79201 - Cahier de doléances - Pamproux
Extrait de Département des Deux-Sèvres: Cahier de doléances des sénéchaussées de Niort et de Saint-Maixent, et des communautés et corporations de Niort et Saint-Maixent pour les États généraux de 1789, Léonce Cathelineau , Imprimerie G.Clouzot - Niort , 1912 , 463p.
Dép. : Deux Sèvres. — Arr. : Melle. — Cant. : La Mothe-Saint-Héray.
Gén. : Poitiers. — Elect. : Saint-Maixent. — Dioc. : Poitiers.
Châtellenie ressortissant à l'abbaye de Saint-Maixent.
Princip. cult. : blé.
Seigneur en 1750 : les Jésuites de Poitiers.
Popul. en 1790 : 2.025 habitants.
Marché : le lundi de chaque semaine.
Foires : le 29 avril, le lundi de la Trinité, le lundi avant l'Assomption, le 22 septembre et les 11 et 18 novembre.
Taille : 9.902 L (princip. : 4.848 L ; access. : 2.270 L ; capitat. : 2.775 L).
PROCES-VERBAL
Date : ler mars 1789.
Président : Pierre-Paul Riche, notaire royal à Saint-Maixent.
Population : 463 feux.
Comparants: Charles-Laurent Gaultier, syndic ; Jean Albert Marchand, Daniel Quintard, Nicolas Pairault, Jean Paitrault, Pierre Thiot, Thomas Bonnin, François Cardin, Pierre Guionnet, Jacques Vivien, Jacques Lamberton. Maixent Crespeau, Jean Foucher, Jacques Pasquier, Louis Defaye, Louis Grégoire, Jean Quintard, Jean Bonnet, Pierre Collin, Jean-François Dupin, Pierre Vignault, Pierre Baricault, Louis Villain fils, Jean et Jacques Michaud, Louis Sapin, Pierre Poupard, Jean Boux, Etienne Pascau. Pierre Pouhet, Pierre Hippeau, Benjamin Rougier, Henri Albert, Etienne-René Biard, Jacques Lamberton, Jean Minault, Jean Morillon, Louis Massé, Pierre Vallas, Louis Roulleau,Pierre Massé, Pierre Texier, Charles Charpentier, Louis Poignant, François Lelièvre et autres principaux habitants.
Députés : Pierre-Paul Riche, notaire royal ; Charles-Laurent Gaultier, syndic; Albert Marchand, Nicolas Pairault et Louis Defaye.
Suivent 26 signatures.
CAHIER DE DOLÉANCES
Cahier des plaintes et doléances des paroisses de Pamproux et Saint-Martin-de-Pamproux. jointes (1).
(1) L'agglomération de Saint-Martin, aujourd'hui faubourg de Pamproux, formait, à la Révolution, une paroisse qui, sous le rapport administratif, était jointe à celle de Pamproux, bien qu'elle en fût distincte dans l'ordre ecclésiastique.
Rien n'est plus juste que de payer des impositions au Roi pour subvenir aux besoins de l'État.
Ce principe est consacré dans tous les auteurs, de rendre à César, ce qui lui est dû.
Mais, si l'on considère de quelles façons les impôts sont répartis et quelle est la classe qui les paye, on ne peut s'empêcher de crier et de porter s;» voix jusqu'au pied du trône.
Le Roi qui nous gouverne aujourd'hui veut bien écouter les cris de ses peuples et entendre leurs plaintes et doléances ; c'est pourquoi nous ne faisons pas de difficultés de les lui adresser par la voix des députés de celte province aux Etats généraux.
Nous ne pouvons nous dissimuler qu'il n'y a que le peuple, c'est-à-dire la partie la plus souffrante des sujets du Roi, qui paye les impositions, et il serait à souhaiter, pour convaincre les grands, que les ministres de Sa Majesté se fissent représenter les différents rôles du Royaume, ils verraient avec étonnement que le peuple paye tout et les grands rien.
Puisque Sa Majesté veut bien nous admettre à lui porter nos doléances dans la notable assemblée qui doit se tenir auprès de sa personne, nous allons dans le plus bref état lui en faire le récit.
Les impositions sont aujourd'hui montées à leur période, mais pour qui? pour le peuple, c'est-à-dire pour les petits et principalement pour les campagnes.
Il faut néanmoins observer que notre Auguste Roi et ses prédécesseurs ont toujours entendu favoriser l'agriculture et que c'est de cette branche que dérive la richesse d'un Royaume ; ce sont donc ces bras endurcis au travail et réduits à la dernière misère qui font la richesse de l'État.
Ainsi pour obvier à une disparité aussi énorme que criante, il est de toute nécessité de supprimer tous les privilèges et que chaque individu du royaume paye sa cote-part d'impositions, les uns à raison de leurs fonds, et les autres à raison de leur industrie.
Effectivement rien n'est plus juste que le clergé et la noblesse payent les mêmes impositions que le Tiers étal, soit en taille, capitations, corvées que toutes autres impositions quelconques sous quelques dénominations qu'elles soient.
Il serait même nécessaire de réduire toutes les impositions de quelques natures qu'elles soient en une qui se répartirait également à raison des fonds et de l'industrie; on ne peut s'empêcher de gémir de voir le pauvre cultivateur écrasé sous le poids énorme des impositions, c'est donc cette classe d'hommes si précieuse à l'Etat qu'il faudrait soulager autant qu'il est possible et il n'y a pas d'autres moyens de la soulager qu'en faisant supporter au clergé, à la noblesse et aux privilégiés, leur cote-part des impositions ; alors on verra l'agriculture sortir de l'espèce de léthargie où elle était tombée, reprendre une nouvelle vigueur et des bras redoubler de travail et faire fructifier avec abondance cette terre qui lui coûte tant de peine et de sueur à cultiver et c'est de cette abondance que dérivera la richesse de l'État.
Il y a encore une autre classe d'hommes assujettis au travail dur et pénible de la campagne, ce sont ces misérables journaliers, la classe la plus indigente du Royaume, qui n'ont que leurs bras pour vivre et souvent chargés d'une nombreuse famille, qui, dans les temps durs, ne peuvent travailler, [et] à qui il faudrait alléger le poids des impositions. Nous avons un exemple bien frappant de cette vérité dans le triste hiver que nous venons d'éprouver où la majeure partie de ces misérables étaient réduits à la dernière misère, couchés dans leur chaumière sur une poignée de paille et manquant de toutes choses nécessaires à la vie, tandis que les grands et les riches goûtaient dans leurs chambres dorées les douceurs d'une température continuelle.
Il est donc ainsi de toute nécessité de réformer les abus de tous genres qui se sont glissés dans la répartition des impôts et d'en rendre le poids plus supportable au peuple.
Réduire toutes les impositions en une, la répartir également entre les trois états, à raison pour les uns de leurs fonds et propriétés et pour les autres de leur industrie, parce que s'il n'y avait que les fonds chargés d'impositions, pour lors, ce riche négociant qui n'a que son commerce, ce capitaliste dont toute la fortune consiste à négocier les billets qu'il porte dans son portefeuille, ne payeraient rien, ce qui serait injuste ; par conséquent il est donc de toute nécessité que ces derniers supportent leur cote-part des impositions, à raison de leur industrie.
En réduisant toutes les impositions en une, sous quelle dénomination qu'elle fût, il ne serait plus pour lors question de ces différentes dénominations : taille, capitation, accessoires, vingtièmes, corvées, gabelles, droits d'inspecteurs aux boissons, droits réservés, subvention, octroi, jauge et coustage, traites et autres droits d'aides.
Quel bien ne résulterait-il pas d'un pareil changement, quels frais de régie n'épargnerait-on pas, quelle tranquillité pour le peuple de n'avoir pas sans cesse autour de lui une armée innombrable de sangsues qui s'engraissent du sang et de la sueur du misérable.
Car si l'on considère combien coûtent au Roi tous les frais de régie, quelle somme immense entrerait dans ses coffres de la suppression des partisans, des traitants, des receveurs généraux, des receveurs particuliers et de tous les autres commis et sous-ordres.
Cependant en réunissant les impositions en une seule, il faudrait toujours dans chaque paroisse des collecteurs pour faire le recouvrement de l'imposition, ceux-ci la porteraient entre les mains du receveur particulier de la ville d'où ils dépendent, et le receveur particulier la ferait parvenir directement au trésor royal. Si un pareil plan était admis, le Roi pourrait, sans augmenter les impôts, payer la dette nationale.
Mais on dira : que deviendra ce nombre infini d'employés? on répond à cela que les uns se tournent du côté de l'agriculture, que d'autres se tournent du côté du commerce, des arts et métiers, et, par là, ils ne resteront pas oisifs et le peuple se trouvera déchargé de cette troupe d'espions qui rôde sans cesse autour de lui pour le sur- prendre.
Pour ce qui concerne la partie des contrôles, des insinuations, 100e, demi-100e il serait à propos qu'il y eût une loi claire et précise afin que celui qui paye, connût ce qu'il doit payer et que celui qui perçoit connût également ce qu'il doit percevoir. C'est donc dans cette partie des domaines que se trouve une infinité d'abus et qui en entraînent d'autres.
On ne sait aujourd'hui sur quel pied passer un acte, on est gêné dans toutes les clauses, on craint à tout instant de donner lieu à des droits énormes de contrôle ; de là, un notaire croit, en contournant une clause, soustraire les parties à des droits considérables et il tombe dans d'autres abus qui dérivent souvent en procès pour les parties. MM. les députés qui assisteront aux États généraux sont donc priés de demander à Sa Majesté une loi claire et précise et de réduire les droits de contrôle et d'insinuation, et cette diminution au contraire d'affaiblir les revenus de l'État ne fera que les augmenter par la plus grande quantité d'actes qui se passeront.
Passons maintenant à la perception des droits de franc-fief qui n'est pas moins odieuse que celle des droits de contrôle et d'insinuation. Cette loi qui dans son principe a eu pour but d'empêcher que les biens nobles ne passent entre les mains des roturiers, les a assujettis à payer des droits de francs-fiefs, mais cette perception qui aurait dû se borner à un droit annuel de 20 ans du revenu de l'objet, se trouve quelques fois dans l'écoulement de 20 années, payer le triple et le quadruple du revenu, et pour surcroît on les a assujettis au 10 pour livre, de sorte qu'un roturier qui n'a pour tout revenu qu'un médiocre fond noble est obligé de payer, la 20e année au Roi, de son revenu les dix sols pour livre en sus, cela lui fait une année et demie de mangée. Les impositions en outre, les réparations et les autres variations dans le revenu, font encore une année de perte, par conséquent, il se trouve privé de son revenu pendant près de trois ans ; il faut donc de toute nécessité qu'il aille chercher dans la bourse de son ami de quoi vivre pendant tout ce temps-là.
Messieurs les députés sont priés de faire sur cet article des représentations au Roi pour avoir encore une loi claire et précise.
Si dans toutes les parties dont nous venons de parler il y a des abus à corriger, il n'y en a pas moins dans l'administration de la justice.
Les procès ont été de tout temps et ils le seront encore parce que la bonne foi ne règne pas parmi les hommes et qu'ils ne veulent pas se rendre justice, mais puisqu'ils sont presque indispensables, il serait question de trouver un moyen pour abréger la procédure, la décharger de ce dédale de lois qui ne fait que l'obscurcir, par un code clair et précis, et d'établir clans chaque capitale du Royaume une cour supérieure qui jugeât en dernier ressort indéfiniment tous les procès, tant en matière civile que criminelle.
L'établissement d'une cour supérieure dans chaque capitale est d'une très grande nécessité quand l'on considère qu'il faut se transporter d'une extrémité du Royaume à l'au- tre pour obtenir la justice, que les frais de voyage sont très dispendieux, que souvent il arrive que celui qui gagne son procès est ruiné pour avoir été à cent lieues de chez lui le solliciter et le faire décider.
Si la procédure civile est pleine d'entraves, la criminelle ne l'est pas moins, au contraire ; il serait très à-propos de la décharger d'une foule de formalités qui sont gênantes pour celui qui la fait et pour celui qui est obligé de se défendre.
Cette loi, la plus délicate de toutes parce qu'elle intéresse la vie, l'honneur et la réputation du citoyen, mérite la plus grande clarté et la plus grande précision. C'est pourquoi Sa Majesté est très humblement suppliée de vouloir bien établir dans Poitiers, capitale de cette province, une cour supérieure qui jugera indéfiniment en dernier ressort toutes les causes tant en matières civiles que criminelles, de donner sur l'une et sur l'autre un code clair et précis.
Il est encore un autre moyen de faire rentrer de l'argent dans le trésor royal, pour le soulagement du peuple, ce serait de supprimer tous les monastères d'hommes où il n'y a que trois ou quatre religieux, que par là on trouverait, dans la suppression de ces monastères, des fonds considérables qu'on pourrait vendre et qui tourneraient au profit de la Nation et ce serait un véritable moyen de payer la dette nationale sans augmenter les impôts.
Car à quoi servent la majeure partie de ces monastères, sinon à y entretenir trois ou quatre reclus qui y vivent dans un faste et une oisive mollesse, et qui, de leur cellule, en font des trophées de pompes et magnificence ; il y aurait sur cet article à dire bien des choses, mais on le réserve à MM. les députés aux États généraux afin de faire sentir l'inutilité de ces monastères et le bien que leur suppression ferait pour l'État.
Il y a encore une espèce de religieux qui est celle des mendiants dont la suppression totale serait nécessaire parce qu'ils sont une charge pour le peuple ; les quêtes qu'ils font sont une augmentation d'impôts. Puisque Sa Majesté veut bien nous permettre de lui faire nos doléances et de lui montrer tout ce qui peut tendre au bien de l'État et de tous et chacun ses sujets, nous la supplions de vouloir bien établir dans tous les gros bourgs de son Royaume, des maisons ou hôpitaux pour le soulagement des pauvres infirmes qui sont en grand nombre et surtout dans les campagnes, où tous les pauvres infirmes d'un district de plusieurs paroisses ensemble y seront reçus ; ces hôpitaux seraient administrés par les municipalités des lieux et du ministère public, [et] par des religieuses hospitalières. Cet établissement serait avantageux pour tenir des jeunes filles en pension à qui on enseignerait le travail, la religion et les bonnes moeurs, à lire et à écrire, enfin à toutes les occupations dont le sexe est susceptible.
Mais où prendre les fonds pour former cet établissement? rien n'est plus facile que d'en trouver. Il y a des fonds qui appartenaient ci-devant aux jésuites et qui sont en économats et qui ne produisent pas beaucoup au trésor royal, parce que les frais de régie d'administration les absorbent tous, et si ceux-ci ne sont pas suffisants, on peut en prendre dans la suppression des monastères ci-dessus demandée et sur les gros bénéfices.
Il y a encore un établissement indispensable, ce serait d'avoir dans tous les gros bourgs où il y a foires et marchés une brigade de maréchaussée pour la sûreté publique, l'ordre et la police du lieu ; ce serait un grand bien pour mettre un frein au brigandage.
Nous ayons parlé plus haut des abus qui se trouvent dans l'administration de la justice, il y aurait encore une réforme à faire dans plusieurs tribunaux, ce sont tous ceux d'exceptions, comme les élections les trésoriers de France, les maîtres des eaux et forêts, les traites et greniers à sel.
Tous les juges de ces tribunaux sont des privilégiés, des officiers gagés par le gouvernement qui retirent du trésor royal des appointements considérables et qui ne sont pas moins payés par le peuple, et pour tenir lieu de ces tribunaux on accorderait aux juges royaux la connaissance des causes qui étaient à leur décision.
Ainsi nous nous résumons :
1° A demander la suppression de toutes les impositions sous quelques dénominations qu'elles soient, en une, y compris même les droits de 100e sur les offices, laquelle imposition serait faite sur tous les sujets de Sa Majesté, tant du clergé et de la noblesse que du tiers état à raison chacun de leurs fonds et industries.
2° A favoriser l'agriculture et la classe la plus indigente du Royaume.
3° La suppression des partisans, traitants, régisseurs et employés.
4° Une loi claire et précise pour la perception des droits de contrôle et insinuations.
5° Une loi également claire et précise pour les francs-fiefs.
6° Un code clair et précis pour la procédure civile.
7° L'établissement d'une cour supérieure à Poitiers, qui jugera en dernier ressort indéfiniment toutes les causes, tant en matière civile que criminelle.
8° Un code clair et précis pour les matières criminelles.
9° La suppression de tous les monastères d'hommes où il n'y aura pas trois ou quatre religieux.
10° La suppression totale des ordres mendiants.
11° Un établissement de maisons ou hôpitaux dans les gros bourgs.
12° Un établissement de maréchaussée dans les gros bourgs où il y a foires et marchés.
13° La suppression de tous les tribunaux d'exception et la connaissance des causes qui sont de leur compétence aux juges royaux.
Et avons clos et arrêté ledit cahier dans l'assemblée du Tiers état des paroisses de Pamproux et Saint-Martin jointe, le premier mars 1789, sur les quatre heures du soir et se sont tous les habitants desdites paroisses soussignés, sauf ceux qui ont déclaré ne savoir signer de ce enquis.
(Suivent 24 signatures, celles de : Charles-Laurent Gauthier, syndic municipal et député ; Pierre-Paul Riche, notaire royal et député ; Jean Albert, Nicolas Payrault et Louis Defaye, députés, etc.)
Paraphé ne varietur,
(Signé : Riche, notaire royal.)