Baratte de Templeuve-en-Pévèle
Eugène Baratte [1] : maire adjoint de Jean-Baptiste Matton
Yves Baratte : maire de 1812 à 1858
Eugène Baratte son fils : maire de 1858 à 1888
soit 76 ans de père en fils.
puis Paul Baratte de 1896 à 1918
Les BARATTE et la ville de TEMPLEUVE-en-Pévèle ; une longue histoire commune.
Extraits du journal de Paul BARATTE, maire de Templeuve de 1896 à 1919
En date du dimanche 21 mai 1916 – Cahier N°13
Troisième dimanche du mois.
Il y a approximativement 20 ans que j’ai été nommé Maire.
Au mois de mars il y a eu 104 ans de la nomination de mon Grand Père
Si l’on en déduit les huit années d’intérim de Victor DUBREUCQ, cela fait un bail de 96 ans* d’Administration Municipale par une même famille en ligne directe.
D’après l’intermédiaire des chercheurs, il y avait une famille qui nous disputait ce genre de record, mais il parait qu’il nous revient à présent.
Pour être complet ajoutons un tiers de siècle, 1775 à 1806, pendant lequel le bisaïeul
Eugène BARATTE fit partie de l’Assemblée des Notables et du Conseil Municipal. En dernier lieu comme adjoint.
Chacune des quatre générations a eu sa guerre, le plus souvent avec occupation du village :
-1° Sous Eugène BARATTE, en 1792 et 1793, envahissement par les Kaiserlicks, et les archives de la Commune ont conservé trace des déprédations dont souffrit sa demeure.
-2° Sous Yves BARATTE, de 1815 au début de 1819, séjour des Hanovriens.
-3° Sous mon père, Eugène BARATTE, guerre de 1870 à 1871, heureusement sans passage des ennemis dans notre région.
-4° Enfin la présente guerre qui peut soutenir la comparaison avec les précédentes.
Pour fêter cet anniversaire, nous nous étions promis de manger un nid de jeunes merles qui étaient juste à point ; mais il a profité à un jeune apache qui avait eu la même pensée.
* Paul BARATTE ayant été Maire jusqu’en mars 1919, il faudrait compter plutôt 99 ans
Récapitulatif :
Eugène BARATTE, maire adjoint vers 1808 ; notaire de 1795 à 1807
Yves Joseph BARATTE maire du 28 mars 1812 à 1858 ; notaire
Eugène BARATTE maire du 6décembre 1858 à 1881 ; avocat
Paul BARATTE, maire du 12 mai 1896 à 1919 ; avocat
Le Château Baratte
vidéo : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=xU9UskfdA9E
histoire : http://beh.free.fr/tempresent/pgchato.html
Moulin de Vertain
Le Moulin de Vertain, également connu sous le nom de Moulin Blanc et le Moulin de Briques est un moulin à vent unique à Templeuve-en-Pévèle, Nord, France qui a été construit à la fin du 15e siècle et a été remis en état de fonctionnement. Bien que cela ressemble à un moulin à tour à l'extérieur, il s'apparente techniquement à un moulin à poteaux dans la construction et l'exploitation internes.[2]
Chronique des relations familiales pendant la guerre par Paul Baratte
Samedi 19/06/1915 pages 5 à 7
A 1h1/2 nous débarquons chez Jeanne à Tourcoing, mais les Masurel sont partis déjeuner en ville. Sans pudeur je m’installe chez eux avec mon cornac et Aline nous sert une omelette et ½ poulet à la gelée. Elle est scandalisée par l’allemand qui refuse obstinément toutes ses offres de verser de l’eau dans son vin.
Rencontré dans le tramway la belle madame Mathon Motte dans une tenue sensationnelle de nurse de la Croix Rouge. Eugène Motte a fait trois jours de prison, sa fille Mme Leclère Motte est au bloc depuis quinze jours à la suite d’une perquisition qui amena la découverte d’une correspondance injurieuse pour l’armée allemande. Du reste quatre ou cinq dames de Roubaix sont également à l’ombre pour le quart d’heure. C’est l’endroit sélect du jour.
Je sème Broustetteur et me rends à Roubaix, 12 rue de Cambrai où je vais voir Edmond Masurel et sa femme Jeanne, chez leur nièce Mme Valentin. J’y trouve également Mr Eugène Masurel, Mr et Mme Valentin Decoster et l’inévitable papa Prouvost.
On cause beaucoup de la grève industrielle organisée par Mme Alphonse Pollet de Tourcoing. En l’absence de son mari elle s’est déclarée incompétente pour faire marcher une usine. Eugène Motte a suivi ; puis d’autres. Mr Anjubeau, recevant les industriels leur a tenu un discours admissible sur le devoir de l’heure ; ne pas faire de drap pour les troupes ennemies. Et Edmond conclut avec une fermeté antique : « plutôt que de marcher nous sommes tous résolus à nous faire fusiller ».
On me met dans le tramway en tête à tête avec Mr Paul Prouvost qui me parle de ces deux fils sous les drapeaux et de son gendre Barrois qui fait des recherches sur un sérum anti typhoïdique nouveau.
Samedi 26/06/1915 pages 30 à 32
Nous cherchons à voir Mme Bommart mais elle n’habite pas chez elle ; comme elle est seule elle fait ménage commun avec sa sœur, Mme de Bacque qui demeure au square Jussieu dans l’ancienne maison des parents Gentil. Nous y sommes reçus et admirons les splendides antiquités de famille qui meublent cette habitation. Raymond est interprète à Boulogne, Claude est en Champagne, Raoul est interprète à Paris. La maison de Gruson a été outrageusement cambriolée.
Je fais visite à Debray. Originaire de l’arrondissement cde Provins et électeur de Sadi Carnot, connut grâce à son patron un avancement sans douleur. Je fis sa connaissance vers 1883 à la Nouvelle Gaule, et il me remplaça au cabinet du ministre en 1885, lorsque Sadi devint ministre des finances. Percepteur à Etampes, puis receveur particulier et trésorier, il eut, sans moyen transcendant une carrière facile
Mercredi 30/06/1915 pages 42 à 46
Nous sommes retenus à déjeuner chez l’oncle Alfred.
Après la mort du pauvre petit Louis (Toussaint), tombé le 23 août à Réméré ville, il nous raconte la fin de Joseph (son frère), tué le 25 à la bataille de Charleroi. Comme on demandait quelques hommes de bonne volonté pour aller ramasser les blessés, le sergent Toussaint partit avec quatre hommes. Mais à peine eurent-ils faits quelques pas qu’une rafale de mitraille les abattit tous.
On annonça aussi la mort de l’ainé des fils de Prat, avocat à Saint Omer et contemporain de Jules qui succomba à une blessure aux yeux….
Samedi 10/07/1915 pages 85/86
A Ennevelin Von Parish a fait incarcérer Mr le curé pendant 2 jours, dimanche compris, sans autre motif que l’envie d’affirmer son pouvoir.
Victime innocente, Mlle Marie Favier, fille du maire, continue à être tenue sous les verrous. C’est le sort qui était sans nul doute réservé à Jeannette, si nous l’avions gardé auprès de nous.
Je me rappelle un souvenir d’enfance. En 1870, mon parrain, Mr Druon disait : si les allemands viennent à Capelle, je cacherais une barrique de vin dans le bois.
Avec les procédés de cambriolage méthodique présentement en usage, sa cachette eut été vite découverte.
Chez l’oncle Alfred, je suis reçu dans cette salle à manger où j’ai diné tant de fois ; Je me rappelle y avoir diné il y a 45 ans, le dimanche 6 septembre 1870 et y avoir vu mon pauvre parrain Druon verser de grosses larmes en ouvrant son journal qui annonçait le désastre de Sedan.
Samedi 31/07/1915 p 144/145 ; [Voyage à Lille]
….Rencontré Pauline Decoster …Elle m’invite fort aimablement à déjeuner.
En l’absence de Béal, en voyage, je me confie à son aide.
Les Decoster habitent rue Blanche, à St Maurice, dans un affreux quartier ; la maison est spacieuse.
Pauline Decoster me raconte la dernière visite qu’ils firent à Brest à mon frère Jules, sur son bateau Le Renard. Nul autre de la famille ne devait le revoir.
J’y trouve, outre les parents, les deux filles…, cette dernière avec ses trois enfants.
X….a été réformé ; Y … est automobiliste à Reims. Z…est au Havre. ….
Fils vient d’annoncer que tous ses amis sont en bonne santé. Jules aussi par conséquent.
Très attentive …copie pour moi un extrait d’une lettre de son frère en date du 22 septembre. Il y raconte comment notre brave Jules a gagné « héroïquement » ses galons de sous-lieutenant en allant reconnaitre et repérer une tranchée ennemie. Le soir les autres officiers ont cousus sur les manches de son dolman les galons de son nouveau grade.
Dimanche 15/08/1915 page 1 et 2
Dorchies nous offre encore quelques pêches de son jardin avec des potins sensationnels ; à Ronchin, Roumegies et autres lieux, les avions ont lancé des bombes sur les batteuses.
Il faut s’attendre à ce que le personnel de Templeuve réclame patriotiquement une augmentation.
A Santes Mr et Mme Albert Bernard et leurs 16 enfants ont été expulsés militairement de leur demeure avec un délai trop court pour pouvoir faire un déménagement sérieux. Ils sont partis pour Haubourdin mais trouveront-ils la maison d’Henri inoccupée et les lits disponibles ?
Samedi 21/08/1915 pages 19 et 20
Il y a un an, on annonçait l’occupation de Bruxelles et c’était l’évènement attendu pour décider du départ des enfants. C’est comme un siècle par l’accumulation des évènements ; et néanmoins le temps n’a pas toujours paru long en raison du surmenage auquel on est soumis.
Mardi 31/08/1915 pages 52 et 53 ; « note marginale : un cuistre ».
Gillard a surpris les doctes paroles de notre pédagogue communal. Parlant à la femme Desbonnêt, il lui a expliqué : il est inexact de dire que le 2ème fils Baratte s’est engagé. Il a simplement devancé l’appel, et cela lui a permis de choisir son régiment.
Naturellement tout jeune homme qui s’engage devance l’appel, et Mr de la Palisse lui-même bien que n’ayant pas le certificat d’études primaire, aurait pu le dire.
Dans le cas particulier d’Eugène, il a devancé l’appel de 3 mois en partant en septembre au lieu de décembre ; et de toute la durée de la guerre par rapport à ceux de Templeuve qui ont tranquillement attendu ici un appel qui n’a pas pu les toucher. Évidemment cet engagement lui a permis de choisir son régiment, et cette faculté ne peut-être accordée aux déserteurs.
En somme il y a eu dans Templeuve à ma connaissance deux engagés volontaires , et Eugène est l’un des deux, le plus jeune du reste .
Ce brave enfant a pris son parti tout seul, sans aucun conseil de ses parents. Ceux-ci se sont bornés à donner leur autorisation.
Je ne réclame pour lui aucune mention, mais je ne permettrai pas au père d’un simple pousse-seringue, d’en médire.
Mardi 7/09/1915 Page 71 et 72
Nouvelle visite de Leirsart. Il y a 33 arbres à abattre, et il voudrait recevoir 4frs par arbres, non compris le sciage de chaque arbre en plusieurs lots.
Nous prenons le train de 8h40… à Tourcoing nous trouvons Edmond père affaibli par la dysentrie et préoccupé par les réquisitions du cuivre qui se trouve sur les métiers.
Pour prendre pour 12frs de cuivre, ils n’hésitent pas à gâter une machine d’une valeur de 800frs. Et ce sabotage retardera singulièrement la reprise des affaires une fois la paix rétablie. A Santes, le jardin a été transformé en parc d’artillerie . L’installation de canons de 42 a provoqué un éboulement qui a enseveli 9 allemands.
Les Albert Bernard se sont installés à Haubourdin chez Henri.
Jeudi 7/10/1915 Pages 152/153
La concierge de Santes, obligée d’évacuer le village est réfugiée à Fretin. Elle vient nous voir avec sa fille. Charles Bernard est toujours prisonnier et probablement menacé d’avoir à solder une forte rançon. Mr et Mme Allart et leurs 15 enfants ont pu s’installer chez Henri. Mr et Mme Dominique sont à Lille chez les Théry. Mr Paul Bernard réconforte Mme Cordonnier. C’est notre pauvre Pauline qui alla en Normandie préparer son neveu Georges Bernard au départ pour la caserne.
L’un des fils Cuvelier a été tué.
A Fretin, l’heure de la retraite est fixée à 5 heures.
La fille de la concierge présente une ressemblance impressionnante avec Émilie Bernard ; de même que sa sœur avec Mme Dewalle.
C’est à force de vivre dans le même milieu, assure Jeanne. J’accepte cette explication.
Jeudi 16/10/1915 Pages 169 /170
X…. de …. nous annonce que Jules et Eugène se trouvent réunis et en bonne santé. Où peuvent-ils être ?
On nous parle de la santé de notre pauvre oncle Alfred qui vient d’être frappé d’apoplexie et ne se remettra pas complètement.
Et comme je vais à la Mairie , le garde Pouille m’annonce qu’à Capelle les deuillants de l’enterrement Désert ont entendu parler de la mort de Mr Dupont qui doit être inhumé à l’heure qu’il est.
C’est comme un coup de massue donnée par un indifférent.
Je revois la figure de notre cher oncle dans mes plus anciens souvenirs. J’avais quatre ans lorsqu’il se maria, et il avait sans doute connu ma grand-mère Baratte.
Victor qui était déjà au service de la famille en 1869 me dit avoir servi au dîner de fiançailles qui eut lieu dans l’ancienne maison. Je me rappelle que le jour de son mariage, Marie et Jules récitèrent un compliment dialogué écrit par mon père.
En 1875, il perdait sa femme, ma pauvre et douce cousine Louise et restait seul avec quatre petits enfants. En juillet 1875 je logeais chez luia lorsque je subis à Douai ma première épreuve du baccalauréat. C’est aussi chez lui que vers 1877, je connus la famille Fontaine et une certaine petite fille qui devait devenir ma femme.
En 1889, Alfred Dupont fut beaucoup dans le mariage qui me rapprochait encore de lui. C’était à la fois l’homme le plus bienveillant et le plus charmant esprit qu’il m’a été donné de rencontrer.
Mr Dupont père avait plus d’autorité et une grande réputation ; mais son fils avait une jeunesse d’esprit et un charme incomparable.
Et l’on peut regretter qu’il n’est pas fait un plus grand usage de ses rares facultés.
Après son père il fut président des mines de Courrières pendant 25 ans.
Nous l’avons vu pour la dernière fois lors du voyage que nous fîmes à Douai le 1er juin. Et malgré la cruelle épreuve de la perte de ses deux petits fils , nous l’avions trouvé relativement vaillant. A Capelle où je puis aller en demandant un laisser passer, Agathe Marchand qui se rendit 16 mardi à Douai, ma dit qu’il était tombé d’apoplexie samedi 2 octobre en faisant sa toilette.
Le docteur Panelseux qui venait le voir chaque samedi, put lui donner des soins malheureusement tardifs lorsqu’on le retrouva inanimé dans sa chambre ; mais au bout de deux ou trois jours la conscience n’était pas revenue, et il s’éteignit le dimanche10 octobre à 10 heures du soir.
Vendredi 15/10/1915 Page 172
A travers un brouillard épais, nous allons entendre la messe pour l’oncle Alfred. Il avait dit :"Je voudrais vivre assez longtemps pour voir la fin de la guerre" Mais cette grâce lui a été refusée.
Mardi 19/10/1915 Pages 183/184
Voyage à Lille … Je rapporte de Lille une recette pour convertir le lard salé en saindoux.
Visite à Mme Jules Dupont. Une courte apparition de Louis Dupont escorté d’un soldat allemand, lui a valu quelques brefs détails sur la mort de son beau père.
Je lui apporte d’autres renseignements qu’elle ne connaissait pas.
Toutes les démarches et interventions auxquelles elle a eu recours, n’ont pu lui faire obtenir un laissez passer pour assister à l’enterrement de son beau père.
Elle me charge, sachant que je vais le surlendemain à Douai, d’insister vivement près de Luisette pour qu’elle vienne s’installer chez elle à Lille.
Rencontré Coralie Nicole, fort vieillie. Son fils Louis, Maire de Lomme , est pour le moment à Paris : très occupé par les affaires de lin à ce qu’elle suppose.
Jeudi 21/10/1915 Pages 187/188
Départ à 6 heures, Jeanne, Eugénie, le petit Counnerie et moi, nous formons la corbeille emmenée à Douai par le fringant Bijou.Visa à Daumont ey à l’émaillerie de Raches, située à 200mètres à gauche du pont ; mis là le soldat du bureau ne possède point le cachet et nous invite à repasser le soir.
Arrivée à 9 heures. Chez Marie Choque, les officiers demandaient à occuper toute la maison Avec la rude franchise d’une bonne qui est à son service depuis 45 ans et qui en est à sa 2ème guerre,
Rosalie résista plus ou moins impoliment ; elle fut sur le point d’être enlevé et emmenée en Allemagne. Finalement on transigea en cédant les deux salons de Madame pour loger un officier ami. Mort du père Poncelet, le candidat centenaire de la ville de Douai, enlevé 10 ans trop tôt à 90 ans.
L’écurie de Mr Choque étant occupée, Dewalle va loger Bijou chez le maréchal.
Rue des Ecoles, notre maison est transformée en « offizier schlafraüme » ; en langage chrétien cela veut dire local pour s’épouiller. Les officiers venus des tranchées s’y reposent pendant 24 heures tandis qu’on passe leurs frusques à l’étuve pour les désinfecter.
Le service englobe également l’école d’artillerie, et cela nous présage une assez longue occupation. Ils ont installé dans notre maison une trentaine de lits.
Chez nous aussi un officier voulait installer un casino dans notre salon, mais il comptait sans Artémise qui leur opposa une résistance énergique et risqua elle aussi de se faire enlever. Amandine est sortie pour aller chez son beau frère Leroy, encore une fois fort malade d’une congestion pulmonaire.
Visa de nos laissez passer dans des bureaux installés à l’étude de Varé, rue Cramin.
Visite chez Gabrielle Louis Dupont. Nous y faisons connaissance de sa belle fille Mme Etienne, infirmière de la Croix Rouge.
Elle a soigné jusqu’à ce jour les blessés français ; et il en est arrivé 150 à la suite de la bataille de Loos. Mais c’est aujourd’hui le dernier jour ; et toujours défiants, nos allemands les remplaceront par des autrichiennes de leur pays.
L’un des blessés appartenant au régiment du lieutenant Philippe Dupont, ces dames l’interrogèrent. Le soldat ignorait son nom ; mais sur la présentation d’une photographie, il s’écria : mais c’est mon capitaine. Les Dupont eurent ainsi le plaisir d’apprendre que leur fils était en bonne santé peu de jours auparavant, et que il venait d’être nommé capitaine à 26 ans. Avec toutes les revues des mobilisables, les Dupont se montrent inquiets pour le contemporain de Josse qui risquerait fort d’être emmené en Allemagne en cas de recul de nos ennemis. Douai est toujours privé de journaux, même allemands, et le Bruxellois y est inconnu.
Nous acceptons les offres de Louis Dupont pour régler les menues dépenses de guerre de notre personnel de la rue des Écoles.
Visite à Louisette qui nous raconte la mort de son père. C’est bien au cours de ses ablutions d’eau froide qu’il est tombé. A part quelques larmes, il n’a plus donné de signes de conscience ; mais n’a pas non plus ressenti de souffrances.
Le faire part dit Louisette a été assez mal rédigé par le cousin Mouron pourtant fort dévoué. Aux funérailles il n’y avait pas de famille ; mais tout Douai s’y empressait.
L’oncle avait donné toutes ses instructions au nouveau Doyen de Saint Jacques en vue du règlement de ses affaires matérielles. Pour obvier à un isolement qui n’est pas sans inconvénient à l’heure présente, il a pourvu Louise de la société d’un réfugié, dans la personne du curé de Souchez.
Nous déjeunons avec lui. Il resta dans son village à titre d’otage depuis le début d’octobre jusque fin décembre, dépouillé de tout et couchant sur la paille. A cette époque , la majeure partie de sa population fut évacuée vers le Douaisis. Il ne resta là-bas que quelques femmes. Et depuis lors le curé reste sans de sa paroisse.
Histoire du curé de Palluel et de sa sœur délestés de 600frs par les allemands qui leur en 18 laissent 20.
Louisette, malgré les instances que je lui transmets de la part de Mme Jules Dupont, refuse de se rendre à Lille.
Je ne suis pas bredouille car je rapporte une paire de bottines de la maison Vitrant Bazin (https://www.facebook.com/111020863740515/photos/a.111022160407052/149979843177950/?type=3), et c’est là un gibier bien rare par le temps qui court.
Madame Salomé me raconte la mort de son mari, décédé en juin d’une paralysie de l’intestin et de l’opération imposée par les médecins. Sa fille Mme Mortelette, de la Bassée, a sauvé le directeur de sa Brasserie Saint Pierre qui avait été emmené prisonnier et interné dans l’église Saint Pierre.
Elle réussit à y pénétrer en même temps que le Kronprinz Ruprecht de Bavière, et interpellant cette altesse en l’appelant monsieur, elle réussit à obtenir l’élargissement. Il est interdit de se rendre au cimetière de Douai sans laissez passer.
Rencontrés quelques vieilles ruines : Mme Douillers et le ménage de Warenghien, fort podagres.
Le tir de nos aviateurs manque généralement de précision ; et la cuisinière de Mme Léon Delcroix en sait quelque chose, ayant été coupée en deux dans sa cuisine par une bombe destinée à la gare.
Une autre bombe est tombée chez Sophie Come.
Départ à 4 heures. Dewalle se fait admonester par un soldat allemand qu’il dérange.
A Raches, arrêt d’une demi-heure pour faire viser nos laissez passer ; et toujours pas de cachet…… Retour à Templeuve à 7 heures.
15.08.18 Pages 55,56,57et 58
A la pesée nous constatons que chacun de nous a perdu 4,7kg en une semaine. Il ne faudrait pas continuer comme cela longtemps. Pour ma part j’ai reperdu largement ce que j’avais regagné depuis mon opération.
Renseignement pris, c’est bien mon pauvre Albert Motte qui a succombé. Non au diabète mais à une indisposition de quelques jours qui avait d’abord paru sans gravité.
Je perds en lui l’ami de toute ma vie, qui avait continué l’attachement qui unissait déjà nos pères avant nous. C’est vers 1845 que mon père alors étudiant à Paris s’était lié d’amitié avec Alfred Motte.
Un peu plus tard quand ce dernier eut terminé sa cléricature, il entama des pourparlers pour reprendre l’étude de notaire du grand père ; mais l’affaire ne se fit pas et il entra dans l’industrie où il prospéra d’une façon inouïe. Veuf en première noce, il vint après son remariage présenter sa seconde femme à Templeuve ; et c’est à cette occasion que la vieille Julie traduisit son impression par cette parole « je crois qu’elle est encore plus laide que la première ». Mais Léonie Grimonprez fut une personne excellente, et elle avait légué sa grande bonté à son fils Albert. Je le revois enfant, lorsqu’il venait en cabriolet à Templeuve avec son frère Eugène. Quand nous allions à Roubaix, nous en revenions souvent endommagés par les exercices gymnastiques ou équestres. Plus tard je retrouvai les deux frères à Douai où nous mangions ensemble au cercle catholique, tandis qu’ils faisaient leur volontariat dans l’artillerie. De bonne heure Albert fut le soupirant fidèle et successif de mes sœurs Eugénie et Jeanne, et j’ai bien des fois regretté que la première n’ait pas épousé cet excellent garçon. Plus tard quand j’étais à Paris, trois ou quatre fois l’an, les deux frères venaient y faire un séjour que nous passions ensemble. Quand Jeanne fut fiancée à Edmond, Albert adopta aussitôt un remède héroïque pour guérir son chagrin d’amour, en épousant sans délai Mlle Lepoutre, assez vite pour que le voyage de noces put être fait en parties carrées. Pendant toute une semaine, je fus des repas au restaurant, moi cinquième dans une position passablement fausse au milieu de tous ces soupirs. Un certain jour ce brave Albert me laissa Clémence, dans ma garçonnière, pour aller faire quelques courses, en tout bien tout honneur.
Si depuis notre mariage nos relations étaient plus espacées, elles étaient restées tout aussi cordiales. Nous fûmes des principales fêtes de leur maison : inauguration de leur hôtel, diner de décoration, noce de madame Thibaut etc…
Sous la haute direction d’un certain Mr Rodiez, homme d’un goût très sûr, leur demeure était devenue un musée. Mais il fut plus tard distancé par le magnifique Eugène Motte qui fit des prodiges au splendide château de la Berlière.
Lorsqu’il fut question de la naissance de notre dernier fils, Albert avec une divination exquise, alla au- devant de la demande que j’allai lui faire et s’offrit de lui-même à être le parrain de notre cher petit Popaul. Ce fut l’occasion de se voir plus régulièrement.
Assez maltraité depuis la guerre, Albert avait été otage à Rostock et avait eu la déception de se voir refuser au dernier moment l’autorisation de rentrer en France. Nous l’avions revu par deux fois au mois de mai, quand il vint me visiter à Ste Camille. Rien à ce moment ne pouvait faire prévoir une fin si proche. Que de vides dans nos amitiés !