17218 - Le couvent des Capucins de marans

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Texte tiré de :
Recueil des actes de la Commission des arts et monuments de la Charente-Inférieure
Ed. Hus Saintes - 1860-1941
1902-1904 , 1905-1907.


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LE COUVENT DES CAPUCINS DE MARANS

Par M. Paul FLEURY.




Le couvent des capucins de Marans, qui a fait l'objet de notre étude, semble n'avoir jamais eu une très grande importance, car l'intendant Begon, qui administra la Généralité de La Rochelle de 1694 à 1710, n'en fait pas mention dans son mémoire. Il ne consacre que quelques lignes à Marans, qu'il appelle « le plus gros et le plus riche bourg de l'Aunis », et, parlant des communautés, il ajoute : « Il y a plusieurs petits monastères qui ne sont bons qu'à entretenir. le désordre et le dérèglement des moines, dont les revenus seraient plus utilement employés à nourrir les pauvres dans les hôpitaux qui n'ont, pour la plupart, qu'un revenu très médiocre, n'y ayant point de province dans la chrétienté où il y ait si peu de gens charitables que dans celle-ci» 1

Cette omission parait d'autant plus extraordinaire que, dans une copie faite par M. Cappon du mémoire en forme de déclaration des principaux droits dépendant de la Terre de Marans, à propos de la vente de cette Terre en 1720, on lit : « Il y avait avant la prise de La Rochelle un château très fort, mais le roy l'a fait raser en 1638, de manière qu'il ne reste au seigneur qu'une partie de l'emplacement, l'autre partie et les matériaux ayant été donnés aux capucins qui y ont basti un auspice des plus beaux qu'ils aient en province.» 1

Les renseignements fournis en 1723 à l'intendant Amelot de Chaillou n'en parlent pas non plus. On n'y voit cités que les capucins de La Rochelle, établis dans cette ville depuis le 27 juillet 1628, ceux de Saint-Martin de Ré (1625), de Rochefort (1673), de Saint-Jean d'Angély (1576-1633) et de Tonnay-Charente (1653). On voit cependant figurer, dans la liste, la communauté des Filles de la Charité, fixée à Marans depuis l'année 1684.

D'une manière générale, on peut dire que ces couvents n'étaient pas riches et, répondant à une enquête que faisait à leur sujet l'intendant Amelot, en 1743, les capucins se plaignaient de la difficulté qu'ils éprouvaient pour vivre, ne possédant rien par eux-mêmes, puisqu'ils avaient, fait vœu de pauvreté, et ne trouvant dans l'aumône que le strict nécessaire à leur existence.

Ainsi, à Saint-Martin de Ré, le nombre des religieux, qui était primitivement de 18, se trouvait, à cette époque, réduit à 12, et le F. Séraphin, gardien du couvent, en répondant aux différentes questions posées par l'intendant, laissait entendre que ce nombre allait être encore diminué par suite de la misère extrême du temps, « parce qu'il n'avait pas les ressources pour vivre comme ceux de la grande terre, où l'on peut s'étendre davantage pour recueillir les aumosnes des fidèles. Notre revenu, ajoute-t-il, est nul, et, notre subsistance nous l'allons chercher tous les jours de porte en porte. Elle n'est établie que sur la charité des fidèles chrétiens, qui est très refroidie et des plus modiques, et c'est un miracle continuel de ce que nous puissions échapper notre vie dans un temps si misérable et si malheureux. Ce n'est pas, je vous assure, sans en souffrir beaucoup, mais on n'est pas religieux pour rien ..... »

Plus loin, demandant que la Cour veuille bien leur enlever la charge de mendier leur pain en procurant aux religieux du couvent un petit revenu, il exprime la crainte que la Cour ne soit pas en état de leur faire ce plaisir, « ce qui empêcherait beaucoup de dissipation inséparable des religieux mendiants qui est causée par leur grande pauvreté, qui n'est plus à la mode et encore moins de saison. »

Le F. Jean-Chrisostôme de Saumur, capucin gardien du couvent de Charente, et le F. Joseph, gardien des capucins de La Rochelle, expriment les mêmes plaintes, exposant, en termes presque identiques la dureté du temps et le manque de ressources. Ce dernier dépeint l'état lamentable du couvent, dont les murs, menaçant ruine, sont tombés en plusieurs endroits, et demande quelques secours d'argent.

Le F. Louis-François de Soissons, capucin gardien à Saint-Jean d'Angèly, écrivant, le 23 décembre 1723 à l'intendant, termine sa lettre en disant: « Vous voudrez bien me permettre de vous souhaiter les bonnes fêtes et par avance une bonne année. Si vous vouliez nous envoyer quelque chose pour étrennes, nous en avons besoin, et nous serions obligés de redoubler nos vœux pour la continuation de votre parfaite santé»1.

Comment se fait-il que les capucins de Marans n'aient pas été consultés? Nous n'en voyons pas la raison, et nous avons dû rechercher les éléments de notre étude dans les archives municipales, mais bien des lacunes existent qu'il nous a été impossible de remplir.

Originaires de l'Italie, où ils avaient fait leur première fondation, les frères mineurs, appelés capucins de la règle de Saint-François, entrèrent en France sous le règne de Charles IX, à la prière de la reine-mère, et ils établirent quelques monastères à Paris, dans le faubourg Saint-Honoré, près des Tuileries, à Meudon, à Lyon et à Avignon.

Par lettres patentes du 6 juillet 1576, Henri III, roi de France et de Pologne, désireux de continuer l’œuvre de son prédécesseur et animé d'un grand zèle pour la religion, « à laquelle de mauvaises disputes et la malice des hommes apportaient quelque diminution », voulut faciliter d'une manière puissante la tâche entreprise par les capucins.

Il était plein d'admiration pour ces religieux, « lesquels, faisant profession exacte de l'institution première de leur règle par la grâce de Dieu, sont exemplaires à beaucoup de bien faire, employant toutes leurs actions à psalmodier, vacquer à des prières et oraisons et annoncer la parole de Dieu au peuple, et, si donnant un merveilleux avancement à sa gloire, ce qui se voit par l'augmentation du nombre de leurs monastères... »
Reconnaissant que les premiers établissements créés par eux l'avaient été « au grand contentement d'un chacun et grande édification des bons vrais catholiques chrétiens qui sont, grandement consollés de leur bonne vie, au moyen de quoy, à l'imitation de nos prédécesseurs roys, lesquels, pour avoir eu un trés grand soin, non seulement de la continuation, mais augmentation de la religion chrétienne et service divin, n'y ayant espargné leur bien et vie, se sont acquis ce beau titre sur tous les princes de très chrétiens et premiers fils de l'Eglise catholique, nous avons décidé prendre iceux frères mineurs en notre spéciale protection et sauvegarde, et sur ce leur octroyer et départir nos lettres... »

C'est en ces termes qu'Henri III préludait à l'énumération des avantages qu'il accordait à ses protégés. « Désireux de profiter et de faire profiter ses Sujets des prières et oraisons des frères capucins », il prenait ces derniers sous sa protection spéciale, voulant qu'ils jouissent de tous les privilèges, franchises et immunités qu'ils tenaient déjà de son prédécesseur, et, mandait à ses amis et féaux, aux gens tenant les cours de parlement, aux comtes, baillis et sénéchaux, aux prévots et et leurs lieutenants, aux officiers, justiciers, et d'une manière générale, à tous ceux auxquels il appartenait, de laisser les religieux jouir pleinement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empèchements, contraignant, au contraire, à souffrir et obéir à tous ceux qu'il appartiendrait, et qui, pour cela, devaient être contraints par toutes manières dues et raisonnables.

Henri IV, roi de France et de Navarre, ne fut pas moins généreux que ceux qui l'avaient précédé sur le trône. Il prit également les capucins sous sa protection, sollicité par eux de leur confirmer et octroyer les lettres nécessaires pour s'établir dans les monastères qui se créaient, toujours plus nombreux, dans la p1upart des provinces du royaume, il signait, le 1er mai 1601, au Parlement de Paris, des lettres patentes dans lesquelles il disait, :

« Poussé du même zèle que feu notre seigneur et frère et autres nos prédécesseurs...., prenons et mettons les dits frêres religieux, capucins, ensemble leurs monastères, congrégations, famille et tout ce qui leur appartient, en notre protection spéciale et sauvegarde, voulons et nous plaict que tous et chacun des biens qui leur ont esté, et qui pourront encore cy après leur estre donnés et ausmosnés par quelques personne que ce soit pour construire églises, monastères, habitations et proclôtures, ils puissent accepter, et en iceux demeurer, et librement faire edifier monastères et couvents, y célébrer le service divin, prescher dans les églises, administrer les sacremens, exercer tout autre chose semblable en notre royaume, païs et seigneuries de notre obéissance selon la règle de Saint-François, les louables coutumes de leur assemblée et constitution, qu'ils jouissent aussi de tous les privilèges, franchises, libertés, exception que ceux qui ont été cy-devant baillés aux autres religieux dudit ordre de Saint-François, selon qu'il est plus amplerment contenu par lesdites lettres de notre feu seigneur et frère et qu'ils en ont depuis jouy et jouissent encore des présentes... »

Vingt ans après, le nombre des couvents et monastères s'est encore accru, et les capucins s'adressent à Louis XIII, qui, émerveillé de la sainteté de leur vie et de leur doctrine », approuve et confirme dans les mêmes conditions toutes les franchises, exceptions, immunités, libertés et, privilèges qui leur ont été déjà accordés par ses prédécesseurs, ainsi que toutes les donations de biens et héritages qui leur ont été et leur seront faites plus tard par quelque personne que ce soit, leur promettant la même protection. La lettre patente est datée du 5 juin 1620.



1. Renseignements fournis par M. Meschinet de Richemond, archiviste départemental.


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