Quelques humains sont déjà présents dans le secteur dès l'âge « du Néandertal », environ 40 000 ans[1]. D'autres, plus nombreux, s'installent au Néolithique. Des peuplades de Ligures sont attestées du IVe au IIe siècle avant Jésus-Christ, auxquelles vont s'adjoindre peu à peu des groupements de Celtes.
À l'époque romaine, des habitats s'établissent au lieu-dit "Le Groseau" comme en témoignent des traces de l'aqueduc qui menait à Vaison-la-Romaine. À leur suite, c'est au tour des Mérovingiens de s'installer.
Un premier monastère est fondé à la fin du VIIe siècle, toujours au Groseau. À la fin du IXe siècle, Malaucène fait partie du tout nouveau royaume d'Arles.
En 1125, le village passe aux mains des comtes de Toulouse et s'intègre alors dans le Comtat Venaissin. À cette époque existaient une demeure seigneuriale et un important prieuré, possession de l'abbaye de Villeneuve-lès-Avignon (Gard). Pétrarque est supposé y avoir séjourné lors de son ascension du Mont Ventoux, en 1336. Au XIIe siècle, le pouvoir est fondé sur des universitats[2] et une maison consulaire s'établit à Malaucène afin de faciliter les réunions qui se tenaient auparavant sur la place du marché.
À partir du XIIIe siècle, le village, de forme ovoïde, s'entoure de remparts avec quatre portes. S'y rajoute une petite forteresse avec tours de guet sur la colline de safre[3] où sera érigé par la suite un calvaire. Ces remparts[4] d'environ 8 mètres de hauteur seront consolidés au siècle suivant et refaits au XVe siècle.
Après la croisade contre les Albigeois, en 1274, les terres comtales passent aux mains des papes d'Avignon, pour cinq siècles, et Malaucène deviendra la résidence d'été du pape Clément V. En 1322, Jean XXII adhère à la répression contre les Juifs prônée par Philippe le Bel et fait raser la synagogue du village.
Plan du bourg au Moyen Âge
Aux XIVe et XVe siècles, la cité est alimentée par la source du Groseau. La majeure partie des habitants est paysanne, mais des activités artisanales commencent à voir le jour intra-muros (il reste encore des fours à pain communaux dans certaines maisons). Si les Malaucéniens ont dû subir les assauts de quelques routiers au XIVe siècle, la tranquillité revient peu à peu et l'habitat commence à s'étendre en dehors des remparts, côté ouest.
Au XVIe siècle, le village ouvre ses portes aux protestants. Une charité est construite pour les indigents. Le Groseau est canalisé, ce qui permet l'installation de moulins et d'une papeterie (qui existe encore de nos jours).
Le siècle suivant est marqué par l'implantation de religieux : couvent des Ursulines, couvent de pères augustins. Parallèlement, le commerce commence à se développer, sous-tendu par de nombreuses foires et des auberges réputées. Au XVIIIe siècle, un hôtel de ville est construit. Le couvent des Ursulines est transformé en manufacture de laine, puis en hôpital pour y concentrer les diverses charités. La forteresse est détruite, les portes de l'enceinte agrandies.
La Révolution amène quelques changements : les deux consuls sont remplacés par un maire ; en 1791 le Comtat est rattaché à la France et intégré au département de la Drôme ; puis le département du Vaucluse est créé en 1793.
Le XIXe siècle voit la commune se transformer : suite de la démolition des remparts, percement de nouvelles rues, construction d'écoles, aménagement de fontaines et lavoirs, installation de filatures, d'une scierie, production d'électricité dès 1890. Mais il faudra attendre 1955 pour l'adduction en eau courante.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la répression de la Gestapo est forte, la Résistance s'organise au travers de nombreux maquis. Malaucène est libérée le 26 août 1944 par les soldats de la 3e Division d'Infanterie de l'Armée américaine.
Source : divers panneaux dans la commune et visite guidée
Toponymie
Le nom du village provient directement du mot provençal « malaussena » qui signifie "safre", une roche gréseuse.
Héraldique
Armoiries
Les armoiries existent depuis 1767.
Blasonnement : « De gueules à la clef d'or et à la clef d'argent passées en sautoir, accompagnées de deux veaux affrontés du même, posés sur les anneaux, la tête contournée[5]. »
Explications : les deux clés croisées marquent l'appartenance du village au territoire papal. Les deux veaux affrontés sont signe de richesse, comme le rappelle la devise de la commune : « Ex pace ubertas », c'est à dire "de la paix naît l'abondance". Par la suite furent ajoutées deux nymphes.
Histoire administrative
Département - 1801-2025 : Vaucluse
Arrondissement - 1801-1926 : Orange --> 1926-2025 : Carpentras
Canton - 1801-2015 : Malaucène --> 2015-2025 : Vaison-la-Romaine
Commune - 1801-2025 : Malaucène
Résumé chronologique :
1801-.... :
Entre 1790 et 1794, Malaucène absorbe l'ancienne commune Veaux.
Patrimoine bâti
Église Saint-Michel
Église Saint-Michel, façade occidentale Photo Dele84Vue de l'église depuis le calvaire B.ohland
La construction de l'église Saint-Michel commence à la fin du XIIe siècle à l'initiative du pape Clément V puis les travaux s'interrompent. Au XIVe siècle, commence sa fortification avec des mâchicoulis et au siècle suivant est rajouté un chemin de ronde avec merlons et créneaux. En 1560, le sanctuaire est pillé et occupé par les Huguenots, amenant la fermeture de la porte occidentale et l'élévation de casemates entre les contreforts.
Le portail est réouvert en 1635. L'édifice fortifié est agrandi à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe d'une cinquième travée et d'un chœur avec déambulatoire ; il est consacrée en 1714. Mais la voûte de cette dernière travée s'effondre. Il faudra attendre la fin du siècle pour la reconstruction et la finition de la toiture. L'église Saint-Michel est classée aux monuments historiques depuis 1982[6].
Le clocher à quatre pans est élevé sur la travée nord. Autrefois recouvert en dalles de pierre calcaire, il a été garni de tuiles canal par un moment et est désormais revêtu d'ardoises. Chacune de ses faces présente deux hautes fenêtres en plein cintre laissant apparaître les cloches.
La nef unique présente des berceaux brisés comme c'est souvent le cas en Provence. De grandes arcades, dont certaines sont à caissons, ouvrent sur des chapelles latérales. L'abside semi circulaire est éclairée par sept baies en plein cintre et surmontée d'une coupole. Quant au maître-autel, il est agrémenté de deux grands anges.
L'orgue de tribune est très ancien. Son buffet provient du premier orgue construit en 1637 par le père augustin Jean-Jacques POSALGUES. En bois taillé ajouré et sculpté, il comporte trois tourelles et est classé au titre des objets historiques depuis 1908[7]. L'instrument, a été reconstruit en 1712 par Charles BOISSELIN et réaménagé en 1784 par Joseph ISNARD. Avec 11 jeux, un clavier de 48 notes et un pédalier de 18 notes, la partie instrumentale est elle aussi classée au titre des objets historiques, depuis 1970[8]. Des restaurations ont bien sûr été effectuées.
Portail occidental
Chœur et maître-autel
Arcade ouvrant sur chapelle
Orgue en tribune et petite rosace
Chapelle Notre-Dame-du-Groseau
Chevet et clocheton de la chapelle Notre-Dame B.ohlandPortail de la chapelle Notre-Dame et nef de la chapelle Saint-Jean-Baptiste B.ohland
À cet endroit existait une abbaye, fondée au VIIe siècle puis une deuxième fois au XIe siècle. Clément VI (1305-1314), premier pape d'Avignon y séjourna à plusieurs reprises.
L'ensemble monastique appartenait à l'ordre bénédictin de Sainte-Victoire à Marseille. Mais il est abandonné au XVe siècle, voué à la ruine, et arasé peu de temps avant la Révolution.
La chapelle est le seul élément qui a été conservé (et restauré).
Il s'agit en fait de deux chapelles accolées :
- la plus petite, à droite du portail, est dédiée à saint Jean-Baptiste. Elle date du XIe siècle et a été remaniée au XIIIe au niveau de son absidiole,
- la plus grande, de forme carrée, est surmontée d'un clocheton roman décentré. Elle date du XIIe siècle et a été restaurée aux XIXe et XXe siècles. Au-dessus du portail, une niche abrite une statue de la Vierge. Le chœur est surmonté d'une coupole à huit pans.
Chapelle Saint-Alexis
Façade de la chapelle Saint-Alexis
Cette portion d'édifice est le seul vestige de l'ancienne charité construite en 1899 et devenue hospice.
La chapelle a été agrandie en 1685.
Vendue comme bien national à la Révolution, elle a été rendue au culte en 1855, sous le vocable de l'Immaculée Conception, puis restaurée en 1858.
Suite aux lois de séparation de l'Église et de l'État, la chapelle fur de nouveau désaffectée puis vendue à un particulier en 1967.
Côté architecture, nous pouvons remarquer ses ouvertures taillées en biseau.
Calvaire et portes médiévales
Colline de safre et chemin vers le calvaire B.ohland
Le calvaire : situé sur le point culminant du village, il a remplacé l'ancienne forteresse démantelée au XVIIIe siècle. Une plate-forme a été aménagée et le chemin qui y monte a été "caladé"[9]. Les familles ont participé au financement des oratoires.
Au XXIe siècle, le plasticien Luc Ta-Van-Thinh a réalisé des céramiques pour décorer l'autel et les stations du chemin de croix.
Les portes de la cité : elles étaient au nombre de quatre, auxquelles s'ajoutaient la porte Cabanette et le passage de l'âne.
- La porte Chaberlin ou « porte de Roux » : elle a été reconstruite en 1363 par Guillaume de CHABERLIN, élargie en 1742 tout en conservant ses mâchicoulis, son inscription et l'emplacement du blason. Sur sa face côté ville est entaillée une niche abritant une statue de la Vierge à l'Enfant, du XIVe siècle, classée au titre d'objet historique en 1959[10].
- Le portail Soubeyran ou « portail supérieur » : il s'agissait de la porte principale de la cité, tournée vers Carpentras, et où étaient reçues les personnalités, mais où étaient également prononcées les sentences publiques. Elle a été refaite en 1725.
- La porte du Téron : on y accède par un "soustet"[11]. La porte du Téron est restée souvent fermée et a été réouverte définitivement en 1789.
- Le portail Filiol : il s'agissait de la porte inférieure, flanquée d'une tour et précédée d'un "ravelin"[12]. C'est à ses côtés que se tenait le moulin.
Calvaire
Porte Chaberlin
Vierge nichée dans la porte, face à la ville
Portail Soubeyran et chevet de l'église
Soustet vers la porte du Téron
Passage de l'âne
Fontaines et lavoirs
Les fontaines sont très nombreuses dans le bourg, certaines isolées, d'autres accompagnées d'un lavoir. Toutes ne seront pas décrites ici.
- La plus ancienne est la fontaine du Téron (appelée aussi « fontaine du Groseau », « fontaine de la ville » ou « fontaine haute »). À noter que le mot provençal "téron" a déjà le sens de fontaine.
- À la fin du XVe siècle siècle est créée la fontaine Picardie, appelée aussi « fontaine plus basse » par opposition à la fontaine précédente. À l'origine accompagnée d'un lavoir, elle fut remaniée en 1770.
- Plus récente est la fontaine de la République ou « fontaine des trois visages ». Élevée en 1849, elle fut démontée en 1955 et réhabilitée en 1995.
- La fontaine de Soubeyran est composée de deux éléments : le lavoir datant de 1839 et la fontaine construite en 1861 en remplacement d'une autre plus ancienne.
Fontaine du Téron
Fontaine Picardie
Fontaine de la République
Fontaine Soubeyran et son lavoir
Lavoir près du campanile et sa fontaine
Repères géographiques
Le vieux village côté nord-ouest B.ohlandLe vieux village côté nord-est B.ohland
Malaucène est situé au nord-est du département et se trouve à environ 9 kilomètres au sud de Vaison-la-Romaine et 18 kilomètres au nord de Carpentras.
Le domaine communal se trouve légèrement encaissé entre les monts de Vaucluse à savoir les Dentelles de Montmirail à l'ouest et le mont Ventoux à l'est, qui culmine à 1 912 mètres.
Sur les collines entourant le bourg, les mûriers qui permettaient autrefois la sériciculture ont été remplacés par des oliviers. De même la garance de jadis, plante tinctoriale, a laissé place à la lavande.
Enfin le cœur de village est cerné depuis des siècles par un cours planté de vigoureux platanes.
Sur le ban communal coule la source vauclusienne du Groseau, qui est une résurgence karstique, la deuxième du département après celle de Fontaine-de-Vaucluse. À l'époque gallo-romaine, cette source alimentait la cité de Vaison-la-Romaine.
Démographie
Année
1793
1800
1806
1821
1831
1836
1841
1846
1851
1856
Population
2 465
2 506
2 699
2 734
3 069
3 225
3 290
3 288
3 283
3 330
Année
1861
1866
1872
1876
1881
1886
1891
1896
1901
1906
Population
3 029
3 104
2 852
2 697
2 560
2 370
2 245
2 215
2 093
2 098
Année
1911
1921
1926
1931
1936
1946
1954
1962
1968
1975
Population
2 062
1 703
1 704
1 743
1 711
1 521
1 613
1 780
1 940
1 955
Année
1982
1990
1999
2006
2011
2016
2021
-
-
-
Population
2 096
2 172
2 538
2 691
2 683
2 896
-
-
-
-
Sources : Cassini/EHESS : de 1962 à 1999, population sans doubles comptes, Insee : depuis 2006, population municipale référencée tous les 5 ans.
↑Soustet : mot provençal signifiant abri (de la chaleur ou de la pluie). Mais il avait aussi l'avantage d'offrir de la place supplémentaire alors que les maisons étaient resserrées les unes contre les autres