Ceylan dans la littérature française d'Ancien Régime

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En 1681, le voyageur et auteur anglais Robert Knox (v. 1640-1720) publie à Londres An historical relation of the island Ceylon, in the East Indies : with an account of the detaining in captivity the author and divers other Englishmen now living there, and of the author's miraculous escape, ouvrage plus tard traduit en français sous le titre Relation ou voyage de l'isle de Ceylan, dans les Indes Orientales : contenant une description exacte de cette isle, la forme de son gouvernement, le commerce, les mœurs, les coûtumes, & la religion de ses habitans : avec un recit de la captivité de l'auteur & de divers autres Anglois, & de sa delivrance après vingt années d'esclavage (1693). Il ne s'agit néanmoins pas de la première description de l'île, qui fait l'objet de notices dans plusieurs ouvrages français d'histoire ou de géographie dès le XVIe siècle.
Ces récits, écrits d'un point de vue européen, se construisent souvent sur le même modèle : d'abord on y évoque l'étymologie de l'île, puis ses richesses, ses principales villes et reliefs et l'attitude de ses habitants. Riches d'informations, bien qu'à étudier avec un recul critique, ils permettent de se faire une idée du monde à l'époque de leur rédaction et constituent, à ce titre, une source historique importante.


XVIe siècle

1575

Les habitans de ceste isle sont gens de belle et grande stature, alaigres et fort disposts, assez beaux de visage, pour estre noirs et autres bazanez. Ils s'efforcent de montrer tousjours un aspect terrible, et tel que avec la voix qu'ils ont grosse et mal plaisante, ils donnent frayeur à qui les oyt et regarde, les voulant offenser. Et quoy qu'ils ne mangent point de pain de froment ou seigne, et que autre guere que le Roy ne boive vin, si est-ce que pour cela ils ne laissent de vivre fort longuement, et y sont les cent et six vingts ans plus ordinaires que pardeça. Et tout ainsi que non loing de ceste isle se trouve le Sepulchre de Sainct Thomas, et qu'il y a des Chrestiens, aussi y en ail en Sumathre, qui vivent avec ces pauvres Barbares : lesquels adorent une Idole, nommée en leur langue Babachine, à laquelle ils portent grand honneur et reverence, la tenans soubz un lieu soubterrain. Autres se sentent quelque peu du Mahometisme, d'autant que l'on tient qu'un disciple de Haly, compaignon du fault Prophete Mahemet, se transporta jusques en ceste isle. Lesdits Chrestiens qui se tiennent tant dedans que dehors, à sçavoir aux autres isles voisines, ne recognoissent, ny leurs pères ne recognurent jamais Pape, Cardinaux, Evesques ne Prelats de Rome, et moins les Patriarches des Grecs, Arméniens, Nestoriens, Maronites, ne autres Asiatiques, ne Africains : et moins les Empereurs, qui ont régné en ces païs là : Chose esmerveillable, d'autant que de père en fils, depuis l'Apostre saict Thomas, ils célèbrent, et ont célébré la Messe, et aussi des Prestres fort religieux, qui officient selon leurs coustumes et cérémonies : et sont lesdits Prestres mariez, comme les autres Levantins : et ont entre eux des Prelats, qu'ils nomment Xiech Alfadca. [...]

D'autres de ces Insulaires vivent sans Loy ni Religion quelconque, ainsi que sont plusieurs peuples d'entre les Ethiopiens : et d'autres, le matin quand ils sortent, reçoivent la première chose qu'ils rencontrent, soit beste ou oyseau, pour un Dieu, et se prosternent pour l'adorer, comme chose ayant quelque Divinité. [...]


Texte issu d'André Thevet, La cosmographie universelle d'André Thevet. Vol. 1 (Afrique, Asie), G. Chaudière, Paris, 1575, en ligne sur Gallica.

XVIIe siècle

1605

Dans le golfe de Bengala y a une isle appellée Zeylan, et par les habitans Arabes, Tenarisim ou Ternasseri : c'est un plaisant païs. Les Indiens l'appellent Hibernaum. Le circuit est de 240 lieues ou selon que les autres disent 900 ou 700 miles. Quelques uns estiment que ç'a esté par cy devant une partie continente de la terre ferme où est située la ville de Cael, d'autant que la mer qui court entredeux est estroitte, et peu profonde. L'air y est tempéré et agréable, tellement qu'il y en a qui pensent que le paradis terrestre auroit esté en ce lieu, le terroir y est extrêmement fertile, et tousjours verd, les arbres y fleurissent et y portent tousjours de fruicts fort savoureux, comme des pommes d'Assirie d'incroyable douceur, des citrons, etc. Il y a force espiceries de toutes les sortes et de fort bonnes. La chair et le poisson y est en grande abondance, mais il n'y a point beaucoup de ris, mais on en apporte du païs de Coromandel, il y a aussi grande quantité d'éléphans fort facile à apprendre, et les mene-on de là ailleurs. Les perles et autres pierres précieuses se transportent de là en grande quantité aux autres peuples et nations, cela apporte un trésor inestimable à toute l'isle. Les habitans sont moitié payens et moitié Mahumetans, ils sont de couleur blanchastre, de grande stature, ont de gros ventres, et sont ordinairement gras et bien nourris, ils sont fort addonnez à leurs plaisirs, depuis la teste jusques au milieu du corps ils vont tous nuds, et la partie d'embas est couverte d'habits de soye ou de coton, ils ont aussi une fine couverture sur leurs testes, portent des pendans d'oreilles, d'or et de perles, leurs ceintures sont d'or enrichies de perles précieuses, ils ne sont point addonnés à la guerre, aussi n'ont-ils point de couraige, n'usent point d'arquebuses ny de fer pour leurs armes, mais seulement des roseaux. Il y a eu jadis quatre roys, qui estoyent payés, mais à présent l'isle est divisée en neuf royaumes, desquels le principal est Colmuchi, lequel reçoit tribut des autres, ascavoir de Janafapitan, Triquinamale, Batacolon, Vilassem, Tananaca, Laula, Galle, et Cande. Au reste l'isle est fort commode au trafficq, il y a sept haures près desquels il y a de très belles villes, desquelles la principale est Colmuchi, où on charge beaucoup de navires d'éléphans, et de perles. Les Portugais ont un chasteau en ceste ville. Cecy escrit touchant l'Isle de Zeilan un certain cosmographe italien nommé Io Antonius Maginus, mais Jean Huyghen de Linschote escrit que les naturels habitans, qu'il nomme Chingalos, sont fort ingénieux, et industrieux à ouvrer en or, argent, ivoire, fer, et autres métaux en telle sorte, qu'ils emportent le pris par dessus les autres nations. Ils font les plus beaux et meilleurs canons qu'on sçauroit trouver, on diroit qu'ils sont faicts au tournoir, et d'argent. Cette Isle donc est une des plus singulières de toutes les isles orientales en beauté et plaisance.

Texte issu de Cornelius Wytfliet, Histoire universelle des Indes Orientales et Occidentales, divisée en deux livres, le premier par C. W., le second par Ant. M[agin] et autres Historiens, tome 2, 1605.


1644

Zeilan : Isle très notable des Indes Orientales, vers le golfe de Bengale, appellé par les Arabes Tenarsim, c'est-à-dire Terre délicieuse. Barrius et autres topographes estiment que c'est la Taprobane de Ptolémée. Sa longeur est de 78 lieues : sa largeur de 44 et son circuit de 240. Elle n'est pas esloignée de l'Equateur : et bien qu'elle soit située sous la zone torride, ce neantmoins elle est très salubre et a un ciel fort tempéré, tellement que plusieurs ont estimé que là estoit jadis le Paradis terrestre : aussi ses campagnes sont tousjours verdoyantes et ses arbres chargez de fleurs et de fruicts qui y sont très escellents, et d'une exquise douceur. Il y croist de plusieurs sortes d'espiceries et autres odeurs aromatiques, clou de girofles, poyure, canelle, et autres : elle a en abondance des chairs et poissons, comme aussi force éléphants qui sont grandement dociles : il s'y trouve pareillement quantité de pierres précieuses, comme rubis, hyacinthes, saphirs, chrysolithes, topases, grenades, et autres. Cette isle est grandement fréquentée pour le trafic, et là y a sept ports signalez et quelques villes fort grandes et entr'autres Colmuchi capitale d'un royaume dont huict autres sont tributaires. Les Portugais y avoient une citadelle. Ses habitans sont en partie gentils et en partie Mahometans : ils sont blancs, de belle et haute taille, ayans le ventre grand et gras, pour la plupart sont fort délicieux, pusillanimes et mal propres à la guerre, aussi ne se servent-ils point de fer en leurs guerres : leur vivre plus commun est de laict, beurre, formage et riz, et leur boisson de certain suc de palmes : vont tout nuds excepté les parties honteuses qu'ils ont couvertes.

Texte issu de Juigné Broissinière, Dictionnaire théologique, historique, poétique et cosmographique. 2 /, Paris, 1644, en ligne sur Gallica.


1647

D'Amsterdam, ledit jour 12 aoust 1647
Dix navires sont n'aguères venus des Indes Orientales, mais avec moins de marchandises qu'à l'ordinaire. Les patrons raportent qu'en l'Isle de Ceylan les habitans ont tué environ 450 Holandois et fait 200 autres prisonniers, et qu'ils se sont ensuite rendus maistres d'un petit fort sur les mesmes Holandois, mais que ceux-ci en tenoyent encor un grand.

Dépêche publiée dans la Gazette du 24 août 1647 à Paris, en ligne sur Gallica.


1683

Roy de Ceylan, illustration issue de la Description de l'univers... d'Allain Manesson-Mallet, en ligne sur Gallica
Cette isle, selon Massée, est la Taprobane de Ptolémée. Les Indiens l'appellent Tenarisain ou Tenasirim, qui en leur langue signifie Terre de délices : ce nom y étoit encore commun l'année 1509 lorsque Jacques Lopes de Siquaire général d'une flotte portugaise en fit la découverte. Toutefois Mandeslo écrit qu'elle fut découverte l'année 1506 par Laurens fils de Francisco Almeida, qui en prit possession au nom d'Emanuel roy de Portugal. Elle est à l'Orient du Cap de Comori, et baignée de toutes parts par la Mer des Indes.
La principale de ses montagnes se nomme le Pico de Adam, on la croit la plus haute des Indes. Les Insulaires et les Indiens se persuadent qu'Adam a esté créé sur cette montagne, et prétendent le justifier par des vestiges de deux pieds imprimé sur la hauteur d'un roc publiant, qu'Adam y a laissé ses traces, et qu'il est mesme enterré en dessous.
Sa principale rivière est celle de Candea.
Les villes remarquables de cette isle sont Jafanapatan, Trinquilemale, Marecolo, ou bien Baticalo, Jala, Punta de Galo, Cota, Colombo, Negombo, Seytavaca et Candy.
Dans la page suivante, nous parlerons des villes de Colombo et de Gale.
L'Isle de Manar qui est proche et au Nord-Ouest de l'Isle de Ceylan, a une ville de son nom. La pesche des perles se faisoit autrefois autour de cette isle, mais un rude tremblement de terre en a écarté les huîtres.
Les Hollandois y possèdent maintenant outre les villes de Punta de Galo, et de Colombo, celles de Trinquilemale, Negombo, etc.

Texte issu d'Allain Manesson-Mallet, Description de l'univers, contenant les différents systèmes du monde, les cartes générales et particulières de la géographie ancienne et moderne, les plans et les profils des principales villes et des autres lieux plus considérables de la terre. Tome 2 / , avec les portraits des souverains qui y commandent, leurs blasons, titres et livrées, et les moeurs, religions, gouvernemens et divers habillemens de chaque nation, Paris, 1683, en ligne sur Gallica.

1685

C'est donc une chose tres-assurée, que ce que nous appellons aujourd'huy, Cannelle, est le véritable Cinnamome des Anciens. La meilleure Canelle croît en l'Isle de Ceylon, qui est en la partie méridionale des Indes, et qui a deux-cens lieües de tour et sa figure en forme ovale, suivant le rapport des cosmographes. Cette Isle est fort belle et ornée de plusieurs montagnes produisans quantité d'arbres ; elle a aussi de fort belles et de fort vastes plaines, arrosées de belles rivières et de plusieurs fontaines, fort peuplée d'hommes, fort abondante en oyseaux et en bestes à quatre pieds, et elle produit une infinité de fruits croissans sans aucune culture, et entre autres plusieurs aromats, parmi lesquels les arbres qui portent la Cannelle tiennent le premier rang : Ils y naissent en si grande quantité, et ils y multiplient si fort, que non seulement il y en a plusieurs grandes forests, mais on est contraint de les brûler en partie de temps en temps, pour arrester leur étenduë.

Texte issu de Moyse Charas, Thériaque d'Andromachus, avec une description particulière des plantes, des animaux & des minéraux emplyez à cette grande composition, Paris, 1685, en ligne sur Gallica.

XVIIIe siècle

1700

Isle de Ceylan, ou Ceylon : Insula Ceylanum
Cette isle est située au Sud-Sud-Est de la presqu'isle occidentale de l'Inde, et à la figure d'une perle ou d'une poire. Elle passe communément pour estre la Taprobane des Anciens, et quelques-uns prétendent qu'elle est l'Ophir dont parle Salomon. Son air le plus pur et le plus sain qui soit dans les Indes, sa beauté et sa fertilité, l'ont fait appeler Tenaresin qui en la langue du pays veut dire Terre de délices. Sa canelle est la meilleure du monde : ses fruits, ses fleurs et ses plantes ont une odeur très agréable ; et enfin on y trouve toutes sortes de drogues avec de l'or, des pierres précieuses, les plus dociles éléphans, et la plus haute montagne des Indes, que les gens du pays nomment Pic d'Adam, parce qu'ils s'imaginent qu'Adam y fut delà élevé dans le Ciel. Ces insulaires sont noirs, et mal faits ; mais fort dispos et les meilleurs saltinbanques de toute l'Asie. L'Isle de Ceilan à 95 lieues du Sud au Nord, 50 de l'Ouest à l'Est, et environ 250 de circuit. Elle contenoit autrefois neuf royaumes, mais aujourd'hui suivant la relation de Robert Knox elle appartient presque toute au roi de Condé Uda, à l'exception de quelques places maritimes que les Hollandois y possèdent depuis qu'ils en ont chassé les Portugais. Les principales villes du dedans du pays qui est fort peu connu, sont Candea, Digligyneurs, Nellemby-neuf, et Allont-neur. Candea près de la rivière de Mavelagonga estoit autrefois une assez bonne ville ; mais elle a beaucoup perdu de son ancien éclat, depuis que le siège royal en a été transféré à Nellemby-neur. Les plus considérables places maritimes de Ceylan sont Colombo ville et port aux Hollandois qui y ont un gouverneur et une forteresse. Jafanatapan, Negombo, Baticalo, et Gale avec un bon port sont aussi aux Hollandois.
Trinquilemale, Trinquemale, ou Trinquinamale d'où vient la bonne canelle est au roi de Condé Uda.
Près de l'Isle de Ceylan est celle de Manar qui n'en est séparée que par un petit destroit appellé aussi Manar ; mais elle n'est renommée que par la pesche des perles qui se fait aux environs.

Texte issu de D. Martineau du Plessis, Nouvelle géographie, ou Description exacte de l'univers..., tome 2, Amsterdam, 1700, en ligne sur Gallica.


1716

Situation particulière de Ceylan : sa grandeur : sa figure
L'Isle de Ceylan est située dans la partie septentrionale de la Zone Torride vers la pointe de la presqu'île occidentale de l'Inde, à l'Orient du Cap de Comorin, et séparée de la Côte de Coromandel et des Paravas par le détroit de Manar... Elle a environ 100 lieues de longueurs, et 72 dans sa plus grande largeur : sa figure ressemble à celle d'une poire.
Division de cette Isle : ses villes
Elle est partagée entre le roy de Candy et les Hollandois qui en ont chassé les Portugais, et ont occupé les places qu'ils avoient bâties, dont les principales sont Colombo, et Ponto Galé situées sur la côte occidentale. Les autres villes remarquables sont Candy située vers le milieu de l'isle, et Jafanapatan sur la pointe septentrionale. Le roy de Candy a, di-t'on, plusieurs autres petits rois tributaires.
Ce qu'elle a de remarquable : ce qu'elle produit
On y voit dans la partie méridionale une montagne fort haute qu'on nomme le Pic d'Adam, où les insultaires, qui sont partie Mahometans et partie Idolâtres, disent que ce premier Homme a été créé, et sous laquelle ils veulent qu'il soit enterré ; prétendant que leur Isle est le Paradis Terrestre. On y trouve quantité de pierres précieuse, des mines de fer de cuivre, d'or et d'argent. Elle produit des forests d'orangers et de citronniers, et surtout de canelle qui répand son odeur bien avant la mer.

Texte issu de Jacques-Philippe BUNOU, Abregé de geographie ou Methode pour apprendre facilement la disposition des diverses parties du globe terrestre ... Avec un Dictionnaire geographique tres-exact, pour servir de supplément..., A Rouen chez Richard & Nicolas Lallemant, 1716, en ligne sur Gallica.

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