-Royal en 1909. Hugo est représenté assis sur les rochers de l'île de Guernesey, où il était exilé, absorbé dans sa pensée, le bras tendu comme pour calmer les flots, le corps marqué par le temps. Il est accompagné ici par La Muse tragique incluse dans la version du monument complété en 1922-1923.
- - Adam et Ève
- Adam : En 1881, Rodin obtient de l'administration des Beaux-arts la commande de deux grandes statues, Adam et Ève, qu'il envisage de placer de chaque côté de la Porte de l'Enfer.
- La figure d' Adam, d'abord intitulée La Création de l'Homme, révèle l'influence du sculpteur Michel-Ange (1475-1564), avec l' Adam peint au plafond de la Chapelle Sixtine à Rome. L'inclinaison exagérée de la tête, la position ramassée et l'expression méditative suggèrent la prise de conscience progressive de l'être humain qui s'arrache au limon.
- Ève : Commandée en 1881, Ève n'est exposée qu'en 1899. La posture close sur elle-même et le visage caché du bras replié évoquent la honte et la douleur du Paradis perdu. Son modèle vibrant, en partie inachevé, a été conservé tel quel dans la fonte.
- - La Porte de l'Enfer
- La Porte de l'Enfer est une commande de l'État signée le 16 août 1880 par Jules Ferry, destinée au Musée des Arts Décoratifs qui ne verra jamais le jour. La commande précise que la Porte devra être ornée de bas-reliefs illustrant la Divine Comédie de Dante.
- Dans une première maquette en cire, Rodin divise les deux vantaux en cinq panneaux comme la Porte du Paradis réalisée par Lorenzo Ghiberti pour le Baptistère de Florence. Finalement il n'en gardera que trois.
- Haute de plus de six mètres, la Porte défie les lois à la fois de l'architecture et de la sculpture, et constamment enrichie elle fut une source d'idées et de formes tout au long de la vie de son créateur. Rodin offre une vision spectaculaire des Enfers, pleine de fièvre et de tourments. Il créé plus de 200 figures et groupes qui seront un vivier dans lequel il puisera toute sa carrière. C'est un tourbillon de corps suppliciés, une marée humaine illustrée par sa vision de l'enfer et sa sensualité impérieuse nourrie de la lecture des Fleurs du Mal de Baudelaire
- Plusieurs des personnages sont devenus indépendants comme le Penseur qui devait à l'origine figurer dans le trumeau de la porte, le Baiser représentant Paolo et Francesca , le tyran Ugolin dévorant ses enfants.
- Pour juger de l'effet de chacune de ses sculptures, il fait réaliser un gabarit en bois de la Porte, sur lequel il les place successivement. Inachevée la Porte ne sera pas présentée à l'Exposition Universelle de 1889. Il l'expose au public dans une version en plâtre en 1900, mais privée de toutes les figures les plus saillantes. Cette version est au Musée Rodin de Meudon.
- Ce n'est qu'en 1917 que Léonce Bénédite, premier conservateur du musée Rodin, parvient à convaincre le sculpteur de faire réaliser une fonte de sa Porte. Elle ne sera réalisée qu'en 1928 par Alexis Rudier après le décès de l'artiste.
- - Les ombres
- Rodin fit plusieurs études d' ombres, et finit par assembler trois mêmes corps qui représentent, selon la Divine Comédie de Dante, les âmes de trois damnés se tenant à la porte des Enfers avec l'inscription : "Vous qui entrez, abandonnez toute espérance ".
- Les trois ombres reprennent une pose douloureuse avec une évidente influence de Michel-Ange. Rodin atteint avec ce groupe une puissance expressive sans égale à son époque dans l'exagération de l'inclinaison de la tête.
- Placée au sommet de la Porte, le groupe domine le spectateur. La statue sera agrandie plus tard pour en faire un groupe monumental autonome.
- - Les Bourgeois de Calais
- En 1884, la ville de Calais commande un monument commémorant un épisode de la guerre de Cent Ans (1337-1453) : six bourgeois se sacrifient pour leurs concitoyens en remettant leur vie au roi d'Angleterre.
- Ils sont représentés la corde au cou, en chemise de condamnés, les postures individualisées. Il sont groupés au sol afin que la monumentalité et l'expression des figures fassent mieux entrer le public "dans l'aspect de la misère et du sacrifice".
- Chacun des personnages est représenté individuellement dans le jardin :
Pierre de Wissant nu monumental 1886, fonte Coubertin 1977
L'étude individuelle de Pierre de Wissant donne à voir un corps dont le mouvement de marche est contrarié par la torsion du buste vers l'arrière, prolongée par la tête qui se détourne tandis que la main, paume ouverte et doigts déployés, et le visage profondément marqué expriment une souffrance intériorisée.
En photos
Notes et références
- Texte des œuvres affiché.
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