MOULS Jean-François Xavier

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En 1822, Jean-François Xavier MOULS naît à Belmont sur Rance.

Son père Jean-Pierre est installé comme marchand dans cette ville et sa mère se nomme Marie-Anne ROUQUETTE.

Il semble que dans sa jeunesse, il tombe très gravement malade et sa famille affligée prépare ses funérailles. Tout le village est en émoi. Deux personnes pieuses prient ardemment pour sa guérison dans la chapelle du Sériguet. Est-ce le pouvoir de la prière qui est le secret, toujours est-il que, J. François Xavier est vivant, et je dirais même, bien vivant !

Il poursuit ses études au Petit Séminaire de BELMONT sur Rance et devient prêtre à 24 ans. On le présente comme un historien.

Nous profitons de l'occasion de notre rencontre pour inciter les personnes ayant des informations sur son passge à Belmont, à ne pas hésiter à prendre contact.

Deux ans et demi plus tard, il est envoyé en Aquitaine dans un petit village sur le bord du Bassin d'Arcachon, "La TESTE".

Notre tout jeune curé arrive dans un univers tout à fait différent de son Aveyron natal ;

Un pays plat où le sable envahit tout, bordé de marécages et de la mer. Il doit s'accoutumer à la mentalité des habitants, ayant une méfiance instinctive envers les étrangers et peur des nouveautés. Il ne reste qu'une année dans cette paroisse, où il dessert aussi régulièrement, un petit village de pêcheurs non loin de là, s'y rendant à dos d'une jument landaise avec son vicaire en croupe, ce petit village s'appelle Arcachon.

Sa présence est plus utile à quelques kilomètres, dans un village de pêcheurs sur un lac. Il y trouve beaucoup de désolation, l'église est en ruine, ravagée par les inondations courantes à l'époque.

Il décide, avec le villageois de démonter pierre par pierre cet édifice et d'en reconstruire un, plus au centre du village, et dans un endroit plus sec. Cinq mois plus tard, la nouvelle église est bénie et le presbytère est digne de le recevoir.

Pendant 3 ans, de 1849 à 1854, il partage le quotidien de ses paroissiens et se lie aussi avec des personnes plus marquantes des communes voisines, ébauchant avec eux des idées d'une future station balnéaire sur les bords du rivage sauvage d'Arcachon.

C'est près de Coutras, à MONTIGAUD exactement, qu'il est affecté pendant 2 ans, construisant un magnifique clocher et remettant sur pied le pèlerinage tombé en désuétude.

Pendant ce temps, il ne quitte pas de vue son projet de station balnéaire, car un de ses amis, LAMARQUE de Plaisance, devient Maire de La Teste et tout va devenir plus facile.

Il veut créer une commune autonome à ARCACHON, mais il faut des appuis politiques, des idées bien construites, Xavier MOULS va s'employer à les exposer en hauts lieux.

Il fait la connaissance des Directeurs de la Compagnie de Chemin de Fer, deux frères, les PEREIRE Il leur vante la région et les appâte en leur montrant la fortune qu'ils pourraient acquérir en état les premiers à investir dans une ville nouvelle telle que Xavier Mouls la désire.

Ses deux investisseurs ambitieux sont aussi trés proches de NAPOLEON III, qui fait beaucoup pour l'aménagement des Landes et du Sud-Ouest en général, Xavier MOULS, a bien choisi ses assises.

Il est reçu souvent chez les PEREIRE, dans leur demeure à Paris, Faubourg St Honoré, bientôt, les bons mots de notre curé de campagne font le tour du Paris mondain. On donne des dîners en son honneur et il décrit avec passion la région Aquitaine.

Un jour, un de ses bons mots est noté et nous montre bien le sens de sa démarche ; "Je suis confus, moi, pauvre curé de campagne de me trouver au milieu d'une si haute société. Vous avez la distinction, je ne l'ai pas. Mais enfin, si vous me trouvez un peu commun, j'ai une excuse ; je viens chercher ici, le féminin de ce que je suis. Je veux une commune."

Il établit son projet et l'expose à ses amis ;

Il veut pour cette ville :

- Une gestion autonome, donc la création d'une commune. - Une ligne de chemin de fer desservant la ville. - Une gare, un buffet, des constructions neuves groupées pour recevoir des familles et leurs domestiques, des animations variées, des traditions annuelles, un développement économique, des œuvres de charité et un grand soutien spirituel pour tous.

En 1854, le titre paroissial est donné à la chapelle d'ARCACHON et Xavier est nommé premier curé, il a 32 ans.

Dès son installation, Xavier crée une procession nautique avec tout le faste et le solennel que l'époque appréciait.

La vierge est embarquée sur un bateau entourée d'enfants, ainsi que les évêques, qui bénissent la foule et les bateaux.

Un des quartiers loin de Notre-Dame, est habité plus particulièrement par les marins et leurs familles et Xavier leur fait édifier une chapelle pour leur permettre d'assister aux offices plus commodément. Lorsque le Cardinal DONNET vient bénir la cloche, on peut lire l'inscription gravée concernant Arcachon, et qui ne laisse que peu de doute sur son inventeur ;

"Hier la nuit, aujourd'hui l'aurore, demain la lumière."

Nous verrons plus tard que cette belle phrase fera son chemin.

Le curé d'ARCACHON trouve que son église est trop petite, il est vrai qu'elle est de dimension modeste, conçue pour une maigre population. Il projette de l'agrandir et commence par construire un presbytère digne de ce nom. Une gravure de l'époque nous le montre en bas à droite. Le voici aujourd'hui. Une inscription gravée au dessus de la porte indiquait que la maison était protégée par Marie.

En face de la chapelle, une jetée permet aux embarcations d'accoster, Xavier MOULS place une immense croix, permettant aux marins qui s'apprêtent à prendre la mer de faire leur prière devant ce symbole.

Les frères PEREIRE ont décidé de suivre les idées folles de ce curé hors du commun. Ils vont acheter des centaines d'hectares de sable !

Evidemment, ces terrains ne valent presque rien et comme les investisseurs ne sont pas toujours sur place, c'est Xavier MOULS qui mène les négociations, qui se présente aux ventes, bref, un véritable courtier en soutane.

Trois ans après son installation, en 1857, plusieurs étapes de son projet sont franchies, la gare est inaugurée et Arcachon est irrémédiablement une commune distincte, avec l'ami de Xavier, Mr LAMARQUE de Plaisance pour Maire.

En 1858, les travaux pour une nouvelle église sont commencés. On peut remarquer en haut à gauche que l'ancienne chapelle est conservée.

Xavier MOULS organise une société de secours mutuel permettant aux marins de subsister en cas de maladie. Il s'intéresse, comme le gouvernement d'ailleurs, à une nouveauté, la culture des huîtres. C'est peut-être pour cela que le 28ème Congrès Scientifique de France choisit Arcachon pour se réunir. Xavier MOULS a préparé un exposé sur ce sujet et est écouté avec le plus grand intérêt par ces messieurs les scientifiques.

Quelques mois plus tard, la culture des huîtres est officiellement reconnue et va se développer particulièrement sur le bassin.

L'année 1859, est spécialement importante pour la ville et surtout pour Xavier, car Napoléon III vient avec sa famille honorer de sa présence la cité nouvelle. La famille royale vient par le train, est accueillie à l'église par notre curé qui fait une allocution avant de recevoir la récompense suprême, qu'il est le seul à recevoir ;

La Légion d'Honneur !

C'est une période féconde et heureuse, Xavier crée un orphéon pour distraire, mais aussi pour jouer lors des grandes occasions dans son église. Pour la fête de l'Empereur, "SA" musique joue et l'harmonium est tenu par le célèbre maître de chapelle de l'empereur de Russie : RUBINI.

Une des filles des frères PEREIRE, juive, mais tellement impressionnée par la bonté et la personnalité de "SON" curé comme elle l'appelle, offre un tableau d'une grande valeur à Notre-Dame "Les filles du Potier" par MURILLO. Un orphelinat manquait dans la région et c'est encore Xavier qui trouve une demeure capable d'accueillir 300 enfants déshérités par la nature.

Le maire, s'inspirant de la cloche de St Ferdinand, crée la devise de la ville ; "Hier solitude, aujourd'hui village, demain cité."

Peut à peu, la culture de l'huître devient l'industrie du pays, que leur curé se charge de faire goûter aux aristocrates de Paris. Cette même année, il écrit un ouvrage "Les Dunes ou Sylvia Maria".

La nouvelle église a bien avancé et il lui faut à présent un beau clocher, mais il faut trouver les fonds. Les visites et sollicitations diverses permettront sa construction. Les soirées de Xavier sont peut-être nostalgiques, car il édite un livre "Notice Historique de Belmont sur Rance".

1862 - 40 ans et toujours plein de projets !

Il fonde une Société de Sciences Naturelles et Archéologique. Le clocher est construit et béni, et il lui faut des cloches à présent, un carillon de 32 cloches est commandé, où sur la seconde, les noms du curé et des membres du conseil de Fabrique, qui l'aident à gérer la paroisse, sont inscrits.

Le pèlerinage d'Arcachon a toujours suscité un vif intérêt dans la région, la vierge trouvée au 16ème siècle par un moine de passage, est réputée pour être miraculeuse. A présent, c'est une foule innombrable qui vient offrir ses prières à la Madone. Xavier sort un ouvrage sur ce thème.

1863 - Xavier fonde la Société Scientifique avec un bâtiment pour la recevoir et un aquarium destiné à faire connaître les différentes sortes de poissons et un musée.

Les dunes de sable achetées par les frères PEREIRE sont méconnaissables, les 43 premières villas sont construites en un temps record. Elles sont destinées à la location et un casino de style mauresque est inauguré. Tout y est fait pour se distraire, salons de lecture, théâtre, soirées musicales, bals, etc.

Ce quartier est aujourd'hui classé, aussi étendu qu'un village, il est considéré à juste titre comme le joyau de la ville.

Pendant l'été, des orgues sont offertes à Notre-Dame et c'est le célèbre compositeur GOUNOD qui fait souvent résonner sa douce musique. En Octobre, NAPOLEON III vient faire une visite éclair, par le chemin de fer, accompagné d'Emile PEREIRE. Ils sont pris en photo ce jour là dans le pied à terre Arcachonnais de la famille PEREIRE, dont il ne subsiste que les écuries.

1864 - Arcachon voit la construction de Notre Dame des Passes, sur le conseil de Xavier MOULS et le Collège St Ferdinand, où il dispense des cours.

Les élections municipales prévues pour l'année suivante, enveniment l'ambiance, la population est partagée, comme toujours selon les candidats et il semble que Xavier MOULS ne soutienne plus son ami LAMARQUE de Plaisance, car la presse locale qu'il dirige, ne voit plus d'un bon œil le premier curé de la ville.

1865 - 1 mois avant l'élection du maire, un scandale sans précédent éclate. Le curé change au dernier moment le cérémonial de la fête d'Arcachon. Il la décale de 2 jours et en pleine chaire, prononce des paroles blessantes envers les marins et leur comité. Comme un seul homme, les 600 membres sortent, offusqués. Ils ne participeront plus aux fêtes et défilés nautiques tant que Xavier Mouls sera là. Juin 1865 - Un nouveau maire est élu; Hericard de Thury. Sur sa liste figure le gendre de Pereire, inutile de dire que cette indication est précieuse, car on comprend mieux pourquoi Mr l'Abbé l'a soutenu. La presse l'incendie et les autorités ecclésiastiques et de l'Etat se renseignent. Voici la réponse de Xavier à l'Archevêque :

Il se défend d'avoir porté ombrage au maire et se plaint de l'ambiance négative qui l'entoure.

"On a voulu se rendre maître même dans mon église. On a voulu me ravir le mérite de la construction de l'église et du clocher d'Arcachon et me déshonorer de cette œuvre capitale".

Les années qui vont suivre sont en apparences plus sereines, il se consacre à l'écriture ;

  • "Les Huîtres", où il expose la méthode d'élevage
  • "DESBIEY et BREMONTIER" les planteurs de la forêt landaise.
  • "Le port d'Arcachon" projet grandiose d'un port de guerre pouvant accueillir 7.500 navires, élaboré grâce à toutes les études des scientifiques de l'époque.

1869 - Toutes les autorités se penchent sur Arcachon. Cette ville à la mode, en pleine expansion, est dans une situation des plus critique. Les rivalités entre les hommes importants sont ingérables et en Avril le nouveau maire démissionne, épuisé par l'esprit d'opposition et de dénigrement qu'il rencontre.

Un mois plus tard, c'est Xavier MOULS qui est nommé à Bordeaux, comme chanoine.

Dans ces différents courriers, on note sa lassitude envers les calomnies publiées dans les journaux locaux, mais il ne veut pas quitter Arcachon. L'arrivée de ses remplaçants ne se déroule pas dans la bonne humeur. Il décide de s'installer dans une villa non loin de l'église, à l'emplacement de cette maison, où ses paroissiens entendent la messe et reçoivent l'hostie.

Les Oblats de Marie qui ont remplacé Xavier MOULS ne sont pas acceptés, des boules puantes sont lancées pendant les offices, des vitraux sont cassés. Afin de rétablir l'ordre, le Cardinal DONNET interdit de séjour le premier Curé.

Pour les Arcachonnais, le souvenir de Xavier MOULS, leur curé pendant 15 ans, s'estompe sans doute, jusqu'au 13 Mars 1872, deux ans après son départ.

La presse révèle que le domicile de Xavier MOULS, à Bordeaux, ainsi qu'un autre chanoine, JUNQUA, ont été perquisitionnés !

Mais de quel crime sont-ils accusés ?

D'écrits calomnieux envers le clergé.

Depuis plus de cent ans, notre trépidant curé suscite toujours de l'intérêt, des articles paraissent régulièrement, le présentant tantôt comme un démon, tantôt comme un saint homme. Que croire ?

Dans l'esprit des Arcachonnais, il s'agit d'un homme qui a fait beaucoup pour la ville, mais qui a mal tourné, qui s'est engagé par dépit dans une secte, pratiquant des messes noires pour se venger d'avoir été chassé d'Arcachon. Ils pensent qu'il est mort seul, comme un mendiant dans une ruelle sombre de Bruxelles. Une enquête appronfondie n'a jamais été réellement faite. En 1872, la liberté d'opinion n'était pas permise, elle le sera quelques années plus tard. Xavier MOULS, le prêtre JUNQUA et le Directeur du Journal qui a publié les articles ont été condamnés à deux ans de prison et à une amende. Xavier l'a été par défaut, car il était parti en Belgique.

Grâce aux recherches récentes éffectuées pour cet exposé, nous avons découvert de nouvelles informations, incomplètes, mais qui rétablissent la logique de son comportement.

En réalité, Xavier MOULS était véritablement irrité par l'attitude libertine des prélats de l'époque. Le Pape venait de déclarer son infaillibilité et c'est contre tout cela q'un courant d'idées s'est formé.

Xavier MOULS fut un de leurs leaders, rassemblant les sympathisants, il fit plusieurs conférences, en France, en Belgique. Le courant Gallican était fondé en 1870, un an après son départ d'Arcachon. Il installe des missions un peu partout dans le Sud-Ouest, en Belgique, il en existe aussi en Suisse.

Les publications dans la presse n'était qu'une manière d'officialiser le mouvement. En 1871, lorsque l' Assemblée Nationale se réunit à Bordeaux, on retrouve des traces de ses tentatives pour avertir le Ministre de l'Education et des Cultes, des agissements du haut clergé et du courant proche des libres penseurs qui était en marche. N'arrivant pas à être entendu, il a sans doute choisi d'utiliser la presse pour crier au monde la révolte qui grondait en lui.

Pour l'instant, nous n'avons pas assez d'éléments pour nous faire une opinion, mais, le mouvement Gallican existe toujours, très implanté dans le Sud -Ouest et dans différents pays.

Elle a pour racine la conduite des rois de France, qui voulaient la liberté et l'indépendance par rapport au Pape.

Cette église fondée donc en 1870, est trés actuelle dans ses principes, acceptation des divorcés, liberté dans la pratique, tout en ayant des marques de traditionalisme dans le respect du cérémonial.

Ce que nous savons sur la fin de la vie de Xavier, c'est qu'il est décédé le 6 juillet 1878 à 17 heures, chez un de ses amis, Ghislain CAMIER, tourneur en fer à Chapelle lez Herlaimont, dans la province de Hainaut.

Il avait 56 ans.

Il a été enseveli civilement, aucune marque distinctive n'a été apposée, ses restes bientôt furent mêlés à d'autres corps sans nom.

En 1978, cent ans après son décès, de fortes pressions se sont exercées pour que cet anniversaire soit fêté dignement. Il n'en fut rien. L'Eglise Gallicane, certains historiens, des sympathisants insistèrent. La mairie donna le nom de l'Abbé MOULS à une petite allée et une plaque fut posée à la Société Scientifique.


Christiane MOULS