50008 - Anctoville-sur-Boscq - Notice Instituteurs 1913

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Avant-propos

A l’occasion des conférences pédagogiques les instituteurs et institutrices étaient invités à faire porter leur réflexion sur un sujet fixé à l’avance et à mettre en commun leurs contributions remises à l’inspecteur primaire sous forme de mémoires ou de notes. En 1913, ils sont invités à constituer une monographie de géographie locale de la commune où ils exercent.

Le plan proposé est précis et détaillé sous la forme d’un cahier-type. Le rédacteur doit en renseigner les rubriques. Il s’agit donc d’une source extrêmement riche qui permet de dresser un véritable tableau de la commune à la veille de la Grande Guerre.


Notice géographique[1]

L’institutrice d’Anctoville, A. Lugaro

à Anctoville le 16 septembre 1913


Géographie physique

Configuration – Communes limitrophes.

La commune d’Anctoville est très petite comme superficie, son étendue affecte la forme d’un parallélogramme dont la grande dimension est orientée Est-Ouest ; le cours du Bosq dans la même orientation servant de limite septentrionale.

La commune possède une douzaine de villages écartés. Il n’existe aucune agglomération centrale importante. Les villages étant situés à 500 mètres au maximum de la mairie et de l’église qui constituent avec trois habitations le noyau de la commune ; et à trois cent mètres au maximum.

Dépendante du Canton de Bréhal, la population est de 135 habitants qui s’adonnent en majorité à l’agriculture.

Son relief est peu accentué, ondulé, seulement par quelques coteaux qui bordent le cours du Bosq, ruisseau d’une largeur de deux mètres. L’altitude moyenne du terrain communal est de 60 mètres environ. Le sol est couvert de haies vives qui entourent des prairies. En majorité, des champs de pommiers. Peu de terre en labour, plutôt des herbages.


Climat.

Le climat est humide. Voisinage de la mer (6 à 8 kilomètres). La nature en sous-sol contribue à donner une végétation robuste. Sol argileux (le même que celui du canton).

La verdure puissante et la culture de quelques fleurs donnent à cette petite commune un aspect assez agréable.

Située au nord de la grand route Paris-Granville ; le grand tourisme avec ses autos, évite son aspect tout champêtre et rustique ; mais de furtifs regards que m’adressent les voyageurs….

L’église de style roman attire l’attention avec l’époque XIV & XVème siècle et sa bâtière bien normande à la ligne positive. Quelques statues de bois et un aigle sculpté servant de lutrin frappent les regards.

Près du village La Jouenne, une vieille croix en granit ; sa valeur donne à ce site une note presque armoricaine et fait penser que la Bretagne est tout près.

La vallée du Bosq, moitié d’Anctoville, où se faisait le chanvre, il y a quelques vingt ans est toute charmante. La rivière babille, les oiseaux gazouillent, les fleurs offrent leurs parfums. Tout contribue dans ce bocage bien normand à faire oublier l’effort, la détresse et les brutalités de la vie.


Géographie Economique

Sol et productions :

Herbages : beaucoup de prairies ; peu de céréales, on cultive les céréales suffisamment pour la nourriture familiale et le bétail. Depuis trente ans, la culture est semblable ; quelques fermiers ont des machines agricoles : faucheuses, charrues perfectionnées.

Elevage : L’élevage par contre est assez développé : veaux, vaches, génisses. Beaucoup de fermiers se livrent à l’élevage du cheval.

Pêche : Sur la rivière du Bosq aucune barque de pêche ; mais bien des pêcheurs venus de Granville se livrent au sport favori : pêche à la truite, quelques écrevisses, des anguilles.

Améliorations : Les cultivateurs emploient les nouveaux amendements : phosphate, guano, de la tangue que les fermiers vont chercher à Hacqueville près Granville.


Industrie locale

Il y a plus de vingt ans, existait à Anctoville une filature importante de laine ; située au Manoir sur le Bosq, cette filature avait plusieurs ouvriers et les communes avoisinantes y venaient.

Mais à présent, il n’existe plus rien du tout, seule la ruine ; on y voit encore les roues, etc.

Anctoville fait du commerce avec Granville surtout. Les habitants vont très peu à Bréhal distant de sept kilomètres. Le commerce local est nul et l’industrie communale, locale, est peu développée.

Une forge médiocre, une épicerie-auberge au bourg ; à la Perdrière, une auberge vendant surtout du café, n’ayant pas l’apparence d’un café mais vendant quand même à des alcooliques habitués.


Commerce, marchés et foires

Voies de communication, chemins vicinaux – Anctoville à Bréhal, Anctoville à Granville – Chemins communaux des Longs Sillons (voir la carte). Marchés et foires : Aucun marché, aucune foire. Les habitants vont au marché de Granville, aux foires de la Haye-Pesnel, de Bréhal, Folligny, Cérences, Gavray.


Prix de la Vie, 1870 à 1913

Comme partout la vie a augmentée, le pain coûtait autrefois moins cher, les autres denrées également. Seulement ces denrées étaient moins bonnes, le pain par exemple.

Pour les loyers, ils étaient également meilleur marché. A Anctoville, toutes les habitations sont des fermes, peu de maisons pour ouvriers, journaliers, les terrains appartenant à de gros propriétaires citadins.


Géographie Démographique

D’après les tableaux de recensement et les tables décennales de l’état-civil, renseignements sur la population.

En 1815 (aucun recensement) 220 ou 230 habitants peut-être, Diminution depuis.

Naissances Mariages Décès
1843 à 1862 88 34 63
1863 à 1872 32 13 50
- - - -
1883 à 1893 22 10 39
1893 à 1902 24 10 34
1903 3 1 1
1904 3 0 5
1905 2 2 2
1906 3 1 1
1907 1 2 6
1908 2 0 2
1909 2 2 1
1910 2 0 2
1911 2 0 3
1912 2 1 3
1913 3 1 3

Désertion de la campagne.

Raisons : Ces maisons ont été abandonnées, cause de décès des propriétaires. Abandon de la maison familiale pour aller à la ville, en place. En 1863, il y avait 53 maisons habitées, actuellement il y en a 41.


Immigration des étrangers.

Immigration nulle.


Dissémination des habitants sur le territoire de la commune. Hameaux et villages

Les habitants de la commune sont dispersés dans les villages. On compte environ 10 villages dans Anctoville assez distants les uns des autres. Les principaux villages sont : la Perdrière, le Val.



Nom des villages :

  • Perdrière : 5 maisons (feux) – 5 familles – Cultivateurs
  • Duponterie : 2 maisons – 2 feux – (fermes)
  • La Jouenne : 2 maisons
  • Le Manoir : 1 maison habitée
  • Les Essex : Rien – autrefois habité, ancien moulin, filature
  • Le Val : 6 maisons habitées
  • Aux Lamors : 3 maisons
  • Longs Sillons : 3 maisons
  • Beaufougerey : 1 feu
  • Lamusse : 1 feu
  • Bourg  : 7 feux – épicerie, forge, garde-barrière, presbytère, école – 2 propriétaires retraités rentiers retraités.


Occupation des habitants.

La plupart des habitants sont cultivateurs fermiers ; 3 propriétaires exploitent eux-mêmes leurs terres. Il y a un forgeron, un couvreur en paille, une couturière.

Professions libérales : Depuis 1870, la commune a donné :

  • Instituteur
  • Notaire : 1
  • Curés : plusieurs


Hygiène

Anctoville, enclavée entre plusieurs grandes communes, semble comme retirée de l’activité avoisinante ; et certains vieux usages routiniers persistent encore, surtout au point de vue hygiène.

Dans l’habitation, les améliorations sont lentes ; l’embellissement est rare, quelques maisons ont des couvertures d’ardoise, mais il y en a beaucoup en chaume.

A cela la poésie y gagne, et les toits couverts de gazon ou d’iris c’est bien notre vieille Normandie.

Par contre, les maisons n’ont pas toutes le confortable, l’air, la lumière, les vieilles fenêtres à petits carreaux ne font pas vite place aux larges baies. Ça et là, quelques pots de fleurs au rebord des fenêtres ; trop souvent des tas de fumier ou une mare fangeuses s’étalent en face de l’habitation.

A l’intérieur de bien des fermes, on a la chambre commune où cuisine et repos ont lieu. Je connais une maison où 3 ou 4 personnes couchent dans la même salle (ce qui n’est pas rare).

Manque d’hygiène, de là maladie. Par habitation ancienne, mal distribuée car comment dans l’accumulation de lits, de cuisine, et de laiterie ne pas être géné en tout. Toutes les femmes d’Anctoville ne sont pas encore non des modèles ; mais du moins propres. On sacrifie plus à des objets de luxe qu’à l’utile et au commode.

Depuis 1870, deux habitations neuves ; une auberge, modeste, mais achalandée ; une superbe école. On y voit encore au village aux Lamors, l’ancienne école où jadis les parents des enfants ont été instruits.

Si l’école actuelle est très bien, le mobilier scolaire est très pauvre. Les anciennes tables d’escholiers servent aux nouvelles générations et leur état de vétusté demande leur retraite.


La vie sociale

Institutions charitables et de prévoyance


Les fêtes familiales

On se réunit aux batteries (journées de mécanique). Chaque fermier appelle ses voisins pour l’aider, solidarité agraire. On fait la fête le soir. Il en est de même aux ″″tueries de cochons″″, on invite parents et amis.

Dans quelques familles il est d’usage d’offrir à l’anniversaire, une bouteille de vin.


Les fêtes locales.

La fête locale patronale est la Saint-Martin mais elle est tombée en désuétude.

Autrefois, il y avait une grande assemblée ″aux chasses du Manoir″, les granvillais y venaient nombreux. Les tonneaux de cidre, marchands de galette, chevaux de bois y étaient et la commune était en liesse ; aujourd’hui la chasse (avenue d’ormes) a disparue ; l’entrain de naguère n’est plus ; actuellement il n’y a rien du tout.


Les distractions préférées.

On ne voit pas de joueurs de quilles, on ne joue plus à la pelote ; mais hélas, on joue aux cartes.

Pas de jeux de plein air ; dans une salle d’auberge enfumée, on se réunit.

Après la messe, le cabaret est plein, l’après-midi du dimanche aussi.

Comme partout l’alcoolisme a fait et fait des ravages. Seulement, on y voit moins de jeunes gens. Où vont-ils ? à la ville voisine, est-ce mieux ?


Développement de l’instruction

Les habitants lisent les journaux locaux, peu de grands quotidiens.

Les illettrés se rencontrent chez quelques fermiers qui occupent des enfants quelquefois trop jeunes (11 – 12 ans) et engagent les parents par l’appât du gain à faire placer leurs enfants. Aussi des domestiques ne savent pas lire ou difficilement.


Conclusion

La commune d’Anctoville charmante, agréable, comme sites, comme pays a des habitants, aux mœurs âpres et brutales. Le paysan ne s’est pas affiné au contact de la ville sise à 6 kilomètres.

Le dimanche aux réunions qui précèdent l’office hebdomadaire, l’on observe des coiffes campagnardes chez les vieilles femmes.

Les rivalités familiales sont fréquentes et les disputes conjugales fort nombreuses. Le paysan est ici méchant et haineux de tout ce que sa nature fruste ne comprend pas.

Apre au gain, le campagnard d’Anctoville est économe jusqu’à l’avarice. Très positif : aucune considération d’ordre sentimental ne neutralisera son intérêt du moment.

Aussi le mensonge et la jalousie sont les fleurs venimeuses qui poussent trop souvent dans ce calme et délicieux vallon.


Notes et références

  1. Archives départementales de la Manche cote : 124 J 6