Canton de Montmartin-sur-Mer (50) - Revue monumentale

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Revue monumentale et historique de l’arrondissement de Coutances

Source : Renault, « Annuaire du département de la Manche » 1853 et additif de 1861

Note : Les écrits des érudits du XIX° siècle sont à prendre avec précaution.

Annoville

Annoville, Onnovilla, Annovilla.

Une partie de l'église d'Annoville est du XI° siècle. Le mur septentrional du chœur, qui offre encore quelques pierres en arête de poisson, est percé de deux petites fenêtres cintrées et étroites. Au-dessus de ce mur, sous le larmier, il existe un rang de modillons, simples, taillés en biseau. Plusieurs contreforts sont simples et peu saillants.

La nef, vers le nord, n'a point de fenêtres. Celles qui éclairent l'église au sud sont rondes et de la dernière époque.

La tour, sans caractère, se termine par un petit dôme en pierres de construction récente.

Sur deux pierres tombales, placées dans le cimetière, j'ai relevé les inscriptions suivantes :

HIC JACET

PIUS ET VENERABILIS

LAURENTIUS GERMANUS

BURVINGT

HUJUS PAROCHIE RECTOR

PER ANNOS 35

OBIIT 18 8bris ANNO 1840

AETATIS SUAE 82

PRESBYTERATUS 57

EXILIIT PRO FIDE 10.


A LA MEMOIRE

D’ELISABETH WILLIAMS

SON EPOUX

CHARLES MICHEL D’ANNOVILLE

ELLE MOURUT AVANT 20 ANS

LE 4 JUIN 1825

L'église est sous l'invocation de la sainte Vierge. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Les églises réunies d'Annoville-Tourneville payaient 112 livres de décime. Le patronage était laïque, et le seigneur du lieu nommait à la cure.

Dans le XIII° siècle, il y avait deux curés pour les églises d'Annoville et de Tourneville. Ils avaient toutes les gerbes, et le vicaire avait le casuel : Rectores percipiunt omnes garbas… vicarius percipit altalagium intègre.

Dans le siècle suivant, il n'y avait plus qu'un curé pour les deux églises. Il payait 14 sols pour la chape de l'évêque, 20 deniers pour le saint chrême, 3 sols et 20 deniers pour droit de visite. Il avait huit vergées de terre aumônée pour l'église d'Annoville, et neuf et demie pour celle de Tourneville. Il devait dix boisseaux de froment au trésor de l'église de Tourneville. Habet in elemosina octo virgatas terre ratione ecclesie de Onnovilla et nouem virgatas cum dimidia terre ratione ecclesie de Torneuilla. Idem magister debet decem busellos frumenti thesauro ecclesie de Tornevilla.


FAITS HISTORIQUES. — Des aveux rendus au roi dans les XIV° et XV° siècles font connaître que le fief d'Annoville avait dépendu du comté de Mortain.

« Colin Grosparmy, clerc, dit un aveu de 1327, tient de Raoul Grosparmy escuyer son frère une vavassorie franche à gage plège, cour et usage par parage en la paroisse d'Annoville, et garde l'aisney de la dicte vavassorie la foire de Montmartin une nuict quand le cas s'offre, et en rent audict escuyer les trois aydes de Normandie, et vaut de revenus environ 7 livres bon an mal an. »

Dans le mois d'avril de l'année 1555, les abbés et religieux du Mont-Saint-Michel rendirent aveu de leur baronnie de Saint-Pair, qu'ils tenaient du roi. Cet acte, qui fut reçu par le bailliage royal de Cotentin, séant à Coutances, nous apprend qu'Annoville, Lingreville et Regnéville relevaient noblement de cette baronnie. Ainsi, ces trois paroisses avaient pour suzerain le baron de Saint-Pair, abbé du Mont-Saint-Michel.

Hervé Le Court, qui, au commencement du XVII° siècle, possédait comme seigneur la terre d'Annoville, la vendit à Antoine de la Luzerne. Cette seigneurie consistait en domaine non fieffé, gravage, marais, mielles, mares et pâturages.

Antoine de la Luzerne, deux ans après, vendit son domaine à Jacques Michel, qui l'a transmis à ses descendants; l'un d'eux le possède encore.

Lorsqu'on rédigea l'état des fiefs pour le bailliage de Coutances, dans le cours du XVII° siècle, on comptait cinq fiefs nobles à Annoville. Le fief d'Annoville et celui de Villiers appartenaient à Pierre Michel, escuyer, sieur de Villiers.

Les fiefs de grand et petit Thot. Un aveu de 1327 nous apprend que « Guillaume d'Isigny, escuier, tient un fié de haubert, appelé le Fié du Thot, es paroisses de Annoville, Tourneville, Quettreville et Bricqueville sur-la-Mer en parage de Ricart en hommage de M. de Courcy chevalier sire de Remilly du quel fié de haubert M. Ricart Malherbe tient la 6e partie. Et Guillaume Murdrac escuyer en tient la 8e partie et en doict le dit Guillaume au d. Mre Ricart pour toutes choses 6 liv. à la St Michel et 5 sols à la my-caresme pour esclusage et vaut le di fié 100 liv. de revenu communs ans. »

Ces deux fiefs de grand et petit Thot appartenaient, dans le XVII° siècle, à François Dancel, sieur du Thot, dont la famille avait été anoblie dans le cours du XVI° siècle.

Le village du Thot et le moulin du Thot figurent sur la carte de Cassini.

Lorsqu'en l'année 1580, Henri III, roi de France, établit un présidial à Coutances, ce fut Gilles Dancel qui en fut nommé président.

Il y avait encore à Annoville une partie de fief avec extension sur Lingreville, appartenant à Adrien Belin, escuyer, sieur de Tourneville, conseiller du roi au présidial de Coutances. Sa famille était noble depuis plusieurs années.

A la fin du XVII° siècle, on trouve comme seigneur et patron d'Annoville-Tourneville et autres lieux Jacques-Léonor Michel.

Sa fille Marie-Magdelaine épousa Jean-François Sorin, sieur de Lespesse, écuyer, fils de noble homme Nicolas-Marc-Antoine Sorin.

Son fils Charles-Léonor Michel, président au bailliage et siège présidial de Coutances, prenait le titre de seigneur et patron d'Annoville. Il épousa noble dame Renée-Françoise-Gabrielle Fremin du Mesnil.

Pierre-Charles-Léonor Michel, leur fils, seigneur et patron d'Annoville et Villiers, des fiefs de grand et petit Thot, et de relui des Rotiers de Douilly à Ouville, officier au régiment de Penthièvre, épousa Marie-Sophie Fremin , fille de Pierre-Jacques Fremin , seigneur de Lingreville, et de Anne-Marie-Sophie de Castelbajac.

Il fut maire d'Annoville dans les premières années du XIX° siècle, et fit exécuter de grands travaux pour niveler, dessécher et livrer à la culture des marais et des terres incultes. Ces travaux, exécutés avec intelligence et dans un but d'utilité publique, valurent à leur auteur une médaille que M. de Montalivet, alors préfet de la Manche, lui remit de là part de M. Chaptal, ministre de l'intérieur.

CHATEAU.— A peu de distance de l'église, on trouve le château de la famille Michel d'Annoville. Il est habité par un des membres de cette ancienne famille, M. Charles Michel d'Annoville. Il est de construction assez moderne.

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Tourneville

Tourneville, Tornevilla, Tournevilla.

L'église est un carré oblong sans aucun style.

Le mur septentrional ne présente pas d'ouverture, et les fenêtres méridionales, qui sont rondes, datent de 1730.

La cloche est suspendue dans une espèce de petit portecloche à une baie, formé par le prolongement du mur occidental.

L'autel et son retable, qui sont en bois, offrent seuls un peu d'intérêt.

Le devant de l'autel, le tabernacle et les panneaux du retable sont ornés de riches sculptures qui représentent des fleurs, des figures d'anges, des calices, des patènes et autres objets. Une inscription nous apprend que cet autel fut donné par le curé qui alors administrait la paroisse. Voici cette inscription :

IMP. DNÏ. 10. QUINETTE

HUIUS. LOCI. RECTOR1S. 1732.

Dans l'église, on trouve quelques pierres tumulaires qui portent les dates de 1633, 1699 et 1738, et protègent les cendres de plusieurs membres de la famille Billard, famille ancienne dans le pays. Sur une de ces pierres, j'ai relevé l'inscription qui suit :

CY GIST LE CORPS DE M° DENIS BILLARD

DE CETTE PAROISSE LE QVEL DÉCÉDA LE 29° DE

FEB. 1693. LE QVEL FIEFFA CETTE

PLACE POVR 4 LIVRES 10 SOUS DE RENTE

AV TRÉSOR ET 14 LIVRES 10 SOUS Pr OBIT

Pr DIRE TOVS LES 1° MARDI DU MOIS

2 MESSES A NOTE ET 2 LE JOVR DE

SON INHVMATION ET 2 MESSES

BASSES LE JOVR DE ST DENIS Pr

SEANCE ET SEPVLTVRE.

P. DIEV POVR LVI.

A côté se trouve la tombe de Marguerite Hinet, sa femme, décédée le 28 du mois d'août 1710 . L'église est sous l'invocation de la sainte Vierge. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Le seigneur du lieu nommait à la cure.

Sur le tableau des paroisses, dressé en 1665, Tourneville et Annoville figurent comme étant deux cures réunies. Cette réunion existait dès le XIII° siècle ; car on lit dans le Livre noir : Et valent Annovilla et Tornevilla VI xx X. lib. Le Livre blanc nous apprend que, dans le siècle suivant, le patron d'Annoville-Tourneville était maître Guillaume de Chanteloup. Ecclesie de Annovilla et de Tournevilla nunc est patronus magister Guillermus de Cantalupo.

Sur la liste que donne l'historien Dumoulin des seigneurs renommés en Normandie depuis Guillaume-le-Conquérant jusqu'au temps où Philippe-Auguste réunit la province à la France, figure un Guillaume de Tourneville.

On lit dans un aveu de l'année 1327 : « L'abbé et couvent de Hambuye tiennent en la parr. de Tourneville une portion de franc fié qui leur fut donné et ausmoné des seigneurs du lieu dont le revenu vaut bon an mal an 4 liv. »

Dans les premières années du XVIII° siècle, on trouve comme seigneur de Tourneville Jean-Baptiste Belin, qui se qualifiait de messire et de chevalier.

Près de l'église, existe l'ancien presbytère. On y admire dans la salle d'honneur, une fort belle boiserie qui tapisse la cheminée entière et la plus grande partie des murs. Elle est de la même époque que la boiserie de l'autel. On y remarque sculptés des patènes, des calices, des têtes d'anges, des griffons et des syrènes. Il ne faut pas s'étonner de voir ainsi au milieu d'objets consacrés au culte des griffons et des syrènes. Ou les trouve souvent reproduits dans les églises, où ils ont un sens symbolique. Le griffon avait été adopté comme doué du pouvoir d'éloigner les mauvais esprits, et la syrène comme représentant l'âme chrétienne purifiée par le baptême. Aussi, nous apprend M. de Caumont, la trouve-t-on souvent sur des baptistères.

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Contrières

Contrières, Contrieriœ.

L'église offre un certain intérêt. Elle se compose du chœur et d'une nef. Elle remonte au XI° siècle ; mais depuis elle a subi des changements. Cependant le mur septentrional de la nef présente encore bien marqué ce genre de construction appelé opus spicatum, et formé de pierres rangées de manière à imiter des feuilles de fougère ou des arêtes de poisson. On y voit aussi une porte cintrée, et plusieurs petites fenêtres cintrées et longues, qui aujourd'hui sont bouchées. Le mur méridional offre aussi quelques assises de maçonnerie en arête de poisson, mais moins apparentes. La nef n'a point d'ouvertures au nord.

Le chœur et plusieurs fenêtres de la nef sont de la fin du XIV° siècle ou de la première moitié du XV°.

La grande fenêtre du mur absidal est bouchée ; mais elle est à ogive, et son arcade est ornée d'un compartiment en forme de rose.

La tour qui précède l'église est quadrangulaire et terminée en bâtière. Elle peut dater aussi du XV° siècle. Elle est voûtée dans son étage inférieur, et l'arcade qui la met en communication avec l'église est à ogive pointue.

On remarque à l'extrémité de la nef, du côté du mur septentrional, un font baptismal digne d'intérêt. La cuve est en pierre du pays et d'un seul morceau. Elle offre l'image d'un cylindre ou d'une margelle de puits. Sa circonférence, dans sa partie supérieure, est de 3 mètres ; mais elle est un peu rétrécie vers sa base. Sa hauteur est de 45 centimètres. Elle est soutenue par un soubassement de 40 centimètres de hauteur, affectant la forme cylindrique, et fait d'une maçonnerie de briques et de pierres. Cet exhaussement, à n'en pas douter, n'existait pas dans l'origine ; il aura sans doute remplacé un fût principal et des colonnes auxiliaires qui soutenaient la cuve. La partie supérieure est ornée d'une plinthe sur laquelle figure un rang d'étoiles à quatre pointes. Tout le pourtour de la cuve est aussi semé d'étoiles. Cette cuve baptismale n'est fermée qu'avec une simple trappe en bois, munie d'une petite serrure. Il est à regretter que la forme du couvercle ne soit pas en harmonie avec celle du monument.

Autour de ce font baptismal sont grossièrement sculptés quatorze personnages qui forment une procession. Quatre de ces personnages sont à cheval ; d'autres portent des haches. On y distingue aussi un évêque, des prêtres et des enfants de chœur.

Voici quel est l'ordre de cette procession :

  • Quatre cavaliers : l'un d'eux porte une lance baissée à laquelle est appendu un petit drapeau ou guidon comme en ont les lanciers ;
  • Un enfant de chœur, un cierge à la main ;
  • Un autre enfant de chœur qui porte une croix ;
  • Un troisième, sans aucun signe distinctif ;
  • Deux prêtres avec leur étole ;
  • Un évêque avec sa crosse ;
  • Un prêtre avec son étole ;
  • Enfin, trois personnages ; chacun d'eux porte une hache.

Il serait peut-être difficile d'expliquer d'une manière satisfaisante le sens de ces figures ; au moins je ne l'essaierai pas.

Ce font baptismal peut dater de la fin du XI° siècle ou du commencement du XII° (1060 à 1130). Les fonts baptismaux de cette époque sont rares, et, sous ce rapport, celui dont je viens d'offrir la description présente un vif intérêt à ceux qui se livrent à l'étude des antiquités monumentales.

L'église de Contrières est sous le vocable de sainte Marguerite. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cenilly, et elle appartenait à l'abbaye de Saint-Lô pour le patronage. Cette abbaye nommait à la cure, qui payait 20 livres de décime. Dans le XIII° siècle, l'abbé de Saint-Lô avait toutes les dîmes. Il payait 20 quartiers de froment au vicaire, qui profitait de tout l'autelage. c'est-à-dire du casuel : Patronus abbas de Sco Laudo percipit omnes garbas reddens inde vicario qui habet totum altalagium xx quart, frumenti.

L'église fut donnée, dans le XII° siècle, à l'abbaye de Saint-Lô par Guillaume de Tracy, dont la famille figure au nombre des seigneurs normands qui accompagnèrent Guillaume de Falaise, lorsqu'il alla conquester l'Angleterre.

Henri II, duc de Normandie et roi d'Angleterre, confirma cette donation de Guillaume de Tracy.

L'église de Contrières n'offre plus aujourd'hui que trois autels : le grand autel du chœur et deux autres petits, l'un à droite, l'autre à gauche, entre chœur et nef. Il parait qu'au XV° siècle elle en avait cinq. C'est du moins ce que nous apprend une inscription placée sur le mur septentrional de la nef, au-dessus d'une petite crédence à ogive. Voici cette inscription, que je dois à l'obligeance de M. Dubosc, archiviste du département :

(Lettres gothiques.)

L’an M : CCCC XXX : VIIJ : le desrain (dernier)

jour : de : mars : de la : requeste : de missire : Guillaume

Leblanc : prestre : curey : de céens : se présenta

en ceste église — frere Guillaume Loyseleur

de l’ordre des frères : mineurs de Bayeux :

par la permission divine evesque de Abellon

le quel par le congié et licence de

révérend pere en Dieu Philebert de

Montjeu, evesque de Constances :

beneist santéfia et consacra tous

les ching aultels de céens : a ce

présents por temoig le dict missire

Leblanc (Deux lignes illisibles.)

Sur une pierre enclavée extérieurement dans le mur méridional de l'église, on lit :

(Lettres gothiques.)

Cy devant gist vénérable et dis

crête personne maistre Pierre

Danim alors curé de Contrieres

et de la Chapelle Ullée soubz

Avrenches licencié es loix le quel très

passa le XXIII° jour de novembre

l'an mil VCC et deulx. — Dieu luy

face pardon à l'âme. Amen. Pater noster.

J'ai relevé sur la cloche l'inscription suivante :

I. H. S. — J'AY ESTÉ BENITE PAR M. JEAN - - ptre

CVRÉ DE CÉANS ET NOMMEE PAR SUZANNE BAZAN

DE FLAMANVILLE PRÉSENCE DE ROBERT LOUVEL

ESCUYER, SON ÉPOUX , SEIGNEUR ET PATRON

DE CE LIEU ET DE MONCEAUX CONTÉ ET RÉAUTÉ.

MICHEL DUPARC M’A FAITE. 1660

On voit dans le cimetière trois beaux ifs. Sur les pierres tumulaires qu'ils protègent de leur ombrage, on trouve les noms de Cahouet et de Monceaux, qui sont ceux de familles distinguées dans le pays.

On lit sur ces tombes les inscriptions suivantes :

ICI REPOSE CYRILLE NOBLE DAME LOUVEL DE CONTRIERES

NEE ANDRE DE BOIS

DECEDEE LE 8 JANVIER 1817 AGEE DE 62 ANS.


ICI REPOSE M. PIERRE J. BAPTISTE LOUVEL DE CONTRIERES

DECEDE LE 27 JUILLET 1833 EN SON CHATEAU DE MONCEAUX AGE DE 77 ANS

EPOUX DE NOBLE DAME CIRILLE ANDRE DE BOIS ANDRE SON EPOUSE


ICI REPOSE M. ALEXANDRE DE CAHOUET

OFFICIER DE L’ORDRE ROYAL DE LA LEGION D’HONNEUR

INSPECTEUR GENERAL DES PONTS ET CHAUSSEES ET DES MINES.

NE A SAUMUR LA 18 FEVRIER 1759

DECEDE AU CHATEAU DE MONCEAUX COMMUNE DE CONTRIERES LE 29 9BRE 1838

PRIEZ DIEU POUR LE REPOS DE SON AME.


ICI REPOSE LE CORPS DE MESSIRE Fois AMAND BONAVENTURE LOUVEL DE MONCEAUX DE CONTRIERES,

ECUYER, ANCIEN COLONEL D’ARTILLERIE,

CHEVALIER DES ORDRES ROYAUX DE SAINT-LOUIS ET DE LA LEGION D’HONNEUR,

ANCIEN DEPUTE,

DECEDE EN SON CHATEAU DE CONTRIERES LE 20 JUILLET 1843 DANS SA 75° ANNEE.

ORA PRO EO.


ICI REPOSE MA. B. Foise LOUVEL DE MONTCEAUX

NEE FERRAND DE MONTCUIT

DECEDEE LE 27 AVRIL 1840 AGEE DE 57 ANS.

PRIEZ DIEU POUR LE REPOS DE SON AME.

FAITS HISTORIQUES.— La voie romaine de Coutances à Avranches passait par Contrières. On a trouvé dans cette commune beaucoup de médailles romaines, ainsi que des haches ou coins celtiques.

Au nombre des seigneurs normands qui accompagnèrent Guillaume à la conquête de l'Angleterre, on trouve un sieur de Monceaux.

Lorsque Philippe-Auguste réunit la Normandie à la France, Monceaux, seigneur de Contrières, était au nombre de ceux qui, en temps de guerre, devaient faire le service à la principale porte du château de Gavray.

Guillaume Louvel parut à la revue des nobles que fit à Caen, en l’année 1370, le connétable du Guesclin.

On voit qu'en l'année 1276, Guillaume de Pirou, écuyer, et Jeanne, sa femme, qui avaient usé de moyens violents pour empêcher les religieux de Saint-Lô d'entrer dans leur grange les dîmes qui appartenaient à leur abbaye dans la paroisse de Contrières, viennent à résipiscence par devant l'archidiacre de Coutances.

Un auteur nous donne des détails sur un procès auquel donna lieu un curé de Contrières. En l'année 1613, Jean de la Lande, curé de Contrières, se fit pourvoir de la cure de Cambernon. Ensuite il résigna ce bénéfice, en cour de Rome, en faveur de Jean Leconte, curé de Gratot, à charge de lui payer 350 livres de pension par chacun an, et non aliter, alias, nec alio modo. Il ne prévint point le curé de Gratot; mais, peu de temps après, il lui donna pouvoir de résigner le bénéfice de Cambernon pure et simpliciter in manibus ordinarii. Alors l'abbesse de Cordillon, qui avait le patronage de Cambernon, refusa la présentation. Le curé de Contrières étant mort, Charles Turgot, conseiller, clerc du roi en sa cour de parlement à Rouen, prit possession du bénéfice vacant. Il intervint un long procès ; mais Turgot fut maintenu en possession du bénéfice de Cambernon.

On trouve que dans le XVII° siècle, l'abbé de Saint-Lô et le prieuré blanc de Mortain avaient des droits sur les dîmes de Contrières. « Accord, dit un acte de 1634, entre messire Jean Desjardins, abbé de Saint-Lô, et noble dame Henriette de Quelain, prieure du prieuré blanc de Mortain , pour la réfachon de neuf de la couverture et bois du chœur de l'église de Contrières où la dame prend portion de dixmes en grain dans un trait nommé le Trait de Bas, et le sieur abbé l'outre plus. »

Il y avait à la même époque trois fiefs nobles à Contrières. Le fief de Contrières et le fief de la Réauté appartenaient à Jean Louvel, écuyer.

Le fief de la Brannière était à Nicolas Mortaing, écuyer.

On compte comme seigneurs de Contrières, dans les XVII° et XVIII° siècles, Robert Louvel : l'inscription qu'on lit sur la cloche de l'église fait connaître le nom de sa femme.

Après lui, Jean Louvel, qui avait épousé Renée de Sainte-Marie.

Plus tard, messire François-Louis Louvel, chevalier, qui avait pour femme noble dame Françoise-Magdelaine Gautier.

Et ensuite Jean-Baptiste-Bernard Louvel, qui était aussi seigneur du fief de Rombisson à Cavigny.


CHATEAU. — Le château de Contrières appartient à Mme de Cahouet, dont le mari a successivement administré, comme préfet, et avec distinction, plusieurs départements. Le manoir de Contrières, près de l'église, appartient à M. Alfred Louvel de Monceaux.

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Quesnay

Quesnay, Caesneyum, Chaesneium, Quesnetum.

Le nom de Quesnay parait indiquer un lieu planté en chênes.

L'église de Quesnay est un carré oblong. Elle existait dès le XI° siècle. Le mur septentrional, quoique refait en partie, remonte cependant à l'époque romane ; car on y voit encore des assises de maçonnerie en arête de poisson, ainsi qu'une petite fenêtre étroite, en forme de meurtrière. Il existe dans le mur méridional une porte cintrée, aujourd'hui bouchée.

Le mur absidal est percé d'une fenêtre à ogive du XIII° siècle.

Dans le mur septentrional, on remarque une crédence à ogive subtrilobée.

Une tour carrée, voûtée à l'intérieur, et qui se termine par un toit en bâtière, précède l'église. A droite et à gauche de la porte, placée au midi, on voit deux modillons à figures grimaçantes qui sans doute ont appartenu à une ancienne partie de l'église.

L'autel principal est orné de deux colonnes torses, entourées de branches de vigne et de grappes de raisin, conduites en spirale. Elles sont surmontées d'un fronton. Au milieu du tympan, on voit le Père Eternel, dont la tête se détache en avant, et qui, dans sa main gauche, porte un globe figuré par une sphère découpée d'une croix. Cet autel doit dater du règne de Louis XIV ou de Louis XV.

La bande seigneuriale se remarque encore autour des murs de l'église.

Sur deux pierres tombales, placées dans l'église, j'ai lu les inscriptions suivantes :

CY GIST LE CORPS DE M. MESNARD,

CURÉ DE QUESNAY. 1607.


CY GIST LE CORPS DE M. PIERRE…. (Illisible.)

CURE DE QUESNAY, NATIF DE HAMBYE

DECEDE LE 24 DE MAI 1613

P. DIEU P. LUY

Dans le cimetière, sur une pareille pierre :

JEAN VASTEL FILS CHARLES 1709

L'église est sous le vocable de sainte Marguerite. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences, et payait 12 livres de décime.

La cure était à la nomination de l'abbaye de Hambye. Elle lui avait été donnée, le jour de sa fondation, par Foulques Paynel . Le curé percevait toutes les dimes : Rector ecclesie percipit omnia. Il payait pour le saint chrême dix deniers ; pour la chape de l'évêque, douze deniers, et pour droit de visite, dix-neuf deniers. Dans le XIV° siècle, il n'avait avec son habitation qu'une vergée et demie de terre. Rector habet manerium continens unam virgatam terra cum dimidie vel cocirca.

En l'année 1212, les religieux de Hambye abandonnèrent aux paroissiens de Quesnay une rente de six boisseaux de froment qui leur était due sur une terre de cette paroisse, afin de se racheter de l'obligation où ils étaient de fournir à l'église de Quesnay des livres, des ornements et de la cire.

Aujourd'hui, l'église de Quesnay est réunie à celle de Contrières. Quand je la visitai, j'entendis exprimer le désir qu'elle fût conservée. Elle est encore en assez bon état ; d'ailleurs, elle n'est pas sans intérêt, et son entretien ne saurait être dispendieux. Elle se trouve à une assez grande distance de celle de Contrières ; alors, elle pourrait être utilisée comme chapelle annexe pour la population qui en est la plus rapprochée.


FAITS HISTORIQUES. — D'après plusieurs auteurs, Raoul de Quesnay, de Kaisneto, était à la conquête de l'Angleterre. Il eut deux fils, Raoul et Guillaume. Celui-ci, en l'année 1141, fit prisonnier, à la bataille de Lincoln, le roi Etienne, qui disputait la couronne d'Angleterre à Mathilde, fille de Henri 1er. Raoul, possesseur de plusieurs fiefs, dans le comté de Dorset, y fonda le monastère de Tarent.

Un Robert de Chesnet, de Chesneto, appartenant sans doute à une autre branche de la même famille, était évêque de Lincoln en 1147.

Suivant le registre des fiefs de Philippe-Auguste, au commencement du XIII° siècle, la seigneurie de Quesnay était tombée en quenouille. Elle devait au roi le service d'un chevalier : Domina de Quesneio tenet Quesneium per servicium unius militis… Lucia filia Ricardi de Quesneio tenet inde (de rege) sextam partent feodi apud Quesneium… Domina Quesnaii tenet Quesnaium de domino rege per servicium unius militis, scilicet duodecima pars illius feodi est in insulis.

Avant l'occupation anglaise, la seigneurie de Quesnay appartenait à la famille de Folligny. Quand les Anglais, qui s'en étaient emparés, eurent abandonné la Normandie, Charles VII la rendit à Jean de Folligny.

Le fief noble de Quesnay, sur lequel il y avait deux moulins à blé et à eau, appartenait, dans le XVII° siècle, à Hugues Rigault, contrôleur du roi, receveur des tailles à Senlis et bourgeois de Paris. Il passa ensuite à Joachim Bonté, receveur des tailles à Gisors.

Dans le cours du XVIII° siècle, on trouve cités, comme seigneurs et patrons de Quesnay Charles-François-Nicolas Bourdon, écuyer, mousquetaire dans la garde du roi et chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis.

Après lui, Jean-Charles-Louis-Pierre Bourdon de Saint-Ebremont, conseiller du roi, receveur des tailles en l'élection de Coutances. Une de ses filles, Aimée-Louise Bourdon, épousa Victor de Gouberville.

Près de l'église, on voit le château de Quesnay, qu'habite M. de Gouberville, membre de l'Association normande.

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Hauteville-sur-Mer

Hauteville, Alta Villa, Autevilla, Hautevilla.

L’église de Hauteville-sur-Mer n'offre aucun intérêt. Elle est d’une construction toute récente. La tour seule est ancienne.

Cette tour, placée à la partie occidentale de l'église, est de l'orme quadrilatère. Elle parait être du XII° siècle ; mais le petit toit à double égout qui la couronne est évidemment d'une époque bien postérieure. L'arcade qui met la partie inférieure de la tour en communication avec l'église est sans caractère, et les fenêtres qui éclairent cette tour sont petites, à demi cintrées et sans ornements.

L'église est sous l'invocation de la sainte Vierge, et dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Elle payait 40 livres de décime.

Le patronage et la nomination à la cure appartenaient à l'abbé et au couvent de Savigny, dans le diocèse d'Avranches. C'était Philippe, fils de Robert, qui les lui avait donnés en l'année 1186, et lui en avait offert la charte de donation le jour de la Saint-Jean-Baptiste, en la déposant sur le grand autel de l'église de l'abbaye. « Philippus filius Roberti pro amore dei et salute anime rnee, etc… concedente Stephano fllio meo dedi abbatie Savign. in perpetuam elemosinam jus patronatus ecclesie de Alta Villa… Hanc autem donationem feci in capitulo Savign… et. deinde super majus altare eamdem obtuli donationem in Nativitate S. Johannis Baptiste. Anno ab inc. Dni. M. C. LXXXVI » Vivien, évêque de Coutances, sur la présentation de l'abbé de Savigny, nomma à l'église de Hauteville l'archidiacre Hugon ; mais il réserva deux parties de dime de blé pour l'abbaye. « Universis.... Vivianus, Const. eps. Noverit.... quod nos ad presentationem Willi. Abbatis et conventus Savig. dedimus Hugoni archidiacono Constanc. ecclesiam de Hautevilla salvis duabus partibus décime bladi monasterio Savigneii. Actum in hoc anno M. CC. IJ. »

Ainsi, l'abbaye de Savigny avait deux gerbes pour la dime. Le curé avait la troisième avec l'autelage ou le casuel : Patronus abbas de Savigneo percipit duas garbas, rector percipit terciam garbam cum toto altalagio.

La cure, dans le XIII° siècle, valait 36 livres, et elle avait environ un acre de terre aumônée. Elemosina continet unam acram tel cocirca.

Le curé payait quatre sols pour la chape de l'évêque, et six sols six deniers pour la débite. Rector solvit pro capa episcopi quatuor solidos; solvit pro debita sex solidos sex denarios.

Michel Godefroy, curé de Hauteville en 1520, devint moine et ensuite abbé du Val-Richer. Michael Godefroy… ex rectore ecclesiœ de Alta Villa supra mare diocœsis Constanciensis, anno 1520 factus monachus, Thoma cedente fit abbas. (Gallia Christiana).


FAITS HISTORIQUES. — Il y avait à Hauteville un fief noble qui avait appartenu à monseigneur de Longueville, et qui s'étendait sur la baronnie de Bréhal. En l'année 1596, la duchesse de Nemours le possédait ; mais il passa à Pierre-Julien-Marie Ynor, conseiller du roi, maître en sa cour des comptes, aydes et finances de Normandie.

Celui-ci transmit ce fief à sa fille Marie-Perrette-Elisabeth Ynor, qui épousa André Christy, sieur de la Morinière, conseiller du roi, lieutenant particulier, assesseur criminel au bailliage et siège présidial de Coutances. Il était fils de Pierre Christy, écuyer, sieur de la Morinière, aussi conseiller du roi, et de Geneviève Boudier.

André Christy eut pour fils Pierre Christy de la Morinière, conseiller du roi, lieutenant particulier au siège présidial de Cotentin. Il devint aussi seigneur de Hauteville-sur-Mer. Il épousa Charlotte-Marguerite-Françoise Bonté.

Une de leurs filles, Marie-Charlotte, épousa Jean-Jacques Quesnel, fils de Jacques-Benoit Quesnel, sieur de la Boudière, lieutenant-général criminel au bailliage et siège présidial de Cotentin. Lors de l'assemblée des trois ordres du grand bailliage de Cotentin, en 1789, André Christy de la Morinière, seigneur et patron de Hauteville-sur-Mer, était mort; car ce fut sa fille Marie-Charlotte, encore mineure, qui y figura, représentée par messire Charles-Michel Dupray, capitaine d'infanterie au bataillon garnison Dauphin.

Sur la route de Hauteville à Lingreville, j'ai remarqué à droite, à la bifurcation de plusieurs chemins, une arcade formant niche, surmontée d'une croix. Dans le mur, il y a une pierre en genre de console. On nomme cet endroit la Croix-Rouge. Un vieillard du voisinage, que j'interrogeai sur la destination de cette espèce de petit monument, m'apprit qu'autrefois, le jour de la Fête-Dieu, la paroisse de Hauteville venait en procession à cet endroit, et que c'était sur la pierre formant console que le célébrant déposait l'ostensoir, pendant les prières qui précèdent la bénédiction.

Les habitants de Hauteville-sur-Mer se livrent à la culture maraîchère. Ils vont, chaque semaine, approvisionner les marchés voisins. Quelques-uns vendent leurs légumes à des marchands qui les portent dans les villes des départements de la Manche et du Calvados. En 1844, le congrès de l'Association normande, qui tenait sa session annuelle à Coutances, décerna une médaille d'argent à M. François Leloup, et accorda une mention honorable à M. Charles-Jean Alexandre, cultivateurs à Hauteville-sur-Mer, pour récompense de leurs belles cultures maraîchères.

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Hérenguerville

Hérenguerville, Erangarvilla, Erengarvilla, Erenguervilla.

L'église qui est fort mal entretenue, et pour laquelle les habitants ne paraissent pas se montrer très généreux, est en partie du XI° siècle. Ainsi la tour et la porte occidentale sont de cette époque.

La tour est massive, quadrangulaire, placée avant la nef, et percée de petites fenêtres cintrées qui, aujourd'hui, sont bouchées. Elle a dans sa partie inférieure environ 24 pieds de largeur et 42 de profondeur ; à 12 pieds du sol, elle est voûtée en pierre et sert de vestibule à l'église. Elle se termine par un petit dôme de construction moderne.

La porte occidentale est cintrée, à plusieurs retraits et sans ornements. Les voussures en pierres taillées, placées symétriquement, portent sur de simples pilastres. Deux petites ouvertures cintrées, formant une niche destinée à recevoir une statue, garnissent, â droite et à gauche, l'espace qui reste entre la porte et les extrémités de la façade; une autre arcade surmonte cette porte. Peut-être est-ce une combinaison trinaire, une pensée de symbolisme, comme on en rencontre souvent dans l'architecture religieuse.

Les fenêtres qui éclairent le chœur et la nef n'ont aucun caractère ; mais elles ont dû en remplacer d'autres qui étaient petites et cintrées.

L'église se termine à l'est par une muraille droite dont la partie supérieure est en forme de fronton. Ce mur est percé d'une rose ou roue dont les rayons sont réunis par des compartiments trilobés. Cette partie de l'église est de la fin du XII° siècle ou des premières années du XIII°; elle est masquée en grande partie par la construction d'une sacristie. Le chœur et la nef sont voûtés en bois.

Dans le chœur, au pied de l'autel, j'ai lu sur une pierre tombale l'inscription suivante :

CY GIST LE CORPS - DE M – GVILL -

MARESCQ – P - CVRE DE CE LIEV

DECEDE LE 25 MARS 1706.

PRIEZ Pr LE REPOS DE SON AME.

On remarque encore d'autres pierres tumulaires; mais leurs inscriptions sont complètement illisibles. Il existe dans le cimetière un petit monument funèbre, élevé à la mémoire de J.-Fois Lefevre, capitaine d'infanterie, bienfaiteur de l'église, mort le 5 mai 1839.

On y trouve aussi une croix dont la partie supérieure fort ancienne offre l'image du Christ grossièrement sculptée.

L'église est sous le vocable de Saint-Gratien. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Elle payait 26 livres de décime.

Dans le cours du XIII° siècle, le patronage de l'église appartenait à Nicholase de Eranguerville, épouse de Radulphe Grosparmy, et à Guillaume de Poterel : Ecclesia de Erengarvilla patronus Nicholaa de Erenguervilla uxor Rad. Grossi per medium et Guillelmus de Poterel. Le curé avait toutes les gerbes, à l'exception de deux qui appartenaient à l'abbé de la Luzerne sur la quatrième partie de la paroisse, et deux autres qu'il avait à prendre sur une étendue de 40 acres de terre : Rector petrus dictus miles percipit omnes garbas exceptis duabus garbis quas percipit abbas abbacie Lucerne in quarta portione ipsius ville et duabus garbis quas idem abbas percipit in XL acris terre. Le curé avait tout le casuel et sa cure valait alors 37 livres : Rector percipit totum altalagium et valet XXXVII Ib.

Dans le siècle suivant, le patronage s'exerçait encore en commun. Radulphe Grosparmy nommait deux fois à la cure, et les héritiers de Poterel avaient la troisième nomination. La dîme des gros fruits appartenait, pour les trois quarts, au curé, et pour l'autre quart à l'abbaye de la Luzerne. Encore sur la part de l'abbaye le curé avait-il le tiers : Dictus rector de quarta garba percipit terciam.

L'église de Hérenguerville figure au nombre de celles qui, dans le XVI° siècle appartenaient à l’abbaye du Mont-Saint-Michel.


FAITS HISTORIQUES.— D'après le registre des fiefs de l'élection de Coutances, rédigé en l'année 1327, le fief de Hérenguerville devait guet et garde à la foire de Montmartin.

On trouve que le 12 juillet de l'an 1421, concession fut faite par Henri V, roi d'Angleterre, à Jean d'Ergouges, alias d'Argouges, écuyer, homme lige du roi, et à ses hoirs mâles, des terres, fiefs et revenus d'Hérenguerville, dans le bailliage de Cotentin, lesquels étaient auparavant dans les mains de la dame Duboys, bisaïeule dudit Jean, au produit de 600 livres tournois par an, à la charge d'hommage, et à la redevance d'un fer de lance et de services militaires dans le château de Cherbourg. Donné à Mantes le 12 juillet per ipsum regem.

Dans le cours du XVII° siècle, on comptait deux fiefs nobles à Hérenguerville. Le fief de Montaigu, qui était un huitième de haubert, appartenait au sieur de Montaigu Berenger, commandant du deuxième bataillon de Mayenne. Le fief de Hérenguerville, qui était aussi un huitième de haubert, appartenait à Desfontaines-Berenger, seigneur et patron du lieu.

On trouve dans les XVII° et XVIII° siècles Jean-Jacques de Berenger, seigneur de Hérenguerville. Ensuite Charles-François-Louis de Berenger, marié à Marie Suzanne Jeanne Letellier, dame patrone de Trelly.

Leur fils, Louis-Charles-François, comte de Berenger, seigneur et patron de Hérenguerville, Montaigu et Canteloup, épousa Louise-Catherine-Marguerite de Ruallem. Il fit partie en 1789 de l'assemblée des trois états du bailliage de Coutances. En 1666, cette famille fit preuve de noblesse par quatre degrés.

Il existe à Hérenguerville, dans le village des Vages, un champ nommé la Grande-Maladrerie. Je n'ai trouvé dans le pays ni tradition, ni souvenir historique qui donnent à penser que dans un temps il y ait eu à Hérenguerville une léproserie ou maladrerie.

C'est dans cette commune, suivant M. de Gerville, dans ses Etudes sur le département de la Manche, qu'on a fait une des plus considérables découvertes de médailles. Vers 1804, en faisant une fosse pour y planter un arbre, on trouva un pot de terre cuite contenant des médailles de grand, de moyen et de petit bronze. Elles étaient depuis Probus jusqu'aux fils de Constantin. Il y avait surtout des Dioclétien, des Maximien, et des Constance Chlore. La seule rare était une Magnia Urbica. Elles furent en grande partie données pour un mouchoir à un marchand de Montmartin, qui les porta à Villedieu, où elles furent fondues.

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Hyenville

Hyenville, Heenvilla, Hienvilla.

L'église offre un parallélogramme rectangulaire. Elle appartient à la fin du XIII° siècle ou au commencement du XIV°. Sous le chœur, à gauche, il existe une petite crypte que je n'ai pu visiter. Le chevet du chœur est droit et se termine en forme de fronton. Il était percé d'une fenêtre ogivale à deux baies, aujourd'hui maladroitement bouchées par l'établissement d'une sacristie qui ne laisse plus d'apparent qu'un quatre-feuille qui garnit le dessous de l'arcade.

Les fenêtres du chœur et de la nef sont simples, à ogives, longues et étroites, comme on en faisait à la fin du XIII° siècle et dans les premiers temps du XIV°.

Les contreforts s'élèvent jusqu'au toit ; leur saillie, plus forte vers la base, diminue vers leur partie supérieure.

L'arcade triomphale, entre chœur et nef, est à ogive. Son archivolte est ornée de cannelures bien évidées qui reposent sur des chapiteaux garnis de crochets, figurant de petits fleurons.

Dans le mur méridional de la nef, on a pratique une crédence dont l'arcade est trilobée.

Le chœur et la nef sont voûtés en bois.

La tour est carrée, et se termine par un petit toit à double égout. Elle est établie sur la partie inférieure de la nef.

J'ai lu dans l'église, sur des pierres tumulaires, les inscriptions suivantes :

CY GIST LE CORPS DE JEAN AMELINE

CURE DE CE LIEU, DECEDE LA 14 MAY 1713

LE QUEL A DONNE SIX LIVRES DE RENTE A CETTE EGLISE.

PRIEZ DIEU POUR LUY

PATER AVE


CY GISENT LES CORPS DE

JEAN DELAMARE AGE DE 88 ANS

DONATEUR DU CALICE DE CETTE EGLISE

LEQUEL EST DECEDE LE 18 D’AOUT 1724

ET DE JULIENNE CERISIER SON EPOUSE

DECEDEE LE 4 JUIN 1712

Pr DIEU POUR LEURS AMES

PATER ET AVE

Dans le cimetière, qu'ombragent deux beaux ifs, j'ai remarqué deux petites croix en pierre sur lesquelles j'ai lu :

ICI R. P. S.

LE CORPS DE JACQUES BENSET

D. C. D. LE 2 AOUST 1766

AGE DE 39 ANS P. A.


1723

JULIENNE DELAMARE

FEMME DE JEAN BELIN.

On remarque dans le cimetière une place réservée pour la sépulture de la famille Lheure.

L'église est sous le vocable de saint Patrice. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Elle payait 25 livres de décime. Le patronage était laïque, et le seigneur du lieu nommait à la cure. Le curé avait toutes les dîmes : rector percipit omnia. Il percevait aussi chaque année 25 sols tournois dans la paroisse d'Orval : rector percipit annuatim vigenti quinque solidos tur. In parochia de Aureavalle, et payait 15 sols pour la chape de l'évoque : rector solvit quinque solidos pro capa episcopi.

FAITS HISTORIQUES. — Avant le XIII° siècle, il y avait une foire à Hyenville; car, en l'année 1162, Guillaume de Saint-Jean donna à l'abbaye et aux chanoines de la Luzerne la dîme de la foire d'Hyenville . D'après une bulle du pape Urbain III de 1186, il leur donna aussi la dîme de la pèche des anguilles, decimam piscariœ anguillarum.

Cette foire était gardée, ainsi que nous l'apprend un aveu de 1327, ainsi conçu: « Symon d'Erengarville escuier tient Hienville en parage de Raoul Grosparmy escuier par le sixième d'un fié de haubert et led. Raoul le tient du roy et doit led. fié 20 s. tour, au roy et 15 vavasseure tenant les fieux dud. Symon gardent les foires de Montmartin une nuit et la foire d'Hyenville un jour et sont quittes partout de toute coustume es foires et marchés du roy et vaut la terre dud. Symou en toutes choses 80 livres de rente. »

On voit, d'après des actes de l'année 1414, que « les ainés du fief de Hienville devoient garder la foire du lieu qui se tenoit dans la vallée dessus Sienne, le 1er août, jour de Saint-Pierre-ès-liens. »

Le pont d'Hyenville fut réparé dans le XV° siècle. On en trouve la preuve dans un mandement des gens de compte à Rouen du 13 décembre 1447, portant : « Veu la requeste des nobles, bourgeois et habitants de la ville et vicomté de Coustances, touchant la réparation du pont d'Hyenville sur la rivière la Sienne, en la dite vicomté ; on ne savait pas si les dites réparations devaient être faites aux dépens du roy ou des habitants. Il fut enjoint de prélever 200 livres tournois pour les convertir et employer à la réparation et réfection dudict pont avec l’assiette du second paiement de l'octroi derrainement (dernièrement) fait au roy en la ville de Rouen, par les députés des trois estats du duché de Normandie. »

Il y avait, dans le XVII° siècle, deux fiefs nobles à Hyenville. Le fief de Hyenville appartenait à Julien de Grimouville, escuyer, sieur de Montmartin. Le fief de Monchaton était à Alexandre Lecarpentier.

On y voyait aussi deux moulins à eau, possédés par M. de Montchaton, et dont le revenu était de 450 livres.

Dans le siècle suivant, on trouve comme seigneur et patron de Hyenville Louis-René de Cauvet, alors capitaine d'infanterie. Il signait Cauvet de Guéhebert. Sa famille fut anoblie en l'année 1578. Après lui, on voit figurer Louis-Antoine Tanquerey de la Mombrière, conseiller du roi au bailliage et siège présidial de Cotentin. Il était aussi seigneur et patron du fief de la Champagne à Saint-Sauveur-Lendelin, à cause de noble dame Charlotte-Marguerite Deslandes, sa femme. Il se fit représenter à l'assemblée des trois ordres du grand bailliage de Cotentin par son fils Charles-Antoine Tanquerey, capitaine de dragons. Leur famille avait dû être ennoblie dans le cours du XVI° siècle.

On trouve à Hyenville et dans les communes voisines d'Orval, de Saussey et de Montchaton, du calcaire marbre de transition, appelé calcaire de Dudley, avec lequel on fait de la chaux très grasse.


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Lingreville

Lingreville, Ingressus villa, Lingrevilla.

L'église a la forme d'une croix : on y reconnaît deux styles, le style roman et le style ogival ; elle n'est pas sans intérêt.

La nef a subi des reprises. Ses murs cependant ont encore tous les caractères de l'architecture des XI° et XII° siècles. Ainsi, on y remarque des assises de pierres, disposées en arêtes de poisson. Les fenêtres primitives sont longues, étroites et cintrées.

Les contreforts qui tapissent les murs ont peu de saillie.

Le mur méridional était percé d'une porte cintrée, qui, aujourd'hui, est bouchée.

La tour, entre chœur et nef, est massive et quadrangulaire. Suivant la tradition, elle aurait été construite de manière à servir de refuge et de lieu de défense aux habitants, dans des temps de troubles et d'invasions. Je la crois du XII° siècle. Ses fenêtres sont longues et étroites ; aux quatre angles on a placé des gargouilles.

La porte occidentale est cintrée, et les pierres de l'archivolte sont taillées et placées symétriquement. Les colonnes qui reçoivent l'arcade cintrée n'ont pour ornement qu'un léger renflement dans leur partie supérieure. Un contrefort peu saillant s'élève au-dessus de cette porte, et on remarque â droite et à gauche une fenêtre étroite et cintrée.

Le chœur est du XV° siècle. Son mur absidal est à pans coupés, et les contreforts sont appliqués sur les angles. Les arceaux prismatiques de la voûte semblent faire corps avec les colonnes qui les reçoivent.

Les deux chapelles ont été retouchées, et leurs voûtes paraissent avoir été refaites dans le XIV° siècle. Cette partie du transept porte des traces évidentes d'ancienne construction et de remaniement.

Les modillons primitifs des chapelles offrent des figures grimaçantes ou des têtes d'animaux, entre autres, une hure de sanglier. Dans un des murs de la chapelle méridionale on remarque une crédence dont l'arcade en accolade dénote la fin du XV° siècle ou le commencement du XVI°.

L'autel est dans le genre de ceux qui datent de l'époque de Louis XIV ou de Louis XV. Les colonnes qui l'ornent de chaque côté sont torses, couvertes de grappes et de feuilles de raisin, conduites en spirale. Le font baptismal est pediculé composé. Sa cuve est octogone, et repose sur un fût principal et quatre colonnettes auxiliaires; elle a deux pieds de hauteur. Ce petit monument doit être de la fin du XIII° ou du commencement du XIV° siècle.

On lit sur la cloche placée dans la tour l'inscription suivante :

L'AN 1808, J'AI ÉTÉ NOMMÉE NICOLASSE HENRIETTE PAR M. FREMIN DE BEAUMONT LÉGISLATEUR ET M. D. JEANNE HENRIETTE LE COURTOIS ÉPOUSE DE M. FREMIN DU MESNIL, ET FAITE REFONDRE PAR LES HABITANTS ; A. T. M. R. VINCENT ET CHARL. DO. LALANDE, ALORS MAIRE ET ADJOINT. BENITE PAR M. MENANT DESSERVANT ALORS DUDIT LIEU....

Entre deux cordons on lit :

Les Jourdans fondeurs en 1808 .

J'ai découvert cachée dans un coin de l'église une pierre portant cette inscription :

(Lettres gothiques.)

Cy devant demoiselle

Guillemette de Saint Gille en son

vivant femme de noble homme

maitre Le Coq sieur

de Lingreville la quelle trépassa

le dernier jour de décembre 1540

Dieu lui fasse pardon. Amen.

L'église renferme plusieurs pierres tombales appartenant a des familles anciennes du pays. Je n'ai pu en lire les inscriptions qui sont couvertes par les bancs. — Mais M. Le Comte, juge-de-paix du canton de Montmartin-sur-Mer, et qui est né à Lingreville, m'a dit qu'on lisait sur les pierres les noms de Ruallem, Bisson et Le Coq. M. Le Comte appartient à l'ancienne famille Le Coq, qui s'allia à celle non moins ancienne de Ruallem.

On voit dans le cimetière la partie supérieure d'une croix qui offre l'image du Christ. Cette croix pourrait bien dater de la fin du XIV° siècle.

On y remarque aussi deux pierres tumulaires, dont les inscriptions sont complètement effacées. Les murs du cimetière ont environ deux pieds d'épaisseur, et leur maçonnerie est soignée ; il semble qu'on ait voulu faire de ces murs une enceinte fortifiée.

Quelque temps après que j'eus visité l'église de Lingreville, on trouva en creusant une fosse dans le cimetière, une pierre de forme quadrangulaire qui contenait encore des fragments d'ossements humains. Cette pierre, mesurée à l'intérieur, offre 2 mètres 15 centimètres de longueur, 43 centimètres de profondeur ; 64 de largeur à l'une de ses extrémités et 33 à l'autre. La partie la plus large était celle où reposait la tête. On pense que ce tombeau doit remonter à une époque reculée, et que le cimetière doit encore en renfermer de semblables.

L'église de Lingreville est sous le vocable de saint Martin. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences, et payait 30 livres de décime.

La paroisse avait deux curés, el la dîme se partageait en deux portions. L'une s'appelait la grande portion et l'autre la petite. L'abbaye du Mont-Saint-Michel avait le patronage de la grande portion : Patronus ecclesie, dit le Livre blanc, pro majore portione est abbas sancti Michaelis in periculo maris. C'était Jeanne de Saint-Plancher qui, en 1242 ou 1248, lui avait donné ce droit de patronage. Elle lui donna aussi son manoir de Lingreville, manerium de Lingrevilla. Dans le cours du XVI° siècle, l'église appartenait encore à l'abbaye du Mont-Saint-Michel.

On regardait souvent les donations faites aux églises comme n'ayant de force qu'autant qu'elles étaient reçues et ratifiées par l'évêque. Aussi le mercredi d'après la Pentecôte de l'an 1252, Jean d'Essey, évêque de Coutances, reçut-il la donation faite à l'abbé et aux religieux du Mont-Saint-Michel, en 1248, par noble dame Jeanne de Saint-Planchers, du patronage de Lingreville, après avoir bien et dûment examiné les droits de cette dame, et vu que Saint-Pair et Lingreville lui appartenaient par droit de successions qui lui étaient échues pendant son veuvage. Alors l'évêque reconnut l'abbé et les religieux du Mont-Saint-Michel pour les véritables patrons de Lingreville.

Le prieur du Rocher de Mortain avait dans le cours du XIV° siècle le patronage de la petite portion de l'église de Lingreville : Prior de Rocheyo de Mortaignio, dit encore le Livre blanc, est patronus de Lingrevilla pro minore portione.

Plusieurs chartes du XI° siècle prouvent que la dime de l'église de Lingreville appartenait alors au comte Robert de Mortain. Il en donna la moitié aux moines de Saint-Martin ; car, dans le cartulaire de Marmoutier on trouve la note suivante : Sciendum quoque quod Robertus cornes Moritonii donavit monachis S. Martini dimidiam ecclesiam Lingrevillœ... .cum tota décima fratris sui in prœfata villa sili.

Le même prince, par une autre charte, vidimée en 1330 par Philippe de Valois, roi de France, fonda dans sa ville, au château de Mortain, un chapitre de chanoines. Il lui donna la dime du moulin de Lingreville, et decimam molendini de Lingrevilla.


FAITS HISTORIQUES.— D'après les rôles normands, on voit qu'aux assises de l'échiquier qui se tinrent en l'année 1195, sous le règne de Richard, Guillaume de Saint-Jean rend compte de 70 sous du restant sur l'ancienne ferme des Oiseleurs, connue aussi sous le nom de l’Oiselière, et de sept livres de la nouvelle. Il s’acquitte de ces deux dettes en versant au trésor dix livres dix sous. : Willelmus de Sto Johanne reddit compotum de 70 sol. de rémanente veteris firme de terra aucupum in Lingrevilla. Et de 7 lib. de nova firma ejusdem terre, in thesauro 10 lib. 40 s. et quietus est.

Le registre des fiefs de Philippe-Auguste nous apprend que Foulques Paynel avait à Lingreville, aux droits de sa femme, un fief qui ne l'obligeait qu'envers le connétable de Normandie : Fulco paganellus tenet de constabulario Normanie dimidium lorice apud Poteres et Lingrevillam de maritagio uxoris sue unde non respondet nisi domino constabulario.

Ce fief avait sans doute appartenu à la famille Meurdrac ; car, on trouve que Jean Meurdrac de Poterel, qui avait dans ses armes un bâton d'azur, accompagna Robert Courte-Heuze à la conquête de Jérusalem.

On voit aussi que Henri de Poterel donna aux chanoines de la Luzerne pour le repos de son âme, de celle de Guillaume son frère et de Raoul de Poterel son père, deux boisseaux de froment, à prendre chaque année à la Saint-Michel sur son moulin de Lingreville : Dedi... duos busellos frumenti.... singulis annis, ad festum S. Michaelis in molendino meo de Lingrevilla.

Ce fut à Lingreville, que pendant les guerres de religion, qui désolèrent le pays dans le XVI° siècle, on vit débarquer une armée de protestants, sous la conduite de Bricqueville, marquis de Colombières et de Rabodanges, alors que Montgommery descendait à la Hougue avec une autre armée.

Lorsque dans le cours du XIII° siècle, Jeanne de Saint-Plancher donna une partie de l'église de Lingreville à l'abbaye du Mont-Saint-Michel, le curé de Lingreville était Pierre de Maisières, Petrus de Maceriis. On le voit figurer au nombre des juges qui terminèrent un procès existant entre l'évêque et le chapitre de Coutances : Petrus de Maceriis rector ecclesiœ de Lingrevilla.

Un de ses successeurs. Geoffroy Meslier, fut curé de Lingreville en l'année 1305 ; il résigna sa cure du consentement de l'évêque.

La résignation de la cure se fit au profit de Guillaume Meslier, chanoine de Bordeaux ; mais l'évêque de Coutances, Robert d'Harcourt, la conféra à son procureur, Nicolas Badin, et il est à remarquer qu'il l'en investit par son anneau pastoral, per annulum nostrum pontificatem investimus. Cet acte est daté de Bonfossé, le vendredi d'après l'Annonciation, l'an 1305.

Guillaume, évêque de Porphyre, qui possédait dans la paroisse de Lingreville le personat ou la cure de Poterel, le permuta avec le curé de Bricqueville-la-Blouette. Cette mutation se fit du consentement de Jacques Paynel.

Pendant une partie du XVIII° siècle, l'abbé Vincent fut curé de Lingreville pour la première et grande portion.

Un aveu de l'année 1327 nous offre des détails intéressants sur un fief de Lingreville. « Gieffroy Dine tient un membre d'un fieu de haubert en la paroisse de Lingreville du roy nostre sire et en rent 14 s. de laide au comte a la mycaresme et 14 s. es prévôts de Cerences pour leclusage des moulins de Cerences et 14 s. à la Saint-Michel auxdits prévôts pour lesdites escluses et quant le roi va son corps propre en ost est ledict escuyer tenu lui faire un chevalier et aller à lui o ses propres dépens le terme de 40 jours partant de la place allant et venant et 26 de ses aisnés ou aisnesses sont tenus à garder chacun an une fois les foires de Montmartin et par ce sont quittes de leurs coustumes de leurs estorements par toute Normandie és foires et ès marchés du roy et vant audict escuyer chacun an bon an mal an 100 livres de revenus ou environ tant en rentes moulins eaux terres preys et autres choses. »

Aujourd'hui les aisnesses des familles de Lingreville ne sont plus obligées d'aller garder les foires de Montmartin.

Lors de la rédaction de l'état des fiefs du baillage de Coutances, dans le cours du XVII° siècle, on comptait deux fiefs nobles à Lingreville. Celui de Lingreville appartenait à Adrien Belin, escuyer sieur de Tourneville.

Le fief de Meurdrac, qui, sans doute, avait été possédé par l'ancienne et puissante famille de Meurdrac, se divisait en deux parties : une moitié appartenait au sieur de Tourneville, et l'autre à Gabriel Fremin. Alors, la famille Fremin était déjà citée comme fort ancienne dans le pays. Après Gabriel Fremin, ou trouve Pierre-lsaac Fremin, sieur du Mesnil, seigneur de Lingreville, ancien capitaine au régiment de Bretagne, Conseiller Secrétaire du roy, maison et couronne de France, et colonel électif de la milice bourgeoise de la ville de Coutances. Il épousa Marguerite Pasquier, dont le père, Joseph Pasquier, était Conseiller du roy et trésorier général de ses finances.

Il eut deux fils qui se firent remarquer l'un et l'autre par une haute intelligence et les services qu'ils rendirent à leur pays.

Nicolas Fremin de Beaumont de Lingreville fut avocat au parlement de Paris, l'un des présidents du Conseil supérieur de Bayeux, puis maire et sous-préfet de Coutances. Député au Corps législatif, il devint ensuite préfet. Dans toutes ces fonctions, il fit preuve d'une grande capacité et d'un esprit éclairé. Ami de la littérature étrangère et de celle de son pays, il se livra à l'étude des lettres avec succès, et cultiva avec la même facilité les sciences exactes et les arts d'agrément. A sa mort, il mérita les éloges comme les regrets de ses concitoyens.

Son frère, Gabriel-Charles-François Fremin, baron du Mesnil, fit ses premières armes sous Louis XV. Il passa trois ans sur les vaisseaux du roi. Il devint ensuite capitaine des grenadiers du régiment de Penthièvre. A peine âgé de 24 ans, il avait déjà, par ses services, mérité la croix de Saint-Louis. Plus tard, et pendant les mauvais jours qui affligèrent sa patrie, il vécut presque toujours dans les prisons ; mais quand des jours plus heureux vinrent à luire pour son pays, il prit part aux affaires publiques. Il fut membre et président du Conseil-Général de la Manche, devint maire de Coutances, chevalier de la légjon-d'honneur, baron de l'empire et député.

Cet homme de bien, que la nature avait doué d'une grande bonté de cœur, d'une intelligence supérieure et d'un caractère loyal, a laissé à Coutances les plus honorables souvenirs, et les habitants de Lingreville n'en parlent qu'en termes pleins de respect et de vénération . M. du Mesnil avait épousé Jeanne-Henriette Le Courtois de Sainte-Colombe.


CHATEAU.— Le château de Lingreville appartient aujourd'hui à M. le baron Ernest Fremin du Mesnil, ancien capitaine d'artillerie, et membre du Conseil-Général de la Manche. Ce château m'a paru appartenir à l'époque de Louis XIII. On remarque dans la cour une petite chapelle, et des portes offrant des linteaux avec des accolades, signes caractéristiques du XVI° siècle. A droite et à gauche de la cour on voit deux énormes colombiers. C'était là évidemment que se trouvait le principal fief noble de Lingreville.

Lingreville est une commune voisine de la mer, et dont les habitants se livrent, sur une vaste échelle, à la culture des légumes. L'industrie maraîchère y est d'un grand produit.

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Montchaton

Monchaton, Monte Chaton, Monscathonis, Mons Catonis.

L'église est isolée sur une hauteur d'où le visiteur embrasse d'un coup d'œil un large paysage et un point de vue charmant.

Elle se compose du chœur et de la nef, sans transept ni chapelles, et elle présente plusieurs caractères d'architecture.

La nef est du XI° ou XII° siècle ; malgré les retouches que ses murs ont subies, on peut encore y reconnaître de légères assises de cette maçonnerie appelée opus spicatum. Le mur septentrional a été percé de deux fenêtres cintrées qu'on a bouchées ; on remarque dans le gable à l'ouest deux fenêtres longues et étroites et dont l'une seulement a conservé son cintre. La nef n'est éclairée, vers le midi, que par deux fenêtres dont l'une parait être du XVI° siècle.

La voûte de la nef est en bois et de construction récente ; mais les poutres transversales qui la soutiennent, et qui sans doute portaient aussi l'ancienne, offrent la date de 1643.

La tour, carrée et massive, placée entre chœur et nef, est du XII° siècle ; ses arceaux croisés et de forme ronde reposent sur des modillons dont quelques-uns figurent des tètes à barbe ou à longues oreilles. Ses arcades à ogive sont postérieures ; elles reposent sur des pilastres garnis de simples colonnes engagées, et dont les chapiteaux ne sont pas ornementés. Cette tour se termine par un toit en bâtière, postérieur au premier étage.

Les murs du chœur sont de l'époque de la tour, mais sa voûte est du XV° siècle ; ses arceaux croisés sont à nervures prismatiques et leur extrémité se perd dans les murs ; peut-être a-t-on fait disparaître les colonnes qui les recevaient. Le chœur n'est éclairé qu'au midi et par deux fenêtres qui n'ont aucun caractère.

Le mur absidal est droit et se termine en forme de fronton triangulaire ; il est percé d'une fenêtre à ogive, bouchée par l'établissement d'une sacristie.

L'église est précédée d'un porche, garni de chaque côté d'un banc en pierre et qui date peut-être du XV° siècle.

Au-dessus de la porte de l'église et sous le porche, on voit une statue, debout, tenant dans la main gauche un livre ouvert et dans la droite une palme ; elle a la tète couronnée et porte un voile qui s'agrafe sur le devant au moyen de trois boutons ; les mutilations qu'elle a subies ne permettent guère de reconnaître à quelle époque elle peut remonter.

On lit sur la cloche ces simples mots :

J'AI ETE REFONDUE DES DENIERS DU TRESOR EN L'ANNEE 1715.

Le font baptismal offre de l'intérêt ; il est, je crois, du XIV° siècle ; sa cuve, de forme hémisphérique, repose sur quatre colonnettes; elle a 6 pieds, 28 pouces de circonférence; chaque colonnette a 21 pouces de hauteur ; leur chapiteau est garni de fleurs recourbées en volutes, et leur base est ornée d'une simple moulure arrondie. Entre chaque colonne il existe une petite arcature cannelée, à ogive trilobée ; un trèfle évidé est placé entre les arcades qui reposent sur les colonnes. Un fût principal soutient sans doute la fontaine, mais la maçonnerie de mauvais goût dont on a rempli le vide entre chaque colonne, empêche de le voir, et enlève à ce font baptismal une partie de son style.

Dans le chœur, à gauche, on remarque un tableau en pierre, représentant Saint-Georges qui terrasse le démon sous la forme d'un dragon. Saint-Georges est à cheval, et un saint personnage, sans doute, conduit le cheval par la bride.

On voit plusieurs inscriptions au-dessus d'une petite porte dans le mur méridional de l'église ; il en existe une aussi sur la tour ; je les signale à ceux qui pourront les lire, elles doivent être de la fin du XII° siècle ou du commencement du XIII°; l'une d'elles est surmontée d'une moulure natée. Une pierre tumulaire, placée dans la nef, porte l'inscription suivante :

CY GIST LE CORPS DE

M° LOUIS ANTOINE LEMIL

PRETRE CURE DE CETTE PAROISSE

DÉCÉDÉ LE 12 JANVIER 1748.

Sur une pierre tombale d'un autre prêtre, je n'ai pu lire que la date de 1713.

L'église est sous le vocable de Saint-Georges ; elle dépendait de l’archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Dans le XIII° siècle, elle était taxée pour le décime à IX sous ; dans le siècle suivant à XXXV livres, et en l'année 1665 à XXXIX livres. Elle appartenait à l'abbaye de Lessay dès le XI° siècle. Richard Turstin Halduc, noble chevalier, nobilis miles, alors baron de la Haye-du-Puits, et sa femme Emma, la lui donnèrent, avec des terres et des dîmes, le jour de sa fondation : Ecclesiam sancti Georgii de Rocca et terram ad unam carrucam ad montem Catonem et decimam molendinorum et piscarium et omnium exituum de maneris.

Lorsque l'abbé de Lessay obtint de Hugues de Morville le titre de chanoine, il céda à l'évêque plusieurs églises au nombre desquelles figurait celle de Montchaton ; c'est sans doute, depuis cette époque, que le patronage de l'église de Montchaton était devenu laïque, et que sur la liste de 1665, il est indiqué comme appartenant au seigneur du lieu.

Malgré la cession de l'église, l'abbaye de Lessay n'en aumônait pas moins les pauvres de Montchaton de douze boisseaux d'orge.

La dîme se partageait entre l'abbaye de Lessay et le curé ; l'abbé avait deux gerbes : Abbas de Exaquio percipit ibi duas garbas per totum... ; le curé avait la troisième, rector terciam ; tout le casuel, totum altalagium ; les novales, omnia novalia , et toutes les terres aumônées, cum omnibus terris elemosinis ; mais, chaque année, il était obligé de donner à l'abbé de Lessay une certaine quantité de grain ; il payait pour la chape de l'évêque huit sous et quatre deniers, solvit pro capa episcopi octo solidos et quatuor denarios.

Il y avait dans le manoir de Montchaton une chapelle sous le vocable de Saint-Gilles dont la collation appartenait au roi, in dicta parochia est quedam capella sancti Egidii in manerio… que est in collatione regis. Elle avait des revenus très importants, Hélye Poisson en était le chapelain en l'année 1491, et l'abbé Garnier le dernier chapelain titulaire en 1789.


FAITS HISTORIQUES.— Suivant quelques écrivains, le lieu appelé aujourd'hui Montchaton, Mons-Catonis, aurait reçu son nom d'un lieutenant, nommé Caton, qui commandait un corps d'armée, et occupait le fort de la Roque, quand César fit la conquête des Gaules. On pense que le château de la Roque de Montchaton était l'œuvre des Romains, qui établissaient ainsi des camps ou retranchements militaires afin de contenir et de surveiller les contrées qu'ils soumettaient à leur domination. Celui de Montchaton auquel, dans le pays, on donne le nom de Camp de César était, sans doute, un de ces camps littoraux placés sur une hauteur, près des baies ou de l'embouchure des rivières, pour découvrir au loin l'arrivée de l'ennemi et s'opposer à son débarquement dans le pays.

Son enceinte extérieure est connue dans la contrée, sous le nom de Sangle du Castel ; elle formait un carré long dont la largeur s'étendait du sud au nord. Cette forme, subordonnée à la localité, se rapprochait autant que possible de celle des camps romains, qui présentaient toujours un carré.

L'emplacement où était le château est très escarpé, surtout vers la rivière ; cette partie s'appelait la Poterne ; à l'ouest le terrain présente une déclivité sensible, à l’est et au sud, où il est moins élevé, on voit encore des traces de fossés ou de tranchées considérables, qui s'étendaient aussi vers le nord et défendaient cette partie de la forteresse par où, vraisemblablement, l'invasion était plus à craindre. Les terres jetées vers l'intérieur y formaient un rempart très élevé et très épais ; si on pratiquait des fouilles, peut-être découvrirait-on la nature et la forme des constructions qui existaient, et devaient contenir les logements destinés aux chefs et aux soldats de la garnison. C'était là, sans doute aussi, qu'était le château fort, car ce point est entouré d'un fossé de défense ou de circonvallation.

La largeur du plateau situé à l'est, est d'environ cent pieds ; au-delà, et vers l'ouest, est un autre plateau d'une grande étendue et où, sans doute, se tenaient les troupes; il a environ 500 pieds de l'est à l'ouest et 700 du sud au nord. De là, par des signaux, on pouvait correspondre avec plusieurs autres positions élevées.

Une tradition constante dans le pays donne une origine romaine au pont de la Roque, qui existait au pied du camp de César, et qui a été remplacé par celui qu'on voit aujourd'hui.

Il est certain que, sous la domination romaine, la multiplicité des routes nécessita l'établissement d'un grand nombre de ponts sur les rivières, et que les Romains en firent construire dans toutes les parties de l'empire et des provinces dont ils faisaient la conquête.

D'après les renseignements que j'ai recueillis dans le pays, les arcades étaient cintrées ; les piles offraient, du côté de la mer, une saillie triangulaire, dans le but, à n'en pas douter, de donner ainsi moins de prise au flux de la mer. La maçonnerie était à bain de mortier, et la solidité en était si grande qu'on a pu établir les piles du nouveau pont sur les bases des anciens piliers. L'état des fiefs de l'élection de Coutances, rédigé en l'année 1327, par Leblond, bailli du Cotentin, donne sur le pont de la Roque les détails suivants :

« Guillaume Corbet, ecuyer, tient de Jehan Corbet, ecuyer, en parage, et ledit Jehan tient du roy notre sire, par hommage, un quart de fief de haubert, à gage plège, cour et usage à Montchaton ; et rent ledit tenement au roy, notre seigneur, VIII livres à la Saint- Michel, sur quatre des vavasseurs dudit tenement ; et aussy s'il venoit guerre au pays, ledit Guillaume ayderoit à garder dix jours la maistre arche du pont de la Roque, et aussy les hommes dudit Guillaume doibvent ayder à garder les foires et marchés de Montmartin, et vaut ledit tenement de revenu bon an et mal an 30 livres.... »

Le pont de la Roque est traversé chaque année par des milliers de voitures qui fréquentent le havre, une des principales sources de la richesse agricole du pays. Il est difficile de se faire une idée du mouvement et de l'activité des innombrables voitures qui se rendent dans le havre du pont de la Roque pour y prendre ce sable précieux, cet engrais si estimé dans le pays et connu sous le nom de tangue.

L'usage de la tangue, pour fertiliser les terres, existait dès le XII° siècle ; son enlèvement n'était pas absolument libre.— Le souverain et les seigneurs avaient le droit de le restreindre dans l'étendue de leurs fiefs.

On voit qu'en l'année 1395, Michel de Villaines déclarait pouvoir et devoir, à raison de sa seigneurie, prendre ou faire prendre de la tangue aux lisières du pont de la Roque.

Plusieurs chemins portent le nom de chemins tangours ou chemins sablonnours.

A l'époque de la conquête de l'Angleterre par Guillaume de Falaise, la seigneurie de Montchaton appartenait aux puissants barons de la Haye-du-Puits ; une charte confirmative de Henri Ier , donnée en l'année 1126. en faveur de l'abbaye de Lessay, prouve qu'alors cette famille possédait encore Montchaton .

Plus tard, et en 1142, Raoul de la Haye, qui défendait la cause d'Etienne de Blois contre Geoffroy, comte d'Anjou, se retrancha dans le château de Montchaton ; mais réduit à la dernière extrémité, il fut obligé de se rendre et de sortir de la forteresse avec une selle sur le dos, dans la posture la plus humiliante : « car estoit l'ordonnance, dit la chronique de Normandie, qu'ung homme desconfist se rendoit une selle sur son dos, afin que son vainqueur le chevauchast s'il lui plaisoit. »

Olive, fille du comte Etienne de Blois, qui épousa Guillaume de Saint-Jean, l'un des puissants barons du Cotentin, devint propriétaire du domaine de Montchaton ; car, on trouve qu'en 1194 elle data de son château de Montchaton une donation qu'elle faisait à l'abbaye de Savigny : Facta est donatie apud Montem Chaton anno ab incarnatione domini MCXCIIII.

On voit aussi Guillaume de Saint-Jean, l'an de l'incarnation 1221, concéder et confirmer à l'abbaye de Lessay, tout ce que lui avait donné précédemment Eudes-au-Cappel, notamment la dîme de la pêcherie du manoir de Montchaton et la pêcherie elle-même, du samedi, après le coucher du soleil, jusqu'au dimanche matin.

Avant la conquête de la Normandie, par Philippe Auguste, la terre de Montchaton formait un fief de haubert qui relevait du comté de Mortain et était possédé alors par Eudes, seigneur de Montchaton.

Au commencement du XIII° siècle, Philippe Auguste confisqua les biens du seigneur et baron de Saint-Jean-le-Thomas ; alors le fief de Montchaton, au lieu de relever du duché de Normandie, par le comté de Mortain, releva du royaume et de la couronne de France.

Cette confiscation, qui atteignait tous les partisans du roi Jean, comprit le château et la seigneurie de Montchaton. Car on lit dans des aveux de 1385 et de 1404 « que plusieurs forfaitures échurent, en Normandie ; le seigneur de Saint-Jean-le-Thomas forfit, entre autres choses, un fief ou membre de fief qu'il tenoit noblement et franchement, à cour et usage, appelé le fief de Montchaton, dont le chef-lieu étoit assis à Montchaton ; et le roi de France fut saisi, à cause de ladite forfaiture, du fief ou membre de fief de Montchaton. »

Gautier Dubois obtint ce fief; mais sous le règne de Philipppe-le-Hardi, et en l'année 1284, Raoul de Breully obtint une charte du roi, qui lui concéda la seigneurie de Montchaton. Cette charte, contenant quelques détails sur la valeur de la fiefferme de Montchaton, je vais la transcrire  :

« Philippe par la grâce de Dieu, roi des Français, faisons savoir à tous tant présents qu'à venir, que comme nous tenions en notre main le manoir de Montchaton avec toutes ses terres et ses appartenances, ainsi que les revenus et possessions que Gautier Dubois au temps qu'il décéda tenait dans la vicomté de Coutances, pour défaut de paiement des cautionnements dudit Gautier, nous avons vendu et concédé à perpétuité ledit manoir avec ses appartenances, et lesdits revenus et possessions, à Raoul de Breuilly, chevalier, notre bailli au pays de Caux, à ses héritiers ou successeurs et ayant cause pour le prix de 700 livres tournois qu'il nous a déjà apportées et payées à Paris en solution de la dette dont le dit Gautier était tenu. Et afin que cela soit chose stable nous avons sur les présentes fait apposer notre sceau. » Fait à Paris, l'an de notre Seigneur MCCLXXXIV, dans le mois de décembre. »

Le roi se montra très favorable à la famille de Breuilly et lui fit de nouvelles concessions ; ainsi, par une charte donnée l’an de grâce 1289, le samedi après la fête Saint-Lucas, évangéliste, le Bailli du Cotentin pour le profit du roy bailla à ferme perpétuelle à Raoul de Breuilly la pesquerie de Montchaton pour onze livres tournois d'anuel rente à payer et à rendre à icelluy nostre seigneur le roy, moictié à l’eschiquier de Pasques, et la moictié à l’eschiquier de la Sainct-Michel.

Un aveu rendu par un Raoul de Breuilly, dans le XIV° siècle, nous offre des détails non moins intéressants; il est ainsi conçu :

« Je Raoul de Breuilly tiens et confesse a tenir du roy de Navarre Monseigneur cinq fleufermes a héritages cest assavoir le manoir de Montchaton et les terres a luy appartenantes et les rentes que Gautier Duboys tenoit au temps qu'il vivoit par douze livres de rente par an cest assavoir six livres a leschiquier de la Sainct Michiel et sis livres a leschiquier de pasques. Jtem j. prey a Montchaton par quatre livres paier as ij termes dessus diz par moitié. Jtem j. costil de bois en ladicte paroisse par quarante soulz a paier a chescun desdiz ij. termes par moitié. Jtem la garenne de Montchaton par sexante soulz a paier as diz ij. termes a chescun par moitié. Lequel manoyr et terres contiennent vyron quarante acres et les fourmens souloient monter en somme cinquante quartiers de fourment a la mesure de Coustances et a présent ne valent pas bon an mal an audit mons. les rentes qui deues en sunt et valent plus un an que autre. La garenne vaut dix soulz mauvesement, ledit prey et le bosc valent bon an mal an six livres et souloient valoir la moitié plus par an. Item les pesquenes de Montchaton par unze livres a paier es diz ij. termes a chacun par moitié lesquelles valent par an dix livres communs ans par dessus les reffections et ce qui en est deu audit mons. et la forme du simple gage plege en basse justice du fieu et terre de Montchaton o toutes ses appartenances tant en fourment avaines capons guelines oeux et deniers et espèces que en une foire séante à Heenville le jours Saint Pierre aux liens aveucques toutes ses appartenances par le nombre de six vins six livres a paier es diz ij. termes a chescun par moitié et valent pour le temps de présent vyron « sexante livres. En témoing de ce jai a cette cedule mis mon sel le XIII° iour de juin lan de grâce mil CCCLXXXIJ. »

Cet aveu fut renouvelé le 4 juillet 1390 dans les termes suivants :

« Aveu pour le fief terre et sieurie de Montchaton aveques ses appartenances tant en manoirs domaines terres prays boys landes four de baon pescheries garenne en eau et en terre sèche que en rentes fourments avoynes deniers chapons guelines œufs oyseaux et aultres rentes tant en la paroisse de Montchaton et paroisse de Contrières Orval Heuqueville Montmartin et Hyenville que ailleurs avecques les regards et les hommages des hommes et une foire séante à Hyenville le jour Saint Pierre en aoust. »

Charles II, dit le Mauvais, roi de Navarre, ayant hérité de Louis, comte d'Evreux, frère de Philippe-le-Bel, devint très puissant en Normandie. C'est ainsi qu'il se trouva en possession du château de Montchaton ; mais les partisans du roi de France le troublèrent dans sa possession. Alors un Thieuville prit cette seigneurie à fief du roi de Navarre ; il parait qu'il eut beaucoup à souffrir de la haine que le peuple avait pour Charles-le-Mauvais ; car, deux fois, en 1345 et 1346, le château de Montchaton fut brûlé. En 1360, il fut démoli à la demande des habitants du pays qui craignaient de voir le roi de Navarre s'en saisir encore, et les pierres qui en provinrent, furent portées à Regnéville, et servirent à la construction du château.

Un siècle plus tard, et alors que Henri, roi d'Angleterre, était maître de la Normandie, Jean de Guéhébert, qui était de la famille de Thieuville, présenta au roi une requête qui donna lieu à une information. Cet acte, qui est de 1446, offre des renseignements assez curieux pour qu'on les fasse connaître.

« Information faite à Coutances, par nous Robert Dyonis, lieutenant général de noble homme Hue Spenser bailli du Cotentin, ainsi qu'il suit :

« Henry par la grâce de Dieu, roi de France et d'Angleterre, à nos amés et feaulx, les gentz de nos comptes, salut et dilection : reçu avons l'humble supplication de notre amé et féal Jean de Guéhébert contenant comme d'ancienneté par aucuns de ses prédécesseurs, eut été mis en fieffe par le roy de Navarre, qui lors étoit des terres, fief et seigneurie de Montchaton… Le manoir dudit lieu a été ars et démoli par nos adversaires comme lors mouvoient guerre au roy de Navarre… Ladite seigneurie est assise près de Marais du plain, du Mont-Saint-Michel et Granville, occupée par nos adversaires, pour lesquelles causes et diminutions icelle terre, n'ait valu et ne vaut pour le présent que trente livres de rente… Item dit qu'en ladite terre avoit un beau manoir qui par l'ordonnance du roy, qui lors étoit, fut abastu à la requête des gentz du pays, et que les édifices dudict manoir, comme pierres de Caen et de tailles et aultres choses furent portées à l'édifice du chastel de Regniéville, appartenant au roy notre sire, et n'y demeure qu'une vieille salle qui par occasion de la guerre, a été arse deux fois. »

Jean de Thieuville possédait encore la seigneurie de Montchaton en 1458 ; mais une fille de cette famille, Marie deThieuville, ayant épousé Jean du Saussey, cette seigneurie devint la propriété de la famille du Saussey. Aussi, Delaroque, dans son traité de la noblesse , dit-il que le roi François Ier fit expédier des lettres, à Coutances, le 3 mai 1532, pour la foy et hommage que lui rendait Jean du Saussey, écuyer, à cause de sa fiefferme de Montchaton, dépendant de la vicomté de Coutances : a été rendu le dict hommage, disent les lettres, entre les mains de notre très cher féal et grand ami le cardinal de Sens, légat et chancelier de France.

Aucun renseignement historique ne fait connaître si la famille du Saussey possédé longtemps la seigneurie de Montchaton ; mais, plus tard, cette fiefferme de Montchaton tomba dans le domaine de l'Etat, qui ensuite l'aliéna à charge de rentes et autres droits envers le domaine de sa majesté ; car depuis la moitié du XVI° siècle et pendant les XVII° et XVIII° siècles, on trouve comme seigneurs de Montchaton :

En l'année 1559, Jean Michel.

En l'année 1616, noble homme Guillaume Michel, sieur de Montchaton, conseiller du Roy et général en la cour des aydes à Rouen.

En 1653, Alexandre-Michel, sieur de Montchaton. Il eut deux filles : Elisabeth Michel se maria à Georges Desmarets, et Catherine Michel laissa pour héritier Alexandre Le Carpentier, sieur de Montchaton.

Louise-Françoise-Jacqueline Le Carpentier. qui prenait le titre de dame de Montchaton, épousa Thomas-Honoré de Mons, chevalier, lieutenant général civil au bailliage et siège présidial de Cotentin. Leur fille, Catherine de Mons, épousa Antoine-Jean-Baptiste-Georges-Louis Desmaretz, chevalier, seigneur et patron de Montchaton.

Thomas-Louis-Antoine Desmaretz, leur fils, fut chevalier, seigneur de Montchaton, Bavent, Faulx, la Motte, le Châtel, la Giffardière et autres lieux. Il devint conseiller du roi, lieutenant général civil au bailliage et siège présidial du Cotentin ; il épousa Marie-Françoise d'Auxais, dame du Perron. Ce fut lui qui, au mois de mars 1789, présida l'assemblée générale des trois ordres du grand bailliage de Cotentin qui eut lieu à Coutances, dans la nef de l'église cathédrale, pour la nomination des députés aux Etats généraux. En l'année 1790, il fut nommé président du district de Coutances.

Montchaton vit naître dans les premières années du XVII° siècle Antoine Garaby, sieur de Pierrepont, de la Luzerne et d'Etienville. Garaby était laid, petit et contrefait, mais il était doué de beaucoup d'esprit et avait un excellent cœur. Il a laissé plusieurs recueils de poésies. Voici le dernier quatrain de l'un de ses ouvrages :

Rien n'est si peu sage que l'homme :

Noé fit le fol en beuvant,

Et Adam en mangeant la pomme,

Et moi peut-être en escrivant.

En l'année 1688, un des fiefs nobles appartenait à Léonor de Garaby, seigneur de Trois-Monts, contrôleur en la cour des aydes et finances à Rouen. Ce devait être un des parents du poète Garaby.

Sommaire


Montmartin

Montmartin-sur-Mer, Mons-Martini.

L'église actuelle ne date que de quelques années. L'étage inférieur de la tour appartient seul à la construction primitive.

L'ancienne église était une église de transition ; elle offrait des caractères bien marqués de l'architecture romane secondaire et de l'architecture à ogive.

La tour, placée à l'occident, est quadrangulaire. La partie inférieure est de la seconde moitié du XII° siècle. Les fenêtres sont cintrées, sans colonnes, mais on voit que l'ogive tend à se substituer au cintre. Les colonnes et les chapiteaux qui soutiennent les arcades de la voûte sont de la même époque. Les contreforts sont légers et ont peu de saillie.

La partie supérieure de la tour a été faite récemment. Elle présente sur chaque façade trois ouvertures longues, étroites et cintrées; on l’a recouverte d une espèce de dôme du plus mauvais goût.

Il existe près d'une des portes de l'église, vers le sud, un petit bénitier monolithe assez curieux. Je le signale aux hommes plus instruits qui pourront indiquer son âge.

On voit dans le cimetière plusieurs pierres tumulaires qui portent les dates de 1631, 1671, 1728 et 1734. Sur une autre, j'ai lu :

CY : DESSOVBS : GYST LE CORPS DE

PIERRE LE CAPLAIN : LE QVEL : A :

DÉCÉDÉ : LE: 15 : IÉME DE MAY

PRIEZ POVR : LVY : P. AV : 1620.

A Montmartin aussi on a employé des pierres tombales à faire des échaliers. Ces pierres offrent encore des restes d'inscriptions. Il est vraiment regrettable qu'on ait si peu de respect pour la mémoire des morts. MM. les curés doivent s'opposer à ces actes de profanation et de vandalisme, certains qu'ils sont d'obtenir l'appui et les sympathies de tous ceux qui ont la religion des souvenirs.

L'église est sous le vocable de Saint-Martin. Elle dépendait de l'archidiaconé de Ia chrétienté et du doyenné de Cérences. Dans le XIII° siècle, elle payait pour décime XII s. V. d.; dans le siècle suivant LXXX lb; et, en 1665, 39 livres.

Le patronage de l'église de Montmartin appartenait dans les XIII° et XIV° siècles à l'abbaye de Savigny. Les dîmes se partageaient en deux parts : l'abbaye avait deux gerbes sur toute la paroisse : Percipit duas garbas per totam parochiam. Le curé avait la troisième gerbe, le casuel et le poisson. Rector… percipit terciam garbam et altalagium cum piscibus. Chaque portion dans le XIII° siècle valait LXXX livres. Le curé, dans le siècle suivant, payait pour la chape de l'évêque dix sols ; pour le saint chrême vingt deniers, et pour le droit de visite 19 deniers. Il n'avait qu'environ une demi vergée de terre aumônée : Elemosina dicti loci continet dimidiam virgatam terre vel cocirca.

L'abbaye de Savigny céda son droit de patronage ; car le tableau de 1665 donne au seigneur le patronage de l'église et le droit de présenter à la cure.


FAITS HISTORIQUES.— Pendant plusieurs siècles, il s'est tenu à Montmartin une des foires les plus importantes de la Basse-Normandie. On la trouve citée sous le règne de Guillaume-Le-Conquérant. Robert, comte de Mortain, par une charte de la fin du XI° siècle, donna aux moines de Marmoutier la dîme de la foire de Montmartin. Sciendum est, dit le cartulaire de Marmoutier, quod Robertus comes Moritonii donavit monachis S. Martini in Constantino decimam feriœ Montismartini.

Il donna aussi au chapitre de chanoines qu'il fonda au château de Mortain une rente de 40 sous rouennais à prendre, chaque année, sur les revenus de la foire de Montmartin. Et 40 solidos rothomogenses in feria Monsmartini annuatim.

Les grands rôles de l'échiquier de Normandie, tenu à Caen sous le règne de Henri II, en l'année 1180, nous donnent quelques renseignements sur les revenus de la foire de Montmartin. Le fermier, qui était de Saint-Lô et s'appelait Boso, rend compte des revenus de la foire qui était affermée pour 300 livres. Il verse pour le trésor, in thesauro. 256 livres 6 sous 2 deniers. Il s'acquitte des 40 sous aumônes au doyen de Mortain, des 30 livres pour la dîme donnée au prieur de Mortain : Decano Moritonii 40 sol. de elemosine statu. In décima priori de Moritonio 30 lib. Il tient compte de 14 sous au profit du vicomte de Cérences et de 7 sous au profit du prévôt de Cérences ; de 8 sous et 2 deniers, duabus gravengeriis (les graverans, c'est-à-dire les préposés à la perception du droit connu sous le nom de graverie) aux deux ; de 4 sous, 8 deniers à titre d'aumône aux lépreux , leprosis 4 sol. 8 den. de elemosine statu ; de 10 livres à Foulques Paynel, et le fermier est déclaré libéré, et quietus est.

Henri II exempta les religieux d'Evron, dans le Maine, et plusieurs autres maisons religieuses, de payer pour les objets à leur usage qu'ils achèteraient à la foire de Montmartin. Jean, comte de Mortain, accorda pareille exemption aux religieux de Saint-Sauveur-le-Vicomte. En l'année 1200, ce même prince, devenu duc de Normandie et roi d'Angleterre, écrivit aux vicomtes de Guingamp, de Lamballe et de Dinan, pour engager les hommes de leurs vicomtés à se rendre avec leurs marchandises à la foire de Montmartin.

On trouve qu'en 1253 et 1257 Isabelle de Fougères donna aux moines de Savigny dix livres de rente sur la foire de Montmartin; et qu'en 1324, l'abbaye du Mont-Saint-Michel dépensa 20 sous pour les frais de cette foire.

Les revenus de la foire qui, à la fin du XII° siècle, étaient de 300 livres, avaient diminué depuis ; car dans la recette du compte de la vicomté de Coutances du terme Saint-Michel 1326, la foire de Montmartin ne figure plus que pour 280 livres; et la moitié du marché y est portée pour 2 livres 10 sous.

Le comte de Mortain attachait tant d'intérêt à cette foire que quand il constitua le fief de Carantilly, il obligea le feudataire par son acte d'inféodation à fournir 50 hommes pour faire, pendant la nuit, la garde de la foire de Montmartin. Plusieurs fiefs des environs devaient le même service. Henri de Saint-Denis, seigneur de Saint-Denis-le-Gast, devait, en l'année 1394, y envoyer 30 aînés de son fief.

Dans l'état des fiefs de l'élection de Coutances, on voit encore que « les hommes de Guillaume Corbet, escuyer, doibvent ayder à garder les foires de Montmartin. »

Le fief du Mesnil-Aubert, assis à Cenilly, et celui de la Haye-Comtesse, devaient aussi, le premier neuf hommes et l'autre seize, pour faire guet et garde à la foire de Montmartin.

Cette foire se tenait à l'époque de la Saint-Martin d'été, dans le mois de juillet. Elle était prise pour terme de paiement, ad nundinas Montis Martini.

Les statuts synodaux de Robert d'Harcourt, qui mourut évêque de Coutances, dans les premières années du XIV° siècle, défendaient aux prêtres de négocier, d'acheter pour revendre, et particulièrement de conclure des marchés aux termes de la foire de Montmartin.

Les Anglais, lors des nombreuses descentes qu'ils firent dans le pays, pillèrent souvent cette foire. Aussi perdit-elle son importance et fut-elle presque abandonnée. Ce fut alors qu'elle se confondit avec celle bien plus importante de Guibray. Les marchands, trouvant plus de sécurité à Guibray, fréquentèrent sa foire et abandonnèrent celle de Montmartin.

On cite encore dans la commune une pièce de terre connue sous le nom de Pièce-de-la-Foire, et un chemin qui, partant du bourg de Montmartin, est appelé dans le pays le Chemin-de-Guibray.

Après l'expulsion des Anglais, Guillaume de Bohon, écuyer, obtint du roi Charles VII, le 24 mars 1450, des lettres-patentes pour le rétablissement de la foire de Montmartin, à charge de la faire annoncer aux pays d'Espagne, de la Hollande, de la Zélande et de la Flandre. Mais il ne paraît pas que cette tentative ait réussi. Cependant une foire, mais de peu d'importance, continua de se tenir à Montmartin ; car on voit qu'en l’année 1766, messire Jean-François Ferrand, écuyer, seigneur de Montmartin, loue ses droits de la foire de Montmartin avec les halles autant qu'il lui en appartient pour vingt livres annuelles. Il s'oblige aussi à faire aux halles qui étaient près du cimetière les réparations nécessaires.

On trouve comme ayant successivement possédé la seigneurie de Montmartin :

Pierre Destouches qui prenait le titre d'escuyer, seigneur en partie de Montmartin ;

Guillaume Adam, aux droits de Jehanne Destouches, sa femme.

En l'année 1533, ils vendirent à Jehan et Guillaume Louvet, à savoir : les fief, terre et seigneurie de Montmartin, avec toutes ses appartenances et appendices en manoirs, domaines, garennes, moulin, communes, doits d'icelui, rentes et revenus, tant en grains, denrées, œufs, oiseaux, gravages, etc. » Le prix était de 850 livres et dix livres tournois pour vin. Après Jehan et Guillaume Louvet, on cite :

  • Adrien Louvet ;
  • Son fils, Charles Louvet ;
  • Odet Louvet, sieur de Montmartin ;
  • Guy Louvet, écuyer, sieur de Montmartin.

Ce dernier, en 1666, échangea sa terre de Montmartin contre une autre qui appartenait, dans la paroisse de Bourrey, à Marie d'Orléans, duchesse de Nemours et d'Estouteville.

Cette princesse eut pour héritier Jacques Gouyon, sire de Matignon, comte de Thorigny, chevalier des ordres du roi, lieutenant général des armées de Sa Majesté et de la province de Normandie, qui devint seigneur de Montmartin.

Le comte de Thorigny vendit à François-Hyacinthe Louvet, écuyer, les fief, terre et seigneurie de Montmartin près la mer, la vavassorie de Rantot et le fief de la Clamerie, par le prix de 24,000 livres.

François-Hyacinthe Louvet revendit le domaine de Montmartin à Nicolas Sanson, écuyer, sieur de Bretteville, conseiller, lieutenant général criminel au bailliage et siège présidial de Cotentin.

Nicolas Sanson était un descendant de Gilles Sanson, écuyer, sieur de Groucy, qui produisit devant Guy Chamillart des actes prouvant une noblesse de quatre races. Il portait d'azur à trois fauconnières d'or, deux en chef et une en pointe.

Elisabeth Sanson, en épousant Nicolas Ferrand, apporta dans cette famille une partie du domaine de Montmartin.

Cette famille Ferrand, originaire de Saint-Sauveur-Lendelin, était d'une ancienne noblesse, remontant à 1471. L'un de ses membres, Jean Ferrand, était, en 1594, escuyer, sieur de la Justice. Il épousa Marguerite Rachinel.

Un de ses fils, Guillaume, sieur de la Fosse, épousa Jeanne Gelée.

Ce fut à leur fils Nicolas Ferrand, sieur de la Perelle, que se maria Elisabeth Sanson. Ils eurent quatre fils, dont deux, Jacques et François, furent servant le roi. Nicolas Ferrand portait en ses armes : de sable, à la tierce ondaye d'argent, à trois fers de flèches d'argent, 9 en chef, 4 en pointe; les pointes en bas.

Après Nicolas Ferrand et ses fils, on rencontre Philippe Ferrand, sieur Dauverney, et ensuite messire Jean-François Ferrand, escuyer, seigneur et patron de Montmartin.

Une de ses filles, Anne Ferrand, épousa Charles-Marie-Simon Gosselin, avocat et juge en la cour criminelle et spéciale de Coutances. Leur fils, M. Ferdinand Gosselin, habite la ville de Coutances; il est membre de l'Association normande.

Jean-François Ferrand, seigneur de Montmartin, était mort lors de la réunion des trois ordres du grand bailliage de Cotentin, en 1789; car on voit que sa veuve et ses enfants y furent représentés par messire Charles-Daniel Lair, chevalier, seigneur du Lude, Aureville et autres lieux.

Nicolas-Charles-Antoine Le Conte, seigneur d'Ymouville, possédait aussi un fief noble à Montmartin. Il fut, en l'année 1771, en procès avec Philippe Ferrand, sieur Dauverney, pour le patronage de l'église. Le curé lui refusait la qualité de seigneur et patron de l'église de Montmartin, et soutenait qu'elle appartenait à Ferrand. Thomas-Honoré de Mons, lieutenant général civil, tenant l'audience du bailliage, ordonna que Ferrand Dauverney serait mis en cause pour défendre ses droits. Celui-ci revendiqua et obtint le titre de seigneur de Montmartin. Le Conte ne figura dans l'assemblée de 1789 que comme seigneur d'un fief noble à Montmartin.

Montmartin-sur-Mer est un bourg, chef-lieu de canton, ayant foires et marchés. Cette commune est située sur une hauteur. On y trouve des carrières de pierres calcaires d'une bonne qualité, et qui fournissent d'excellentes pierres à chaux, et même des marbres susceptibles d'un poli brillant, et dont on fait des autels, des cheminées et des tables.


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Orval

Orval, Aureavalle, Aureavallis, Aurevallis.

L'église offre de l'intérêt; elle a la forme d'une croix, et se compose du chœur, de la nef et de deux chapelles.

La nef et la tour sont du XI° ou XII° siècle ; le chœur est du XV°.

Les murs de la nef sont en grande partie construits en arête de poisson. Les corniches sont soutenues par des modillons de formes diverses, et dont quelques-uns offrent des têtes d'hommes à figures grimaçantes.

Au nord, la nef est éclairée par trois petites fenêtres étroites et cintrées ; une quatrième a été bouchée. Au midi, elle l'est par quatre fenêtres : trois sont à ogive, l'autre n'a pas de caractère. Ces fenêtres en ont remplacé d'autres qui, elles aussi, étaient petites, de forme cintrée, et étroites comme, celles qui sont au nord. Cette substitution de fenêtres, qui avait pour but sans doute d'éclairer davantage la nef, a enlevé à cette partie de l'église le type essentiel et primitif de son ornementation, et la prive de son caractère antique. On ne peut que déplorer ces changements, ces altérations et ces substitutions si regrettables dont chaque jour les églises de campagne sont l'objet, sous prétexte d'améliorations souvent très douteuses et d'embellissements imaginaires.

Les arcades du transept sont romanes et sans ornements. La voûte de la tour est soutenue par des arceaux reposant sur de simples abaques carrés. Les colonnes qui tapissent les parois intérieures de la voûte sont garnies de tores, et leurs chapiteaux sont ornés, les uns de figures grimaçantes, et les autres de moulures dont je n'ai pu, à cause de la hauteur, apprécier le caractère.

La tour, de style roman, est placée entre chœur et nef. Elle est de forme quadrangulaire, et se termine par un petit toit à double égout qui date évidemment d'une époque bien postérieure aux autres parties. Elle offre sur chaque façade plusieurs rangs de fenêtres, les unes longues, étroites et cintrées, les autres petites, cintrées, simples ou géminées. Chaque étage est orné d'un cordon soutenu par des modillons simples ou à figures grotesques.

Les contreforts qui tapissent les murs primitifs ont peu de saillie.

La porte occidentale a été ajoutée, et provient évidemment d'un autre édifice. Elle est du XIII° siècle. L'archivolte est ornée de plusieurs voussures cannelées qui portent de chaque côté sur des colonnes dont deux ont été brisées, mais dont les chapiteaux subsistent.

Le chœur est voûté en pierre, et éclairé par des fenêtres du XV° siècle. Les arceaux croisés et à nervures prismatiques de la voûte tombent sur des colonnes dépourvues de chapiteaux. Le mur absidal est à pans coupés, et les contreforts sont appliqués sur les angles, caractère qu'ils offrent fréquemment dans le XV° siècle.

Dans le mur méridional du chœur, la boiserie qui tapisse les murs couvre une crédence du XV° ou du XVI° siècle, que couronne une arcade en accolade.

Dans la chapelle méridionale, on remarque une crédence à ogive, dont le tympan est orné d'un bouquet de fleurs frisées. Cette crédence était surmontée d'un fronton qui a disparu ; mais on voit encore une partie des rampants, que garnissent des espèces de feuilles formant crochet.

On observe dans l'église deux vitres du XV° ou XVI° siècle. Sur l'une, on reconnaît sainte Hélène à la recherche de la vraie croix ; sur l'autre, le baptême de Jésus-Christ et la décollation de saint Jean-Baptiste.

L'autel est orné de quatre colonnes garnies de guirlandes et surmonté d'un baldaquin. L'ensemble de cet autel est d'un fort mauvais goût.

Les boiseries des quatre stalles qui sont dans le chœur paraissent dater du XVI° siècle. Il existe sous l'étendue du chœur une petite crypte d'architecture romane. On sait que ces chapelles souterraines ont été établies tant qu'a régné l'architecture à plein cintre, et qu'on cessa d'en construire après l'adoption de l'ogive. A peine, suivant M. de Çaumont, pourrait-on citer quelques exemples de cryptes postérieures au XII° siècle.

On pénètre dans cette crypte par une porte basse, placée dans le mur septentrional du chœur. Elle est divisée en deux compartiments par un mur construit en pierres rangées en forme d'arêtes de poisson. Le premier compartiment formait, à n'en pas douter, la chapelle souterraine où l'on célébrait l'office divin.

Cette chapelle est voûtée, et la voûte en est soutenue par un fort pilier quadrangulaire qui se dresse au milieu, jusqu'à une hauteur de quatre pieds. Sa largeur est de 19 pieds 6 pouces, sa longueur de 18 pieds, et sa hauteur de 6 pieds. C'est sur ce pilier que viennent aboutir sans doute les arceaux de la voûte, que dérobe à la vue une couche de mortier.

On entrait dans l'autre partie de la crypte par un petit escalier tournant, placé à l'est, et au bas du chevet actuel de l'église. Je pense que primitivement, et avant la construction du chœur, cet escalier servait pour accéder les deux compartiments ; qu'il se sera trouvé supprimé plus tard par de nouvelles constructions, et qu'il aura été remplacé par la porte basse qui existe dans le mur septentrional du chœur. La longueur de ce compartiment est de 19 pieds 6 pouces, sa largeur de 42 pieds, et sa hauteur de 6 pieds.

On a dû trouver dans cette crypte beaucoup d'ossements humains, ce qui ferait penser que son emplacement a servi de lieu de sépulture soit aux religieux du prieuré d'Orval, soit aux prêtres qui desservaient l'église, ou même aux paroissiens. On sait que plusieurs cryptes ont reçu pour destination de servir de caveau sépulcral, après avoir cessé d'être employées à l'usage du culte. Dans la tour, j’ai lu sur la cloche l'inscription suivante :

J'AY ÉTÉ NOMMEE CHARLOTTE FRANÇOISE PAR MONSEIGNEUR CHARLES FRANÇOIS LOMENIE DE BRIENNE, EVEQUE DE COUTANCES, ASSISTE DE NOBLE DAME BESNIER, EPOUSE DE MESSIRE LOUIS DUHAMEL RIPAULT, CHEVALIER, SEIGNEUR DE SAUSSEY, CONSEILLER D'HONNEUR AU SIEGE PRÉSIDIAL DE COTENTIN ET SUBDBLEGUÉ DE M. L'INTENDANT. BENIE PAR M. BALTHASAR COLIN, PRETRE, CURE D'ORVAL. FONDUE ET AUGMENTÉE L'ANNÉE DU DEPORT DES PAROISSIENS, A LA DILIGENCE DE M° GUILLAUME CABARET, PRESTRE, ET DE GUILLAUME PILLET, TRÉSORIER. 1715.

L'église et le cimetière offrent plusieurs pierres tumulaires. Près du font baptismal, on lit les deux inscriptions suivantes :

CY GIST LE CORPS DE

M° CHARLES ROBERT CABARET SIEUR DE MAUVIEL

DECEDE LE 24 JUILLET 1709 AGE DE 70 ANS

PRIEZ DIEU POUR LE REPOS DE SON AME. PATER


CY GIST LE CORPS DE

Mtre NICOLAS CABARET

NE LE 8bre 1705, DECEDE LE 5 7bre 1784 AGE DE 79 ANS.

PRIEZ DIEU POUR LE REPOS DE SON AME. PATER ET AVE.

Dans la nef, sur deux pierres, j'ai lu les dates de 1690 et 1698.

Dans le cimetière, on lit :

CY GIST LE CORPS DE

M° ROBERT CABARET PRESTRE

PREMIER SUCCURSAIRE DE CE LIEU ET REDEMPTEUR ET REPARATEUR DE CETTE CROIX

NE A ORVAL LE 2 AVRIL 1730 ET DECEDE LE 27 AVRIL 1807 AGE DE 77 ANS

PATER AVE REQUI REGAT IN PACE.


CY GIST LE CORPS DE

MESSIRE FRANÇOIS LECOMTE ESCUYER SEIGNEUR D’YMOUVILLE

DECEDE LE 12 DECEMBRE 1730 AGE DE SOIXANTE TREIZE ANS

PRIEZ DIEU POUR LE REPOS DE SON AME. PATER AVE.


SOUS CETTE PIERRE REPOSE

NOBLE DEMOISELLE LARIE LEGENTIL

VEUVE DU SIEUR CABARET MAUVIEL DE L’AUTRE PART

ELLE DECEDA LE 28 AOUT 1766 AGEE DE 80 ANS 3 MOIS

PRIEZ DIEU POUR ELLE. ATER AVE.


ICI REPOSE LE CORPS DE

M. LOUIS LE COMTE D’YMOUVILLE CHEVALIER DE SAINT-LOUIS

DECEDE A ORVAL LE 6 AVRIL 1842 DANS SA 76° ANNEE

IL VECUT ET MOURUT CHRETIEN. PRIONS POUR LUI.


M. J. B. DUCHEMIN

CURE D’ORVAL, SA PAROISSE NATALE

DECEDE PLEIN DE MERITES LE 17 8bre 1846 AGE DE 76 ANS.

Sur deux petites croix grecques, j'ai lu les dates de 1719 et 1728.

On voit aussi dans le cimetière trois pierres funéraires qui appartiennent à la famille Le Muet-Lachalonnière. Elles portent les dates de 1846, 1847 et 1848.

L'église est sous le vocable de sainte Hélène. Elle dépendait de l'archidiaconé et du doyenné de la chrétienté. Elle payait 45 livres pour décime. Le patronage appartenait à l'abbaye de Lessay. Cette église lui avait été donnée par Reginald ou Renaud d'Orval, et sa femme Murielle, fille et héritière de Robert de la Haye, Ecclesiam sanctœ Helenœ de Aureâ Valle, à condition d'entretenir dans ce lieu une maison de religieux pour le service de la paroisse. Cette maison religieuse devint plus tard un simple prieuré que l'abbaye de Lessay posséda à Orval.

La dîme, d'après le Livre noir, se partageait en plusieurs parts. Le prieur avait quatre portions de la dîme des fruits, la moitié de celle du lin et du chanvre, et deux portions de la dîme des pommes : Percipit ibi prior quatuor partes decimarum frugum, et medietatem lini et canabi, et duas partes fructuum pommorum.

L'abbé et le prieur devaient, pendant trois jours de la semaine, distribuer 40 quartiers d'orge aux pauvres, qu'ils avaient l'habitude d'appeler au son de la cloche à recevoir cette aumône. Dicti abbas et prior XL quart. ordei que solebant distribui pauperibus per très dies in septimana et solebat pulsari campana ad pauperes convocandos ad elemosinam.

Plus tard, et dans le XIV° siècle, le curé avait la cinquième gerbe sur toute la paroisse, le quart des laines, la moitié de la dîme des agneaux et la tierce partie de celle des pommes et des bois. Il avait aussi un presbytère qui contenait environ un demi acre de terre : Rector percipit quintam garbam de parochia et quartam partem de lanis, de agnis medietatem et percipit terciam partem pomorum et silvarum terciam partem. Item ipse rector habet manerium presbiteratus et continet dimidiam acram vel cocirca.

Le curé payait pour le saint chrême vingt deniers ; pour droit de visite, 17 sous, et pour la chape de l'évêque, 14 sous.

La grange du prieuré, placée à peu de distance de l'église, paraît être très vaste. Elle offre dans le mur méridional une porte cintrée bouchée et un contrefort peu saillant, qui sans doute appartiennent aux premières constructions.

Le prieuré que l'abbaye de Lessay possédait à Orval avait encore la dîme des foins, un acre de terre et la dîme des trois moulins qui alors existaient à Orval : Decimas feni, unam acram terrœ, et decimam trium molendinorum de Aurea Valle.

Henri II, roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Aquitaine, et comte d'Anjou, confirma les concessions faites à l'église d'Orval par une charte datée de Cherbourg, qu'il adressa à tous les archevêques, évêques, abbés, comtes, barons, juges, sénéchaux, vicomtes et baillis de la province.

Il y avait à Orval deux chapelles. D'après le Livre blanc de l'évêché, la chapelle saint Léger aurait été la première église de la paroisse : una capella sancti Leodegarii et fuit prima ecclesia de dicta parochia.

L'autre- chapelle, dédiée à sainte Honorine, était aussi connue sous le nom de Chapelle du Plessis ou de Saint-Marc. Elle est placée sur le domaine d'Ymouville : capella sub invocatione sanctorum Marci et Honorinœ intra limites parochiœ de Aurea-Valle prope manerium de Ymouvilla. Cette chapelle a dû être réédifiée dans le cours du XVII° siècle par les soins d'Isabelle Lemoine, dame d'Ymouville. Un chapelain titulaire y était encore attaché en l'année 1789 : c'était Jacques-Claude Gallien.

Le curé ne célébrait l'office dans ces chapelles que quand il le voulait : in dictis capellis rector non débet celebrare nisi de voluntate sua.

Lorsqu'à l'époque de 1222, Hugues de Morville, évêque de Coutances, créa l'abbé de Lessay chanoine de la cathédrale, avec tous les droits et honneurs attachés à cette dignité, l'abbé de Lessay lui abandonna plusieurs églises, au nombre desquelles figurait celle d'Orval. Malgré cette cession, l'abbé de Lessay, qui avait conservé le patronage de l'église, faisait chaque année aux pauvres d'Orval une aumône en grain que le parlement de Normandie, par un arrêt du 19 août 1718, fixa à 25 boisseaux d'orge.

FAITS HISTORIQUES. — On trouve sur les listes des historiens, parmi les vainqueurs de l'Angleterre, un seigneur du nom d'Orval ; mais peut-être faut-il le chercher dans une autre paroisse du même nom ; car, dans celle qui nous occupe on cherche en vain l'emplacement d'un château, et nul dans la contrée n'a conservé le souvenir d'une demeure féodale.

Dans un temps, éloigné sans doute, on a cultivé la vigne à Orval ; car on cite encore dans cette paroisse des pièces de terre, appelées les unes les Hautes-Vignes, et les autres les Basses-Vignes. Dans une donation de l'an 1125, faite par Renaud d'Orval en faveur de l'abbaye de Lessay, on voit figurer entre autres objets un clos nommé le Vignoble : scilicet clausum quod nominatur Vinea.

On voit qu'en l'année 1260, sous l'épiscopat de Jean d'Essey, Jehan Paynel, archidiacre, autorisa le chapitre de Coutances a acquérir sur son fief d'Orval ce qui était nécessaire pour acheter un cierge qui sera allumé nuit et jour devant le grand autel de la Vierge de la cathédrale.

On trouve dans un aveu de l'an 1327 que « Jean Lebreton » et Bernot son fils aisney tiennent en Orval du roy, nostre sire, une vavassorie appelée la vavassorie du Pont contenant 20acres; et en rendent au roy, nostre sire,une livre de poivre à la Montmartin et peut valoir bon an mal an 50 s. » Un autre aveu aussi du XIV° siècle nous apprend que « Guillaume de Breuilly tient du roy nostre sire en la paroisse d'Orval une vavassorie à gage plège et est du fleu de Vallie ou Vellir que le dit Guillaume tient du roy en la vicomte de Carentan par le quint d'un fieu de haubert et doit pour le dit fieu deux sols daydes de trois ans en trois ans et estre un jour et une nuit à ayder et garder le chasteau de Littehaire s'il estoit guerre et vaut lad. vavassorie qui est en la viconté de Coutances aud. Guillaume de revenu ce qui en suit : c'est assavoir que toutes les fois que led. Guillaume va en la ville dOrval pour cause qu'il y ait affaire les tenans de lad. vavassorie ly doivent fourrage pour ses chevaux convenable et suffisant pour les chevaux à un chevalier et estrain pour faire lis pour li et ses gens et feu. »

On lit dans un acte du même genre que « Gieffroy Lechevallier tient une vavassorie franche en la parr. dOrval de Guillaume de Creully par hommage et leu doit chascun an de rente 12 deniers et uns esperons de fer et vaut led. fié 40 liv. de revenus ou viron. »

Tous ces actes offrent un certain intérêt par les détails qu'ils nous fournissent sur les redevances que les seigneurs suzerains stipulaient lors de l'établissement ou de la concession d'un fief, et dont quelques-unes se sont continuées jusqu'à nous.

Il y avait à Orval, dans le cours du XVII° siècle, six fiefs nobles. Le fief du roi, qui dépendait du domaine de Coutances, et dont le vicomte de Coutances était le sénéchal.

Le fief de Lessay, à l'abbaye de Lessay.

Les trois fiefs de Claids, de Montpinchon et de la Halle.

Le fief d'Ymouville, relevant du roi pour un huitième de haubert , appartenait à François Le Conte d'Ymouville.

C'était sur ce fief que se trouvait la chapelle Sainte-Honorine. Elle existe encore sur le domaine d'Ymouville, qui appartient à M. le chevalier d'Ymouville.

Nicolas Le Conte fut anobli en l'année 1578.

Nicolas-Charles-Àntoine Le Conte, seigneur d'Ymouville et du fief de Montmartin, à Montmartin, épousa Bonne-Françoise-Suzanne-Catherine Robert Michel de Mary.

Leur fils, Louis Le Conte d'Ymouville, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, épousa Anne-Alexandrine-Sophie de Bordes de Folligny.

On comptait dans le XVII° siècle, à Orval, trois moulins à eau et à blé. Le moulin de la Roque appartenait à l'évêque de Coutances. Il était d'un revenu de 200 livres, et devait 180 boisseaux d'orge aux chanoines.

Le moulin du Gruel valait 400 livres, et le moulin de Riotte, d'un revenu de 40 livres, appartenait au sieur de Guehebert-Belin.

Orval a vu naître, vers le commencement du VII° siècle, saint Omer, qui devint évêque de Terouane : in Constantiense régione nec longo a Constantia civitate, et in eo specialiter loco qui Aurea-Vallis vocatur, natus est sanctus Audomarus. (additif 1961 : Léopold Delisle pense au contraire que c’est sans fondement qu’on rapporte au diocèse de Coutances la naissance de ce saint évêque ; il naquit à Constance, en Allemagne : « propre Constantian urbem ad Rhenum in vico aureavalle, Guldindal, » dit le Gallia Christiana, tom. X, pag. 1529.)

Ce fut aussi à Orval, dans le XIV° siècle, que naquit Pierre Leroi. D'abord abbé de Saint-Taurin d'Evreux, il obtint ensuite le titre d'abbé de Lessay, et fut nommé, en l'année 1386, abbé du Mont-Saint-Michel. Sur la liste des abbés de cette maison religieuse, il est qualifié de decretorum excellentissimus doctor. Il devint un des plus célèbres abbés de ce monastère, et aucun autre peut-être n'a plus mérité du Mont-Saint-Michel. Après vingt-quatre ans d'une sage administration, il mourut emportant les regrets de ses religieux et ceux aussi de son roi et du souverain pontife.

La famille Le Muet, dont quelques-uns des membres reposent dans le cimetière, est très ancienne dans le pays.

Jean Le Muet fut le premier vicomte de la ville de Troyes en Champagne. Il acquit cette place en 1429.

Il eut deux fils, Jacques et Geffrin.

Jacques mourut sans enfants.

Geffrin épousa une demoiselle Lemiere, de la paroisse de Saint-Philbert-des-Champs, dans l'ancien évêché de Lisieux. Il était possesseur de plusieurs fiefs.

De ce mariage naquirent trois enfants :

Jean qui mourut sans postérité ;

Thomas qui fut prêtre et chapelain du grand autel de l'église cathédrale de Coutances ;

Et Gilles, qui se qualifiait de noble homme. En 1589, il était premier conseiller du roi au présidial de Coutances. Il épousa Françoise Boudier, fille de noble homme maître Jean Boudier, conseiller au présidial, et de Jeanne Gautier.

Un de leurs fils, François, mourut au service du roi.

Un autre, Jean Le Muet, sieur de la Porte, épousa Madelaine Lebreton, fille de noble homme Abel Lebreton, garde du corps.

Leur fils Gabriel, sieur de la Blonderière, épousa Jeanne de Guerout, fille de messire Anthoine de Guerout, chevalier, seigneur et patron de Beuvrigny et gouverneur de Lisieux, et de Jeanne d'Assy, fille de Daniel d'Assy, baron de Coulonce, près Vire.

Robert Le Muet, sieur des Bouillons, leur fils, épousa en premières noces Marie-Thérèse Joret, et en secondes noces Elisabeth Potier, fille du sieur Denerville-Potier, écuyer, de la paroisse de Courcy. Elisabeth Potier était la tante de messire de la Varde-Potier, officier dans la division de M. d'Agon.

Robert eut pour enfant Guillaume Le Muet, sieur des Bouillons, qui se maria à Catherine Cabaret, fille de Pierre Cabaret et de Charlotte du Breuil.

De ce mariage naquirent Antoine-Marie Le Muet et Bernard-Auguste Le Muet-la-Chalonnière.

En l'année 1789, il y avait à Orval plusieurs nobles, mais qui ne possédaient point de fiefs. C'étaient Maximin Le Conte d'Ymouville, Pierre Goueslard, Guillaume-Gilbert-Léger-Pierre Goueslard et Jean-Charles-François Le Conte, chevalier, ancien capitaine commandant au régiment du Maine, chevalier de Saint-Louis.


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Quettreville

Quettreville, Questrevilla, Kettrevilla, Quettrevilla.

L'église présente un parallélogramme rectangle et se compose du chœur et d'une nef.

Le chœur est du XIV° siècle, peut-être même de la fin du XIII°. Il est plus soigné que la nef, ce qu'il faut sans doute attribuer à l'opulence des patrons qui, d'après l'usage, faisaient construire le chœur des églises et devaient l'entretenir.

Il est voûté en pierre, et les arceaux sont taillés en forme de tore ou boudin entre deux cannelures. Leur point d'intersection est garni de fleurons ou d'écussons. Quelques-uns des arceaux qui, d'ailleurs, sont croisés, n'ont pour appui que de simples modillons ou consoles, offrant des têtes dont l'expression est un peu grimaçante. Quelques autres retombent sur des colonnettes dont une portion est cachée par un lambris qui tapisse la partie inférieure des murs du chœur.

Les chapiteaux des colonnes sont ornés d'un tore et d'un double rang de volutes superposées, dont plusieurs se terminent par un évasement figurant un petit fleuron. Quelques autres sont garnis de fleurs grasses.

Les fenêtres du chœur sont ogivales, mais sans ornements.

Le mur absidal est droit et se termine en forme de triangle. Il est percé d'une fenêtre à ogive, divisée par deux meneaux. La partie supérieure de cette fenêtre a été refaite dans le XV° siècle , avec une pierre plus tendre, ce qui a permis de remplir l'arcade avec des compartiments dans le genre du style flamboyant. La vitre peinte de cette fenêtre représente des personnages placés sous des dais à clochetons, ornés de fleurs et de crochets dans le style du XV° siècle.

La nef est aussi du XIV° siècle. Ses fenêtres sont longues, à lancettes et sans ornements. Les contreforts qui, à l'extérieur, soutiennent les murs sont espacés en forme de travées. Leur saillie, assez forte, diminue progressivement vers la partie supérieure. La voûte de la nef est en bois et date de 1713.

La tour, placée entre chœur et nef, est en partie de la même époque que l'église. Elle est quadrangulaire jusqu'à une certaine hauteur, et se termine par une flèche ou pyramide octogone qui a été refaite, après avoir été deux fois frappé par la foudre. Chaque angle est surmonté d'un petit clocheton octogone, sans ouvertures.

Ses arcades sont à ogives surélevées. Les piliers sont tapissés de colonnes engagées dont les chapiteaux sont ornés de feuillages et de volutes un peu épanouis. La base des colonnes est à pans coupés, ornée de deux tores, dont l'un est un peu évasé et repose sur un énorme soubassement octogone.

L'escalier de la tour, qui se termine par un petit toit conique, est établi dans une tourelle à pans coupés et accolée dans un des murs. Cet ouvrage est évidemment postérieur à la tour. On remarque dans la nef plusieurs crédences, garnies d'une tablette en pierre. L'une de ces pierres est percée de deux petits trous. Au-dessus de celle placée dans le mur septentrional, on distingue deux écussons. Sur l'un d'eux sont figurées deux petites coquilles.

Sous la tour, et dans le mur méridional, on voit à l'extérieur une porte dont le cintre a presque disparu. A gauche de cette porte, sont deux colonnettes et une tête qui parait avoir été grimaçante ; une simple cannelure ornait cette porte. Cette partie du mur appartient sans doute aux constructions de l'ancienne et primitive église qui pouvait dater du XI° siècle.

Le mur septentrional offre trois ouvertures aujourd'hui bouchées, et dont l'une était très-large. On pense qu'autrefois il y avait à cette hauteur du mur une chapelle, peut-être la chapelle seigneuriale, qui se trouvait ainsi en communication avec le chœur.

L'autel principal, d'assez mauvais goût, est de la fin du siècle dernier, ainsi que nous l'apprend l'inscription suivante que j'ai lue sur une des boiseries : Fait faire et donné par M° Joseph Lainey, curé de la petite portion, en 1770.

Le font baptismal est placé à l'entrée de l'église vers le mur septentrional. La cuve est de forme octogone et repose sur une base aussi octogone. Sa circonférence est de 2 mètres 63 centimètres, et sa hauteur d'un mètre. Chaque angle offre une moulure en forme d'un tore entre deux filets. A droite est un petit bénitier monolithe. Sa cuvette et son pédicule sont de forme octogone. Sa hauteur est de 85 centimètres.

J'appris , lorsque je visitai l'église , qu'on avait le projet de remplacer ces deux petits monuments par deux autres de forme plus moderne. Cette substitution serait fort regrettable. J'ai prié qu'on les laissât subsister, et il faut espérer que leur destruction n'aura pas lieu et que les habitants de Quettreville respecteront, ne, fût-ce que pour la sainteté des souvenirs , le font baptismal où leurs pères furent présentés aux premières bénédictions de l'Eglise.

Près d'un petit autel, dans la nef, vers le mur septentrional , j'ai lu un bref d'indulgence, donné par le pape Clément XII. Léonor II Gouyon de Matignon, évêque de Coutances, en permit la publication en 1734. Cette permission est signée par Gourmont de Courcy, prêtre, licencié en droit, chanoine et grand chantre de la cathédrale, qui dans le Gallia Christiana est ainsi désigné : Vercingetorix Renatus de Gourmont de Courcy.

Il existe dans cette église plusieurs tableaux représentant des scènes de la passion de J.-C. Ils paraissent offrir aux connaisseurs et aux artistes un certain intérêt.

L'un des murs qui entourent le cimetière est couvert de pierres tombales des XVII° et XVIII° siècles. On les a retirées de l'église et du cimetière pour les placer ainsi en guise de tablettes : on en reconnaît plusieurs à la croix qui se dessine dessus, pour avoir sans doute abrité les restes de quelques-uns des curés ou des prêtres du lieu. Il est vraiment regrettable qu'on respecte aussi peu les pierres tumulaires. L'autorité religieuse et l'autorité civile devraient bien se prêter réciproquement leur concours pour empêcher de telles profanations.

J'ai lu sur une tombe, dans le cimetière, l'inscription suivante :

CI GIT MADAME ROSALIE-CHARLOTTE LEBOUCHER DE VALLEFLEURY

VEUVE DE M. LE BARON DUHAMEL

DECÉDÉE A QUETTREVILLE

LE 22 AOUT 1845

A L'AGE DE SOIXANTE-DOUZE ANS.

BEATI MISERICORDES QUONIAM IPSI MISERICORDIAM CONSEQUENTUR

L'église est sous l'invocation de Notre-Dame. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Dès le XIII° siècle, elle se divisait en deux portions, la grande et la petite.

Le patronage de la grande portion appartenait au seigneur du lieu. La dime se partageait ainsi : le curé avait la sixième gerbe avec l'autelage et la moitié des menues dimes, comme du lin, du chanvre et des animaux. Les cinq autres gerbes et l'autre moitié des menues dimes appartenaient à l'abbaye de Savigny. Rector percipit sextam garbam per totam villam cum altalagio ubi se extendit comitatus exceptis minutis decimis lini et canabi et animalium decimabilium, quorum med. percipit abbas Savign. et quinque partes per totum comitatum.

L'abbé de Saint-Lô avait le patronage de la petite portion ainsi que toutes les dimes : le curé n'avait que le casuel, Abbas sancti Laudi patronus pro portione régis et percipit omnes garbas. Rector illius portionis.... percipit altalagium. Il n'avait pas une vicairerie suffisante : Nec habet suffic. vicar. ; elle ne valait que 57 livres, et valet Ivij libr.

Dans le XIV° siècle, Richard Malherbe, chevalier, seigneur du Dezert, revendiqua le patronage de l'une des portions de l'église de Quettreville. Mais par un acte, passé « aux assises de Coutances du vendredi avant la Saint-Clément 1320, il renonce en faveur des religieux de Saint-Lô au patronage d'icelle portion qu'il prétendoit et qui étoit la menour ( la petite) portion de l'église N. D. de Ketreville. »

D'après le Livre blanc, le curé de la grande portion avait la jouissance d'une assez grande étendue de terres. Deux acres lui avaient été aumônées sous le règne de saint Louis ; il en avait une charte revêtue du sceau du roi. Il avait encore trois vergées de terre au pont de Quettreville, apud pontem de Quettrevilla. Pour trois autres vergées dont le chevalier Guillaume de Montfort, seigneur du lieu, et Jeanne, sa femme, avaient aumône la grande portion, le curé devait, pendant la vie des bienfaiteurs, chanter, chaque année, une messe du Saint-Esprit, et après leur mort une messe pour les défunts : Très virgatas terre que est elemosinata a nobili viro Guillelmo de Monteforti milite et a Iohanna eius uxore et ab hoc debet dictus rector cantare unam missam de sancto Spiritu quolibet anno quandiu vixerint et post eorum decessum missa erit pro defunctis.

Le curé de la petite portion, outre son casuel, recevait de l'abbé de Saint-Lô , qui avait toutes les dimes, 18 quartiers de froment, à la mesure de Cérences : Rector percipit decem et octo quarteria frumenti ad mensuram de Cerenciis supra dictam décimant.

Cette division de la cure de Quettreville s'est continuée; car, à l'époque de 1789 , on trouve comme curé de la première portion César-Romain Couvert, et de la seconde portion Adrien-Gilles Bernard.

Le chœur, qui est la partie la plus ornée de l'église appartenait aux moines, et la nef était à la paroisse. Le presbytère de la grande portion était le plus éloigné de l'église : celui de la petite portion est resté le presbytère actuel de la commune.

Il y a Quettreville une chapelle sous le vocable de saint Laurent. Le dernier chapelain titulaire, en l'année 1789, était l'abbé Hullot. Aujourd'hui cette chapelle tombe en ruines.

Si l'on en croit un acte de l'an 1174, il y avait, dans la partie de la paroisse nommée Say une autre chapelle. Par cet acte, Richard , évêque de Coutances, confirme aux religieux de Savigny tout ce qu'ils possédaient dans son diocèse : Et capellariam de Saeio ex integro cum omnibus pertinenciis suis. Dans un autre acte du XIII° siècle, on lit : Capella de bosco de Sae.

Il existait à Quettreville un prieuré de bénédictins, nommé le prieuré de saint Laurent. Il était placé sans doute dans la partie de la commune appelée le village de la Moinerie, village qui figure sur la carte de Cassini, sous le nom de Monnerie. Des vieillards disent qu'ils ont encore vu la grange des moines.

Quettreville a dû posséder aussi une léproserie. Ainsi, à peu de distance de l'église, vers le sud, il existe une croix qui porte le nom de croix de la Maladrerie ou Ladrerie. Tout près se trouve un champ qui, dans les anciens titres, est appelé le Champ de la fontaine aux lépreux. La sente qui conduit à la fontaine, placée dans ce champ, porte le nom de sente aux lépreux. Cette léproserie devait exister vers le village des Monceaux.


FAITS HISTORIQUES. — On a trouvé à Quettreville, en 1803, un grand nombre de haches gauloises. Si j'en juge par celle que je me suis procurée, elles étaient en bronze, creuses intérieurement et munies d'un petit anneau sur un des côtés.

Le fief de Quettreville avait dépendu du comté de Mortain ; car on voit que Richard II donna à l'abbaye de Marmoutiers deux portions de terre à prendre à Quettreville: In pago constantino duas quoque partes Quettrevillœ.

Roland de Montfort, le 9 avril de l'an 1420, donne et confirme à l'abbaye de Savigny une rente sur la paroisse de Quettreville, comme libre aumône, pour l'âme de son père Geoffroy de Montfort, et celles de ses prédécesseurs. Cet acte est revêtu d'un sceau sur lequel on lit : Sigillum Rollandi de Monteforti.

Le 2 avril 1421, il intervint es assises de Coutances, tenues par Gilles Cadot, lieutenant-général de noble homme Monseigneur Jehan Dasserton, chevalier bailli, une sentence qui, après enquête et sur le dire de douze hommes nobles, et contrairement aux prétentions de noble homme messire Richard de Straffort, chevalier, baron de Say, adjugea à noble homme Jehan de Gouville, chevalier, seigneur de Quettreville, le patronage de la grande portion de la cure de Quettreville. Ce droit de présentation était assis sur un fief d'ancienneté nommé le frou de la mazure, qui était tenu par hommage par ledit Jehan de Gouville.

Cette présentation lui appartenait, disait le seigneur de Gouville, à cause qu'elle avait appartenu à Messire Geoffroy de Montfort à qui elle était échue de ses prédécesseurs; duquel. Geoffroy de Montfort étaient issus plusieurs enfants, entre autres une fille mariée à Messire Guillaume de la Lande, seigneur de la Lande-d'Airou. De ce mariage naquit une fille qui épousa Guillaume de Soule, écuyer. De leur union sortit une fille mariée à Jehan de Grimouville, bisaïeul de Jehan de Gouville, à qui la sentence adjuge le droit de présentation.

Dans le XV° siècle, il y eut un procès entre Jehan d'Anneville et le seigneur marquis de Marigny pour le patronage de la grande portion de la cure de Quettreville. Ce procès, qui existait dès 1454, continuait encore en 1497. Cependant, dès le 23 février 1486, Geoffroy, évêque de Coutances, avait reconnu à Ursin d'Anneville le droit de présentation à la grande portion de la paroisse de Quettreville, que lui contestait Louis de Rohan, seigneur de Marigny et de Say.

Ce fut cet Ursin d'Anneville, seigneur de Quettreville, qui fonda, sous le vocable de l’Annonciation, une chapelle dans le manoir de Quettreville. Cette fondation, confirmée par l'évêque de Coutances, qui permit de célébrer la messe dans cette même chapelle, fut ratifiée par Jehan d'Anneville, fils du fondateur.

La cure de Quettreville donnait lieu à de continuelles difficultés. Ainsi, le 13 mai 1585, sentence fut rendue qui adjugea le bénéfice de cette cure à Ursin Lechevalier, que présentait Adrien d'Anneville, seigneur de Quettreville, contre les prétentions de Messire Louis de Rohan, sieur de Guémené, qui voulait conférer ce bénéfice â Robert Lenorrais.

Un arrêt du parlement de Normandie du 4 juillet 1657, rendu entre Charles Davy, chevalier, seigneur de Quettreville, et Henri-Louis-Hubert, sieur de la Brosse, marquis de Marigny, maintient Charles Davy dans le droit de patronage de la cure de Quettreville pour la grande portion, défend au seigneur de Marigny de le troubler dans son droit, et le condamne aux dépens.

Ce même Charles Davy obtint, en l'année 1654, pour la paroisse de Quettreville, deux foires qui devaient se tenir l'une le 27 juillet, et l'autre le 4 novembre de chaque année. Ces deux foires existent encore.

L'état des fiefs du bailliage de Coutances, dressé dans le XVII° siècle, nous apprend qu'on comptait à Quettreville dix fiefs nobles.

Le fief de Sey ou Say. Sur les listes des seigneurs normands qui accompagnèrent Guillaume à la conquête do l'Angleterre, on trouve le sieur de Say ou le sire de Say. Sa famille devint très-illustre en Angleterre, et son nom doit encore figurer sur la liste des lords.

Au nombre des seigneurs normands, célèbres depuis Guillaume-le-Conquérant jusqu'en 1200, on voit figurer Guillaume de Say, Engelran de Say et Galfroy de Say.

La baronnie de Say à Quettreville s'étendait d'abord sur plusieurs paroisses, comme Cérences, Cenilly, Guéhébert, la Haye-Comtesse , Hauteville-la-Guichard, le Lorey, Marigny, etc. Plus tard, et dans les premières années du XV° siècle, Marigny en fut démembré et devint un marquisat.

Le fief de Say passa dans la famille Le Forestier; car on voit que, dans le cours du XVIII° siècle, Pierre-Aubin Le Forestier, seigneur et patron de Mobecq et de Claids, le possédait, et qu'après lui ce fut Charles-Antoine-Alexandre le Forestier.

Le fief de Quettreville appartenait dans le XVII° siècle à Thomas David , alors patron et seigneur du lieu. Il fut vendu à Julien Le Poupinel de la Besnardière, secrétaire du roi et conseiller au siège présidial de Cotentin. Anloine-Charles-Julien-Jean Le Poupinel, officier de dragons au régiment de la Reine, le possédait encore en 1789. Il prenait le titre de seigneur et patron de Quettreville, et de seigneur des fiefs de la Porte à Saint-Nicolas de Coutances.

Le manoir de Quettreville appartient aujourd'hui à madame Surcouf, veuve de l'amiral Surcouf.

Le fief de Montauban, dépendant du marquisat de Marigny. était à la princesse de Guémené.

Le fief ou verge de Sainte-Marguerite appartenait au comte de Montgomery.

Le fief de l'Abbaye-Blanche était celui de l'abbaye de ce nom.

Le fief de la Persillière avait appartenu à Nicolas de Garaby; mais ensuite il était devenu la propriété de la famille Le Poupinel.

Le fief de la Digue, en partie sur Roncey et Quettreville, était à Guillaume Hardouin, écuyer, sieur de Beaumont.

Le fief des Loges, celui de la Réauté et celui de Mesnil-Aubert avaient appartenu à Anne-Robert Le Cointe, écuyer, sieur des Loges ; mais celui des Loges était passé à Charles-Antoine Le Forestier.

On comptait aussi dans XVII° siècle cinq moulins à Quettreville. Trois se nommaient les moulins de Say ; l'un d'eux, près le manoir de Say, était en ruines: ils dépendaient du fief de la princesse de Guémené.

Les deux autres appartenaient à Davy de Quettreville. Besnard Davy, sieur et patron de Quettreville pour la cure de la grande portion, prétendit, en l'année 1616, avoir un droit de sépulture dans le chœur, près du maître-autel, où, suivant lui, était le lieu de la sépulture de ses aïeux et prédécesseurs. « Le bailly de Constantin ou son lieutenant à Coutances fit défense audit Davy de faire enterrer et inhumer son enfant et autres corps au-dessus des pas de l'autel, ains (mais) en tel autre lieu de l'église dudit lieu qu'il verroit bon, fors du coté accordé au sieur des Loges. » Davy porta l'appel de cette sentence au parlement de Normandie où comparurent « Maistre Robert Desfaveries, prestre, desservant le bénéfice de la petite portion dudit lieu de Quettreville, et André Le Cointe, sieur des Loges, patron de la petite portion en ladite paroisse de Quettreville. » Intervint devant le parlement messire Alexandre de Rohan, chevalier, marquis de Marigny, qui soutint qu' « à cause de sa baronnie de Sey dite de Montauban, sise en ladite paroisse de Quettreville, il est baron de la grande portion dudit lieu, et non ledit Davy qui se veut attribuer ledit grand patronage.» La cour confirma la sentence du bailly de Cotentin, et Davy dut se résigner a être enterré non pas à côté de l'autel, mais au-dessous des marches .

Quettreville a vu naitre, dans le XVII° siècle, Charles Trigan. Il devint docteur en Sorbonne, et-publia un ouvrage intitulé : Histoire ecclésiastique de la province de Normandie, ouvrage dans lequel il a fait preuve d'une grande érudition et d'une critique judicieuse. Il s'est arrêté à l'époque du XIII° siècle.

Je dois, en terminant cet article, remercier M. Lebuffe, maire de Quettreville, qui m'a si obligeamment guidé lors de ma promenade et de mes recherches dans sa commune, et m'a fourni des renseignements sur Quettreville et plusieurs localités voisines.

Sommaire

Regnéville-sur-Mer

Regnéville, Renervilla, Reniervilla, Regnevilla.

L'église se compose du chœur et de la nef. Elle n'a ni chapelles, ni transept.

Le chœur est du XIV° siècle, peut-être de la fin du XIII°. Ses fenêtres sont à ogives, longues et étroites, ornées de colonnettes avec chapiteaux garnis de feuilles recourbées en volutes. Son mur absidal est droit, et se termine en forme de fronton triangulaire. Il est percé d'une fenêtre dans le genre des autres fenêtres du chœur. Elle est aujourd'hui bouchée.

L'arcade triomphale est aussi du XIV° siècle Elle est supportée par des colonnes engagées dont les chapiteaux sont légèrement ornés, et dont la base n'offre que de simples tores.

Le chœur et la nef sont voûtés en bois.

La nef n'a pas un caractère bien déterminé. Les fenêtres sont ogivales et petites, afin de suppléer sans doute à l'insuffisance de la lumière, donnée par ces petites fenêtres, on en a évasé les parois intérieures.

On remarque dans les murs de la nef des crédences dont l'arcade à ogive est polylobée.

Les murs du chœur et ceux de la nef étaient percés do plusieurs portes cintrées qui aujourd'hui sont bouchées.

Une grosse tour dont il est difficile de préciser l'époque, mais dont la partie supérieure a disparu, précède l'église. A ses quatre angles et à la base de sa pyramide octogone, sont quatre petits clochetons sans ouvertures. Cette tour, qui a sans doute servi de point de défense, aura été fort endommagée, ce qui explique les nombreux travaux de reconstructions et de réparations qu'elle a reçus. Le petit toit qui la couronne n'a dû être établi que pour l'écoulement des eaux, et afin d'en empêcher l'infiltration.

Dans le mur du cimetière, à l'ouest, on remarque un énorme bloc de maçonnerie d'une solidité et d'une dureté à toute épreuve. Cette maçonnerie consiste en pierres irrégulières, jetées pêle-mêle dans un bain de mortier, composé de chaux et de sable.

Ce bloc de maçonnerie, suivant les uns, faisait partie de la tour primitive ; suivant d'autres, il provient de l'ancien château. Cette dernière opinion parait la plus vraisemblable.

Dans le mur septentrional de la nef, on lit une inscription que je donne telle que je l'ai relevée :

FOSDASION DE 12

MESSE : E : DE PLACE

CY DESOVS F PAR

ODO E JEAN LE CLERC

FRÈRES. L. 1699 E 0NS

F REDIFIER LA TOUR

DE CETTE EGLISE A

LEUR FRES ET AVTRE

DONS L. 1713. P. DIEV

P. EVX. P. AVE. M.

Dans le cimetière, sur une petite croix grecque, on lit :

CI GIT LE CORPS DE M. J. G. DAVID

DÉCÉDÉ CURÉ DE CETTE PAROISSE, LE 29 JUILLET 1833.

L'église de Regnéville est sous l'invocation de la sainte Vierge. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Elle était taxée à vingt livres de décime. Dans les XIII° et XIV° siècles, le patronage appartenait au roi. Plus tard, ce fut le seigneur du lieu qui l'exerça et qui nomma à la cure.

Le curé avait toutes les dimes : Rector percipit omnia. La cure, dans le XIII° siècle, valait 60 livres. Dans le siècle suivant, le curé avait une demeure et des terres aumônées; dix sous tournois de rente annuelle à prendre, cinq sous sur la demeure de Nicolas Grosparmy, quinque solidos supra manerium Nicolai Grosparmy, et cinq sous sur celle de Nicolas Varroc, et quinque supra domum Nicolai Varroc. D'autres terres lui devaient quatre chapons de rente, et quatuor capones de redditu supra alias terras. Il devait quinze sous pour la chape de l'évêque, huit sous et quatre deniers pour la débite, vingt deniers pour le saint chrême, et trois sous pour la visite.

Il y avait à Regnéville, près de la mer, une chapelle qui n'avait aucun revenu, ibi est una capella iuxta mare sine redditu; mais le trésor de l'église en avait, ecclesia habet redditus ad thesaurum ipsius pertinentes.

FAITS HISTORIQUES. — La famille Paynel, si riche et si puissante en Normandie, a possédé la seigneurie de Regnéville.

Le nombre des domaines que cette famille avait en France n'était pas inférieur à celui des concessions qu'elle obtint en Angleterre, après la conquête.

Le château de Regnéville n'était ni aussi ancien, ni aussi fortifié dans l'origine que celui de Montchaton. En l'année 1141, il fut armé, afin de repousser Geoffroy, comte d'Anjou, qui soutenait les prétentions de Mathilde, sa femme, fille de Henri 1er, duc de Normandie; mais le seigneur de Regnéville, à l'exemple de presque tous les barons du Cotentin, fit sa soumission, et se rendit à Geoffroy.

Dans les premières années du XIII° siècle, le fief de Regnéville appartenait au roi. C'est ce que nous apprend le registre des fiefs de Philippe-Auguste. Il était un démembrement de celui de Belval. Castellanus de Gaure (Gavray) tenet de domino régis feodum de Belval… cujus feodi membrum est Renervilla quod dominus rex adhuc in manu sua.

Après la démolition du château de Montchaton, vers 1360, celui de Regnéville acquit de l'importance. « Les édifices du dict manoir (celui de Montchaton), comme pierres de Caen et de taille et autres choses furent portées à l'édifice du chastel de Regnéville, appartenant au roy, notre sire. » Ces matériaux furent employés à augmenter et à renforcer la forteresse de Regnéville.

Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, sentant tout l'avantage qu'il pourrait tirer du château de Regnéville, s'en saisit, le fit fortifier, et ne négligea aucuns moyens pour en faire une bonne forteresse. Afin de subvenir aux dépenses que devaient occasionner les travaux de fortifications, Charles-le-Mauvais imposa des droits sur les marchandises qui entraient dans le port de Regnéville et sur celles qui en sortaient.

Charles V, roi de France, pour arriver à expulser le roi de Navarre de la Normandie, où, aux droits de sa mère et de son épouse, il possédait un grand nombre de villes et de châteaux, avait gagné le fils ainé, héritier présomptif de ce prince. Il lui avait persuadé que son père était le plus grand des criminels; et quand il se présentait devant une place forte appartenant au roi de Navarre, il avait soin de dire et d'affirmer aux assiégés que son intention était, non pas de garder la place, mais de la rendre au fils de son ennemi. Apres la mort de Charles V, son successeur eût volontiers gardé les places dont son père s'était emparé au nom du fils de Charles-le-Mauvais; mais il fallut exécuter la promesse de rendre qui avait été faite publiquement. Dans la charte de restitution, on lit cette clause restrictive, stipulée par le roi de France :

« Toutefois nous mettrons, ordonnerons et établirons tels châtelains et capitaines qu'il nous plaira es forteresses de Valognes, de Carentan, de Pont-Douve, de Regneville et d'Avranches, qui sont en frontière de nos ennemis, à gages modérés, comme auroit ou devroit avoir un simple capitaine, lesquels gages notre dit cousin Charles fera payer par ses gents sur les revenus des dites terres et rentes, et de mettre, muer, ou oster les dits capitaines ès dits lieux de Valognes, Carentan, Pont-Douve, Regneville et Avranches, notre dit cousin Charles ne s'entremettra en aucune manière. Le jeune prince jouit pendant quatre ou cinq ans des domaines ainsi restitués.

Les fortifications élevées par le roi de Navarre furent plus tard détruites. Alors les habitants de Regnéville demandèrent à ne plus payer les taxes additionnelles qui pesaient sur leur commerce. Ils ne réussirent pas, et ils eurent même de nouvelles charges à supporter pendant l'occupation anglaise, qui arriva quelques années après. Dans ces temps, comme aujourd’hui, il était fort difficile d'obtenir la cessation d'un impôt une fois qu'il était établi.

Le château de Regnéville fut livré aux Anglais, qui rétablirent les fortifications. Il ne rentra sous la domination française qu'en l'année 1449. Sa faible garnison ne pouvait opposer une résistance sérieuse au duc de Bretagne, qui, avec des armées nombreuses et déjà victorieuses, investissait les forteresses l'une après l'autre. Les troupes anglaises qui occupaient le château de Regnéville capitulèrent. Elles obtinrent la vie sauve, la faculté pour chacun d'enlever sur son dos un paquet d'effets, et l'obligation de se rendre immédiatement et sans détour aucun à Cherbourg, ville qui était alors le dernier refuge des troupes anglaises.

La seigneurie de Regnéville, dans les premières années du XIV° siècle, appartenait encore à un membre de la famille Paynel ; mais elle passa plus tard dans la famille de Piennes par suite d'une alliance avec l'héritière de l'une des branches des Paynel.

Au commencement du XVII° siècle, le château de Regnéville était encore regardé comme une forteresse. Bricqueville de Piennes, qui en était possesseur, fut-accusé d'intelligence avec les Anglais, qui voulaient faire une diversion sur nos côtes et faire lever le siège de la Rochelle ; mais son fils, Louis de Piennes, qui servait dans les armées du roi, fut tué d'un coup de canon. Cette mort glorieuse du fils sauva le père ; les poursuites cessèrent, et le seigneur de Regnéville se rassura pour sa personne et ses biens . Cependant le château dut être détruit vers cette époque. Ce fut en l'année 1598, sur la demande des Etats de Normandie, qu'on fit démolir les châteaux de Tombelaine, de Regnéville, de l'Isle-Marie, de Saint-Sauveur-le-Vicomte et de Domfront.

Le donjon du château do Regnéville avec ses créneaux existe encore en partie. Il est d'une hauteur d'environ 60 pieds. Ses murs sont fort épais, sa forme est à peu près carrée. Il se composait de quatre étages, et dominait le pays, ce qui permettait d'observer les mouvements de l'ennemi.

Les enceintes extérieures paraissent avoir occupé une plus grande étendue de terrain que celles des autres châteaux forts du pays. On ne voit plus de traces de fossés que dans l'intérieur. On remarque quelques souterrains voûtés, mais si peu élevés qu'on peut à peine les parcourir.

Les remparts étaient d'une assez grande hauteur : ceux qui existent encore s'accèdent par de petits escaliers, larges d'environ trois pieds."

Le pont-levis est détruit. On n'en distingue plus que l’emplacement, ainsi que celui de deux forts qui en défendaient l'entrée.

On rencontre encore dans les environs du château des pierres rondes de grosseur différente, qu'on lançait sans doute avec des balistes et qui étaient destinées à écraser les assiégeants du haut des remparts.

On est surpris, au milieu de ces ruines, encore imposantes, quand on voit l'épaisseur de ces pans de murailles épars ça et là, et leur maçonnerie si dure et si épaisse qu'on ne peut la détacher. Au-delà du château, vers la campagne, on rencontre des pièces de terre assez étendues, entourées de murs dont quelques-uns ont 40 centimètres d'épaisseur. Dans l'une d'elles, il y a une citerne. On remarque deux portes cintrées dans les murs, ainsi que des mouvements de terrain et des restes de fondation de bâtiments. Ces emplacements faisaient évidemment partie du château.

Regnéville, dans le XIV° siècle, a du avoir un port étendu, entouré de maisons, et dans lequel se faisait un commerce considérable. On trouve dans un compte de l'année 1327 qu'alors le garde du port de Renieville se nommait Jean Potel, et qu'il recevait pour salaire cinq livres par chacun an. Le fief noble de Regnéville, dans le cours du XVII° siècle, fut saisi en décret par Jean Goislard. Ce fut Jean de Saint-Germain, écuyer, sieur de Montjavon, qui s'en rendit adjudicataire. Depuis cinq ans, on n'y avait pas tenu de plaids.

Il serait d'un grand intérêt pour le pays qu'on établit un port à Regnéville. Il favoriserait le développement de la richesse industrielle et agricole dans la contrée, et les relations de commerce avec les iles anglaises de Jersey et de Guernesey. Dans des jours de tempête, il serait un abri sûr et utile pour les petits bâtiments qui parcourent la Manche. Déjà il s'y fait un commerce de petit cabotage assez étendu.

Quoique Regnëville soit sur le bord de la mer, on y trouve cependant, à sept ou huit pieds, des sources d'eau douce qui ne tarissent pas et qui conservent toujours la même hauteur.

M. Busnel, propriétaire des ruines du château, y a établi une scierie mécanique pour l'exploitation des marbres qu'on trouve à Regnéville et dans quelques communes voisines.

Sommaire

Grimouville

Grimouville, Grimoldivilla, Grimovilla, Grimouvilla.

L'église n'offre aucun intérêt. Elle se compose du chœur et de la nef. Les fenêtres du chœur sont carrées ; celles de la nef sont rondes et sans caractère, à l'exception de deux, qui peuvent être du XV° ou du XVI° siècle. L'arc triomphal entre chœur et nef parait être de la même époque.

Le chœur et la nef sont voûtés en bois.

Le mur absidal est droit et sans ouverture.

Dans les murs de la nef, on remarque deux crédences. Celle à gauche ne présente qu'une simple arcade trilobée ; l'autre offre une arcade en talon, comme on en rencontre à la fin du XV° siècle, et surtout au commencement du XVI°.

La tour qui précède l'église est carrée, et se termine par un toit en bâtière. Elle est voûtée, et les arceaux de la voûte n'ont pour appui que des modillons sans caractère.

L'église est sous le vocable de saint Etienne. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences, et payait 40 livres de décime.

Le patronage de l'église, dans le cours du XIII° siècle, appartenait à Emma de Grimouville. Il a continué d'être exercé par le seigneur du lieu, qui nommait à la cure.

Cette paroisse a été réunie à Regnéville pour le temporel; mais elle a conservé son église, et un prêtre continue d'y célébrer l'office divin.

Il y avait à Grimouville deux chapelles : l'une dédiée à saint Clair et l'autre à saint Laurent. Celle-ci avait la tierce gerbe de la dîme de Carantilly. En 1789, l'abbé de Mons, chanoine, était titulaire de la chapelle Saint-Clair.

Geoffroy de Montbray, évêque de Coutances, obtint du duc Guillaume les tenants et les moulins de Grimouville pour la somme de 309 livres, le tout franc et quitte de toutes choses.

Aussi, lit-on dans une charte confirmative des biens appartenant à l'église cathédrale, donnée par Philippe V : Et medietalem nominatim illius terrœ quœ dicitur Grimouvilla .

Dans le cartulaire de l'abbaye de Marmoutier, ancienne abbaye fondée par saint Martin en Touraine, on trouve que Robert, comte de Mortain, donna aux moines de cette abbaye tout ce que Herbert, chapelain à Grimouville, y percevait de dîme. Sciendum quoque quod Robertus comes Moritonii donavit monachis S. Martini quidquid décimae tenuit Herbertus capellanus in Grimoldivilla in Constantino.

Dans le XIV° siècle, la dime des blés appartenant à l'église de Grimouville se divisait en plusieurs parts. L'une était pour le trésor de l'église, et valait environ 50 sols. L'abbé et le couvent de la Luzerne avaient aussi une part pouvant valoir quinze livres. Cette portion représentait sans doute pour l'abbaye toutes les donations de terres ou de parties de dîmes qui, d'après une bulle du pape Urbain III de l'an 1186, lui appartenaient alors à Grimouville, et lui avaient été faites par Guillaume de Saint-Jean.

Une troisième part, valant à peu près seize livres, appartenait au prieur et au couvent de Mortain. Cette portion de dime représentait peut-être pour l'abbaye ce que Robert, comte de Mortain, lui avait donné lorsque les moines de Marmoutier la fondèrent, en l'année 1082.

Jean de Grimouville avait aussi une part à recevoir à titre de dîme inféodée, qui valait environ 24 livres. L’autre portion de dîme était possédée par Jean Auberce, in feodo Johannis Auberce, et valait 25 sols.

Le curé payait plusieurs rétributions : quatre sols pour la chape de l'évêque, huit sols pour la débite, vingt deniers pour le saint chrême, et trois sols deux deniers pour droit de visite.

FAITS HISTORIQUES. — La famille de Grimouville, originaire de la paroisse de Grimouville, est une des plus anciennes de la province.

Deux Grimouville, Robert et Nicolas, allèrent à la croisade avec Robert Courte-Heuze, duc de Normandie.

Dès l'année 1271, d'après M. de Gerville, un Georges de Grimouville devait pour soi même la quarte part du service d'un chevalier avec celui d'un chevalier. Le possesseur du fief de Grimouville devait cinq hommes de garde à Montmartin, et le quint du service d'un chevalier à la barre de Montfautrel, à l'entrée de Mortain.

On lit dans un aveu du XIV° siècle : « Jehan de Grimouville tenoit en l'an 1327 son fieu de Grimouville par le quart d'un fieu de chevalier, par hommage du roy notre sire. Il en rendoit 22 deniers à la my-caresme en la main du sergent de Cérences pour l'ayde au comté et devoit 10 hommes à garder les foires de Montmartin et service au pertuis de Saque-Espée. Ledit fieu valoit communs ans 70 livres. Colin Murdrac en estoit alors en hommage par la raison de sa femme, fille de Gilles de Grimouville. »

Cette famille de Grimouville a rendu de grands services à l'Etat dans le XVI° siècle. Nicolas de Grimouville épousa Diane de Vivonne de la Châtaigneraie. Il fut capitaine des cent archers de la garde, et chevalier de l'ordre du Saint-Esprit. Gouverneur du Mont-Saint-Michel en l'année 1590, il défendit la cause du roi Henri IV.

J'ai lu au Musée de la ville de Saint-Lô, au-dessous du buste de Nicolas de Grimouville et de celui de sa femme, les inscriptions qui suivent :

NICOLAS DE GRIMOUVILLE LARCHANT

CHEVALIER DE L’ORDRE DU SAINT-ESPRIT

CAPITAINE DES GARDES DU ROI.

CONSEILLER D’ETAT MORT EN 1592

D’UNE BLESSURE REÇUE AU SIEGE DE ROUEN.

DIANE DE VIVONNE DE LA CHATAIGNERAIE

DE LA MAISON DE MORTEMAR

FILLE D’HONNEUR DE LA REINE CATHERINE DE MEDICIS

FEMME DE NICOLAS DE GRIMOUVILLE LARCHANT

MORTE EN 1618

On trouve une Jeanne de Grimouville qui, en 1584, était prieure de l'abbaye Les Blanches, Albae Dominœ, au diocèse d'Avranches.

Guillaume de Grimouville, Guillelmus de Grimovilla, était vicaire-général à Coutances en l'année 1530. Ce fut lui qui présida le synode qui se tint dans le mois d'avril 1553.

Un autre, Jacques de Grimouville, fut abbé commandataire de Saint-Sauveur- le-Vicomte depuis 1560 jusqu'en 1573. Jacobus de Grimovilla commendam S. Salvatoris Vice Comitis suscepit.

Un procès, dans lequel on vit figurer plusieurs membres de la famille de Grimouville, fut jugé par le parlement de Normandie dans le mois de novembre 1630. Suzanne de Grimouville, se trouvant chez sa tante, la dame de Larchant, fut séduite et enlevée par Jean de Postis, sieur de la Vieille-Evreux, que la dame de Larchant avait eu d'un premier mariage. Un arrêt du parlement de Rouen déclara légitime l'enfant qui naquit de Suzanne de Grimouville et de Jean de Postis. Cet arrêt fut rendu sur les poursuites de la demoiselle de Grimouville et de sa mère Jacqueline de Pitebout, veuve d'un Grimouville, et épouse en secondes noces de Pigousse, sieur de Dragueville. L'enfant se nommait Charles de Postis. Son père avait une sœur, Marie de Postis, dame de Hoüeteville, qui revendiqua la succession de son frère au détriment du fils; mais un arrêt du parlement rejeta ses prétentions . Dans le XVII° siècle, on comptait cinq fiefs nobles à Grimouville. Le fief du Roi, dont le duc de Choiseul était engagiste, et le vicomte de Coutances le sénéchal, comme juge du domaine.

Le fief de Grimouville et celui de Saint-Etienne appartenaient à Pancrasse de la Motte, escuyer, sieur de Pont-Roger, lieutenant criminel à Coutances.

Les deux autres fiefs étaient celui de la Luzerne, à l'abbé et aux religieux de la Luzerne, et celui de Crux, appartenant à François Viard.

Au nombre des seigneurs de Grimouville, on voit figurer Nicolas Lemaitre, qui fut vicomte de Coutances depuis 1498 à 1505.

Dans le XVII° siècle, on trouve Julien de Grimouville ; vers la fin du suivant, Charles-François de Grimouville-Larchant, marié à Isabelle-Pétronille Van-Everbroeck dont on voit la pierre tumulaire en granit dans l'ancienne église de Saint-Thomas, à Saint-Lô, sur laquelle on lit cette inscription:

CY GIT LE CORPS DE NOBLE DAME

ISABELLE PETRONILLE VAN EVERBROECK DE MALINNES

EPOUSE DE ME SIRE CHARLES FRANÇOIS DE GRIMOUVILLE LARCHANT

DIT LA LANDE DAIROUX CHEVALIER

INHUMEE DANS CETTE EGLISE

LE 26 AOUST 1775

PRIEZ DIEU POUR LE REPOS DE SON AME.

Dans le siècle suivant, on rencontre Charles-François Daniel Morel, seigneur de Grimouville, conseiller du roi au bailliage et siège présidial de Cotentin ; et après lui, comme seigneur des fiefs de Grimouville et de Saint-Etienne-en-GrimouvilIe, Léonor-Marie-Charles Morel.

Dans une ferme appartenant à M. Charles Morel, demeurant à Coutances, j'ai remarqué un très-vaste colombier ; sur une porte, un linteau en accolade, comme on en faisait dans le XVI° siècle, et d'autres portes basses et cintrées, ainsi qu'on les établissait dans le siècle suivant.

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Urville

Urville, Urivilla, Hurvilla, Urvilla.

L'église est sans caractère et n'offre aucun intérêt.

Le mur absidal est droit, et se termine en forme de fronton triangulaire. Il est percé d'une fenêtre du XIII° ou XIV° siècle.

L'église était précédée d'un porche qu'on détruisait, lorsque je la visitai. La nef devait s'agrandir de l'emplacement qu'il occupait. Au-delà, on a construit, en 1846, une tour carrée qui se termine par une petite flèche ou aiguille à quatre pans.

Je n'ai trouvé dans le cimetière qu'une petite croix tumulaire en pierre, portant la date de 1627. L'église est sous le vocable de saint Etienne. Elle payait douze livres de décime, et dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Le patronage appartenait au chanoine prébendé : aussi, pour distinguer cette paroisse des autres du diocèse qui portent pareillement le nom d'Urville, l'avait-on nommée Urville-la-Chanoine. Cette paroisse, pour le temporel, a été réunie à Regnéville ; mais elle a conservé son église, où l'office divin est célébré.

L'archidiaconat du Bauptois conférait la prébende et le patronage d'Urville, avec quelques revenus sur les déports et les droits de visite. Le patronage était onéreux ; car le chanoine prébendé, qui était curé primitif, était obligé de pourvoir à la cure et d'entretenir un vicaire. En l'année 1652, les revenus étaient évalués à 800 livres.

Il y avait à Urville un fief noble, appartenant au chanoine prébendé. Celui-ci avait une officialité dans le lieu de sa juridiction. Ainsi, on voit, dans un jugement arbitral rendu entre l'évêque et le chapitre, en l'année 1263, que les chanoines prébendés de Trelly, de Saint-Louet-sur-Sienne, de Muneville-sur-Mer et d'Urville avaient droit de juridiction temporelle et spirituelle sur les hommes de leur prébende, ainsi que la disposition des biens de ceux qui décédaient ab intestat. Pronunciamus, disent les arbitres, quod canonici prebendarum de Treleio, de S. Laudulo super Sienam, de Mullevilla, et de Urivilla in homines suos dictarum prebendarum habeant juridictionem temporalem et spiritualem, et dispositionem bonorum ab intestato decedentium.

La même sentence disposait que si des hommes, soumis à la juridiction du chanoine prébendé, étaient cités devant une autre juridiction, comme celle de l'évêque, celui-ci ou ses délégués devaient les renvoyer devant leur juge naturel.

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Trelly

Trelly, Trely, Traylis, Trailliacum, Trelleyum.

L'église de Trelly offre un carré oblong, et se compose du chœur et de la nef.

Le chœur est du XIII° siècle. Il est éclairé de chaque côté par des fenêtres longues, étroites et à ogives. Il est voûté en pierres. Ses arcs doubleaux, formés d'un tore entre deux cannelures, reposent sur des colonnettes dont les chapiteaux sont ornés de volutes et de petites fleurs légèrement épanouies. Leurs points d'intersections sont garnis de fleurons.

Le mur absidal est droit; et se termine en forme de fronton triangulaire. Il est percé d'une fenêtre sans intérêt.

Les colonnettes du chœur sont en partie cachées par une boiserie qui tapisse les murs, et qui doit avoir été placée dans la première moitié du XVIII° siècle.

La tour, entre chœur et nef, est de la même époque que le chœur. Elle est quadrilatère, et se termine par un toit en bâtière. Sa voûte est en pierres, et les- arceaux tombent sur des colonnes avec chapiteaux, ornés, les uns de volutes ou de feuilles recourbées, les autres de figures grimaçantes. La base des colonnes se compose d'un tore qui manque un peu de rondeur, et d'une scotie assez bien évidée. La partie inférieure de la tour est éclairée dans l'église par deux fenêtres à ogive, dont l'une est trilobée.

La nef parait être de la dernière époque, et n'offre aucun intérêt. Elle est voûtée en bois, et les fenêtres qui l'éclairent sont carrées et sans caractère. Cette partie de l'église doit être de 1741 ; c'est du moins cette date qu'on lit au-dessus de la porte principale.

On a eu le mauvais goût de couper et de mutiler des colonnes et des chapiteaux pour placer deux petits autels et le toit ou dais qui couvre la chaire. MM. les curés devraient bien user de toute leur influence pour empêcher ces mutilations, ainsi que de prétendues restaurations, si contraires au bon goût.

J'ai lu sur une pierre tumulaire, dans le cimetière, l'inscription qui suit :

CY GIST LE

CORPS DE

M° GVILLAUME LETAROVILLY

Ptre VICAIRE DE TRELLY

DÉCÉDÉ LE 24 AVRIL 1669.

P. DIEV P. LVY. P. A.

L'église de Trelly est sous le vocable de saint Germain. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. Elle était taxée à 80 livres de décime. Le patronage était laïque, et le seigneur du lieu nommait à la cure.

Dans le XIII° siècle, le patron de l'église, Guillaume Murdac, avait deux gerbes sur son fief ; le curé avait le surplus des dimes, à l'exception de la dime des laines, qui appartenait aux trois chanoines prébendés de Coutances. La cure valait alors 75 livres.

Dans le siècle suivant, le curé avait la troisième gerbe des blés dans toute la paroisse avec le casuel. Il avait, avec sa demeure, environ deux vergées de terre. Il payait chaque année pour la chape de l'évêque six sous et quatre deniers.

Il y avait à Trelly deux chapelles : l'une sur la terre de la Motte, et l'autre au Manoir. La première tombe en ruines. L'autre, élevée par la piété des anciens seigneurs, et près de leur manoir, fut rétablie, en l'année 1408, par Guillaume de Meurdrac, échanson de Charles VI, roi de France, et Guillaume de Meurdrac le jeune, seigneur de Contrières, sous l'invocation de saint Jean-Baptiste et de sainte Catherine, « en la révérence de Dieu et de sa glorieuse mère, et de toute la cour du paradis, à charge par l'hôtel-Dieu de Coutances d'y faire acquitter trois messes chaque semaine, et aux fêtes de saint Jean-Baptiste, aux quels jours il devoit y avoir matines, messes à notes et vêpres. » Une inscription qui doit exister dans cette chapelle, que je n'ai pu visiter, rappelle ce fait historique.

Le chapitre de la cathédrale de Coutances avait trois prébendes à Trelly.

La première, nommée la Grande prébende, consistait en un fief, ainsi qu'en rentes seigneuriales en argent et en nature. Elle valait, en l'année 1652, 2000 livres.

La seconde, appelée la prébende de Charpaigne, valait 250 livres de rentes seigneuriales.

La troisième, appelée la prébende de Saint-Jean, consistait en 200 livres de rentes seigneuriales . Il parait que, dans le cours du XII° siècle, le chapitre, qui avait eu à titre de prébende, d'ancienne possession, Trelly, avec l'église, les moulins et quelques appendices, n'avait plus qu'un fief, tenu par Hugues Meurdrac, fief qui, en 1789, se réduisait au moulin de Coesel.


FAITS HISTORIQUES. — Deux auteurs, Brompton et Duchesne, citent au nombre des seigneurs normands qui accompagnèrent Guillaume à la conquête de l'Angleterre le sieur de Traylis.

On trouve que, dès le XII° siècle, Richard Meurdrac, dont la famille était très-étendue et très-riche en Normandie, était seigneur de Trelly. Pendant plusieurs siècles, la seigneurie de Trelly appartint à ses descendants.

Suivant le registre des fiefs de Philippe-Auguste, Geoffroy Meurdrac tenait du roi un fief à Trelly : Gaufridus Meurdrac tenet de eodem (rege) feodum unius militis apud Trailli.

Son fils, nommé Gautier, était, dans les premières années du XIII° siècle, un puissant baron. Sa seigneurie se composait de neuf fiefs de chevaliers qu'il tenait de la baronnie de Verdun, de honore Verdun.

Un Guillaume de Trelly figure au nombre des quatre chevaliers que l'évêque de Coutances, comme baron de Saint-Lô, envoya, en l'année 1274, à l'armée de Philippe-le-Hardi, fils de Saint-Louis.

Dans le cours du XVII° siècle, on comptait à Trelly cinq fiefs : nobles. Le fief du manoir de Trelly ; le fief de la Grande prébende ; le fief de Charpaigne ; le fief de Saint-Jean, et le fief de Beauquesne, appartenant au chapitre. On voit dans des aveux de l'année 1540 que ce fief ou tènement avait été donné au chapitre par défunt de bonne mémoire messire Louis Herbert, évêque d'Avranches. Ce prélat mourut en l'année 1525.

On y comptait aussi deux moulins : le moulin du Coisel, faisant partie de la grande prébende, et le moulin de Trelly, appartenant à Letellier, seigneur et patron du lieu. Ils étaient l'un et l'autre d'un revenu de 60 livres.

On trouve, dans le XVIII° siècle, Charles-François-Louis de Berenger, seigneur et patron de Trelly. Sa veuve, Marie-Suzanne-Jeanne-Renée-Scholastique Letellier, devint dame et patronne de Trelly.

Son fils, Louis-Charles-François, comte de Berenger, seigneur et patron de Hérenguerville, Montaigu et Canteloup, le devint aussi de Trelly. Il épousa Louise-Catherine-Margueritc de Ruallem. Marie-Pierre-Frédéric, comte de Berenger, leur fils, acquit, par ses études et ses recherches historiques, une connaissance profonde de l'histoire de son pays. La Société des antiquaires de Normandie, dont il fut un des membres les plus distingués, le compta au nombre de ses directeurs. Il est mort dans le mois d'avril 1841, au milieu des plaisirs de l'étude, laissant des manuscrits précieux pour l'histoire du Cotentin et de la province de Normandie.

Pendant qu'il servait dans les rangs de l'armée, comme capitaine de dragons, il fut fait chevalier de la Légion-d'Honneur. Maire de Trelly, il se dévoua aux intérêts de sa commune, dont les habitants le respectaient comme un père.

Les restes de cet homme de bien reposent près du manoir de Trelly, dans la chapelle de Meurdrac, restaurée par ses soins.

René Boudier de la Jousselinière naquit à Trelly, en l'année 1634. Auteur de plusieurs ouvrages, il a aussi laissé des poésies diverses. Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV, parle assez avantageusement de ce poète, dont voici une épigramme :

Avec cent mille francs qu'on vous a fait prêter,

Vous voilà revêtu d'une charge honorable,

Dont vous pourriez être capable,

Si la capacité se pouvait emprunter.

Trelly a encore vu naître, en 1752, Jean-Baptiste Lechevalier, qui, sans rester étranger au mouvement de la littérature moderne, fut un savant versé dans l'étude de l'antiquité. Il est auteur de plusieurs ouvrages, cités comme annonçant une grande érudition.


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Saint-Louet-sur-Sienne

Saint-Louet-sur-Sienne, Sanctus Laudulus super Siennam.

L'église appartient en partie à la période romane, et date du XI° ou XII° siècle.

On distingue dans les murs du chœur et dans ceux de la nef de petites fenêtres, cintrées et étroites, ainsi que des assises de pierres disposées en arête de poisson. Des parties importantes de ces murs ont subi des reprises.

On remarque dans les murs des crédences sans caractère.

Les voûtes du chœur et de la nef étaient en bois. Aujourd'hui les couvertures n'existent plus. La sacristie, accolée au chevet, est moderne. Elle date de 1752. Elle masque une fenêtre étroite et cintrée dans le style roman.

La tour, à l'extrémité occidentale, se termine par un toit à double égout. Elle ne parait pas être antérieure au XVI° siècle.

Cette église tombe en ruines, et la commune de Trelly, à laquelle l'ancienne paroisse de Saint-Louet a été réunie pour le spirituel et le temporel, doit la faire démolir et en vendre les matériaux. Lorsque je la visitai, je remarquai que les dalles du chœur étaient couvertes de plusieurs petites statues en pierre, presque toutes mutilées. Ces statues étaient celles des apôtres, et chaque apôtre avait pour attribut l'instrument de son martyre.

L'église était sous le vocable de saint Louet. Elle dépendait de l'archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cérences. La cure était à la nomination du pénitencier de la cathédrale, qui était de plein droit seigneur, patron et curé de Saint-Louet-sur-Sienne. Comme curé primitif, il était obligé de pourvoir à la cure, qui payait huit livres cinq sols de décime.

Un des abbés de Saint-Lô fut Ambroise de Saint-Louet-sur-Sienne. On le voit figurer dans plusieurs actes des années 1213, 1219 et 1231.

Le chanoine prébendé de Saint-Louet figure dans le jugement arbitral rendu, en l'année 1263, entre l'évêque de Coutances et le chapitre de la cathédrale, et qui attribua aux chanoines prébendés juridiction temporelle et spirituelle sur les hommes de leurs prébendes, à l'exclusion de l'évêque : Pronunciamus, disent les arbitres, quod canonici prebendarum… et de Sancto Laudulo super Siennam in homines suos dictarum prebendarum habeant juridictionem temporalem et spiritualem.

Saint-Louet, avec son église et deux moulins, formait une prébende d'ancienne possession, qui appartenait au chanoine pénitencier, et qui formait le seul fief noble de la paroisse.

Le dernier curé de Saint-Louet-sur-Sienne a été l'abbé Lechevalier. Il administrait encore la paroisse en l'année 1789.


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