86043 - Cahier de doléances - Ceaux

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Extrait de Département des Deux-Sèvres: Cahier de doléances des sénéchaussées de Niort et de Saint-Maixent, et des communautés et corporations de Niort et Saint-Maixent pour les États généraux de 1789, Léonce Cathelineau , Imprimerie G.Clouzot - Niort , 1912 , 463p.


CEAUX

Dép. : Vienne. — Arr. : Civray. — Cant. : Couhé-Vérac.

Gén., Elect. et Dioc. : Poitiers.

Justice de Couhé-Vérac.

Princip. cult. : blé.

Seigneur en 1750 : Marquis de Malessy.

Seigneur en 1789 : Claude, vicomte de la Châtre, seigneur de Ceaux et de Vaux.

Popul. en 1790 : 562 habitants.


PROCÈS-VERBAL

Date : 1er Mars 1789.

Président : Pierre Sansiquet, syndic municipal.

Population : 90 feux.

Comparants : Philippe Gendre; Jean Bonneau, charpentier ; Jean Outier, fermier ; François Gaillard, laboureur ; Bonsang, laboureur; Jean Bosseboeuf, laboureur; Jean Poupard, bordier; François Vivien, bordier; Pierre Levrier, bordier; Pierre Lucas, Jacques Fouché, et Pierre Royer, membres de la municipalité ; Laurent Didier, greffier.

Députés : Jacques Proust, laboureur, ancien syndic, et Pierre Sansiquet, syndic municipal.

Suivent 3 signatures.


CAHIER DE DOLÉANCES

Cahier de doléances, plaintes et remontrances faites par les habitants de la paroisse de Saint-Clément de Ceaux, le dimanche 1er mars 1789, rédigé à leur réquisition par moi Pierre Sansiquet, syndic principal et municipal de ladite paroisse ci-après avec lesdits habitants soussignés, en conformité des lettres du Roi et pour satisfaire aux vues bienfaisantes de Sa Majesté et aux ordres portés par le règlement y annexé, donné à Versailles le 24 janvier dernier, signé : Louis, et plus bas Laurent de Villedeuil ; en nous conformant encore à l'ordonnance de M. le Sénéchal, ou son Lieutenant général de la Sénéchaussée et siège royal de Saint-Maixent (d'où relève cette dite paroisse) pour la convocation et tenue des États généraux de ce Royaume, le tout collationné à l'original, signé : Rondier, commis-greffier, et à nous signifié le 25 dudit mois de février dernier, par Masson, h[uissier] royal.

Après avoir fait donner lecture desdites lettres, réglements et ordonnances ci-dessus, par Me Pierre Bertrand, curé de ladite paroisse, au prône de sa messe, le dit jour 1er mars, et en avoir, moi, dit syndic soussigné, donné lecture à haute et intelligible voix à l'assemblée dudit jour, convoquée au son de la cloche à la manière ordinaire et accoutumée, étant au-devant la porte et principale entrée de l'église dudit lieu, tous lesdits habitants comparants m'ont assuré avoir une parfaite connaissance du tout. En conséquence, ils auraient, lesdits habitants, prié et requis de vou- loir rédiger, comme dit est, leur dit cahier de plaintes qu'ils entendent faire ; à tout quoi a été procédé par moi, dit syndic, assisté de notre greffier et des membres municipaux de cette dite paroisse, le tout en la forme et manière qui suit :

Que cette petite paroisse qui ne consiste qu'en 90 feux taillables, située en très mauvais fond et peuplée de plusieurs privilégiés qui y font valoir depuis douze à quatorze ans les biens les plus considérables, en exemption de taille, etc., est pourtant chargée d'un fardeau si accablant d'impositions quelconques, relativement à la surtaxe y assujettie, et à la surcharge occasionnée par ces nobles et privilégiés, ainsi qu'il a été représenté à sa grandeur Monseigneur l'Intendant, en 1788, tant par une longue requête que par le procès-verbal qu'en a rendu M. le procureur du roi et subdélégué de Civray, qui en a tarifé les impositions taillables en 1787, mais toutes ces différentes représentations n'ont eu aucun succès.

Qu'il est si impossible aux habitants qui l'habitent d'en pouvoir payer le montant (qui s'élève à bien près de 4.000 L, non compris les impositions foncières), qu'on voit à tout moment les préposés, chargés du ramas des deniers de Sa Majesté, être forcés et contraints de consommer le peu de fortune qu'ils peuvent avoir, soit en frais, soit enfin pour foncer, avancer et remplir le montant du recouvrement dont ils sont obligés de compléter, ne pouvant pas absolument procéder à aucunes exécutions chez des malheureux qui n'ont rien.

Qu'entre vingt-cinq à trente bons laboureurs ou fermiers qu'on aurait pu compter dans cette dite paroisse, il y a quatorze ou quinze ans, qui exploitaient et faisaient valoir nos meilleures métairies ou fermes, en payant la taille et ses accessoires, on n'en trouverait pas dix aujourd'hui ; ce sont autant de pauvres journaliers, qui sont réduits, les uns à courir leur journée, les autres à mendier leur pain, et ont laissé à nos dits principaux propriétaires ou privilégiés, le soin de faire valoir les deux tiers du revenu annuel de la paroisse, en jouissant, comme bien entendu, de leurs privilèges ; et ont, nos dits journaliers, réservé les subsides pour eux, et plus cette masse d'impôts augmente, plus la force et les moyens des contribuables diminuent. On voit même très communément la plupart de ceux qui étaient des plus aisés il y a quelque temps, courir aujourd'hui de porte on porte chargés de famille, et sont conduits par la faim, forcés de laisser inculte et imparfait le peu qu'il leur reste à faire valoir. Tel est presque le sort de tous nos malheureux citoyens de campagne qui s'écrasent de travail pour enrichir les principaux et eux meurent de faim. Nous requérons en conséquence que lesdites impositions soient payées par les trois ordres.

Que si le terme des abus est enfin arrivé, il est absolument nécessaire et même à souhaiter qu'on supprime et qu'on rejette loin de nous ceux qui nous deviennent les plus préjudiciables et les plus ruineux, tels que cette foule de commis au vin, tabacs, etc., dont la manie est si fréquente et très connue... (1), ce tas innombrable de juridictions inférieures, tous ces différents appels qu'on y voit multiplier dans les procès pour parvenir à une décision finale, des cinq à six différents jugements à obtenir [avant] d'en avoir un de définitif... (1) l'injustice et l'usurpation qu'on y voit commettre le plus souvent... (1) ne sont pas moins des usages ruineux et frauduleux, ce qui [fait] solliciter qu'une cour souveraine à la capitale serait très à propos, pour obvier à tant de frais, mal à propos entassés, qui mettent tous les jours la plupart des plaideurs sans pain et les procès au crochet, faute de moyens ; en conséquence, l'ordonnance du Roi, rendue à ce sujet au mois de mai dernier, était très sagement établie, selon nous.

Nous n'en pouvons moins dire de cet usage barbare de lods et ventes, francs-fiefs, et moulins banaux ; ce droit onéreux de péage, de minage, dans les foires et marchés publics, etc. Tous ces droits abusifs, bien loin de préparer un commerce libre pour les denrées, ne servent au contraire qu'à varier et tenir enchaînés les malheureux pire que des esclaves... (1) On ne cesse de faire des prières au Seigneur pour la conservation d'un Monarque qui ne cherche que les véritables moyens de tirer son menu peuple de l'esclavage où il est réduit depuis si longtemps et qui demanderait, ce peuple, s'il était possible, dans chaque communauté d'habitants aussi pauvre que celle-ci, l'établissement d'un bureau de charité.

(1) Les points suspensifs sont dans l'original.


Fait et arrêté le présent cahier par nous, dit syndic et membres municipaux ci-dessus nommés et soussignés, en présence du général des habitants qui se sont avec nous soussignés, en présence de ceux qui ne savent.

(Suivent 16 signatures, celles de : J. Proust, député ; Sansiquet, syndic et député ; L. Didier, greffier, etc.).

Paraphé :

(Signé : Sansiquet, syndic ; L. Didier, greffier).