Considérations humoristiques sur la généalogie
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(...) "Si les récents développements du problème de la vache folle ont mis en évidence la redoutable maladie de Creutzfeldt-Jakob, nul n'a, pour l'instant parlé d'une affection, certes moins gravissime, mais dont les conséquences sont tout de même très inquiétantes : je veux parler du syndrome de Sosa-Stradonitz, dont les effets pervers présentent toutes les caractéristiques d'une véritable épidémie.
Il n'y a bien sûr aucune similitude entre les deux si ce n'est qu'il s'agit dans les deux cas d'une atteinte cérébrale. Mais alors que la première est d'une extrême gravité dont l'issue est généralement fatale, la deuxième ne présente que des inconvénients relativement mineurs.
Il convient toutefois de s'en préoccuper, car le mal se répand insidieusement sur l'ensemble du territoire. Il s'agit en effet d'une affection mentale qui s'apparente à un TOC, c'est à dire un trouble obsessionnel compulsif dont le diagnostic est délicat car les troubles du comportement n'apparaissent que progressivement. La maladie peut frapper brutalement un sujet jusque-là indemne. Ce n'est que lorsque ce dernier commence alors à se préoccuper, d'une manière constante et irrationnelle de l'existence de ses aïeux que le diagnostic peut-être établi, car c'est précisément la constance de cette quête insensée qui constitue les premiers symptômes de la maladie.
L'affection frappe en général plutôt les personnes d'un certain âge mais les jeunes peuvent également être touchés. Elle est d'autant plus grave que cette psychose ne fait que s'aggraver au fil du temps et finit par devenir chronique. L'incubation est lente mais sournoise. Au début, une simple curiosité pour ses origines familiales, anime le sujet. Il se contente d'explorer ses ascendants directs, mais très vite, il est pris d'une envie irrépressible d'en savoir d'avantage et un état d'excitation permanent s'empare de lui. Le malade est pris d'une véritable frénésie, une sorte de transe qui l'amène à s'agiter d'une façon désordonnée. Il court d'un côté de l'autre pour fouiller les greniers, aller dans les mairies, fréquenter les archives, et même parfois, dans les formes les plus morbides, à visiter les cimetières.
Cette hyperactivité désordonnée provoque dans son cerveau une véritable aliénation. Une furieuse boulimie de noms, de lieux, de dates, s'empare de son esprit et conditionne sa pensée. Totalement obnubilé par cet unique, impérieux et omniprésent objectif : connaître à toute force les générations qui l'ont précédé. Partant de là, il lui faut coûte que coûte découvrir de nouveaux personnages.
Sans relâche, il collecte, trie, ordonne, classe. Cette obstination maniaque devient bientôt obsessionnelle. Il y passe ses jours, il en rêve la nuit. L'unique objet de sa motivation le conduit à un abandon total de tout autre centre d'interêt. Cette multiplicité d'informations disparates entraîne chez lui l'apparition d'un état confusionnel certain. Ses neurones, sollicités de toutes parts, n'arrivent plus à trier les innombrables patronymes et dates multiples qui virevoltent dans sa tête. Le délire devient alors total : il confond les générations, se perd dans les numéros, s'emmêle dans les homonymes. Cet état va provoquer chez lui un état pathologique dépressif qui l'oblige à un besoin constant et anxieux de contrôle, de vérification. La découverte ou l'échec dans ses recherches le font passer de l'optimisme le plus béat au découragement le plus total. Puis il entre dans une phase d'extrême agitation : il court, il interroge, il sillonne les départements, parcourt les pays, téléphone, minitellise, informatise, imaile à tort et à travers sans qu'à aucun moment, sa soif de savoir, qui ? quand ? comment ? où ? ne puisse s'apaiser.
Dès lors le mal empire, car cette quête n'ayant point de fin, la crise inexorable, continue indéfiniment. Le délire alors arrive à son paroxysme. Saisi d'une sorte de fureur exhibitionniste, il trace de grands tableaux, dessine de grandes roues, enlumine de beaux arbres où il accroche pantelants, ses pauvres figures du passé, comme des trophées de chasse. A ce niveau, il est tenté de recourir à des thérapeutes qui pourront le faire admettre dans un établissement spécialisé tel que les Servancnautes,(pour info, il s'agit d'une liste de discussion...) sorte de SAMU dont la vocation est de soutenir les malades les plus atteints. Une rémission est toujours possible mais les rechutes sont fréquentes. La maladie est parfois contagieuse et le conjoint peut être aussi atteint, créant ainsi une véritable dépendance du couple. En revanche, si un seul des conjoints est contaminé et que l'autre présente une bonne immuno-résistance, le climat familial peut se détériorer rapidement car ce dernier, excédé par les tribulations excentriques et permanentes de son partenaire et exaspéré par son état maniaco-obsessionnel devient à son tour dépressif.[...]"[1] (...)
Notes et références
- ↑ Origines Ardéchoises, n°16.
Bibliographie
- Origines Ardéchoises, n°16