Anis de Flavigny
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La fabrique des Anis de Flavigny® a permis de faire perdurer l'activité des moines de l'abbaye médiévale. Ceux-ci étaient d'ailleurs les seuls à fabriquer cette confiserie-remède en enrobant une graine d'anis dans du sucre.
De nos jours, même si la célèbre petite bille blanche se décline en de multiples saveurs, son mode de dragéification n'a pas changé, mis à part l'automatisation venue faciliter le travail des employés. Et son conditionnement, en étuis de carton ou en boîtes métalliques ovales, avec son illustration intemporelle, est devenu un produit mythique.
Le succès ne faiblit pas puisque ce "bien bon bonbon" est produit à raison de 250 tonnes par an.
Historique
Contexte
La graine d'anis est connue depuis fort longtemps pour ses vertus médicinales. Du temps de la bataille d'Alésia, Jules César s'en procure pour soulager certains maux de ses soldats.
Au Moyen Âge, l'usage des épices prend une autre forme : elles sont enrobées de miel ou de sucre pour devenir bonbons ou dragées. Destinées à soigner, elles sont fabriquées dans des apothicaireries ou des couvents et prennent le nom d'épices de chambre. Ce procédé d'enrobage pour mieux faire avaler les produits amers est à l'origine de l'expression "faire avaler la pilule" utilisée pour parler d'une situation difficile à accepter.
Dans la haute société, la fin des repas de fête était marquée par la présentation d'épices dans de grands drageoirs, et les convives en prélevaient un peu dans leur drageoir de poche pour les accompagner jusqu'à leur chambre.
Enfin, les épices étant un produit de luxe, onéreux, elles ont souvent constitué une monnaie d'échange, d'où l'expression "payer en espèces".
Les Anis de l'abbaye
- L'abbaye bénédictine de Flavigny-sur-Ozerain est fondée en l'an 719, et représente l'un des plus anciens édifices religieux de France. Nous ne savons pas si les moines commencent tout de suite à cultiver l'anis, sans doute leur faut-il d'abord du temps pour s'installer.
- Mais au début du IXe siècle, la culture de l'anis dans les institutions monacales est imposée par Charlemagne. C'est forcément le cas à Flavigny, avec très vite l'idée d'enrober l'anis de sucre. Si bien que lors de la consécration de l'abbatiale en 878, les moines offrent huit livres d'anis au pape Jean VIII.
- À partir du XVIe siècle, la ville de Semur-en-Auxois, chef-lieu administratif de l'Auxois, prend l'habitude d'offrir des bonbons d'anis « à ses hôtes de marque »[1]. Cette confiserie est ensuite très appréciée à la Cour du Roi Louis XIV (1638-1715), et à la table des princes de Condé, entrainant un engouement pour les bonbonnières et drageoirs. Le duc de Bourbon (1692-1740)[2], venant séjourner à Dijon, se voit offrir quatre douzaines d'anis. Puis en 1763 le chevalier d'Éon[3] aurait, semble-t-il, facilité la signature d'un traité de paix avec George III d'Angleterre en lui offrant des anis de l'abbaye.
- À la Révolution, l'abbaye se vide de ses occupants et l'abbatiale est presque entièrement détruite. Mais huit familles de Flavigny, notamment la famille MONGENET, poursuivent la fabrication de l'anis, en partie dans les locaux abbatiaux subsistants, en partie à domicile.

- En 1896, l'industriel Jacques Edmond GALIMARD[4] achète l'abbaye et toutes les petites fabriques familiales pour en faire une fabrique unique, au sein des bâtiments claustraux : Les Anis de Flavigny®.
- La fabrique passe en 1923 aux mains de Jean TROUBAT (1900-1973). Il introduit la mécanisation, et mise sur la distribution dans les fêtes foraines, grands magasins parisiens, gares et métros, ainsi que sur l'exportation (Europe, mais aussi Algérie, Canada et USA)
- Lui succède son fils Nicolas TROUBAT. Il multiplie la production par quatre, jusqu'à 250 tonnes par an, et élargit la distribution aux magasins grandes surfaces et aires d'autoroute. La réputation des Anis de Flavigny® ne cesse de croître.
- La marque obtient un label en 1988 : le "Ruban bleu intersuc", « récompensant la longévité des Anis »[5]. Et Nicolas TROUBAT se voit décerner en 1997 le "Prix Montgolfier", « pour avoir su allier tradition et modernité dans le développement de l'entreprise »[5].
- En 1990, c'est Catherine, fille de Nicolas, qui prend la succession, avec l'aide de sa sœur. Elle étend encore la distribution aux jardineries, magasins bio, aéroports. Les célèbres anis sont désormais distribués dans « 35 pays »[6].
- Deux labels suivent pour Les Anis de Flavigny® : "Site remarquable du goût" en 1992 et "Entreprise du patrimoine vivant" en 2016.
Présentation

- La fabrique occupe le quadrilatère délimité par les anciens bâtiments claustraux, « reconstruits au XVIIIe siècle »[7]. L'entrée et la boutique se situent à l'angle de la rue de l'Abbaye et d'une rue perpendiculaire montant vers la crypte de l'abbatiale.
- Les anciens ateliers se situent dans l'aile longeant la rue de l'Abbaye et donnent sur le cloître intérieur, devenue cour. S'y sont rajoutés un musée des Anis, avec de nombreux documents, affiches ou objets, un laboratoire d'arômes, un café de dégustation.
- Les ateliers actuels ont pris place dans l'aile perpendiculaire, sur deux niveaux : la dragéification à l'étage, communiquant directement avec le conditionnement au rez-de-chaussée.
- Le quadrilatère n'est pas fermé, permettant ainsi une communication entre cour intérieure et allée extérieure. À côté, légèrement en retrait, se trouve l'entrée de la crypte de l'ancienne abbatiale.
- La fabrique se visite, mais les photos ne sont pas autorisées dans les ateliers.
Fabrication


- Seuls trois ingrédients sont nécessaires à la réalisation des bonbons à l'anis :
- - de l'anis vert, fruit de la Pimpinella Anisum[8]. Une seule graine suffit, et elle pèse 1 mg.
- - du sucre de betterave, mélangé à de l'eau pour obtenir un sirop. Il est remplacé par du sucre de canne non raffiné pour la gamme bio.
- - un arôme naturel obtenu par distillation de végétaux. Les dix parfums d'origine (anis, cassis, citron, fleur d'oranger, gingembre, mandarine, menthe, réglisse, rose et violette) ont été complétés par d'autres arômes : café, cannelle, eucalyptus... Il ne s'agit que d'arômes naturels : les matières premières proviennent de Provence et les arômes de base de la célèbre distillerie de Grasse, puis la fabrique de Flavigny concocte ses propres mélanges après de multiples essais olfactifs et gustatifs.
- Le procédé de dragéification est simple. Dans des bassines de cuivre, en rotation continuelle, du sirop est versé progressivement sur les graines d'anis pour les enrober. Un filet d'extrait aromatique y est ajouté.
- Le processus prend quinze jours, durant lesquels la surveillance est constante afin d'éliminer les éventuels "jumeaux" qui se forment par accolement de deux graines. À l'issue de cette rotation, les bonbons à l'anis pèsent 1 gramme. Ils sont tamisés pour éliminer les plus petits. Et ils peuvent être conditionnés.
Image de marque

Depuis son origine, l'image de marque des Anis de Flavigny® n'a pas changé. Pourtant elle ne représente pas un moine, mais un couple berger/bergère.
Cette image intemporelle répond en effet à deux fondements. Le thème bucolique est omniprésent au XVIIIe siècle, que ce soit en littérature ou dans les arts. Quant au couple de bergers, il incarne l'amour innocent ; et il est renforcé par des représentations d'animaux et d'autres éléments ayant tous une forte symbolique (le mouton pour la pureté, la cruche pour la féminité, la fontaine pour la jouvence, etc...)
Les illustrations des boîtes ne sont pas toutes similaires, mais reprennent les mêmes éléments.
Conditionnement
Les anciens ateliers
Jouxtant la salle d'expédition, ils se situent le long d'une galerie du cloître. Ils ont fonctionné du début du XIXe siècle jusqu'en 2014. Leur structuration, machines et mobilier ont été conservés.
L'ancien conditionnement manuel, nécessitait six postes de travail répartis le long de la ligne centrale (ouverture des contenants, remplissage, pesage, répartition, cellophanage et étiquetage) et huit personnes aux gestes complémentaires.
Au début du XXe siècle, cette tâche est devenue peu à peu mécanique, avec l'invention de machines semi-automatiques, les premières inventées par Jean TROUBAT lui-même et son contremaître Monsieur BOSSAY[9].
La compteuse
C'est la première machine qui a permis le remplissage des petits étuis, à partir de 1923.
Les anis en vrac étaient déposés dans un réservoir au-dessus de la machine.
Une planche amovible, percée de trous, était placée en-dessous pour recueillir les bonbons dans chaque trou.
Une personne actionnait la planche complétée pour faire glisser la quantité adéquate dans l'étui.
Le tourniquet
Créé en 1930, il permettait de sélectionner la saveur souhaitée pour remplir les grands étuis de carton.
De 1923 à 2013, le geste des conditionneurs est resté le même.
La remplisseuse
Plus tardive, car créée vers 1960 par Nicolas TROUBAT et Monsieur BOSSAY, elle permettait de remplir aussi les boîtes ovales.
Un disque à trous recevait et comptait les bonbons tombant de la goulotte. Il était possible d'obturer certains trous avec des bouchons de liège afin de choisir la quantité propre à chaque conditionnement.
De nos jours, ce système est toujours utilisé.
La cellophaneuse
Jusque dans les années 1930, les étuis étaient enveloppés dans du papier kraft. Puis le choix s'est porté sur la cellophane, film naturel de cellulose, dont l'avantage était la transparence.
Une première machine est conçue en 1930. Puis une nouvelle, brevetée en 1950[10], vient améliorer les performances.
Le format de l'emballage est réglable. Il n'y a pas de superposition, ni de déchets.
La machine permet d'emballer de 300 à 400 unités par heure, soit de 1 000 à 4 000 par jour.
L'encolleuse
Elle est destinée à la pose des étiquettes de couleur.
Disposant d'un réservoir rempli de colle[11], elle est munie de deux rouleaux qui s'enduisent d'une fine couche de colle. Les étiquettes encollées sont soulevées par des griffes et n'ont plus qu'à être posées manuellement sur les étuis.
Cette première machine a été remplacée dans les années 50 par la Ciliota, semi-automatique.
Ce n'est qu'en l'an 2000 que la fabrique a opté pour des étiquettes adhésives.
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Compteuse -
Tourniquet -
Remplisseuse -
Cellophaneuse -
Encolleuse à étiquettes -
Et le résultat, en attente d'expédition
Les ateliers actuels
Les ateliers se sont bien sûrs modernisés, visant avant tout l'efficience.
La dragéification se déroule à l'étage, avec son lot de bruit et de senteurs, et le conditionnement s'effectue au rez-de-chaussée.
Mais il n'y a pas de transport d'un étage à l'autre : une fois les bonbons à l'anis terminés, ils sont versés dans une trémie, passent par un conduit traversant le plancher, et arrivent dans une machine semblable à la remplisseuse d'origine, mais effectuant toutes les étapes du conditionnement. La machine est cependant surveillée et aidée du doigté précis des employés pour la touche finale (par exemple la fermeture des boîtes ovales).
Il n'y a plus qu'à empaqueter pour l'expédition.
Petit musée
Le grenier de l'abbaye renfermait des trésors accumulés depuis longtemps : des documents, des objets divers, d'anciens ustensiles, des affiches (dont certaines de 1828), et des distributeurs.
Le tout a été mis en scène dans une petite salle pour en faire un musée, accompagné de panneaux d'information.
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Tamis divers, et étapes successives de la dragéification -
Carton d'emballage pour grandes quantités -
Distributeur automatique -
Autre distributeur, dans les gares et le métro -
Distributeur de Cigaros-Anis (le plus souvent dans les hôtels). Les cigaros contenaient des petits anis appelés anis à la reine -
Récompenses diverses
Bibliographie
- Dépliant "La visite des anis" et divers panneaux d'information sur le site
- Brochure Flavigny-sur-Ozerain, guide réalisé par la société des "Amis de la cité de Flavigny", association loi de 1901, avec la contribution de l'abbaye Saint-Joseph de Clairval
- LE GUIDE VERT Bourgogne, Boulogne-Billancourt, Michelin Travel Partner, 2021, 561 pages, ISBN 978-2-06725-070-3
Voir aussi (sur Geneawiki)
Liens utiles (externes)
Notes et références
- ↑ Brochure Flavigny-sur-Ozerain, guide réalisé par la société des "Amis de la cité de Flavigny", association loi de 1901, avec la contribution de l'abbaye Saint-Joseph de Clairval
- ↑ Septième prince de Condé.
- ↑ Du nom de Charles d'Éon de Beaumont. Né en 1728, décédé en 1810. Hommes de lettres et diplomate, il est resté célèbre pour son goût du travestissement et ses qualités d'espion.
- ↑ Jacques Edme dit Jacques Edmond GALIMARD. Né en 1850, décédé en 1931. Il est d'abord pharmacien à Dijon jusqu'en 1896.
- ↑ 5,0 et 5,1 Site officiel de la fabrique d'anis
- ↑ LE GUIDE VERT Bourgogne, Boulogne-Billancourt, Michelin Travel Partner, 2021, 561 pages, ISBN 978-2-06725-070-3
- ↑ LE GUIDE VERT Bourgogne, Boulogne-Billancourt, Michelin Travel Partner, 2021, 561 pages, ISBN 978-2-06725-070-3
- ↑ Plante herbacée de la famille des Apiacées. Elle est utilisée aussi bien pour sa graine aromatique que pour ses feuilles condimentaires.
- ↑ Ancien horloger suisse.
- ↑ C'est Jean TROUBAT et Monsieur BOSSAY qui en déposent le brevet.
- ↑ La colle est livrée compacte et doit être diluée à l'eau chaude dans les ateliers.
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