Le Siège de Paris (1870-1871) - La famine

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Assiégée par l’armée prussienne en 1870, la ville de Paris connait une terrible famine qui pousse ses habitants à consommer rats, pigeons, chevaux… et animaux exotiques du zoo du Jardin des Plantes.

Des anecdotes sur la famine du siège de Paris

Les réserves s'épuisent

Avant que les lignes d’approvisionnement ne soient coupées, le gouvernement tente tant bien que mal de rassembler autant de bétail et de combustible que possible, mais cela s’avère rapidement insuffisant.
L’intendance avait prévu des réserves de vivres très importantes : 25 000 œufs, 2 000 porcs…

  • Le stock en farine est d'environ 300,000 quintaux.
  • Il y a de plus 108,000 quintaux de blé, qui peuvent donner environ 91 millions de kilogrammes de farine.
  • Le riz est en très-grande quantité. Il y a au moins 40,000 quintaux de riz.
  • Les approvisionnements de Paris en bétail, à l'époque de l'investissement, comprenaient environ 30,000 bœufs et 180,000 moutons.
  • Le café est également en grande abondance. Les magasins de l'État seuls en possèdent plus de 300,000 kilog.
  • Paris n'a pas à craindre la disette de lait : 3,000 vaches laitières, enfermées dans ses murs, fourniront chaque jour, pendant toute la durée du siège, au moins 20,000 litres de lait pur et de bonne qualité. (Cette production, si considérable qu'elle soit, est cependant inférieure à la consommation habituelle et même aux besoins réels d'une population de 2,000,000 d'habitants.)

Les lignes d’approvisionnement sont coupées

Le commandement allemand s’est installé à Versailles d’où il dirige les opérations d’une guerre de mouvement et de position dont Paris est le pôle stratégique et symbolique. Les assiégeants ont installé leurs cantonnements tout autour de la capitale. Les troupes parisiennes tentent quelques sorties au Bourget, à Champigny et à Buzenval. Elles se soldent par des échecs et de lourdes pertes humaines qui affectent profondément l’opinion publique démoralisée par l’inaction.

Paris meurt de faim

Même si le rationnement commence dès octobre, les provisions constituées par les autorités viennent rapidement à manquer. Les prix des denrées alimentaires augmentent et sont inversement proportionnels à leur qualité. Les Parisiens, après avoir fait la queue pendant des heures devant les magasins, repartent souvent les mains vides. Au bout de quelques semaines à ce régime, toute protéine animale est bonne à prendre. C'en est fini des chiens et des chats, mais aussi des rats et des moineaux. Plus question de faire la fine-bouche, il s'agit de survivre et de ne pas capituler.

Les écuries de luxe sont vides

Les chevaux se font rares dans les rues.
Un jour, je vis à la porte d'un hôtel splendide un merveilleux attelage qui partait pour l'abattoir. Une jeune femme, debout sous la marquise de la porte principale, le regardait partir. Quand il eut tourné le coin de la rue, elle essuya ses yeux rougis avec son mouchoir de dentelle, et je l'entendis qui disait à de mi-voix, en remontant les marches de son perron : « Enfin., pourvu que l'on ne capitule pas. à présent !
Un autre jour, dans la cour de l'Hôtel des Postes, je vis un cocher qui pleurait. Auprès de lui, un grand cheval gris, maigre, efflanqué, mangeait tranquillement sa dernière botte de foin : « Mange, mon pauvre Vieux, disait l'homme, au moins tu ne t'en iras pas le ventre creux. »

L'Ane du Saltimbanque

Hier, nous avons assisté à une scène analogue. Un pauvre saltimbanque, qui n'a pu quitter Paris, s'est vu privé par la réquisition de son âne. Il l'a conduit lui-même. au martyre, et en revenant il pleurait à chaudes larmes.
— Bah! ce n'est qu'une bête, après tout, lui disait quelqu'un.
— C'est vrai, monsieur, répondit-il à travers ses sanglots, mon pauvre Tristan ne m'a jamais fait que du bien, et les hommes m'ont fait tant de mal !

La terrine de rat

Selon le cuisinier Thomas GENIN, le rat, s’il était désagréable à toucher, donnait une viande d’une formidable qualité, fine et un peu fade, mais parfaite si elle était bien assaisonnée.
Thomas GENIN servait des terrines de rat avec une farce de chair et de graisse d’âne qu’il vendait quinze francs.

Menu du réveillon de noël

Chef très réputé, Alexandre Étienne Choron accueille une clientèle très huppée dans son restaurant Voisin, situé à l’époque rue Saint-Honoré. Alors que le réveillon de Noël approche, le cuisinier fait jouer ses relations et acquiert la majorité des animaux comestibles de la Ménagerie du Jardin des Plantes.
Choron concocte un menu des plus exotiques pour ses riches clients, avec tête d’âne farcie en hors d’œuvre ou potage à base d’éléphant, suivis en entrée de chameau rôti à l’anglaise, civet de kangourou, côtes d’ours à la sauce au poivre, ou encore loup sauce chevreuil. Le plat le plus emblématiques de ce réveillon 1870 restant sans aucun doute le « Chat flanqué de Rats ». .

A l'étal des bouchers

Les deux éléphants du Jardin d’Acclimatation, Castor et Pollux, n’eurent pas cette chance et furent abattus fin décembre pour être vendus dans les boucheries et servis dans les plus grands restaurants.
Mes ancêtres qui vivaient à Paris pendant le siège n’ont pas eu droit à ces mets « de choix ». Vivant dans les milieux pauvres du XIXème arrondissement, ils durent se contenter tout au plus de rats, qui étaient tout de même vendus à 3 francs pièce.

Bonne pêche

On pêcha aussi les poissons de la Seine, de la Marne et des lacs du bois de Boulogne

La trompe de l’éléphant était le meilleur morceau

Début janvier, ce fut le tour de l’éléphant du jardin des Plantes d’être abattu. Il fut aussi acheté par Voisin, débité par un boucher de la rue de faubourg Saint Honoré et vendu au prix de 15 francs la livre.
Le 13 janvier, le restaurant Voisin servit des plats de viande d’éléphant. Trois heures après, il n’en restait plus et Monsieur Bellanger, le patron du restaurant, fit acheter du cheval de réserve.
Le chef, Monsieur Choron (célèbre pour la sauce qu’il a créée) n’en revint pas et servit de la viande de cheval comme de l’éléphant et les clients n’y virent que du feu.
Monsieur Bellanger aurait fait 40 000 francs or de bénéfice pendant le siège et put se retirer, fortune faite.
L’on assure que la trompe de l’éléphant était le meilleur morceau.

Nous mangeons de l’inconnu

Victor Hugo relate notamment dans Choses vues : « Ce n’est même plus du cheval que nous mangeons. C’est peut-être du chien ? C’est peut-être du rat ? Je commence à avoir des maux d’estomac. Nous mangeons de l’inconnu. »

Paris se fait de tout une amusette

Paris se fait de tout une amusette, et le beau monde tenait à se flatter un jour d'avoir mangé des caniches et des rats. Quant au bon peuple, il mourrait de faim avec un dégoût stoïque devant ces ressources suprêmes. J'ai vu des pauvres en haillons écœurés à l'idée de goûter à la bouillie de blé préparée dans une cantine où j'étais de service, et refuser du bœuf dans la crainte que ce ne fût du cheval. Dans les maisons particulières, les maîtres consommaient à peu près seuls cette dernière viande, dont les valets et les concierges faisaient fi, et je me suis convaincu que rien n'est difficile ni douillet comme le menu peuple ; tandis que, par bravade ou par ton, les gens du bel air arriveraient à manger n'importe quoi.
Voici un menu obsidional et fantaisiste qui a fait le tour des salons :

  • Consommé de cheval au millet.
  • RELEVÉS : Brochettes de foies de chien à la maître d'hôtel. Émincés de râble de chat sauce mayonnaise.
  • ENTRÉES : Épaule et filet de chien braisé sauce tomates. Civet de chat aux champignons. Côtelettes de chien aux petits pois. Salmis de rats à la Robert.
  • ROTS : Gigot de chien flanqué de ratons. Salade d'escaroles.
  • LÉGUMES : Bégonia au jus. Plum-pudding au jus et à la moelle de cheval. Dessert et vins. »

L'hiver est très rude

Durant le siège de 1870 par les Prussiens, Paris souffre considérablement de la faim, du froid – l’hiver est très rude – Le chômage est extrêmement important : les emplois sont passées de 600 000 en 1870 à 114 000 en 1871. Mais les parisiens ne veulent pas capituler.

Les Parisiens se sont improvisés bûcherons

L'hiver 1870-1871 a été particulièrement rude. Les températures descendaient allègrement en dessous des -15°C. S'il est déjà bien difficile de se nourrir correctement, il est aussi très compliqué de trouver du bois de chauffage.
Le Figaro informe ses lecteurs, le 1er janvier 1871, que les arbres plusieurs fois centenaires de l'avenue de Bagnolet ont été abattus. Ces ormes auraient été plantés par le gouvernement de Sully (1560-1641) et auraient « vu passer par conséquent bien des révolutions et bien des gouvernements ».
Un autre témoin complète : « Les Parisiens peu fortunés se sont improvisés bûcherons, et ce sont les plantations de la ville qui paient les frais de la récolte. On recueille jusqu'à la sciure de bois, et les ménagères la ramassent précieusement dans leurs tabliers …»

Morte de faim

Nous sommes arrivés trop tard. La veuve FOIT était morte — MORTE DE FAIM !
La rue des Tournelles [Tourelles] est située à Belleville, auprès des fortifications. Ce n’est qu’un amas de cabanes en planches disjointes et vermoulues. Çà et là, un réverbère à huile. C’est dans une de ces masures que nous avons vu le cadavre de la veuve Foit. Cette malheureuse était étendue sur un grabat couvert de chiffons ; dans l’intérieur, pas une chaise, pas une table, pas un seul ustensile de ménage.
La veuve FOIT avait loué ce lieu, dès le commencement du mois de décembre, et c’est à grand peine, que tous les huit jours, elle donnait à un concierge-gérant de cette cité de misère la somme qu’on exigeait. Le bureau de bienfaisance l’avait assistée, mais comme elle avait égaré sa carte, elle ne recevait pas le moindre secours ; personne ne pensait à cette malheureuse vieille de soixante-dix ans.
Voilà comment l’on meurt à Belleville faute de quatre sous de pain.

Les stations inhumaines

Dès avant l'aube, les mères de famille attendent à la porte des boulangeries et des boucheries. On distingue le long des rues sombres, sur les trottoirs couverts de glace, de longues files de femmes silencieuses. Qu'attendent - elles ainsi, durant les heures froides qui précèdent le crépuscule, sous la neige qui s'engouffre par tourbillons entre les maisons muettes et fermées ? Plusieurs, hélas ! ont dans les bras un petit enfant. Le pauvre être pleure de faim et de froid, et sa voix grêle est le seul murmure qui s'élève des foules souffrantes ; parfois la coqueluche rauque donne à sa plainte un air de râle,. et la mère est là depuis deux heures, pieds nus dans de méchants souliers troués où la glace entre ; parfois elle entre ouvre son manteau et offre au nourrisson le lait qu'enfièvre l'angoisse et que la faim tarit chaque jour davantage. Et pendant qu'elle donne à boire au petit, le givre pénètre dans son manteau et tombe sur son sein nu !
Plusieurs femmes infortunées, que le rationnement contraint à faire subir ce froid mortel au nourrisson, ne rapportent au logis qu'un enfant mort. Des milliers de malheureuses mères contractent à ces stations inhumaines de mortelles et incurables maladies !

Les caprices des spéculateurs (1er janvier 1871)

Articles Prix Articles Prix Articles Prix Articles Prix Articles Prix
Pommes de terre (le dl) 20 Frs Une carotte potagère 0.60 Frs Un navet 2 Frs Une betterave 4 Frs Un pied de céleri 2 Frs
Une tête de céleri 2,25 Frs Un poireau 0,50 Frs Un chou ordinaire pommé 20 Frs Une ecscarole [1] 1,50 Frs Un litre d'oignons 5 Frs
Une livre de champignons 5 Frs Un litre de lait 2,50 Frs Conserve de petits pois 7 Frs Conserve de haricots verts 7 Frs Huile d'olive (le kg.) 10 Frs
Une livre de lard (très-rare) 7 Frs Une livre de jambon ( + rare) 15 Frs Andouille de cheval (la livre) 6 Frs Un œuf de poule 2 Frs Une livre de chocolat 5 Frs
Beurre frais (le kg.) 80 Frs Fromage (introuvable) - Frs Graisse de bœuf (le kg) 7 Frs Un lapin 35 Frs Un pigeon 35 Frs
Un poulet 60 Frs Une oie 140 Frs Un dindon 150 Frs Un lièvre 70 Frs Un chat 20 Frs
Une livre de chien 4 Frs Un rat 2 Frs Un moineau franc 1,25 Frs Un corbeau 5 Frs

Les condiments employés dans nos cuisines ont complètement disparu du marché, et ont été remplacés par des préparations et des mélanges qu'il serait impossible d'analyser.

L'armée prussienne veut miner le moral de la population

À coup de bombardements sur la ville, l'armée prussienne veut miner le moral de la population. Cette dernière, affamée, malade et isolée, résiste encore durant les premières semaines de janvier. Mais aucune délivrance n'est à attendre des armées françaises, complètement dépassées. Quant au gouvernement, des rumeurs signalent qu'il négocie une capitulation depuis décembre.

A découvrir au Musée Carnavalet

Médaille en étain : Gouvernement de la Défense nationale sauvant Paris de la famine pendant le siège, 1870

Diamètre : 4.6 cm ~~ Poids : 49.49 g ~~ Signature - Au droit sous le buste : "F. T" ; au revers dans le champ : "F. T".
  • Au droit : buste de la République française à gauche, coiffée d'un bonnet phrygien, suivie de deux mains unies ;
  • Au revers : inscription sur dix lignes entourée d'une couronne de blé, de feuilles de chêne et de fruits.
dans le champ : "PAR / L'ENERGIQUE PREVOYANCE / DU GOUVERNEMENT / DE LA / DEFENSE NATIONALE / LE PAIN ET LE VIN / ONT SAUVE DE LA FAMINE / PARIS / PENDANT LE SIEGE / 1870".

Voir aussi.png Voir aussi (sur Geneawiki)

Sources

  • Conseils hygiéniques aux habitants de Paris pendant le siège, suivis des arrêtés municipaux concernant l'hygiène et la salubrité publiques / par Docteur ONIMUS, Ernest (1840-1915). Auteur du texte ~~ Date d'édition : 1870 ~~ Droits : domaine public ~~ BnF Gallica - Le livre
  • Mémorial du siège de Paris / par ARSAC Joanni d' (1836-1891). Auteur du texte ~~ Date d'édition : 1870 ~~ Droits : domaine public ~~ BnF Gallica - Le livre
  • Chronique du siège de Paris, 1870-1871 / par WEY, Francis (1812-1882). Auteur du texte ~~ Date d'édition : 1871 ~~ Droits : domaine public ~~ BnF Gallica - Le livre
  • La France moderne : journal d'un lycéen de 14 ans pendant le siège de Paris (1870-1871) / par Edmond DESCHAUMES (1856-1916). Auteur du texte ~~ Date d'édition : 1890 ~~ Droits : domaine public ~~ BnF Gallica - Le livre

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  1. Autre nom de la chicorée scarole.



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