« Fort de Mutzig » : différence entre les versions

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Tableau représentant la tranchée et l'abri n° 16, à la pointe nord-oust, zone restaurée, équivalente à un dixième du site Photo B.ohland

Le Fort de Mutzig a été construit par les Allemands pendant l'Annexion dans le but de renforcer la défense de leurs frontières occidentales, et a été opérationnel de 1893 à 1918.
Ce n'est pas uniquement un simple fort, mais un groupement innovant de fortifications, « un ensemble organisé d'ouvrages indépendants pour l'infanterie et l'artillerie »[1]. Sur un site de choix, dépassant les 250 hectares, l'installation militaire est équipée de techniques novatrices (dont électricité et ventilation). Quant à l'effectif de la garnison, il peut s'élever à 8 000 soldats.
Ces éléments vont faire de ce fort « le plus grand groupe fortifié construit en Europe avant la Première Guerre mondiale »[1].
Dans les années 1980, une association franco-allemande "Fort de Mutzig" commence à restaurer une partie des lieux (10%), et à en faire un lieu touristique ouvert à la visite.

Contexte politique

"Namenstein" et aigle impérial
Photo B.ohland
  • Suite à la défaite de la France à l'issue de la guerre 1870-1871, l'Alsace et la Lorraine sont annexées à l'Empire, leur territoire prenant le nom de "Reichsland Elsass-Lothringen".
Craignant des représailles de la France, le premier chancelier Otto von Bismarck (1815-1898) s'entoure de précautions : d'une part, il conclut une alliance avec l'Autriche-Hongrie, puis avec l'Italie, alliance appelée Triplice en 1882 ; d'autre part, il cherche à élever de nouvelles fortifications autour de Metz et Strasbourg, en vue de protéger ses nouvelles frontières.
  • Lorsque Guillaume II (1859-1941)[2] accède au trône impérial, Bismarck démissionne et la politique prend une autre tournure. Guillaume II, en effet, multiplie les désaccords avec l'Angleterre, la France et la Russie. Ce qui amène ces trois pays à s'allier, en 1893 et 1904, alliance qui deviendra la Triple Entente en 1907.
Durant ces années, Guillaume II se prépare à une guerre, à la fois défensive et offensive. Pour le côté défensif, il nomme chef d'état-major Alfred von Schlieffen (1833-1913), et le mandate pour établir des plans efficaces.

Le plan Schlieffen

La stratégie principale d'Alfred von Schlieffen est de piéger les armées françaises en les laissant avancer dans la plaine rhénane pour mieux les prendre en tenaille à la hauteur de Strasbourg. Pour cela, il lui faut une infrastructure imparable : des positions fortifiées solides complétant la place-forte strasbourgeoise. Ce sera le rôle du Fort de Mutzig, appelé Feste de Mutzig, chargé de « bloquer toute offensive française au pied des Vosges »[1].
Le site retenu est le "Molsheimer Berg"[3], zone déjà ciblée en 1884 pour un premier projet, moins grandiose. Le nouveau projet est acté en 1892 et les travaux commencent en 1893.
Le fort est nommé Feste Kaiser Wilhelm II.

Description et caractéristiques des lieux

Et pour communiquer, un central téléphonique
Photo B.ohland
  • Ce projet ne s'est pas réalisé rapidement, mais sur plusieurs années, avec des phases en temps de paix et des phases en temps de guerre.
Il s'est aussi étalé géographiquement, puisque qu'il ne s'est pas cantonné au Molsheimer Berg mais s'est étendu aux collines de Blotten, du Scharrachberg et du Sulzberg. Il a également fallu construire des voies d'accès, dont une route permettant le passage de lourds engins.
- Sur le plan défensif, le Fort de Mutzig c'est un ensemble de 2 forts triangulaires à l'est et l'ouest, 16 abris d'infanterie, 13 observatoires d'artillerie, 6 batteries, 5 casemates pour mitrailleuses, et 3 casernes bétonnées. Le tout entouré d'une épaisse ceinture de barbelés, et les différents lieux reliés par des galeries souterraines, portant la surface habitable souterraine à « 40 000 m2 »[4].
- Mais cette Feste, c'est aussi une "ville" indépendante équipée d'un concentré de techniques nouvelles : 4 centrales électriques et 18 groupes électrogènes, 4 puits et des citernes, 17 cuisines et 6 boulangeries, un atelier et un hôpital.
  • Au final, ce "complexe militaire" aura coûté 15 millions de Mark de l'époque, soit l'équivalent de 200 millions d'Euros, pour ne pas servir beaucoup... On en reparlera...


Installations militaires

Fahrpanzer retauré Photo B.ohland
  • Les tranchées : incontournables de n'importe quel fort, elles sont ici au nombre de 16, pour protéger les abris d'infanterie. Le front défensif ainsi constitué n'est pas continu, mais totalise une longueur de 4 kilomètres, et est précédé d'un maillage de barbelés « de 25 mètres de large »[5]. Chacune des tranchées peut accueillir 250 soldats. Enfin, elles sont équipées de petits postes d'observation en colimaçon, et pour certaines, de places en béton pour manipuler des canons mobiles.
  • Les Fahrpanzer : ces canons, abrités dans un cuirassement sur roues où peuvent tenir deux hommes, peuvent être déplacés au gré des besoins. Ils ont été construits en 1889, au nombre de 200, par un armurier allemand. Après avoir expérimenté un premier modèle destiné à l'observation, le Fort de Mutzig en a commandé de plus élaborés, de plus de deux tonnes, « pour canon à tir rapide de 53 mm »[6], en 16 exemplaires. Par la suite ces engins mobiles ont été déployés sur le front. L'un deux est arrivé jusque dans le Haut-Rhin, sur le ban communal de Lautenbachzell, et est inscrit au titre d'Objet historique[7] car il n'en subsiste plus que deux. Restauré, il est exposé in situ.
  • Les observatoires : ils sont au nombre de treize, afin de pouvoir surveiller de tous les côtés en même temps. Ils ne sont pas tous identiques : tournants pour les anciens ou fixes par la suite, à lunettes monoculaires ou binoculaires. Parmi les derniers installés figurent six modèles 1905, équipés de plancher adaptable à la taille du soldat.


Casemate de mitrailleuses n° 1 Photo B.ohland
  • Les casemates de mitrailleuses : il en existe cinq sur le site. La casemate n° 1, dans la pointe nord-ouest du site, permet de couvrir un profond fossé de 12 m de largeur. Elle comprend trois chambres de tir avec petites embrasures pour mitrailleuses, et est complétée d'une autre chambre avec embrasures pour fusils. Les travaux de fortification s'étant arrêtés en 1916, cette casemate n'a pas été achevée.
  • L'artillerie : le fort est équipé de six batteries d'artillerie lourde, une dans chaque fort triangulaire, une à chaque pointe (nord-ouest et nord-est), et deux dans l'angle sud-ouest. Elles étaient composées de deux types de pièces : des canons à tir tendu[8] et des obusiers à tir courbe[9]. Dans les deux forts triangulaires, sont installés « 8 tourelles modèles 1893 pour obusiers de 150mm »[10]. Dans trois batteries sont installés des « canons de 105 mm sur affût dit "à bouclier" »[10]. Enfin, la batterie 6, de 1904, est équipée de nouvelles tourelles cuirassées, armées de canons de 105 mm renforcés.



Aménagements intérieurs

Une des galeries Photo B.ohland
  • Les galeries : invisibles, mais indispensables pour assurer une circulation des soldats en toute protection ou évacuer un poste en urgence. Elles sont donc enterrées à dix mètres de profondeur et forment un réseau complexe. Constituées de claveaux en béton, leur profil adopte une forme ovoïde, particulièrement résistante, et leur base abrite diverses conduites (eau potable, eaux usées et électricité). Leurs issues sont munies de chaque côté de grilles, sas, et portes blindées avec embrasures pour fusil.
  • Les abris d'infanterie : au nombre de 16, ces casernes en béton (pouvant héberger chacune 300 ou 400 soldats) sont quasiment enterrées, avec des murs de plus de deux mètres d'épaisseur. L'abri J 16, pourtant sur trois niveaux, ne laisse voir que ses portes d'issues débouchant dans une tranchée. Inutile de préciser que les ouvertures ont été particulièrement étudiées (deux portes extérieures, un sas et deux portes intérieures). Les chambrées peuvent accueillir jusqu'à 24 soldats grâce à des couchettes superposées. Outre les chambrées et toilettes, chaque abri comporte un poste de secours, une cuisine, un puits et une citerne d'eau. Les locaux sont chauffés, éclairés et ventilés.
  • L'hôpital : si les premiers abris ne comportent qu'une salle de soins, l'abri J 16 possède un petit hôpital interne, avec une salle d'opération, deux chambres et une salle de bains.


Cuisine de l'abri d'infanterie n° 16 Photo B.ohland


Aliment Ration quotidienne
Pain 750 g
Viande 375 g
Pommes de terre 1,5 kg
Céréales (à la place des pommes de terre) 125 g (ou 250 g de farine de légumes secs)
Café torréfié 25 g (ou 3 g de thé
Sel 25 g
Sucre 17 g


  • Les cuisines : il y en a 17 en tout, car elle sont chargées de préparer les repas aussi bien pour les soldats présents sur le site que pour ceux de certaines tranchées plus éloignées. Dans la cuisine de l'abri J 16 se trouvent trois gros appareils de cuisson, dont deux autocuiseurs[11], et un bain-marie.
  • Les boulangeries : avec leur pétrin électrique et leur four métallique (alimenté par un foyer à charbon), les six boulangeries permettent l'alimentation de toute la garnison (à raison de 750 g de pain par jour pour un soldat). Outre le local pour entreposer la farine, une autre pièce contigüe sert à conserver le pain[12].



Équipements techniques

Tableau de la centrale électrique Photo B.ohland
  • L'approvisionnement en eau : il a été facilité par la présence de sources dans la colline. Quatre puits ont été creusés, permettant de pomper 2 000 litres d'eau par heure. Sur une journée, en théorie, il était possible de puiser « 144 000 litres d'eau »[13]. L'eau était ensuite stockée dans un immense réservoir fonctionnant comme un château d'eau.
  • La centrale électrique : puisque la plupart des ouvrages sont enterrés, l'éclairage et la ventilation deviennent indispensables. Ainsi les Allemands décident d'installer de véritables centrales électriques dans leurs forts, quatre au Fort de Mutzig. La salle des machines visitée comprend un beau tableau électrique et quatre moteurs Diesel sans préchauffage (alors que les moteurs précédents fonctionnaient au benzol).
Cette salle des machines est complétée d'un local abritant un atelier de machines-outils et petit outillage.
  • Les différents réservoirs : situés dans des locaux jouxtant eux aussi la salle des machines. On y trouve : une citerne de gasoil « de 54 000 litres »[14], quatre réservoirs d'eau pour refroidir les compresseurs, un réservoir d'huile, deux cuves d'air comprimé.
  • La ventilation : devenue incontournable depuis que l'on construit des forts avec moins d'ouverture pour les rendre moins vulnérables. Le système du Fort de Mutzig comprend quatre bouches d'aspiration d'air frais, assurant la ventilation grâce à des moteurs électriques.


Un fort en déroute

  • Suite à l'attentat de Sarajevo et l'ultimatum qui s'ensuit, les préparatifs de guerre s'accélèrent. Le 30 juillet 1914, la Feste de Mutzig est mise "en état de défense". C'est le lieutenant Ipfelkofer qui en prend le commandement. Le renforcement de l'infanterie et de l'artillerie sont décrétés, des tranchées et des ouvrages en béton se rajoutent aux précédents.
  • Après la bataille de Saint-Blaise-la-Roche, le 14 août, la stratégie allemande est de se positionner sous couvert des canons de la forteresse. Le 18 août, les ennemis se font face sur le ban communal d'Urmatt, le commandant ordonne le feu. Les tourelles des batteries à boucliers tirent alors « 291 coups »[15], en l'espace d'un quart d'heure. Et ce sera la seule fois de leur histoire ! Car la ligne de front s'éloigne peu à peu, laissant Mutzig à l'abri du danger. Tous les travaux en cours s'arrêtent en 1916.
  • Entre les deux guerres, les Français prennent possession des lieux et poursuivent certains travaux ou aménagements. Ils s'interrompent lors de la construction de la Ligne Maginot.
  • En juin 1940, la Feste est sabotée. Quelques jours plus tard les Allemands y reviennent.
  • Après la Libération de Strasbourg fin novembre 1944, les Américains se dirigent vers Mutzig. Ils encerclent le fort Est, tentent de déloger la petite centaine de soldats allemands à l'aide de canons et bombes au napalm, mais sans succès. Finalement, ils bourrent un engin avec des explosifs et le font tomber dans le fossé : la grande brèche occasionnée permet de neutraliser les Allemands, mettant ainsi fin à la vie militaire de cette immense forteresse.

Nuvola apps bookcase.png Bibliographie

  • Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  • Panneaux explicatifs et visite guidée des lieux

Voir aussi.png Voir aussi (sur Geneawiki)

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Référence.png Notes et références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 "Le Fort de Mutzig dans le cadre du plan Schlieffen", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  2. Frédéric Guillaume Victor Albert de Hohenzollen est un empereur d'Allemagne, le 3e et le dernier. Il est également roi de Prusse, le 9e et le dernier.
  3. Littéralement "Colline de Molsheim"
  4. "Les dates clefs / Mutzig en chiffres", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  5. Chapitre "Les tranchées", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  6. Chapitre "Les Fahrpanzer", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  7. Base Palissy, affût cuirassé mobile
  8. Pour maintenir l'ennemi à distance
  9. Pour viser les travaux d'approche
  10. 10,0 et 10,1 "L'artillerie de la Feste", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  11. Appareils dont la vapeur est récupérée pour chauffer de l'eau en réserve
  12. Le pain est en effet réalisé à partir de froment et de seigle, et doit donc sécher durant deux journées avant d'être consommé)
  13. "L'alimentation en eau", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  14. "L'atelier de la centrale", in Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2
  15. Collectif d'auteurs, brochure Fort de Mutzig, la forteresse géante, Maquette Luc HEINRICH, Print Europe, ISBN : 978-2-9029-8811-2

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