Citadelle de Brouage

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Cette citadelle étoilée en pierres claires, perdue au milieu de la verdure et des marais, attire la curiosité.
Elle étonne aussi car il est bien difficile d'imaginer qu'elle était autrefois un port au commerce florissant.
Ce fut pourtant le cas, avant que les eaux se retirent...

Bastion de la mer et son échauguette Photo B.ohland

Présentation

Carte du Golfe de la Saintonge avant 1555
  • Brouage (maintenant Hiers-Brouage) est situé en Charente-Maritime à 2 kilomètres de la mer. Bien avant sa création, il y avait un chapelet d'îles dans le Golfe de Saintonge, dont celle de Hiers. En raison de l'ensablement progressif du golfe, des bras de mer se formèrent dont "la Brouage", puis des canaux ou baies furent aménagés pour faciliter la navigation, dont "le Havre de Brouage".
  • En 1555, le seigneur des châtellenies de Hiers et de Mirambeau, Jacques II de Pons, fonda à côté du bourg de Hiers, une petite cité sur un lit de galets de lest s'étant formé dès le Moyen Âge. Il lui donna le nom de « Jacopolis-sur-Brouage, signifiant la Ville de Jacques »[1].

La cité avait la forme d'un quadrilatère de 400 mètres de côté et fut divisée en parcelles géométriques destinées à l'installation de marchands. Entourée de marais salants et accessible par navires car le chenal faisait 150 mètres de large, Jacopolis-sur-Brouage était promise à un bel avenir, d'autant plus que le port voisin de la Tour de Broue était victime de l'envasement.

Historique et évolution du site

Une place-forte stratégique

Échauguette avec fleur de lys, symbole de la royauté

Le commerce du sel, le fameux "or blanc", se développe rapidement. En conséquence, la cité devient un enjeu et se voit convoitée et disputée tout au long des guerres de religion.
En 1569, le gouverneur et capitaine La Rivière Puytaillé fait ériger les premières fortifications : trois palissades de protection, le quatrième côté restant ouvert sur le Havre de Brouage, et quatre bastions encore en bois, avec des mâts de navire.
De 1571 à 1575 l'ensemble est fortifié plus solidement par l'architecte Robert de Chinon : remparts en pierre, bastions en pointe et deux demi-lunes, fossés tout autour. La ville devient alors une base arrière importante pour l'Armée royale, notamment au moment du premier siège de La Rochelle.
En 1578, le roi Henri III s'approprie Jacopolis-sur-Brouage et lui donne le nom de Brouage.
La ville devient un port très important, au point de faire de l'ombre à celui de Rochefort et d'inciter le prince de Condé à le bloquer on y faisant couler une vingtaine de gros navires.

Une citadelle militaire

Buste de Richelieu (dans l'église)

Après de nouvelles querelles entre catholiques et protestants, Louis XIII décide du sort de la cité. Il y place comme gouverneur Jean Armand du Plessis, entré dans l'Histoire sous le nom du cardinal de Richelieu. Souhaitant se servir de cette citadelle comme point d'appui pour le second siège de La Rochelle en 1628, il décide de renforcer les fortifications avec d'autres bastions et deux postes avancés, suivant les plans de Pierre de Conti, seigneur de la Motte d'Argencourt. À l'intérieur se construisent arsenal, caserne, forge et halle aux vivres, hôpital et même une glacière. Le site a abrité de « 500 à 2 000 soldats »[2] selon les périodes.
Quand le cardinal Mazarin prend la suite, en 1653, il confie la gestion de la ville à l'intendant Charles Colbert de Terron. Brouage devient alors un véritable arsenal de l'Armée royale. Des vaisseaux y sont armés ou fabriqués sur place comme Le Saint-Louis, La Victoire et L'Aimable.
Au XVIIe siècle les habitants sont au nombre de 4 000, et les demeures privées sont bâties avec la même rigueur que pour les bâtiments de la citadelle[3].

De l'âge d'or au déclin

  • Quand Louis XIV arrive au pouvoir, il charge Vauban de remanier les fortifications : certains ouvrages défensifs extérieurs sont rasés et remplacés par des terrées[4]. Il fait aussi installer des poudrières dans l'enceinte. Parallèlement, à son apogée, le commerce du sel attire des négociants de toute l'Europe du nord, et Brouage, ville cosmopolite, est surnommée « Babel »[5].
  • Cependant, l'envasement gagne du terrain et réduit les possibilités de navigation. Par ailleurs, Louis XIV a chargé Colbert de Terron, intendant déjà cité, de trouver l'emplacement idéal pour bâtir la Corderie royale et faire de Rochefort le plus grand arsenal du Ponant. Le déclin commence alors inexorablement.
  • La citadelle trouve une autre fonction, peu glorieuse, lors de la Révolution : elle sert de prison pour des prêtres réfractaires arrivés par bateaux dans la rade de l'île d'Aix[6] et pour 143 religieuses.
Pictos recherche.png Article détaillé : pour en savoir plus et découvrir la liste des prêtres...
  • En 1825, Brouage est rattachée à sa commune voisine de Hiers. En 1885, les militaires quittent définitivement les lieux.
  • Au XIXe siècle, la citadelle est classée comme Monument historique[7] et « grand site national »[8].

Description du site

Structure générale

Plan de la citadelle

L'enceinte de Brouage est constituée de sept bastions triangulaires reliés par sept courtines, le tout parsemé de 19 échauguettes (dont 13 ont été restaurées). Environ 900 arbres étaient autrefois plantés sur les remparts, afin de masquer la fumée des canons et de protéger les bâtiments.
Deux portes permettaient de pénétrer dans la citadelle et deux ports souterrains accueillaient les navires.
À l'intérieur du quadrilatère, l'espace est divisé de façon géométrique : deux grands axes reliant les deux portes et des rues perpendiculaires de part et d'autre.
Les éléments du patrimoine civil, religieux et militaire étaient répartis sur tout le site. Certains d'entre aux n'existent plus, comme les deux casernes, l'arsenal qui faisait 39 mètres de long, les hangars de la courtine royale, le palais du gouverneur ayant accueilli rois et hôtes de passage et le couvent des Récollets construit en 1612.

Église Saint-Pierre et colonne Champlain

Chevet de l'église, vu depuis la courtine Richelieu Photo B.ohland
  • L'église est dédiée à saint Paul et saint Pierre. Sa construction en 1608 est motivée par le nombre croissant d'habitants et de troupes royales, ainsi que par la foi du gouverneur de l'époque, Timoléon d'Épinay, marquis de Saint-Luc. Elle était entourée d'un cimetière et son premier clocher, jusqu'à sa destruction en 1731, servait « d'amer pour la navigation maritime »[9].

Lors des guerres de religion, l'édifice est détérioré et réparé à maintes reprises, puis, entièrement saccagé à la Révolution, il tombe en ruines. Sa restauration est entreprise au début du XXe siècle par les Canadiens en souvenir de Samuel de Champlain, né à Brouage vers 1570 et mondialement connu pour avoir fondé la ville de Québec.
Le culte est rétabli en 1912.

Colonne à la mémoire de Samuel de Champlain

Et l'église abrite désormais le Mémorial des origines de la Nouvelle France.

Pour davantage de détails sur l'architecture extérieure et intérieure ainsi que le mobilier de l'église, voir le paragraphe concerné sur la page de Hiers-Brouage.

  • Devant l'église s'élève un monument à la gloire de Champlain.
L'idée en fut proposée à Napoléon III en 1878 par son ministre de la Marine et des Colonies. En 1889, la colonne est installée avec au sommet un globe terrestre, symbole des grands voyages du navigateur.
Quant à la maison natale de Samuel de Champlain, elle a été reconstruite au sein de Brouage en 2008, à l'occasion du 400e anniversaire de la fondation de Québec.


Poudrières

Poudrière Saint-Luc
Photo B.ohland
  • À partir de 1627 commence la construction de la poudrière Saint-Luc. À l'image de certains édifices religieux, de solides arcs-boutants sont édifiés pour soutenir la voûte. Le fronton présente un beau blason sculpté aux armoiries de France et de Navarre, et la toiture est faite de tuiles romaines. La surface de stockage de la poudre étant de 60 000 livres, soit 30 tonnes, l'ensemble de la bâtisse a été pensé pour résister à un bombardement grâce à une porte blindée et une enceinte en pierre. « En 1850 un paratonnerre fut installé[10]
La poudrière a été restaurée en 1991.
  • La poudrière de la Brèche est plus tardive (1692), réalisation de François Ferry. L'épaisseur de son mur est de 2,50 mètres et la bâtisse est dotée d'une double porte et d'un toit en dalles de pierres. L'ensemble lui aussi est protégé par une enceinte. Le stock était moindre : 40 000 livres, ce qui fait tout de même 20 tonnes.
Après l'explosion à la poudrière royale de Saint-Jean-d'Angély, en 1818, Brouage fut désigné pour abriter un stock de poudre encore plus important. Les deux poudrières ci-dessus ne suffisant plus, on décida de reconvertir la halle aux vivres.


Halle aux vivres et tonnellerie

Halle aux vivres à gauche et tonnellerie
Photo B.ohland
  • La halle aux vivres était d'abord un grand entrepôt de 64 mètres de long sur 14 de large, construit en 1631. On y stockait environ 700 barriques de boissons diverses et de viande séchée, et l'étage servait de grenier à céréales. Par la suite la halle remplit d'autres fonctions : caserne en 1776, prison des religieuses en 1793, petite annexe de l'hôpital. Puis à partir de 1818 elle fut transformée en poudrière afin non seulement de stocker la poudre mais aussi de la radouber[11].
Abandonnée en 1885, elle a été restaurée en 1990 et abrite le Centre Européen d'Architecture Militaire.
  • La tonnellerie était au départ un entrepôt pour le fourrage, d'une grande superficie. Lors du renforcement des remparts en 1689, la bâtisse fut diminuée d'une partie sur toute sa longueur (d'où sa toiture dissymétrique). Et son affectation changea : pour répondre aux besoins grandissants en poudre, il fallait des contenants ; elle fut donc transformée en tonnellerie.


Ports souterrains

Port de la Brèche vu de l'extérieur et passage vers la citadelle (Photo Aleth Viala-Balp)

Lors du renforcement de la citadelle, Pierre d'Argencourt eut l'idée de créer « un bassin maintenu à flots par deux écluses »[12], ce qui permit la réalisation de deux ports souterrains.
Le port de la Brèche facilitait les manœuvres avec embarcations à fond plat afin de charger ou décharger victuailles ou barils de poudre. La clé de voûte de l'entrée extérieure présente encore les armoiries de France et de Navarre.
Le port d'Hiers était bâti sur le même principe et permettait d'accéder aux postes avancés en toute sécurité.

Bien plus tard, ces deux ports ont été en partie murés et abandonnés.

Glacière

Glacière restaurée Photo B.ohland

Dès 1688 l'idée de construire une glacière voit le jour.
Située en contrebas du bastion Richelieu qui la protégeait des aléas climatiques, elle était constituée d'un réservoir profond de quatre mètres surmonté d'un toit en bois et roseaux ; sa porte d'entrée était tournée vers le nord.
La neige et la glace étaient récupérées durant l'hiver, compactées à l'aide d'eau, et le bloc ainsi formé était recouvert d'une bonne couche de paille. À la fin du XVIIe siècle, le stock de glace pouvait s'élever jusqu'à 22 tonnes.
La glace servait principalement à l'hôpital, pour conserver certains remèdes ou réaliser des soins. Mais elle permettait aussi de satisfaire la gourmandise de quelques gouverneurs et de leurs invités.
La glacière a été restaurée en 1994 et remise en service en 2001.

Autres éléments

  • La porte royale : elle était accompagnée d'un corps de garde pour vérifier entrées et sorties. Longue de 20 mètres, avec autrefois trois lourds portails, sa façade extérieure est ornée d'un blason.
  • L'hôpital : il pouvait recevoir 200 malades et était complété d'une chapelle, de logements et latrines, d'une buanderie et d'une boulangerie. Il en subsiste un pan de mur avec portail et inscription.
  • Les forges royales ; au nombre de deux, bâties dès 1629, elles fabriquaient les pièces nécessaires au ferrage des chevaux, à l'artillerie ou la navigation. Une des deux fut convertie en prison et arbore de nombreux graffitis.
  • L'autel des prêtres déportés : parmi les prêtres réfractaires emprisonnés à la citadelle dans des conditions déplorables, certains ont réussi à constituer dans le jardin du palais un petit cabinet de rocaille avec une pierre servant d'autel.
  • Enfin le site comprenait neuf corps de garde, une place d'Armes, des hangars, divers escaliers et poternes, des puits et citernes, des latrines et égouts.


Nuvola apps bookcase.png Bibliographie

  • Ouvrage collectif, La citadelle de Brouage, visite guidée, Les Productions du Pertuis, 32 pages, ISBN 2-84702-298-8
  • Article Brouage, le port échoué, Revue Pays Royannais magazine, Saint-Laurent-la-Prée, Parenthèses presse, 2017, 74 pages.
  • Dépliants et nombreux panneaux explicatifs situés sur le site.

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Référence.png Notes et références

  1. Page 3, in * Ouvrage collectif, La citadelle de Brouage, visite guidée, Les Productions du Pertuis, 32 pages, ISBN 2-84702-298-8
  2. Page 62, in Article Brouage, le port échoué, Revue Pays Royannais magazine, Saint-Laurent-la-Prée, Parenthèses presse, 2017, 74 pages
  3. 25 pieds de façade, un étage, une porte d'entrée en plein cintre, parfois des pierres de taille autour des ouvertures.
  4. Les terrées sont des talus de terre en bord de fossés.
  5. Page 63, in Article Brouage, le port échoué, Revue Pays Royannais magazine, Saint-Laurent-la-Prée, Parenthèses presse, 2017, 74 pages.
  6. 42 prêtres sont morts à Brouage pendant leur détention
  7. Fiche Mérimée
  8. Page 4, in Ouvrage collectif, La citadelle de Brouage, visite guidée, Les Productions du Pertuis, 32 pages, ISBN 2-84702-298-8
  9. Page 10, in Ouvrage collectif, La citadelle de Brouage, visite guidée, Les Productions du Pertuis, 32 pages, ISBN 2-84702-298-8
  10. Page 25, in Ouvrage collectif, La citadelle de Brouage, visite guidée, Les Productions du Pertuis, 32 pages, ISBN 2-84702-298-8
  11. Action de retraiter une poudre avariée pour lui redonner les qualités d'une poudre neuve afin de pouvoir la réutiliser
  12. Page 12, in Ouvrage collectif, La citadelle de Brouage, visite guidée, Les Productions du Pertuis, 32 pages, ISBN 2-84702-298-8