26340 - Protestants de Séderon 2

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Des Protestants à Séderon (2)

Les deux actes d’abjuration dressés dans les registres paroissiaux de Séderon et précédemment évoqués(1) ont piqué ma curiosité et ont été à l’origine de ce travail. Vous en trouverez ici la suite.

Mais j’ai d’abord campé l’histoire des Protestants à Séderon de façon plus globale afin que revienne au jour un épisode important de l’histoire de notre village, longtemps occulté. Que sait-on des conditions de vie des Protestants de Séderon en 1685, à la veille de la Révocation de l’Edit de Nantes ?

Contexte historique local

La principale source de renseignements est l’imposant ouvrage du pasteur Emile ARNAUD « Histoire des Protestants du Dauphiné aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles » en trois tomes(2).

  • 1560 : Charles MONTBRUN "le brave", fils d'Aymar du PUY-MONTBRUN, de retour de Genève d'où il a ramené sa sœur et gagné lui-même à la Réforme, fonde dans ses terres une église "...après avoir détruit les insignes catholiques de la chapelle de son château et aboli la messe dans l'église paroissiale de Montbrun." Après des démêlés avec le président du parlement de Grenoble et La Motte-Gondrin, lieutenant général, il s'enfuit à Genève avec sa femme le 5 octobre. La démolition du château, dirigée par La Motte-Gondrin, dura du 25 au 30 octobre.

Ceci permet de situer les débuts de l’église réformée « au pays ». Nous sommes en pleines Guerres de Religion. Les premières églises protestantes viennent de se déclarer lors de la Confession de La Rochelle en 1559 où elles ont pris le nom « d’églises réformées ». Le massacre de la St Barthélemy est encore à venir (1572). L’Edit de Nantes ne sera signé que 38 ans plus tard (1598) et les protestants devront subir 125 ans de répressions de plus en plus fortes jusqu’à la Révocation (1685).

La Réforme se propage rapidement. Dès l’année suivante, le pasteur ARNAUD cite les églises de nos villages ainsi que d’autres, tout proches.

  • 1561 : Plusieurs autres églises s’organisèrent dans la province pendant cette même année 1561. Outre celles que nous venons de citer, nous trouvons encore : Chabeuil, Loriol, Sauzet (Mre Thomas, moine converti, non consacré, faisant les fonctions de prédicateur), Montélimar, Salles, Grignan, Poët-Laval, Saint-Auban, Le Buis, Séderon, Barret [de Lioure], Bourdeaux, Crest (Laurent Vidal, catéchiste), Die, Valdrôme, Châtillon, Crémieu (Raymond, pasteur), La Côte-Saint-André (Pierre Byse, pasteur), Saint-Antoine, L’Albenc, Saint-Marcellin, Beaurepaire, Moras, Saint-Vallier, Pont-en-Royans, Moirans, Vallée du Grésivaudan, Clavans et Misoën, Mens, Monestier-de-Clermont (comptant […/…] trois cents hommes), Vallée du Champsaur, Gap, Veynes, Serres, Orpierre, Vars, Orange(3) (Georges Caroli, de Berne, pasteur en 1560 ; Simon de Lacombe, pasteur en 1561 ; Patac, pasteur en 1562). Ces églises n’étaient pas toutes pourvues de pasteurs et en demandèrent à Genève, qui les satisfit selon son pouvoir(4).

En plus des principales villes de notre région connues pour leur appartenance à la Réforme (Montélimar, Poët-Laval, Gap, Veynes, Serres, Orpierre) on remarquera, outre notre voisin Barret-de-Lioure, de nombreuses villes des Baronnies et de la Drôme Provençale. Mais je n’ai trouvé aucun acte d’abjuration individuel ou collectif dans les registres paroissiaux de Barret. Ce sont les registres de Montbrun qui confirment la présence de Barretiers protestants.

A noter cependant qu’en 1561, Séderon n’a pas encore de pasteur. Il n’est pas fait mention d’un temple non plus. On peut supposer que le culte était célébré dans la maison même d’un huguenot.

  • 1562 : Le synode des églises du Dauphiné, Lyonnais et […/…] Forez s’étant, sur ces entrefaites, réuni à Montélimar, [La Motte-Gondrin, lieutenant général] lui fit défense de délibérer dans l’intérieur de la ville, et l’assemblée dut se transporter « dedans la maison du sieur Jean Revot, bourgeois d’icelle ville de Montélimar, et au dehors d’icelle d’environ demi-quart de lieue ».
Ce synode a une importance particulière parce qu’il fut présidé par le célèbre Farel, qui avait passé une partie de l’hiver à Gap. […] L’auguste assemblée renouvela l’alliance des églises du Dauphiné avec celles de Lyon et d’Annonay, et s’adjoignit celles de Séderon et de Barret, dans les Baronnies, récemment fondées(5)..

Le pasteur ARNAUD reste ensuite muet sur Séderon et les autres annexes de Montbrun pendant la période qui nous mène au début du XVIIème siècle. Il semble que Séderon n’ait toujours pas de pasteur.

  • 1602/1607 : Nous possédons peu de renseignements sur cette église [Montbrun], à laquelle le synode de Grenoble de 1602 et le synode national de La Rochelle de 1607 adjoignirent les annexes de Villefranche, Séderon, Barret-de-Lioure et Sault. Ces églises devaient cesser d’être adjointes à Montbrun lorsqu’elles pourraient posséder un pasteur en propre. Nous ne pensons pas qu’elles l’aient jamais pu. Sault faisait partie du Comtat-Venaissin.
A Montbrun se rattachaient encore Eygalayes, qui contribuait pour 15 livres à l’entretien du pasteur, et l’église de Revest-du-Bion en Provence, qui ne paraissent pas avoir joui du droit d’exercice(6)..

Beaucoup de villages alentours sont donc à un moment ou un autre tentés par la Réforme. Bien que n’ayant toujours pas de pasteur, les protestants sont bien tolérés à Séderon. Mais bien sûr, comme dans le reste du royaume, on n’accepte pas de les enterrer dans les cimetières catholiques. A cette restriction près, ils jouissent apparemment des mêmes droits que les catholiques. Les Consuls de Séderon, dans leurs délibérations, ont été tolérants. On peut lire dans les délibérations du Conseil général de la Communauté :

  • 26/07/1614 : « Le traitement de Clauson, maître d’école, [est] fixé à 16 écus, payables par les catholiques, outre les mois [c’est-à-dire « en plus du salaire mensuel »], de 4 et 6 sols, selon que les élèves commencent [l’école] ou écrivent [déjà] ; il sera permis à ceux de la Religion d’envoyer leurs enfants aux mêmes prix. »
  • 26/02/1617 : « La fourniture d’un cimetière aux Réformés. »

Le pasteur ARNAUD ajoute après coup dans une note importante pour nous :

  • 1626 : Séderon qui faisait partie des terres adjacentes de la Provence, avait un pasteur en propre en 1626, J. BERNARD(7).


C’est encore par les forums de généalogie que j’ai pu avancer dans mes recherches sur ce premier pasteur de Séderon. Un généanaute(8). me cite de nouveau le pasteur ARNAUD :

  • 1626 : Jean BERNARD avait été pasteur à Séderon en 1626 ; au Luc 1633-1637 ; à Velaux, en 1660. Il était le frère d'André BERNARD, pasteur à La Charce, 1626 ; à Mérindol, 1637 ; mort vers 1660, mais avant cette date(9)..

Il m’indique aussi l’état de ses propres recherches.

« J'avais par ailleurs noté :

- que Jean et André étaient les enfants de Jean BERNARD (sans autre précision) et que le fils d'André, autre Jean BERNARD, était l'époux de Marguerite (de) GAUDEMAR dont je tente de remonter la filiation.

- que le pasteur Jean BERNARD était né vers 1597 et décédé le 31.10.1679 à Velaux. Il était l'époux d'Anne ASQUIER (alias ASQUIERE), née avant 1627 et décédée après 1688. Je n'ai pas leur mariage. »


En cette année 1626, Henri IV a été assassiné depuis 16 ans. 65 ans se sont écoulés depuis la fondation de l’église réformée en 1561, avant que Séderon ne cesse d’être une annexe de Montbrun. D’autres villages seront pourvus d’un pasteur bien plus tardivement. Ainsi Eygalayes n’en aura un qu’en 1668, durant les 20 ans qui précèderont la Révocation.

C’est dans ce contexte historique que se situent les actes d’abjuration. Pensant que les personnes citées dans ces actes pouvaient avoir encore des descendants à Séderon, j’ai eu la curiosité de me pencher sur leur destin. J’ai donc dressé l’ensemble de la généalogie des BONNEFOY en pensant aussi aux lecteurs qui avaient été intéressés par l’article du « Trepoun »(10). concernant le félibre Alfred BONNEFOY de BAÏS. En complément à l’article de M. René DELHOMME, j’expliquerai à quelle branche se rattache notre poète local(11)..

Si donc vous vous savez descendant d’une famille protestante, ce qui suit vous intéressera. Sinon j’ai conscience que tous ces détails généalogiques peuvent être fastidieux et je vous donne rendez-vous la prochaine fois pour la suite de l’histoire locale.

Famille BONNEFOY (2)

Dans la première partie, d’après les deux actes d’abjuration du 5 octobre 1685 et les registres paroissiaux, j’ai reconstitué la famille que Nicollas(12) BONNEFOY a fondée avec son épouse Catherine MAIGRE. Ce n’est qu’une des branches de la grande famille des notaires BONNEFOY. J’ai donné aussi un aperçu du foyer de sa sœur Judith mariée avec Antoine MARCEL d’Eygalayes(13). Avant d’aborder les autres branches issues de leur père Henric BONNEFOY, je voudrais revenir sur les enfants de Nicollas et Catherine MAIGRE que je n’ai évoqués qu’à travers un tableau de descendance.

Descendance de Nicollas BONNEFOY et Catherine MAIGRE

L’acte d’abjuration énonce : (n°6) « Damoiselle Catherine MAIGRE femme de M(essi)re Nicholas BONNEFOY N(otai)re et sa famille, qui sont Charles, Jean, François, Gaspard, Françoise, Margueritte (sic) BONNEFOY leurs enfants. »

Vous aurez certainement remarqué une différence entre les 6 enfants mentionnés dans l’acte d’abjuration et les 10 du tableau de descendance fait d’après le relevé des registres paroissiaux(14). Quatre d’entre eux ont été « oubliés » : Isabeau (°~1665), Henric (°~1682), Magdeleine (°27/01/1686) et Louis (°27/01/1688 ; + 18/09/1688). D’où vient cet écart de quatre ?

Passons rapidement sur Magdeleine et Louis, nés tous deux après l’abjuration de 1685 et donc baptisés selon le rite catholique, comme il se doit.

Henric (prénommé comme son grand-père) n’apparaît que lors de son décès (+ 24/10/1700) « âgé d’environ dix-huit ans », écrit le curé, ce qui le ferait naître en 1682. Cet « environ » laisse la place à beaucoup de marge. Qu’est-ce qui empêche de supposer qu’il ne soit né qu’en 1683 et qu’il ait été placé en nourrice ; que ses parents aient, volontairement ou non, oublié de le signaler aux personnes venues les forcer à abjurer ?

Quant à Isabeau, on ne retrouve sa trace que lors de son mariage célébré à Séderon le 6 février 1703 avec Henric CHAUVIN de Valbelle (04). Elle est alors âgée d’environ trente-huit ans et son époux de quarante-huit. Elle serait donc née en 1665, durant l’année qui suit le mariage de ses parents(15) et aurait donc 20 ans lors de l’abjuration. Elle serait l’aînée. Elle pouvait donc vivre (travailler) à Valbelle depuis un certain temps déjà. A noter pour l’anecdote qu’elle mettra au monde des jumeaux le 15 mars 1705. Mais Jean-Baptiste CHAUVIN ne vivra que 2 semaines et François décèdera le 6 septembre 1706, à 17 mois.

J’en viens maintenant aux enfants déclarés de Nicollas et Catherine.

Tout d’abord Jean qui décède quelques jours après l’abjuration de ses parents, le 4 novembre 1685 âgé de 5 ans (°~1680). Mais les registres paroissiaux de Montbrun nous apprennent qu’un autre Jean, sera témoin au mariage de son frère Gaspard (voir ci-après). A moins qu’il ne s’agisse d’un autre de ses frères (François ou Charles) dont le prénom d’usage aurait été Jean. Il était très fréquent qu’un individu ne porte pas, durant sa vie, son premier prénom de baptême.

Aucune trace évidente de Charles plus tard dans les registres. Deux Charles correspondraient par rapport aux années de naissance calculées. L’un pourrait être celui qui décède le 2 février 1704 (~40 ans) époux de Rose TIERS (+ 17/09/1726, ~55ans). Il n’est hélas pas fait mention de ses parents dans son mortuaire et je n’ai pas encore trouvé le CM dans lequel les futurs sont « establys en leur personne ». De leur union antérieure à 1697, ils auront Jean (°12/02/1698 + 15/03/1698) ; Jean (°15/06/1700 + 06/04/1701) et Isabeau (°19/03/1703). Le nom BONNEFOY ne sera pas transmis à travers ce couple. L’autre Charles était l’époux de Rose ROUX. Celle-ci est mentionnée veuve le 29/04/1720, lors du mariage de son fils Joseph avec Françoise ARNAUD à Montéglin (05). Il faut pour l’instant se contenter de ces 2 hypothèses, rien ne permettant de choisir même avec un faible risque d’erreur.

Le mortuaire de Catherine JOUVE (°~1697 + 21/07/1754, ~57 ans) indique qu’elle était veuve de François BONNEFOY (°~1672 + 24/01/1742, ~70 ans). Pas d’union ni d’enfants à Séderon.

Françoise s’unira, le 14 septembre 1713 à Séderon, à Joseph DUREFORT de Sault (84), veuf. Leur descendance est certainement à chercher là-bas.

La seule Marguerite BONNEFOY des paroissiaux mentionnée sans parents et dont l’année de naissance se situe entre 1640 (année du mariage de Nicolas et Catherine MAIGRE) et 1685, est l’épouse de Thomas GUILLERMIN. A son décès (24/10/1704) le curé la déclare d’environ 29 ans ce qui l’aurait fait naître en 1675. Un indice complémentaire en faveur de cette hypothèse : un de ses enfants Joseph (°27/02/1691 à Séderon), veuf d’Anne MAURIN (°~1699 + 08/06/1734), épouse en secondes noces le 07/11/1735 à Séderon (CM 2E 00957.422, Me BONNEFOY Nicolas, son grand-père), Marguerite PROVENSAL de Saléon (05). Or la famille PROVENSAL est connue comme « étant de la Religion(16) » dans les Hautes-Alpes. Nous la croiserons encore plusieurs fois.

Enfin Gaspard épouse le 16 juillet 1705 Anne GIRAUD de Montbrun, fille de feu Paul et Isabeau MOULLARD. Un très grand mariage à en croire la qualité des témoins : 4 notaires des alentours, 1 docteur en médecine, 1 avocat et 1 apothicaire. La famille de la future est aussi dans le notariat, l’un des témoins signés est Mtre Raymond GIRAUD, notaire de Reilhanette. Il ne s’agit pourtant pas du mariage du fils qui bénéficiera de la charge héréditaire de notaire : Gaspard est cardeur à laine. Il décède en décembre 1746 âgé de 63 ans. Soit ce couple n’a pas eu d’enfants, soit ils n’ont pas été baptisés à Séderon. Peut-être à Montbrun ?

X 16/07/1705 à Montbrun
- de Gaspard BONNEFOY, ~22 ans, cardeur à laine de Séderon
	fs de Nicolas et de Catherine MAIGRE
- et Anne GIRAUD, ~20 ans,
	fa de Paul + et Isabeau MOULLARD
Témoins signés :
	* Mr Nicolas BONNEFOY, père de l’époux [notaire de Séderon]
	* Mr Jean BONNEFOY, son frère
	* Mr Jean BONNEFOY, son oncle paternel notaire royal de ce lieu [de Montbrun]
	* Mr Louys BONNEFOY, son oncle de Séderon, [notaire]
	* Mtre Alexandre PEYSSI, docteur en médecine de ce lieu
	* Mtre François RODE, apot(h)icaire de Sault
	* Mtre Pierre VINCENT, advocat de Séderon
	* Mtre Raymond GIRAUD, notaire royal à Reilhanette

Le 29 avril 1749, Anne GIRAUD, veuve dudit Gaspard BONNEFOY, épouse un autre Gaspard, un CASSAN de Ferrassières, marchand, veuf de Marie Anne LAMBERT aussi de Ferrassières, décédée en 1747 à Séderon où son époux exerçait son commerce depuis son premier mariage 23 ans plus tôt. Le frère de Marie Anne, Paul LAMBERT qui signe souvent comme témoin dans les registres paroissiaux, était le receveur des fermes du roi, c’est-à-dire le collecteur des impôts de Séderon.

On notera pour la suite, qu’un des enfant de ce Gaspard CASSAN, S(ieu)r Dominique, marchand, épousera le 27 octobre 1750 à Séderon, D(emois)elle Claire BONNEFOY, fille de Joseph François, avocat en la cour et juge de Séderon, et de « feüe » Claire Agnès AYCARDY (d’ICARDY), d’une famille de robe de Buis-les-Baronnies.

Pour être tout à fait complet, parmi les notaires, témoins au mariage de Gaspard BONNEFOY avec Anne GIRAUD, sont encore cités un autre Jean BONNEFOY, ainsi qu’un Louis BONNEFOY, oncles paternels du futur. Ils seraient tous deux fils d’Henric. Ce qui nous permet de relier Louis BONNEFOY x Jacqueline BERTOY (n°10) à son père Henric.

Peu à peu la famille de Nicollas BONNEFOY et Catherine MAIGRE s’est considérablement agrandie. Certains généalogistes seraient satisfaits de ces résultats. Mais opiniâtre et persévérant, obstiné et acharné, je n’ai pas pu m’empêcher de dérouler la pelote jusqu’au bout. J’ai fouillé dans toutes mes bases pour reconstituer l’ensemble de la famille : enfants, frères, sœurs, alliés et collatéraux,…

Poursuivons donc la reconstitution !

Des 6 enfants déclarés dans l’acte d’abjuration, je suis passé à 10, ou 11 si Jean (témoin au mariage de Gaspard) est distinct d’un des autres garçons. 2 enfants du couple sont décédés en bas âge : Jean et Henric, et 2 autres sont nés après la Révocation : Magdeleine et Louis. Pour les 5 autres enfants, leurs mariages ont attesté de leur lien de parenté avec Nicollas et Catherine. Les dernières incertitudes portent donc sur Charles et Jean.

J’ai commencé à ébaucher la fratrie de Nicollas, grâce au mariage de son fils Gaspard BONNEFOY avec Anne GIRAUD. Sauf à découvrir des registres du Désert, il ne sera pas possible de savoir qui de Nicholas (n°6) ou Judith (n°17) est l’aîné des enfants d’Henric BONNEFOY et Isabeau RICOU. Ce même mariage m’a permis de découvrir deux autres enfants d’Henric BONNEFOY : Gaspard (n°3) et Louis (n°12) et leurs épouses respectives Clere [sic] DUMONT et Jacqueline BERTOY (n°10). Bien que n’ayant relevé aucune origine pour cette dernière, je ne peux que supposer que les enfants de Louis sont tous nés après la Révocation. Ainsi qu’un dernier enfant Jean, notaire. Les registres paroissiaux, indiquent le décès de Jean, notaire, à Séderon le 28/09/1747 à 80 ans, veuf de Clere GINOUS, de Mollans. Il serait donc né en 1667 et aurait donc eu 38 ans au mariage de son neveu Gaspard.

Voilà donc Henric BONNEFOY nanti d’une belle famille : 5 enfants, 36 petits-enfants et 40 arrière-petits-enfants. Je reviendrai plus tard sur son frère Louis, aussi notaire, qui a 7 enfants, 21 petits-enfants et 15 arrière-petits-enfants. On constate pour le moment une très importante famille protestante dont plusieurs hommes sont notaires. C’est encore une fois un mariage qui a permis de « démêler » toute cette grande famille.

Ainsi en cheminant parmi registres paroissiaux et contrats de mariage, j’ai pu, avec l’aide des membres des différents forums et du CGDP, non seulement parvenir à reconstituer la famille descendante de Nicollas BONNEFOY mais aussi celle de ses frères dont nous pouvons maintenant découvrir le lignage. Revenons aux 2 actes sur lesquels j’ai barré toutes les personnes « identifiées ».

Les personnes citées dans le premier acte d’abjuration

1. David ROUBAUD et Françoise MICHEL sa femme,

2. Clere ROUBAUD veufve a feu Gaspard DUMONT et sa famille, qui sont :

- Charles DUMONT et Marg(ueri)te CARLOTTE sa femme,
- Balthasar DUMONT et Honorade DUMONT filz dud' Charles
- et Margueritte OFFRER de Montbrun servante de lad(ite)' Clere ROUBAUD
- avec Moise DUMONT filz de lad' Clere ;

3. Gaspard BONNEFOY et Clere DUMONT sa femme

- avec sa petite famille qui sont encor(e) dans l’état d'innoscence ;

4. Marc ROUBAUD et sa famille qui sont Françoise JEAN sa femme,

- Clere ROUBAUD
- Jean
- et Catherine ROUBAUD
- et leurs enfants
- et Jeanne ROUBAUD sœur dud' Marc ;

5. Pierre MOURIER et sa famille qui sont

- André et Margueritte AVON femme dud' André.
- Jean mourier
- ses enfants

6. Damoiselle Catherine MAIGRE femme de M(essi)re Nicholas BONNEFOY N(otai)re et sa famille, qui sont

- Charles,
- Jean,
- François,
- Gaspard,
- Françoise
- Margueritte BONNEFOY, leurs enfants.

7. Anne VERDETY et sa famille qui sont (voir Pierre DUMONT n°13)

- Antoine,
- Pol
- et Jean DUMONT ses enfants ;

8. Damoiselle Isabeau ROURE fa(em)me de Louis DUMONT. (n°14)

9. Gaspard CHAMOUX et sa famille qui sont G(C)laudine GUILLABERT sa femme

- Adam et Clere MOURIER femme dud' Adam
- ** et Pierre
- Gaspard ses enfants.

10. Demoiselle Jacqueline BERTOY femme de Louis BONNEFOY. (n°12)

11. Marc DUMONT et sa famille qui sont Catherine BARRILLON sa femme,

- Pol
- Henric
- et Elizabeth DUMONT ses enfants.

Les personnes citées dans le second acte d’abjuration

12. Louis BONNEFOY mari de Jaqueline BERTOY (n°10)

13. Pierre DUMONT mari d' Anne VARDETI (n°7)

14. * Louis DUMONT mari de Isabeau ROURE qui a abjuré (n°8)

15. et Marie MADALEN femme d’ Antoine DUMONT

16. Margueritte VALENCE

17. et Isabeau MARCEL fille de feu Antoine et de Judit BONNEFOY du lieu d’Eygalayes



Dernier frère de Nicolas BONNEFOY

Il ne reste plus à s’occuper que du dernier frère de Nicollas : Gaspard BONNEFOY (°~1647 ; + 08/05/1727 à Séderon). En épousant Clere DUMONT en 1676(17), il sera introduit dans une autre grande famille protestante de Séderon dont les ramifications sont nombreuses. Cela fera l’objet d’un prochain article. Contentons-nous de décliner l’état de cette cellule familiale en 1685.

Clere DUMONT (°~1661 ; + 11/07/1721 à Séderon) est fille de Louis et de d(emois)elle Isabeau ROURE (n°8 et 14) qui vient de Veynes (05)(18). Son père, Pierre, y est marchand certainement aidé de son épouse Dauphine LAGIER. Du dépouillement des registres paroissiaux de Séderon, j’avais déjà appris que l’oncle de Clere, Estienne DUMONT, avait abjuré, le 26/11/1669(19). Avait-il besoin de cet acte pour exercer ailleurs sa profession, pour se marier ? Le fait est qu’on ignore ce qu’il est devenu : il n’apparaît plus dans les registres par la suite. Les grands-parents de Clere ne sont autres que Clere ROUBAUD (n°2) et feu Gaspard DUMONT.

Entre 1676 et 1685, seules les naissances de 3 enfants de Louis et Clere ont dû être calculées, les enfants suivants étant dûment baptisés.

  • Charles s’unit, à Rémuzat le 05/11/1714, avec Marie AUTRAN. Sur son mortuaire (06/01/1770 à Séderon) les témoins attestent qu’il avait environ 95 ans (°~1675).
  • Françoise se marie le 09/07/1696 à Antoine AUTRAN de Rémuzat (qui n’est pas le frère de Marie, ci-dessus) où ils fonderont une famille. A son décès (04/04/1747) le curé de Rémuzat la dit âgée de 67 ans (°~1680).
  • Marguerite décède le 08/10/1686, âgée de 18 mois (°~04/1685).

Lors de l’abjuration, Marguerite aurait eu 6 mois, Françoise ~5 ans et Charles ~10 ans. Si ce dernier était en réalité plus jeune, cela expliquerait peut-être l’expression du curé Philippe ARNAUD : [ont abjuré] « Gaspard BONNEFOY et Clere DUMONT sa femme avec sa petite famille qui sont encor(e) dans l’état d'innoscence. » En plus de ces trois enfants, ce couple en aura 10 autres.

Parmi lesquels Isabeau (°27/03/1689) qui épouse, le 24/11/1711 à Séderon, Jacques PROVENSAL de la Motte-Chalencon.
De cette union est issu, à la 9ème génération, André BORNE, un des « descendants retrouvés ».
Ainsi que François (01/01/1701, Séderon ; + 15/11/1778, Dieulefit) qui épouse Suzanne TARDIEU le 31/01/1727 à Dieulefit, grand centre protestant. Ce mariage a été communiqué au forum par Jean-Gabriel BOURGEOIS, et a mis au jour une nombreuse descendance : 2 enfants et 39 arrière-arrière-petits-enfants ! Marseille, Apt, Montélimar, Vaison, Poët-Laval, avec quelques apports extérieurs de Strasbourg, St Etienne et Toul, et même Turin (Italie)…
Les noms de ces « descendants retrouvés » ne seront pas cités par respect pour l’anonymat qu’ils ont souhaité
conserver. Parmi eux, on croise notaires, avocats, officiers, banquiers, pasteurs…

Enfin Clere avait une sœur, Claudine DUMONT qui s’est mariée avec David BRACHET de Serres (05). Elle en aura 17 enfants à Séderon !

Nous y reviendrons pour évoquer les « descendants et collatéraux retrouvés » Gilles CHATELAIN  (vivant au Canada
depuis 1988) et Jean-Paul METAILLER.
Sans oublier Alexandre CORREARD qui fut un des rares rescapés du radeau de La Méduse ; il figure sur le célèbre
tableau de GERICAULT, au centre, le regard tourné vers le mât , montrant de son bras gauche le navire qui va sauver
les rescapés.

Louis BONNEFOY, oncle de Nicollas

Que dire de l’oncle de Nicollas : Louis BONNEFOY, frère d’Henric ? On trouve dans le « Trepoun (20) » un relevé des consuls de Séderon(21) qui mentionne, pour l’année 1613, un Jehan BONNEFOY, notaire. Serait-il le père de Louis et Henric ?

Au décès de Louis, le 23/11/1678, le curé le dit âgé de 65 ans (°~1613). Etant décédé depuis déjà 7 ans, il est normal de ne pas le trouver sur l’abjuration de 1685. De son union avec Margueritte RAPHEL sont nés 7 enfants, tous avant 1678/1679, a fortiori avant l’abjuration de 1685.

  1. Catherine meurt à Séderon à 80 ans le 18/10/1731 (°~1651) ;
  2. Jeanne (°~ 1654) célèbre son union à Séderon le 05/06/1672 avec Sauvaire MORIN de Volonne (04) où elle finira sa vie ;
  3. Dianne (°~1656) épouse, le 12/11/1674 à Séderon, Sr Jacques GIRAUD, notaire royal de St Giniez (04) où ils auront 11 enfants dont 4 meurent dans leur première année ;
  4. Richarde (°~1660 + 06/10/1702), pas d’union connue ;
  5. Anne (°05/1667 + 30/10/1669) ;
  6. Anne (°29/07/1671 + 30/09/1673) ;
  7. Dominique (°~1667 + 14/06/1722), en tant que juge de Séderon il sera nommé « Sr Dominique » dès son union, le 05/06/1703 à Serres (05), avec d(emois)elle Clere JOUVE (°~1684 + 24/02/1729), d’une famille protestante. Ils auront 10 enfants dont le 7ème, Sr Jean Louis, « lieutenant de juge de ce lieu » se fera appeler BONNEFOY de BAÏS, du nom du quartier de Séderon où il demeure.
* Parmi ses descendants on trouve, 5 générations après, son arrière-arrière-arrière-petit-fils :
Alfred BONNEFOY de BAÏS(22) , félibre ami de Frédéric MISTRAL.
(voir son tableau d’ascendance page suivante)
  • On remarquera aussi l’union catholique d’un autre enfant de Sr Dominique, Hiacinthe (°~1716 + 05/10/1787 à Montbrun) veuf de Magdeleine VALLANCE (Montbrun) le 10/02/1752 avec Jeanne GUIGOU, de Villars en Luberon. (Voir plus loin les liens entre protestants et Luberon.)
  • Sr Jean Louis aura de Catherine BERNARD un fils, Sr Jean Louis Augustin qui sera chirurgien à la Réunion où il mourra le 05/08/1830. S’était-il embarqué, comme beaucoup d’autres protestants, pour pratiquer plus librement sa foi loin de la métropole ?

Malgré l’union de son fils Sr Dominique avec Claire JOUVE, j’ai quelques hésitations sur la religion de Louis BONNEFOY et Margueritte RAPHEL. Depuis la date de début des registres paroissiaux à Séderon (1669), tous les actes les concernant sont dûment enregistrés et aucun d’eux n’apparaît dans l’abjuration de 1685. Se pourrait-il que Louis ait abjuré bien longtemps avant 1669 ou qu’il n’ait tout simplement pas embrassé la religion réformée ? On aurait alors une famille divisée, l’un des deux frères (Henric) professant le protestantisme tandis que l’autre (Louis) se maintient dans la foi catholique. Parmi les autres restrictions imposées par la Révocation, il y avait celle qui obligeait toutes les personnes ayant une « charge » à être catholiques. Etait-ce délibéré de la part des deux frères pour conserver la possibilité de garder la charge notariale dans la famille quoi qu’il advienne ou le signe de tempéraments très opposés ? Toujours est-il qu’à cette époque où la question religieuse partageait la société en deux clans bien distincts, les relations intrafamiliales ne devaient pas être des plus simples.

Une ouverture vers le Lubéron Vaudois

Depuis la parution du premier article sur les protestants de Séderon, d’autres « descendants » se sont manifestés. Et justement dans la branche de Judith BONNEFOY, épouse d’Antoine MARCEL qui restait sans descendance ! Marguerite MARCEL, l’un des 5 enfants du couple ci-dessus, épouse vers 1700 Jacques ROUMANE, de Mérindol (84). Leurs descendants s’uniront dans les grandes familles vaudoises du Luberon. Rien d’étonnant à cela. Bien que plus d’un siècle sépare le « massacre des Vaudois » (avril 1545) de la Révocation de l’Edit de Nantes (octobre 1685), les descendants Vaudois ont accueilli les protestants « réfractaires » par solidarité entre persécutés après avoir eux-mêmes rejoint la foi réformée. Je ne m’étendrai pas ici sur les différences fondamentales qui distinguent Vaudois et Protestants. Pour de plus amples informations sur ce débat théologique, je préfère vous renvoyer à deux auteurs qui fait référence sur ce sujet, à savoir Gabriel AUDISIO(23) et Giorgio TOURN(24).

Pour en revenir à la sœur de notre Nicolas BONNEFOY, c’est un de ses arrière-arrière(…)-petits enfants, Bruno CALDIER, qui m’a envoyé sa généalogie ascendante jusqu’à Judith BONNEFOY-MARCEL, après un échange de messages sur un forum des protestants du Vivarais-Velay.

Dans un prochain article j’aborderai la famille DUMONT qui nous fera voyager aussi bien dans l’espace que dans le temps.

Dans la première partie j’ai inséré l’arbre généalogique de Nicollas BONNEFOY, fils d’Henric. On trouvera page suivante celui de Louis, frère de ce dernier. Plus loin, l’ascendance de Louis Alfred BONNEFOY de BAÏS, félibre.

Notes

1. Lou Trepoun n°41 ; Lettre du CGDP n°46

2. « Histoire des Protestants du Dauphiné aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles » par Emile ARNAUD. (Thierry DAVIN, Libraire-Editeur, Coll. Les Grands Classiques de l’Histoire du Dauphiné)

3. Cette église se rattachait au synode du Dauphiné. Pour les Réformés, le terme « église » a le même sens que « temple ».

4. Op. cit., t. 1, pp. 80-81

5. Op. cit., t. 2, p. 98

6. Op. cit., t. 2, p. 313

7. Op. cit., t. 3, p. 440

8. Jean-Pierre LOGEAIS

9. « Histoire des protestants de Provence, du Comtat Venaissin et de la principauté d’Orange », E. ARNAUD.- Paris, Grossard, 1884, t.1, p 452.

10. Lou Trepoun n°7 de 1988

11. Voir son tableau d’ascendance en annexe.

12. Nicollas : ainsi qu’il est mentionné dans son CM (cf. 1er article sur les Protestants de Séderon) tandis que le curé de Séderon écrit Nicholas.

13. Voir d’autres compléments en fin d’article.

14. Voir l’article précédent

15. Voir le cm du 04/09/1664 à Orpierre, dans la 1ère partie

16. On disait aussi « réligionnaire »

17. cm 2E 00948.122, Me BONNEFOY Nicolas (AD 26)

18. cm 1E 1183.70 du 31/07/1657 ; Me CHITRON Daniel : relevé de Jean-Paul METAILLER et Marie-Françoise ALLOUIS. (AD 05)

19. Relire les détails dans l’article de Georges POGGIO, Lou Trepoun n° 38, juin 2005.

20. Lou Trepoun n° 25, p. 16

21. Les Consuls du Conseil Général de la Communauté étaient élus le lendemain de Noël, à raison de 2 : l’Ancien Consul (consul vieux) était maintenu pour assurer la passation des pouvoirs au Nouveau (consul moderne).

22. Lou Trepoun n°7

23. 2 ouvrages de Gabriel AUDISIO :
• Guide historique du Luberon vaudois.- Alpes de Lumière n° 139, mars 2002. (115 pages).
• Les Vaudois du Luberon, une minorité en Provence (1460-1560). AEVHL : Association d’Etudes Vaudoises et Historiques du Luberon, 1984. (592 pages).

24. 1 ouvrage de Giorgio TOURN
• Les Vaudois, L’Etonnante aventure d’un peuple Eglise.- Editions Claidiana (Turin), 1999. (293 pages)