Les dessous des registres paroissiaux

Les registres paroissiaux sont les documents de “base” du généalogiste pour les recherches sous l’Ancien Régime. Tenus par les curés et pasteurs les actes de baptêmes, mariages et sépultures permettent de reconstituer la vie de chaque ancêtre. Néanmoins à la première lecture ces documents sont assez froids et ne permettent pas de donner un peu de relief derrière nom & prénom. Pourtant, derrière chaque information, même anodine, peut se cacher un indice que nous allons tenter de déchiffrer …
Sommaire
La tenue des registres
En fonction de leur nature (baptême, mariage, sépulture), les actes sont consignés dans un registre spécifique par type d’acte et sont inscrits dans l’ordre chronologique (du plus ancien au plus récent). Toutefois dans les paroisses faiblement peuplées les trois types d‘actes sont souvent rassemblés dans un seul registre.
Selon la législation du pouvoir royal mais aussi bien évidemment du comportement du clergé, les actes sont plus ou moins complets et riches d’informations.
La tenue des registres en double exemplaire fait qu’il est préférable pour la période 1667-1736 de consulter les registres originaux, détenus par la mairie (mais qui sont parfois numérisés par les archives). En effet, la version du greffe pouvait-être recopiée en fin d’année avec les risques d’erreurs liés à la recopie.
Les erreurs et lacunes sont nombreuses, en voici les principales :
- certains actes sont déchirés, d’autres difficiles à lire en raison de la mauvaise qualité de l’encre employée
- les dates sont sources d’erreurs : le mois n’est pas indiqué, le curé oublie le changement de mois, l’ordre chronologique n’est pas toujours respecté
- l’orthographe du nom peut-être phonétique ou fantaisiste
- le curé oublie de transcrire certains actes, notamment le décès des jeunes enfants
- les ajouts d’informations dans la marge sont souvent la cause d’erreurs
- les actes sont souvent brefs ou lacunaires.
Au-delà des actes proprement dits, certains curés mentionnent des informations sur la vie quotidienne : baptême des cloches, vie quotidienne, épidémies, catastrophes … Vous pouvez retrouver celles-ci dans la rubrique “Actes hors du commun” de Geneawiki.
Les textes législatifs relatifs à l’état-civil
- L'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 signée par le roi François Ier ordonne la tenue des registres en français. Seuls quatre articles de cette ordonnance sont consacrés à la tenue de registres paroissiaux.
- L'édit de Pacification d'Amboise en 1563, permet aux huguenots de faire baptiser leurs enfants par les ministres de leur culte.
- Henri III, en mai 1579, confirme l'édit précédent et étend la tenue des registres aux mariages, mais aussi aux morts de personnes. Le mariage doit être précédé d'une annonce publique pendant 3 dimanches consécutifs et l'échange des consentements doit se faire en présence de 4 témoins. L'obligation de déposer les registres au greffe des juridictions est confirmée.
- L'ordonnance de Procédure Civile de Saint-Germain-en-Laye (Code Louis), en avril 1667, impose la tenue des registres en double (original et copie ou minutes et grosse). * L'un reste aux mains du curé, le second est transmis au greffe. Les particuliers peuvent obtenir des extraits moyennant finance.
- Révocation de l'Édit de Nantes en 1685 : l'exercice public du culte "Prétendu réformé" est interdit.
- Louis XIV, en octobre 1691, rend un édit qui instaure des greffiers-gardes et conservateurs des registres de baptême, mariages et sépultures. C'est seulement à partir de la déclaration du 9 avril 1736, que cet édit prit sa place. Cette déclaration prescrit notamment l'obligation pour le curé, les comparants et les témoins de signer, apposer une croix au bas de l'acte ou déclarer ne savoir signer ce qui devra être aussitôt retranscrit.
- Louis XVI par son édit de Tolérance, de 1787, rend aux réformés le libre exercice de leur culte. Leurs naissances, mariages et décès sont constatés par les officiers de la justice royale du lieu.
- Par décret du 20 septembre 1792, l'Assemblée législative décide que seuls les registres municipaux feront fois en Justice. La tenue de l'état civil est confiée aux municipalités. La loi exige que la déclaration des décès soit faite dans les 24 heures.
L’acte de baptême
Dans les registres de l’Ancien Régime, les curés ne consignaient pas les naissances mais les baptêmes. En effet, ce premier sacrement était primordial car il lavait l’enfant du péché originel, le faisant chrétien.
L’acte de baptême est celui dont la formulation est la plus stable. Ainsi, il donne toujours les informations suivantes : date de baptême, sexe (indiqué en toutes lettres ou via la mention “fils/fille de”) , nom & prénoms de l’enfant, noms et prénoms des parents ainsi que ceux du parrain et de la marraine et enfin, le nom de l’officiant.
Parfois, le curé indique la date de naissance de l’enfant (en règle générale la veille ou le jour même du baptême), la profession du père ou le lien de parenté des témoins. Par contre la mention du hameau reste exceptionnelle.
La diversité des actes
Au-delà de l’acte de baptêmes “habituel”, on rencontre au fil des registres quelques actes particuliers, tels que :
- Les grossesses illégitimes : l’édit de mars 1556, oblige les femmes non mariées et veuves à déclarer leur grossesse. Cet édit restera valable jusqu’à la Révolution. Toute fille, ou femme non mariée, qui se soustrairait à cette obligation, serait punie de bannissement voire même de mort et marquée du Lys royal au fer rouge.
- Les abandons d’enfants : on trouve très régulièrement des actes d’abandons d’enfants dans les registres paroissiaux, surtout à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle. En principe, dans les campagnes, ils sont pris en charge par la communauté d’habitants et le seigneur haut-justicier. En ville, ils sont laissés aux tourniquets des hospices (des archives spécifiques existent).
- Des baptêmes d’enfants “naturels” ou illégitimes : le nombre d’enfants “naturels” reste très faible (1% dans les campagnes, mais jusqu'à 10% en ville dans la seconde moitié du XVIIIème siècle). Les mères d’enfants naturels sont en règle générale âgées de plus de vingt ans, domestiques ou journalières et accoucheront généralement dans une autre paroisse que leur paroisse de résidence (et souvent en ville).
- Les naissances à risques : les actes de baptêmes permettent de repérer les rôles des matrones ou chirurgiens lorsque la naissance est à risque pour la mère ou pour l’enfant : ce sont eux, le plus souvent, qui ondoient l’enfant “sous condition de vie”. Le souci d’ondoyer l’enfant très rapidement permettait ainsi à l’enfant mourant de lui ouvrir les portes du paradis. Les naissances multiples sont également des naissances à risque et sont souvent portées sur le même acte.
Le rythme des naissances
Dans le couple, la fécondité est conditionnée par l’âge de la femme à son mariage (vers 25 ans en moyenne), par l’âge de la ménopause (vers 40 ans) et enfin par la durée de l’union (20 ans en moyenne).
En général, la première naissance a lieu dans les 15 ou 20 mois qui suivent le mariage. Ensuite, les naissances se répètent tous les 24 à 30 mois en moyenne, notamment à cause de l’allaitement maternel qui rend les femmes momentanément stériles. Ainsi, les second et troisième enfants naissent en moyenne 24 mois après le premier puis les intervalles s’allongent entre 24 et 30 mois.
Néanmoins, il n’est pas rare de trouver deux naissances la même année, une en janvier ou février et l’autre en novembre ou décembre, surtout quand la femme n’allaite pas son enfant et qu’elle pratique une mise en nourrice (épouses de notables ou d’artisans, surtout en ville).
A noter que :
- si le premier enfant est une fille, la deuxième grossesse interviendra avec un intervalle plus court d’environ 2 à 3 mois.
- on assiste à deux pics des naissances : un a la fin de l’hiver en février, mars et l’autre en automne (août à octobre)
L’acte de mariage
L’acte de mariage est d’un intérêt capital dans le cadre d’une recherche généalogique, mais la richesse (ou la pauvreté) de ses informations varie beaucoup d’une période ou paroisse à l’autre.
Au XVIème siècle, les actes se réduisent à peu de chose. Le plus souvent le curé se contente de noter la date, les noms et prénoms des conjoints et leur paroisse d’origine. Au début du XVIIème siècle, on trouvera souvent les noms & prénoms des parents des époux.
Après 1674, les actes de mariages contiennent généralement la mention des témoins. Enfin, après 1737, les curés respectent les nouvelles “consignes” et les actes mentionnent donc outre les noms, prénoms, filiations des époux, leur profession, lieu d’origine et âge ainsi que la mention des témoins.
À partir du 20 septembre 1792, l’état civil laïc remplace les registres paroissiaux. Les actes sont rédigés par un officier d’état-civil qui respecte plus ou moins fidèlement les modèles imprimés. La tenue des registres laisse souvent à désirer sur cette période.
À quel âge se mariaient nos ancêtres ?
Age moyen au premier mariage
Début du XVIème | XVIIème siècle | XVIIIème siècle | |
---|---|---|---|
Garçons | 22 ans | 24 ans | 27 ans |
Filles | 20 ans | 22 ans | 25 ans |
Les mariages précoces de jeunes filles (moins de 16 ans) apparaissent généralement comme des exceptions et ne sont généralement pas suivis d’une naissance avant plusieurs années. Ils concernent la plupart du temps des orphelines ou des filles de bonnes familles.
L'âge tardif au premier mariage s’explique par des impératifs économiques : pour se marier, il faut attendre d’avoir fini son apprentissage puis il faut être capable de s’installer et subvenir aux besoins d’un ménage (en épargnant une certaine somme pour s’installer ou en constituant une dot suffisante). C’est bien souvent la mort d’un parent qui pousse au mariage ou qui permet, en débloquant un héritage, à l’enfant de se marier.
À noter que l’âge au premier mariage varie aussi selon la condition sociale : ainsi les fils de notables ont les ressources pour se permettre d’attendre un bon parti, alors que les fils des milieux modestes, eux, n’ont pas les ressources pour s'offrir un mariage.
La législation, elle, impose un âge minimum pour se marier :
- Avant 1792 : 12 ans pour les filles et 14 ans pour les garçons.
- De 1792 à l'an XII : 14 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons.
- De l'an XII (21 mars 1804) à 2005 : 15 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons.
- Depuis 2005 : 18 ans pour les filles et 18 ans pour les garçons.
L'église jusqu'en 1792 et depuis l'État ont toujours accordé suivant nécessité des dispenses.
Les saisons et jours de mariage
Les mois de l’année :
Exception des mariages dans l’urgence d’une grossesse, chaque couple semble choisir librement la date de ses noces, mais selon un calendrier qui dépend en partie des contraintes religieuses.
Ainsi, l’église interdit les mariages pendant : l’Avent : entre le dimanche le plus proche de la Saint-André (30 novembre) et l’Épiphanie (6 janvier) ; le carême : du mercredi des cendres au dimanche de Quasimodo, soit 46 jours avant Pâques.
Aux interdits religieux, s’ajoutent les impératifs de la vie économique : ainsi les mariages en hiver sont plus nombreux dans les semaines précédant des “périodes prohibées”, de sorte que de nombreux mariages ont lieu en novembre, janvier et surtout février.
On se marie peu pendant la période des travaux agricoles, en été surtout de la mi-juillet à la mi-août et en septembre-octobre.
À cette tendance générale, il convient de noter quelques particularités régionales ou professionnelles.
Ainsi, dans les régions côtières les mariages à l’inverse ont souvent lieu en été car les pêcheurs connaissent une période plus calme. De même, les domestiques eux se marient en sortant de service, en juillet-août.
Les jours de la semaine :
L’église interdit le mariage les jours d’abstinence, soit les vendredis (jour maigre), les samedis, les jours qui précèdent une fête religieuse, les jours de fêtes ainsi que les dimanches (sauf chez les protestants). De plus, les mercredis et jeudis sont souvent écartés. Ainsi, il ne reste donc que les lundis, mardis de disponibles, sauf si il s’agit de jour de marché.
À garder en tête, lors de vos recherches
- la mention “majeur” ou “mineur” sera souvent utilisée pour désigner l'âge approximatif des époux. Même si cela ne permet pas de fixer un âge précis, la mention permet parfois de distinguer 2 homonymes.
- le jour de baptême et l'âge des époux est fréquemment indiqué lorsque le conjoint est originaire d’une autre paroisse. En effet, pour se marier les époux doivent présenter une copie de leur acte de baptême et au besoin l’acte de sépulture de leur parents.
- si l’acte de mariage est parfois très pauvre en information, le contrat de mariage sera lui beaucoup plus riche en information. Reste néanmoins à mettre la main dessus …
L’acte de sépulture
Les actes de sépultures sont souvent les plus sommaires et les moins bien enregistrés, les curés ne prenaient pas forcément la peine de noter tous les décès, en particulier ceux des enfants les plus jeunes. Mais s’ils sont rédigés avec moins de précisions que les autres c’est peut-être parce que les intéressés n’en auront plus besoin.
Tout au long de l’Ancien Régime, les actes de sépultures demeurent incomplets, outre le nom de l’officiant, ils indiquent : la date de décès et de la cérémonie, les noms et prénoms du défunt, l'âge, souvent très approximatif, les situations matrimoniales des femmes (“femme de”, “veuve de”) et le nom de leur mari, si il s’agit d’un enfant les noms et prénoms des parents, et plus rarement la profession, lieu de résidence et témoins.
La mortalité infantile
Près de la moitié des enfants meurent avant l’âge adulte :
- 25% n’atteignent pas l'âge d’un an
- 25% n’atteignent pas celui de 20 ans
Ainsi, l’espérance de vie au XVIIème siècle était à peine de 20 ans, 24 ans entre 1740-1749 et 28 ans en 1789. Mais ces chiffres n’ont guère de signification en raison de la mortalité infantile.
La mortalité infantile a des origines diverses :
- l’âge de la mère : plus une femme accouche jeune, plus le risque de perdre son enfant est élevé,
- les tares héréditaires ou les malformations congénitales,
- les accouchements prématurés,
- les accidents liés à l'accouchement,
- les maladies contractées après la naissance (rougeole, varicelle, coqueluche, oreillons, rubéole, diarrhée...)
- les accidents survenus dans l’enfance (noyade, accidents domestiques, accidents survenus lors des travaux dans les champs...)
- la mise en nourrice (conditions de transports, hygiène et nourriture déplorables chez certaines nourrices cherchant à recevoir davantage d’enfants qu’elles ne peuvent en nourrir).
La mort d’un adulte
Comme pour les enfants, il existe des mouvements saisonniers aux décès des adultes, bien sûr le nombre des décès évolue en fonction des événements climatiques ou des épidémies, mais quelques traits communs se dégagent :
- pointe de décès en hiver en raison des affections respiratoires,
- pointe de décès en été, surtout en ville, sans doute en raison des problèmes de conservation des aliments.
Les actes nous indiquent rarement l’origine du décès, sauf morts insolites, les causes sont les suivantes :
- les maladies qui nous rappellent que l’hygiène était sommaire et l’alimentation déséquilibrée,
- les accidents et la criminalité : morts en couche, noyades, blessures, incendie, accident du travail, de chasse, des transports, meurtres, duels, suicides…
- et la guerre bien sûr.
Veuvage et remariage
Ce qui interpelle souvent le généalogiste, c’est la relative fréquence des décès d’adultes ayant encore des enfants à charge. En effet, la moitié des ménages n’atteint pas 15 à 20 ans de vie commune. Ainsi, à 45 ans la moitié des hommes et femmes sont déjà veufs. Le décès de l’épouse est souvent dû à un accident de grossesse ou d'accouchement et chez les hommes à la suite d’une vie de labeur et à certains excès.
Quelles sont les conséquences d’un décès d’un des époux pour une famille ?
Si le défunt a entre 20 et 40 ans, le décès est presque toujours suivi d’un remariage rapide du conjoint survivant. Après 40 ans le remariage est plus rare et après 60 ans il est exceptionnel. La mort d’un parent déclenche souvent le mariage d’un ou plusieurs enfants, en moyenne dans les 18 mois qui suivent le décès. Dans les familles modestes, le mariage d’un ou plusieurs enfants intervient plus souvent dans les 3 mois qui suivent le décès, parfois, le décès de l’un des conjoints entraîne le décès de l’autre conjoint, soit parce qu’il ne supporte pas le choc de la disparition, soit parce qu’il n’a plus les moyens matériels de survivre seul. Le décès du père ou de la mère peut réduire l’espérance de vie des enfants en bas âge lorsqu’ils ne sont pas pris en charge correctement par les collatéraux ou la communauté villageoise. Le remariage pèse souvent sur l’avenir des enfants du couple. Seront-ils bien acceptés au sein de la famille recomposée ?
À garder en tête, lors de vos recherches
- les décès d’enfants morts-nés sont régulièrement oubliés ;
- la répétition d’un même prénom parmi les enfants d’un même couple laisse supposer à tort une forte mortalité juvénile : elle est généralement la conséquence de l'attribution aux enfants des prénoms des parrains ou marraines ;
- le terme “enfant” dans un acte ne permet pas de déterminer un âge, il était parfois employé pour des jeunes adultes célibataires ;
- l’apparition de patronymes inhabituels dans les registres des actes de sépulture trahit bien souvent la présence d’enfants en nourrice dans une famille locale ;
- avant le XVIIIème siècle, dans les registres, les décès des jeunes enfants étaient souvent l’objet d’une simple inscription “obiit” (est mort) suivie de la date, ajoutée en marge de l’acte de baptême.
Bibliographie
- “Les registres paroissiaux racontent la vie de nos ancêtres” - Thierry SABOT - Éditions Thisa
- État civil et registres paroissiaux - Marie-Odile Mergnac - Archives & Culture, 2013:
Voir aussi (sur Geneawiki)
- Registres paroissiaux
- Renseignements sur le Baptême
- Renseignements sur le mariage
- Renseignements sur la sépulture
Voir aussi
- Edit de 1556 contre l’infanticide http://www.geneacaux.net/spip/spip.php?article408
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