Canigou
Canigou, montagne sacrée des catalans
Le mont Canigou est un site merveilleux, enchanteur et mystérieux et tout catalan qui se respecte, se veut de le connaître dans toute sa splendeur. Terre des Dieux, terre des hommes, il se dresse, vieux berger des ans encapuchonné de neige, en figure de proue, amer des marins, au cœur du Roussillon, sentinelle de la méditerranée.
À entendre tous les méthodistes de l’étymologie, les herméneutiques latines de Canigou signifieraient "sommet en forme de croc de chien, sommet enneigé, sommet conique enneigé, œil de chien, montagne blanche...", commentaires simples et bien peu conformes aux exégèses pré-indo-européennes et pré-romaines.
Canigó, le Canigou ! L’énoncé des diverses appellations toponymiques telles que répertoriées et classifiées par Pierre Ponsich, "Répertoire des lieux habités du Roussillon", permettent d’affirmer l’antiquité du toponyme :
- 875 et 949, "Montis Canisgonis",
- Xe siècle, "Monte Canigono, Monte Chanigono, Monte Canisgonis",
- XIe siècle, "Monte Kanigonis, Monte Kanigoni, Montis Kanigoniæ",
- et, dès 1300, sa forme définitive "Canigó", francisée, après le traité des Pyrénées donnant le Roussillon à la France, "Canigou".
Ce point précisé, il peut être accepté une vérité, la première mention, avancée comme connue, relèverait du IXe siècle.
Pourtant, ce précepte, longtemps admis comme incontestable par une certaine catégorie de scientistes, n’est, en fait, qu’une demi-authenticité. En effet, de nouveaux documents ont été exhumés, un poème épique, en douze chants, le "Sacræ Mysthicus ac Legendarii Litteræ Universalis Canigonensis" et une "Epistulæ ad tribus Canisgonis ex Genus mortales", -rouleaux de parchemins conservés dans une collection particulière Ripollencque-, œuvres d’un auteur anonyme kerrétan du Ier siècle de notre ère chrétienne, font état de tribus de "Canisgonis", de Pays de "Canisgonensis" ou de "Canigonensis" et d’un "Montem Canis Goniae."
Canigó, le Canigou ! D’évidence, face au soleil le berçant de tous horizons, il n’est qu’un visage caché, son propre patronyme. Mais..., quel a pu être, les documents archives étant silencieux à son propos, son appellatif aborigène ? Sur la foi des diverses interprétations liées à une toponymie pré-indo-européenne, il serait aisé de penser, toutes les présuppositions et toutes les conjectures pouvant concorder avec le site majestueux, qu’il eut pu se dénommer, ou "Kanikon, Kanikone, Kanikonos,...", nom originel qui serait devenu "Canigó" après l’affaissement du k initial de Kan, en c intervocalique, et du k intermédiaire de kon, en un c qui, par déformation orale, aurait muté en g, et la chute du n final laissant une terminaison en o, accentué par les grammairiens catalans, lui caractérisant plus de robustesse, de puissance, de rudesse et de rigueur, ou bien "Kanigonia, Kanigoia", un nom de lieu usité, au XIe siècle, et transcrit sur de nombreux documents archives "Monte Kanigonis, Monte Kanigoni, Montis Kanigoniæ..."
Canigó, le Canigou ! Les linguistes, dressant son étude étymologique, rapprochent, aisément, le nom à la base oronymique et orogénique pré-indo-européenne, -des peuplades de la fin du Néolithique, IIIe millénaire avant J.-C., qui avaient investi les terres de la bordure méditerranéenne-, ou pré-romaine, -âge du bronze final, début du Ier millénaire avant J.-C., avec l’arrivée des Sordons, "peuple de la mer", des Bébryces et des Kerretes, "peuples de bergers et d’agriculteurs", ethnies plus civilisés-, "Kan", montagne aux roches compactes et dures, de couleur sombre, au sous-sol riche en métaux, -fer, or, argent...-, d’origine volcanique, "Kani", chien, dent de chien et sommet montagneux en forme de dent de chien, "Kaln", sommet pétré, "Kar" ou "Ker", rocher, formant le premier élément auquel il y aurait pu être adjoint un caractérisant complétif, soit "kone", résidence obscure habitée par des personnes extraordinaires, étranges, merveilleuses ou fabuleuses, soit "konos", en forme de cône, de polyèdre ou de pyramide avec base polygonale à vingt faces, soit "kon", duplication tautologique de Kan, soit "ikone", représentation d’un ensemble d’étoiles présentant une configuration propre, soit "iavo", amas de cailloux et dalles rocheuses, ou Dieu, terre des Dieux, soit "gonia", récepteur d’ondes cosmiques ou lieu sacré, soit, enfin, "oia" ou "goia", bercail.
Canigó, le Canigou ! Si Horace consommait du substantif latin "cănis" dans le concept de chien, de chienne, -animal ou terme injurieux-, de chien de berger et des Furies, -divinités infernales pour les Romains, déesses de la vengeance dans la mythologie grecque ou déités, par antiphrase, bienveillantes- ; Tibère dénommait, ainsi, le Cerbère, -chien à trois têtes qui gardait les enfers-, et la constellation de la Canicule ou du Petit Chien, -"petite chienne", appliqué à Sirius, étoile se levant en même temps que le Soleil à l’époque des grandes chaleurs estivales- ; Plaute en usait dans le sens de carcan, de collier, d’augure tirée de la rencontre d’un chien, et Cicéron, de chien, de limier, de créature, de satellite ou de cheveux blancs. Au différent, Virgile, Ovide et Pline l’ancien caractérisaient, en "cănis" ou "cănitiĕs", les cheveux blancs, la barbe blanche, la vieillesse, la blancheur, le poli ou la robe blanche, alors qu’en "cănis" ou "cănens", Ovide qualifiait, de la sorte, une Nymphe et son chant plaintif bruissant, sous le vent, dans les branches et les vallées, et Pompéius Festus, un ornement de tête.
L’étude étymologique de la deuxième composante de Canigó, -en catalan-, ou Canigou, -en français-, complémentaire des diverses interprétations liées à une toponymie pré-indo-européenne ou pré-romaine, est tout aussi explicite et significative du site, permettant d’apporter éclairage, intelligence et connaissance dans sa compréhension. D’après Pline l’Ancien, "Cænia" ou "Cœnia", selon les graphies "Gænia" ou "Gœnia", exprimaient montagne ; les "Cænicenses" ou les "Cœnicenses", suivant les transcriptions les "Gænicenses" ou les "Gœnicenses", étaient un peuple de bergers et d’agriculteurs de la Narbonnaise, aussi connu sous le nom de Bébryces, vivant dans les montagnes des Albères, des Aspres et des premiers contreforts du massif du Canigou qui serait, de ce fait, par éponymie, la montagne des Bébryces ; et, enfin, "Goniæa" et "Gonianĕs" ou "Ganiæa" et "Ganianĕs", révélaient la Pierre inconnue, la montagne Sacrée, la Terre des Dieux.
Se rapprochant d’Apulée de Madaure, dans son "Metamorphoseon sive Asini aurei", "icŏn" symboliserait la fidèle représentation matérielle d’une image céleste ou d’une constellation, et de Chalcidius, traduisant, en latin, le Timée de Platon, "icŏnium", diminutif d’icŏn, symboliserait la réplique terrestre, incise dans un "icŏsăhëdrum", un icosaèdre ou polyèdre à vingt faces constitué par des triangles, de la Constellation du Petit Chien, son point culminant personnifiant Sirius. Enfin, il serait faire preuve d’une outrecuidante inélégance si, en cette étude, il était fait fi de deux inscriptions romaines "oia" et "ioa", toutes deux matérialisant le nom mystique d’une puissante divinité, Jupiter, Pluton, le Soleil ou le Créateur.
- Étude de Raphaele Mathias