L'Église du XVIe au XIXe siècle


Un tempo bien catholique ...

Il convient d'abord de réaliser l'emprise de l'Église sur l'ensemble de la société. Elle rythme la vie - chaque sacrement correspondant à une période de la vie : l'année - les fêtes catholiques s'étant superposées au rythme de la nature, la semaine - par le repos dominical, mais aussi la journée.

Les sacrements

Baptistère de Saint-Denis-le-Vêtu (50)

Sur les sept sacrements, cinq ne se reçoivent qu'une seule fois, ce sont eux qui encadrent la vie du chrétien, de la naissance à la mort.
La baptême, administré le plus souvent le lendemain de la naissance marque l'entrée dans la communauté chrétienne. Cette hâte était due à la crainte des parents que l'enfant mort sans baptême erre éternellement dans les limbes.

La confirmation, sacrement administré par l'évêque, mit du temps à se généraliser, sans doute parce que la visite épiscopale était rare. Administré à l'enfant atteignant l'âge de raison et qui avait achevé son instruction religieuse, il marquait la fin de l'enfance. Mais dans les mentalités populaires, la première communion, pratique plutôt tardive qui permettait à l'enfant de recevoir pour la première fois l'hostie devint peu a peu le véritable passage à l'âge adulte.

Le mariage, sacrement fondant la famille sur le plan social et religieux. Les deux époux se juraient fidélité jusqu'à la mort. Nous savons aujourd'hui que la durée moyenne d'une union au XVIIIe siècle, vu l'espérance de vie était de quinze ans, ce qui relativise l'engagement. Tout un rituel précédait le mariage qui constituait d'abord une alliance entre deux familles. L'extrême onction était administré aux mourants et ainsi se bouclait l'existante chrétienne.

L'année liturgique

Le temps religieux de l'année se déroulait selon le rythme de la nature. Les deux grandes fêtes se situant au temps fort du cycle naturel. Le cycle de Noël commence avec la période de l'avent, soit les quatre semaines qui précèdent le 25 décembre. La fête des rois, le 6 janvier donnait lieu à diverses manifestations festives.

Le cycle de Pâques tient une place primordiale dans le déroulement de l'année chrétienne. Il s'ouvre avec le mercredi des Cendres qui inaugure la longue période du carême. Le dimanche de Pâques célèbre la résurrection de Jésus, gage du salut de l'humanité et donc de la félicité de l'Église. L'Église réussit à imposer que tous les fidèles soient tenus de se confesser et communier dans leur paroisse, ce qui assurait un contrôle efficace de ses membres par le clergé.

La messe dominicale

Le rassemblement à l'Église de toute la population pour la messe obligatoire constituait un rite social d'importance. On visitait les morts, on échangeait des nouvelles, colportait des ragots, exhibait sa nouvelle robe ...

Une journée sous l'œil de Dieu

Le message que les clercs tentèrent de faire passer était que Dieu voyait tout et que rien ne lui échappant il fallait vivre chaque instant sous son regard. Les cadrans solaires, donnent l'heure sur la façade des édifices. L’origine de la synchronisation de la vie sociale par la mesure du temps remonte à l’antiquité. Au Moyen Âge, l’apparition des cloches dans les clochers, probablement au Ve et VIe siècles, permet de sonner « les heures ». La vie sociale était ajustée sur ces sonneries des heures dites canoniales. L’on disait par exemple commencer le travail un peu avant prime, ou rentrer pour les vêpres.

Dans les bourgs, du VIe au Xe siècle environ, la vie sociale se cale donc sur la sonnerie des offices religieux. Mais assez vite, la cloche est utilisée pour indiquer d’autres événements, tels qu’une attaque de brigands, un incendie ou encore le rassemblement du tribunal. À partir du XVIe siècle se répandirent les horloges qui furent elle aussi bien souvent installées sur les clochers.

L'omniprésence de l'Église

L'influence de l'Église était loin de se limiter à la présence d'édifices religieux : la religion était partout, elle imprégnait tout et tous.

D'une façon générale, le royaume avait fait siennes les divisions administratives de l'Église, ainsi diocèses et paroisses constituaient les rouages de l'administration royale. Pour être connues, les décisions passaient par le canal des curés, ces derniers devant les lire à leur fidèles. Entre autres, les registres paroissiaux constituaient les documents officiels de l'état civil.

Hopital de la charité, Lyon


L'enseignement

Depuis des siècles, une grande tradition voulait que l'Église soit un ferment de culture et d'enseignement. Ainsi, le mot "clerc" a toujours eu le double sens d'ecclésiastique et de savant.

Sous l'Ancien Régime, les universités étaient des institutions ecclésiastiques (au moins partiellement). Elles étaient gérées conjointement par les ecclésiastiques et le roi. En 1789, il y avait 22 universités.
L'Ancien Régime vit également apparaître les collèges, ils furent en grande partie gérés par les jésuites. En 1789, un garçon sur 52 fréquentait le collège, en 1842, un sur 45. Quand aux filles, les couvents des Ursulines se firent une spécialité de l'éducation des jeunes filles.

Les petites écoles, ancêtres de nos écoles primaires, virent le jour tardivement. C'est l'Église catholique, en réaction à la poussée protestante, qui fut à l'initiative de la multiplication des écoles au sein des paroisses, dont souvent le curé assurait les fonctions de maîtres d'école. Il faut attendre 1695, pour voir l'état intervenir en la matière.

Les œuvres sociales

Comme l'enseignement, presque tout ce qui constitue aujourd'hui l'assistance sociale ou publique relevait de l'Église. C'était une évidence et c'est ce qui pour beaucoup justifiait aussi l'impôt ecclésiastique (la dîme).
Les matrones et sages-femmes, qui assuraient partout un rôle de première importance étaient particulièrement surveillées par la hiérarchie cléricale. Elle se devaient d'être de bonne moralité et ferventes catholiques. Pour recevoir l'autorisation d'exercer elles se devaient d'être suffisamment instruites et capables d'administrer l'ondoiement. Elles devaient prêter serment entre les mains du curé.

L'hôpital également était assuré par l'Église. Des ordres religieux se sont faits une spécialité dans cette tâche. Ainsi les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem accueillaient les pèlerins, les hospitaliers de Saint-Antoine les victimes du "mal des ardents". L'ordre des frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu crée au XVIe siècle était voué entièrement aux malades et aux pauvres. Il fonda l'hôpital de la charité à Paris. À Lyon, l'hôpital de la charité fut quant à lui fondé par les Jésuites.

La part que l'Église tint dans ses œuvres sociales durant des siècles est indéniable, tout cela paraissait aux yeux de tous, constituer des tâches de clercs et justifiait la dîme.

La laïcisation fut très progressive durant l'Ancien Régime. La justice devint progressivement monopole d'État, à la veille de Révolution, c'était acquis. Les hôpitaux également étaient pour beaucoup passés sous le contrôle de l'administration royale. Il subsistait néanmoins des établissements relevant de telle ou telle congrégation. Il en subsiste même encore de nos jours. L'enseignement est sans doute le secteur qui a le plus résisté à la laïcisation, l'enseignement privé garde droit de cité dans notre république.

Le curé et ses paroissiens

Homme a la situation enviée, au carrefour de la vie de ses paroissiens, le curé de campagne verra son influence décliner après la Révolution.

Le curé est assez rarement d'origine paysanne. Il arrive souvent de la ville. C'est seulement après 1780 que des fils de paysans aisés parviennent au saint ministère. Fils de marchands, d'hommes de lois il sont le plus souvent d'une famille aisée.
Les familles en poussant l'un des leurs dans une cure en attendaient des satisfactions morales et matérielles. En effet, les familles devaient consentir à des dépenses importantes : financer les études au collège ou au séminaire, titre clérical à constituer, celui-ci représentant un capital d'au moins 2 000 livres. Ce capital était destiné à assurer un revenu décent au futur prêtre.

Pour conduire les âmes de ses paroissiens sur les chemins de Dieu, le curé du XVIIe siècle a reçu une formation pastorale au séminaire. Il dispose également de guides et de manuels.

Le prêtre veille à faire respecter les grandes fêtes religieuses qui rythment l'année chrétienne. Il baptiste les nouveau-nés, enterre les morts, visite les malades, célèbre les mariages, confesse.

Il doit également donner un solide contenu à la foi par son enseignement. Cet enseignement se fait par le catéchisme mais aussi par les sermons. Le prêche dominical est une obligation, il peut néanmoins difficilement être suivi par les paysans si l'orateur se révèle médiocre. Pour la préparation de son sermon, le curé est aidé par des sermonnaires qui offrent des modèles "prêt à l'emploi".
La place élevée de la chaire, pièce essentielle du mobilier sacré d'une église affirme le rôle éminent que tient celui qui a la fonction d'enseigner par la parole. Le sermon est prononcé en Français ou dans la langue régionale, cela fait contraste avec la messe qui est célébrée en latin.

Outre ses fonctions pastorales de dispensateur de la parole chrétienne, le curé est également en charge de services essentiels à la vie en communauté. Ainsi, aujourd'hui on dirait qu'il est :

  • secrétaire de mairie, puisqu'il tient l'état civil,
  • conseiller familial,
  • médecin des âmes,
  • parfois médecin des corps, apothicaire voir charlatan
  • juge de paix
  • directeur d'école, il choisit le "maître d'école" son auxiliaire
  • conseiller agricole
  • il est également le relais de l'administration royale, il lit au prône les édits et ordonnances du roi.

Enfin, il est également employeur car il a souvent à gérer une petite exploitation agricole attachée à l'église, la plupart du temps il loue les parcelles à des paysans, cela lui procure une partie de ses revenus. Il a à son service, outre sa servante, très souvent un ou deux valets.

L'homme de Dieu est un percepteur de taxes, il reçoit la fameuse dîme, dont il ne lève il est vrai le plus clair du temps qu'une faible portion, l'essentiel étant accaparé par le seigneur laïque ou ecclésiastique.

Au delà de la Révolution qui a désorganisé l'Église et divisé le clergé, le curé de campagne se trouve brusquement jeté dans un nouveau monde. Le Concordat, en 1801 fixe de nouvelles règles (jusqu'à la loi de 1905).

Le curé est nommé par l'État sur présentation de l'évêque, il est d'ailleurs payé par celui-ci. Au lendemain de la Révolution, le recrutement change, il se recentre sur le monde rural. La désormais médiocrité de son train de vie fait que la fonction a perdu se son attrait pour les catégories aisées de la population. Désormais fils de paysan, après le séminaire, le curé redevient aisément un paysan au contact des villageois.

Les causes de l'effritement de la grandeur des curés sont diverses. La Révolution a enlevé l'état civil, le Concordat en a fait un fonctionnaire, l'exode rural lui enlève ses troupes mais c'est surtout la laïcisation qui après 1880 limite ses lieux d'intervention. Au village, le maire ou l'instituteur viendront concurrencer son influence.

À l'aube du XXe siècle, le curé trouvera de nouveaux champs d'actions et renouera avec sa population : associations de charité, sociétés de musique, société de secours mutuels, jeunesses chrétiennes, etc.

Nuvola apps bookcase.png Bibliographie

  • Hors série "Revue Française de généalogie" - la religion.
  • Journal d'un curé de campagne au XVIIe siècle, d'Henri Platelle
  • Histoire des curés de campagne de 1789 à nos jours, de Pierre Pierrard

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