Canton de Granville (50) - cahiers doléances

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Les cahiers de doléances des paroisses du canton de Granville

Source : « Cahiers de doléances du bailliage du Cotentin, les Etats généraux de 1789. » Emile BRIDREY, Imprimerie Nationale 1907 - 1912


Granville

Procès-verbal d’Assemblée

(Archives municipales de Granville. Registre des délibérations, précité, de l’année 1789, coté BB1, 2°, f° 4, r°)


Du 27 février 1789, en l’hôtel de ville de Granville, devant MM. Les officiers municipaux présidés par M. Couraye du Parc , maire.

En Assemblée du tiers état de ladite ville, convoquée par billets d’invitation, dans laquelle se sont trouvés MM. Les députés choisis dans les différentes assemblées particulières et à l’auditoire de ce lieu servant d’hôtel de ville, en conséquence des articles 27 et 28 du règlement du 24 janvier dernier, pour l’exécution des lettres de convocation des Etats généraux, ladite Assemblée formée pour la rédaction des plaintes et doléances de cette ville et pour nommer huit députés pour porter le cahier qui en sera rédigé à Coutances lundi prochain en conséquence de l’ordonnance de M. le lieutenant général du bailliage de Cotentin du 13 de ce mois, a été délibéré à la pluralité des voix sur le premier d’adopter les plans et vues présentés par MM Regnault, un des députés de l’ordre des avocats, Hugon de la Noë et N. Perrée, députés des négociants, et ces deux derniers ont été priés de faire la rédaction au net dudit cahier, et autorisés à s’adjoindre, s’ils le jugent à propos, M. Hugon de la Cour et M. Perrée Duhamel, lesquels commissaires et le sieur Perrée Duhamel présent ont accepté ; passant au second chef, lesdits sieurs députés ont procédé à la nomination à haute et intelligible voix des huit députés pour porter ledit cahier à Coutances le 2 mars prochain, 2 heures de l’après midi, en l’auditoire dudit lieu, et la pluralité des voix s’est réunie pour MM. Le Sauvage, lieutenant général de l’amirauté, Le Mengnonnet , père, négociant, ancien prieur consul, Le Boucher, échevin, Hugon de la Cour , membre de l’Assemblée provinciale et du département de Coutances, Hugon Delanoë, ancien lieutenant de maire, Clément Desmaisons , négociant, ancien prieur consul, P-N Perrée, négociant, ancien maire, et Perrée Duhamel, ancien échevin, parmi lesquels MM. Les députés présent ont accepté à charge de représenter le cahier qui sera par nous coté et paraphé ne varietur et d’en laisser une expédition qui fera minute aux archives de la ville, présents et délibérants :

MM. Luc Lucas DESAULNAIS, lieutenant de maire ; ledit sieur PERREE DUHAMEL, députés des gens vivant noblement ; ledit sieur LE SAUVAGE, lieutenant de l’amirauté  ; et le sieur LEPRON DE LA FOSSARDIERE, procureur du roi et député dudit siège ;

MM. REGNAULT et DUVAL MEQUIN, députés des avocats ;

HUGON GRANDJARDIN et BOISNARD, députés de la juridiction consulaire  ;

N. PERREE et HUGON DE LA NOË, députés des négociants et armateurs ;

HÜE et SALMON, députés des capitaines de navires ;

QUESNEL, un des députés des chirurgiens ;

FOLLAIN, député des procureurs ;

MOULIN, député des apothicaires ;

MICHEL, député des marchands ;

JUGAN, député des huissiers ;

LE BARBIER, député des perruquiers ;

DESCHAMPS, député des cordonniers ;

BLIN, député des cabaretiers ;

ROBE, député des menuisiers ;

CHESNAY, député des charpentiers ;

LE TELLIER, député des marins, calfats et crieurs ;

CHALAMON, député des boulangers ;

LE CROSNIER LAVALETTE, député des tonneliers ;

CUQUS, député des tailleurs ;

LE CAVELIER, député des tisserands ;

les sieurs DAIRON et POLLAIN des médecins n’ayant comparu ;

ainsi que le sieur MARION un des députés des chirurgiens.

Les sièges de vicomté et de police n’ayant député, attendu que M. le maire seul officier de cedit siège est compris dans l’ordre de la noblesse, le siège des traites n’ayant pas non plus de député . La nomination cy dessus ainsi faite, les sieurs électeurs représentant le tiers état ont donné aux sieurs députés cy dessus dénommés tous pouvoirs requis et nécessaires à l’effet de représenter le tiers état de cette ville en ladite Assemblée préliminaire fixée au 2 mars prochain par la susdite ordonnance de M. le lieutenant général du bailliage ; comme aussi d’y donner pouvoir généraux et suffisans de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et de tous et chacun des sujets de Sa Majesté.



Et de leur part lesdits sieurs députés ont promis se charger du cahier des doléances de ladite ville, dès qu’il aura été arrêté par lesdits sieurs commissaires et de nous paraphé, de le porter à ladite Assemblée et de se conformer à tout ce qui est prescrit et ordonné par la lettre du Roi, le règlement y annexé et l’ordonnance susdatée, desquels nomination de députés et commissaires, pouvoirs et déclarations nous avons à tous les susdits comparans donné acte, et avons signé avec eux notre présent procès-verbal, et signerons le duplicata qui sera remis auxdits députés pour constater leurs pouvoirs, le présent restant aux archives de l’hôtel de ville, lesdits jours et an que dessus, après lecture.

Luc Lucas DESAULNAIS, LEBOUCHER, Luc HAMEL, BEUST, LE SAUVAGE, LEPRON DE LA FOSSARDIERE, J. PERREE, J-H. HUGON, F. REGNAULD, avocat, QUESNEL, HUGON DE LA NOË, DUVAL MEQUIN, avocat, Fr. MICHEL, BOISNARD GRANDMAISON, F. HÜE, FOLLAIN, J-N. MOULIN, apothicaire, Jean DESCHAMPS, Pierre ROBE, F. CHESNAY, LE BARBIER, Charles BELIN, c. JUGAN, + la marque de CHALAMON, Thomas LE CROSNIER, P-L CUQUS, Auguste LE CAVELIER, N. PERREE.



Du vingt-huit février 1789, en l’hôtel de ville de Granville, MM. Le Mengnonnet et Clément Desmaisons élus le jour d’hier, dans l’assemblée composant le tiers état de la ville, députés pour rédiger les cahiers de doléances et les présenter à l’Assemblée des trois ordres à Coutances, ayant prix communication du procès-verbal cy dessus qui constate leur nomination, ont tous deux accepté, et signé après lecture. M. Hugon de la Cour qui ne faisait point partie de l’Assemblée ayant eu lecture de l’acte cy dessus qui le met au nombre desdits huit députés, a accepté également.

CLEMENT DESMAISONS, LE MENGNONNET



Du premier mars 1789, en l’hôtel de ville de Granville,

Nous François Léonord Couraye sieur Duparc, vicomte et maire de ladite ville, assisté du secrétaire-greffier ordinaire, les sieurs commissaires de l’Assemblée du tiers état de cette ville dénommés en la délibération de l’autre part, nous ayant déclaré avoir clos le cahier des plaintes et doléances de cette ville, et nous ayant été représenté, il a été de nous coté et paraphé, et signé par première et dernière page ; ensuite de quoi une des copies remise au sieur Jean Perrée Duhamel, un des commissaires, et l’autre conservée pour être déposée aux archives de cette ville, de tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, et signé après lecture.

J. PERREE, COURAYE DU PARC, J. GIRARD-BARCERIE


Sommaire

Cahier de doléances

((Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances pièce N° 345. Original signé. Ed. HIPPEAU, Les cahiers de 1789 en Normandie, t. II, faisant le tome VII du Gouvernement de Normandie, 1869, in-8°, p. 82).)


Cahier contenant les doléances de la commune de la ville de Granville telles qu’elle a chargé ses députés de les présenter à l’assemblée générale qui sera tenue à Coutances, le 2 mars 1789.


Constitution.

ART. 1er - L'opinion et le désir de cette commune est que le Tiers état ne puisse être représenté dans aucun cas que par des députés tirés de son ordre, sans qu'aucun noble ou privilégié y puisse être admis ; que dans toutes les délibérations particulières ou générales le Tiers état doit avoir un nombre de représentants égal à celui des deux autres ordres réunis ; que la loi qui interviendra à cet égard prescrive que les suffrages soient pris dans cette proportion et comptés par tête, et qu'elle devienne loi fondamentale du royaume.

ART. 2 - Que la nation détermine un retour d'Etats généraux dans une période fixe, qui n'excède pas l'intervalle de cinq ans dans le temps de paix, et plus souvent si les besoins de l'État l'exigent.

ART. 3 - Qu'aucun impôt ou augmentation d'impôt ne soit consenti qu'après l'examen des créances sur l'État, qui ne seront légitimées que par l'arrêté qui en sera fait par les États généraux, d'après les vues bienfaisantes que Sa Majesté a annoncées à ses peuples. Ils espèrent qu'elle voudra bien fixer elle-même les dépenses pour sa maison, les pensions et celles des départements dont les ministres devront être comptables.

ART. 4 - Qu'aucun impôt consenti par les États généraux ne puisse être prorogé au-delà du terme fixé pour le retour des dits États.


Impôt.

ART. 5 - Que tous les impôts et charges, sous quelque dénomination que ce puisse être, soient supportés également par tous les ordres et leurs membres respectifs, en proportion des propriétés de chacun, sans que nul ne puisse à l'avenir réclamer aucun privilège, soit à titre de services ou de charges, qui l'exempte de l'imposition publique.


Liberté individuelle et civile.

ART. 6 - La commune pense que tout citoyen Français étant personnellement libre et franc sous la protection des lois, l'usage des lettres de cachet doit être aboli, et qu'on doit au contraire accorder la liberté de la presse, pour peu que l'ouvrage soit souscrit du nom de l'auteur et de l'imprimeur.


Réforme de la justice.

ART- 7 - Le désir de l'Assemblée est qu'il soit fait dans les formes de la procédure et dans la manière de rendre la justice distributive tous les amendements nécessaires ; que les lettres de répit ne puissent suspendre l'effet des lois que par le consentement des créanciers qui formeront la plus forte portion des créances ; que les arrêts du conseil sur requête, les droits de committimus à tels tribunaux que ce soit ne puissent porter atteinte au droit qu'a tout Normand de n'être jugé que dans sa province . Qu'il est nécessaire de supprimer les juridictions d'exception qui ne sont d'aucune utilité, de former des bailliages ressortant nuement à la cour, dans une étendue de districts qui mette les justiciables à portée de leur tribunal.


Réformes.

ART. 8 - Que les États généraux avisent aux moyens les plus prompts et les plus efficaces de détruire les gabelles et que ce nom soit à jamais proscrit de la langue d'un peuple auquel il a produit tant de maux : parce que toutes les provinces de France, animées d'un esprit de justice, se chargeront sans doute, dans une proportion déterminée par leurs facultés, d'une quote-part des impositions qui doivent compenser le produit des gabelles.

ART. 9 - Qu'il plaise au Roi de permettre la révision des échanges faits avec les biens domaniaux et concessions accordées par Sa Majesté, et d'aliéner s'il est nécessaire, pour un temps ou pour toujours, les domaines de la Couronne, excepté les bois et forêts dont la garde pourrait être confiée aux États provinciaux.


Établissement des États provinciaux.

ART. 10 - Que l'établissement des États provinciaux promis par Sa Majesté sera la principale source de la prospérité publique, et un lien nécessaire avec les États généraux ; que la province de Normandie a d'autant plus de droits de solliciter cet ancien régime qu'il est consacré dans sa Charte de réunion à la France.

ART. 11 - Que la répartition des impôts de tout genre destinés à chaque province soit faite par les États provinciaux et qu'ils soient chargés de la perception des droits d'aides, et d'en verser le montant au Trésor royal, d'après le produit de la régie actuelle.

ART. 12 - Que pour fixer la variation subite qu'une simple décision du Conseil met dans les droits des traites, il soit arrêté aux États généraux un tarif clair, et dont la durée constante s'étende depuis la tenue des présents États généraux jusqu'au moment où ils devront se rassembler.


Commerce.

ART. 13 - La suppression des gabelles est d'autant plus désirable, qu'elle seule retarde l'exécution des vues bienfaisantes que le Roi a manifestées pour rendre libre le commerce intérieur du royaume.

ART. 14 - Le désir de la commune de Granville est de voir tomber enfin ces barrières qui rendent les Français étrangers les uns aux autres, et empêchent la communication réciproque des fruits de leur sol et de leur industrie.

ART. 15 - La révision de l'arrêt du Conseil de 1784 pour l'admission des étrangers dans les colonies sera sollicitée par toutes les places de commerce. Cette importante question intéresse la prospérité de l'Etat et l'existence de la marine de France.

La commune de Granville espère que cet arrêt sera rapporté et que le régime des colonies françaises sera semblable à celui des colonies des royaume voisins.

ART. 16 - L'admission des morues et huiles de pêche étrangère, les lettres patentes accordées à Bayonne comme privilège particulier, sont destructives de la pêche nationale.

ART. 17 - Il est à désirer que la circulation du poisson sec et salé soit libre et sans droits par tout le royaume ; les droits de consommation sur le poisson frais et salé, établis en Normandie et Picardie, sont une surcharge d'impôt pour ces provinces, et pèsent particulièrement sur la classe du pauvre.

ART. 18 - La visite des navires est abusive et particulièrement à charge à la place de Granville. Les droits sur les prisées et ventes de navires doivent être supprimés , les formes dans les réceptions de capitaines doivent être rétablies suivant l'ordonnance de 1681.

ART. 19 - Les représentants du tiers état au bailliage de Cotentin solliciteront avec le zèle le plus pressant la perfection du port de Granville, d'après des plans économiques et proportionnés aux besoins d'un port de commerce ; ils demanderont que les sommes destinées pour la confection de ce port ne soient plus détournées à des travaux étrangers.

ART. 20 - Ils demandent que si le traité de commerce avec l'Angleterre existe, le port de Granville soit regardé comme port d'entrepôt ; son commerce, sa proximité avec l'Angleterre, les anciennes faveurs qui lui ont été accordées, exigent qu'il soit assimilé à cet égard au port de Saint-Malo.

ART. 21 - Nous recommandons encore expressément à nos députés de demander qu'il soit libre à tout propriétaire de bâtir sur ses héritages ou propriétés, et que les obstacles que les ingénieurs militaires apportent depuis longtemps à la prospérité de Granville et de son commerce soient anéantis pour toujours.

ART. 22 - Le bailliage de Cotentin réclame avec confiance, de la justice des États généraux, que l'ordonnance pour le tirage des canonniers auxiliaires de la marine soit supprimée, comme destructive de l'agriculture et la cause certaine de la dépopulation des contrées voisines de la mer.

ART. 23 - Il serait inutile de détailler dans le cahier de nos doléances les nombreux abus, ouvrage du temps et du pouvoir ministériel, qui se sont introduits dans toutes les branches de l'administration ; il nous est bien doux d'en attendre le remède d'un nouvel ordre de choses, qui promet à la nation un bonheur constant ; il sera l'ouvrage d'un prince juste, d'une nation généreuse et sensible. Cet espoir si consolant nous engage à donner à nos représentants aux États généraux tous pouvoirs de faire en notre nom toutes les représentations que les circonstances rendront nécessaires. Nous désirons entretenir avec eux une correspondance pendant la tenue des États généraux et nous nous ferons un devoir de leur adresser toutes les instructions particulières dont ils pourront avoir besoin.

Ce qui a été signé par les sieurs commissaires dénommés et autorisés par la délibération dans l'assemblée du tiers état de cette ville, le 27 de ce mois. Après lecture à Granville, le 1er mars 1789.

N. PERREE, HUGON DE LA COUR, J. PERREE, HUGON DE LA NOË.


Le présent cahier des plaintes et doléances du tiers état de la ville et communauté de Granville rédigé par MM. les commissaires soussignés; nommés à cet effet, côté, paraphé et signé par première et dernière page jusques y compris la présente, par nous François-Léonord Couraye, écuyer, sieur du Parc, vicomte et maire de cette ville, à Granville en l'hôtel commun, le 1er mars 1789.

COURAYE DU PARC.


Sommaire

Saint-Nicolas

Procès-verbal d’Assemblée

(Le procès-verbal authentique n‘a pu être retrouvé)


Date de l’assemblée : 1er Mars. - Nombre de feux : 800 - Députés : Jean-François Louis-René PIQUELIN DE GRAINVILLE, (4 jours, 12 l; Ref.)  ; Maurice BOISNARD, laboureur, (3 jours, 9 l. Ref.) ; Louis Bougourd, laboureur, (3 jours, 9 l. Ref. ) ; Jacques EPRON, laboureur, (3 jours, 9 l. Ref.) ; Pierre EPRON LES VALLEES, laboureur, (3 jours, 9 l. Ref.) ; Jean BULOT, laboureur, (3 jours, 9 l. et 19 jours, 74 l. Acc.) ; Nicolas JOUVIN, laboureur, (3 jours, 9 l. Acc.) ; François HERPIN, laboureur, (3 jours, 9 l. Acc.).

Cahier de doléances

(Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances pièce N° 356. Original signé. Inédit.)


Cahier des plaintes et doléances des habitants de la paroisse de Saint-Nicolas-de-Granville.


Les habitants de la communauté de Saint-Nicolas sont pénétrés de respect et de reconnaissance de l’amour paternel que le Roy marque à ses peuples dans ce moment, en les rapprochant de sa personne, et en les faisant concourir avec lui pour remédier aux abus de tout genre qui se sont introduits dans le royaume, et particulièrement pour rétablir l’ordre dans les finances, et trouver moyen de payer les dettes de l’Etat. Mais que peuvent faire des malheureux, qui n’ont que de très petites possessions pour lesquelles ils payent de gros impôts ? Gémir sur leur sort, faire des vœux pour la conservation du Roy et la prospérité de l’Etat.

La paroisse de Saint-Nicolas est d’une très petite étendue , relativement à sa population, les propriétés sont très divisées et ne peuvent suffire à nourrir la sixième partie des habitants, par conséquent leur industrie fait leur ressource. A portée d’un port dont le commerce pour la pêche de la morue a de la célébrité, on aurait lieu de penser qu’ils trouveraient à chaque moment les moyens de l’exercer, mais les pertes énormes qu’ont faites les armateurs les a forcés de diminuer de moitié leurs armements . Les ouvriers sans ouvrage, les matelots sans occupation, restent à la charge de leurs familles, en attendant qu’une heureuse révolution, en donnant de l’activité au commerce, les mette dans le cas de gagner leurs vies. C’est ce qui les détermine à charger leurs députés à l’assemblée générale d’exhorter ceux qui seront choisis pour les représenter aux États généraux, de remontrer combien ce commerce est intéressant pour l’État, en ce que c’est l’école d’une prodigieuse quantité de bons matelots, et pour le pays en ce qu’il procure le débouché des denrées de plus de quinze lieues à la ronde, et fait vivre plus de cinquante mille personnes.

Cette basse province n’a aucune manufacture. L’argent qui sort tous les ans de ce canton, tant en impôts qu’en revenus de grands seigneurs, ne peut par conséquent y rentrer que par cette seule branche de commerce, qu’on pourrait aisément ramener, en interdisant aux puissances étrangères l’entrée libre qu’ils ont dans plusieurs ports de ce royaume et dans les îles françaises de l’Amérique.

Lesdits habitants espèrent que les deux premiers Ordres de l’État seront assez raisonnables pour accepter une répartition égale des impôts qui sont accordés au Roy pour la défense commune ; leurs biens sont, comme ceux du tiers état, sous la protection des lois et du Roy, qui doit les défendre contre l’ennemi et leur rendre justice au dedans. Ils ne peuvent point regarder cette égalité comme un attentat à leurs privilèges, parce qu’il ne peut y en avoir qui dispense tout citoyen de contribuer aux charges de l’État dont il est membre ; et ils conviendront que possédant seuls les emplois, les honneurs du royaume et la faveur du prince, il est injuste de faire supporter toutes les charges à la classe qui ne peut prétendre à ces distinctions.

Nous recommandons à nos députés de solliciter, autant qu’ils le pourront, qu’il soit fait mention de cette égalité dans la répartition des impôts dans le cahier des plaintes et doléances qui sera fait dans l’assemblée générale, et nous observons aussi qu’il serait à désirer qu’on réunit tous les impôts en un seul, qu’on percevrait en nature, c’est à dire une dîme royale, qui se prélèverait avant celle des décimateurs, qui à ce moyen en supporterait leur part ; on y trouverait un avantage réel pour l’État, les frais de recette et de régie pouvant être diminués considérablement en chargeant de payer dans le chef-lieu de la généralité ; et pour les peuples, qui ne payeraient que proportionnellement à leurs récoltes et dans des temps et d’une manière bien moins gênante pour eux ; à ce moyen, ils seraient à l’abri des vexations et des poursuites rigoureuses qu’emploient journellement contre eux les receveurs du fisc pour les contraindre à payer, dans des temps où leurs récoltes épuisées ne leur laissent aucunes ressources.

Pourquoi la nature a-t-elle mis une si grande distance entre le monarque et nous ? Pourquoi ne peut-il apercevoir les maux que nous souffrons ?

Son cœur paternel en serait attendri ; il ne pourrait voir sans émotion une troupe d’huissiers arracher en son nom le pain de l’orphelin et la subsistance de la veuve ; il verrait que le malheureux mercenaire chargé d’enfants , n’ayant pour tout bien que ses bras, est obligé de lui payer un impôt ; que si, par malheur une maladie ou tout autre événement le met dans l’impossibilité de s’acquitter, il voit vendre à sa porte son malheureux grabat, qui est souvent le seul meuble qu’il ait en sa possession.

Nous espérons que ces maux n’existeront plus à l’avenir ; les États généraux trouveront sûrement dans une sage administration les moyens de payer les dettes de l’État sans lever de nouveaux impôts ; s’il n’en était point ainsi, que ferions-nous ? Quelle ressource nous resterait-il ? Nous payons déjà, tant en dîmes ecclésiastiques qu’en deux vingtièmes et les deux sols pour livres, le premier et le second brevet de la taille, la capitation, l’impôt territorial, le fouage, les chemins, la reconstruction des tribunaux de justice, le bassin et le port de Granville, plus des deux tiers du produit de nos terres.

Nos députés représenteront aussi combien il est onéreux pour les paroisses de bâtir les presbytères à leurs frais, et combien il résulte d’abus à cet égard. On est presque obligé de les reconstruire à chaque mutation ; les architectes nommés par les paroisses pour faire les visites sont intéressés à ce qu’il se fasse des reconstructions ; à ce moyen, le plus petit défaut les fait déclarer mauvais un ouvrage qui pourrait subsister cent ans, et le malheureux père de famille, qui n’a pas le moyen de raccomoder sa maison, est obligé de sacrifier une année au moins de son bien pour faire bâtir un palais à son pasteur, qui en comptant les frais de récolte et de labourage perçoit le quart des revenus de sa paroisse.

Approuvé trois mots rayés.

Le présent cahier a été arrêté à l’église Saint-Nicolas, lieu ordinaire des délibérations, du consentement, de l’avis de tous les présents ; et il a été remis, ainsi que le procès-verbal de nomination, à M. Picquelin de Grainville, notre premier député, ce 1er mars 1789.

BOISNARD-GRANDMAISON, J. BUTOT, PIQUELIN DE GRAINVILLE, Jacques EPRON, Pierre EPRON, Jean DUFRESNE, J. LEMENAGER, Nicolas JOUVIN, Bon-François GARDIN, Julien TOUZET, J. HERPIN, L. BOUGOURD, DURIER, Charles JUSTIN, Pierre LAMORT.

Ne varietur : RENAUDET


Sommaire

Donville

Procès-verbal d’Assemblée

(Le procès-verbal authentique n‘a pu être retrouvé)

Date de l'assemblée : 1er mars – Nombre de feux : 220 - Députés : Jacques HUBERT, laboureur (4 jours, 12 l., Acc.) ; Guillaume CAMBERNON, laboureur (4 jours, 12 l., Acc.) ; Jean HELAINE, laboureur (4 jours, 12 l., Acc.).


Cahier de doléances

(Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances pièce N° 450. Original signé. Inédit.)


Cahier des instructions pour les députés de la paroisse de Donville à l’Assemblée des Etats particuliers du bailliage de Coutances.

1° - Que toutes les impositions générales soient imposées sur tout le monde, eu égard aux possessions d’un chacun, de quelque état et condition qu’il puisse être.

2° - Qu’il y ait de nouvelles lois pour la répartition des impôts, qui en règlent la contribution.

3° - Que les lois portant établissement ou confirmation des impôts quelconques soient accompagnées d’un tarif précis, de sorte que les contribuables sachent exactement ce qu’ils doivent, et que le préposé au recouvrement ne puisse interpréter à sa volonté les dispositions de la loi.

4° – Que la justice et les lois soient réformées dans les abus qui [s’y] sont glissés, que les justiciables soient assurés d’une prompte justice dans tous les tribunaux, sans essuyer des retards très préjudiciables à leur fortune, et sans être liés [obligés ?] de s’épuiser en frais pour solliciter les audiences ou un rapport, qui est souvent plusieurs années sans pouvoir l’obtenir, vu le nombre des affaires et le peu d’expédition.

5° - Que les taxes des juges soient modérées, etc.

6° - Comme il est de droit que tous les bénéficiers soient assujettis aux réparations de leur bénéfice, et que les dîmes sont plus que suffisantes pour acquitter cette charge, il soit ordonné que tous les curés ou possesseurs de dîmes, chacun à raison de ce qu’il percevait, soit lié à l’entretien et réparation ou bâtir en neuf de la maison presbytérale, sans que les paroissiens puissent y être appelés.

7° - Que tout ce qui sera présenté à l’Assemblée des Etats, pour le bien général du royaume, soit délibéré à la pluralité des voix, sans distinction d’ordres, et que le tiers état y ait moitié en députés.

8° - Et pour vous représenter que, à l’égard de la misère de ladite paroisse, nous avons l’honneur de vous représenter que la paroisse est possédée par plusieurs habitants d’autres paroisses, et chargée de rentes seigneuriales, et dépendant su domaine du roi et aux abbayes du Mont-Saint-Michel et de l’abbaye Blanche.

9° - Et pour vous représenter que, à l’égard de la misère de ladite, et vu le rechargement, comme il est expliqué ci-devant, c’est pour que le public et habitants ne puissent pas se retirer suivant le mauvais fonds de ladite paroisse et autres adversités , comme ladite paroisse est habitée en moyenne partie d’habitants dans les faubourgs de Granville dépendant de notre dite paroisse, qui ont eu le malheur d’être incendiés le vingt au vingt-un juillet mil sept cent quatre-vingt six, ce qui a occasionné la ruine de ladite paroisse, et dont que les propriétaires ont été obligés d’hypothéquer leur fonds pour pouvoir se rétablir. Les suppliants et incendiés du faubourg demandent la suppression des entrées et octrois, ainsi que la suppression du gros sel et admission du sel blanc et exemption de guet et de garde, vu qu’ils payent les impôts comme autres habitants de ladite paroisse.

10° - Et au cas que Sa Majesté ne jugerait pas à propos de changer les lois, ont supplié de vouloir bien régler les dîmes insolites et solites pour abréger toutes les poursuites qui se peuvent faire vis-à-vis du clergé, dont les habitants sont souvent la dupe.

Le présent cahier ainsi fait, rédigé et arrêté, et mis aux mains du sieur Jacques-Hubert-Guillaume Cambernon et Jean Heleinne, députés, pour par eux le porter à l’assemblée particulière, qui ont accepté le présent, ladite Assemblée qui se tiendra le 2 du présent mois devant M. le bailli de Cotentin ou devant M. son lieutenant général. Ce qui a été arrêté en présence des habitants qui ont signé, après lecture faite, le premier mars 1789.

J. HUBERT, François LENORE, PICQUEARD, G. DUFOINEL, G. CAMBERNON, M. TETREL, Jacques LEJAMTEL, René CLOSET, Jean LEBAS, F. DESCHAMPS, M. SIMONNE, François QUINETTE, J. MAUDUIT, Jean BELIN, Pierre LETESTU, Nicolas SIMONNE, Pierre LENORMAND, Pierre RABOT, Michel ROGERRY, P. COUPARD, Jacques BRIERE, F. LEMAITRE, Jean SAILLARD, Louis MEQUIN, Jean fils ADAM, René LEMAISTRE, Jean LEMAISTRE, Nicolas JORET, Maurice LAMORT, Gilles TETREL, Jacques GAUTIER, faisant fonction de syndic.

Note : Le cahier est en grande partie la reproduction tantôt plus ou moins textuelle, tantôt remaniée, du cahier de Cerisy-Caillebot. Nous n’en donnons par suite que les passages originaux.

Sommaire

Bouillon

La paroisse dépendait du bailliage secondaire d'Avranches. Les cahiers et procès-verbaux de ce ressort ont entièrement disparus et n'ont pas été retrouvés en 1907.

Saint-Aubin-des-Préaux

Procès-verbal d’Assemblée

(Le procès-verbal authentique n‘a pu être retrouvé)

Date de l'assemblée : 1er mars – Nombre de feux : 87 - Députés : René-Claude GOND, laboureur (4 jours, 12 l. et 19 j. 74 l.Acc.) ; Bertrand-Patrice GUERARD, laboureur (4 jours, 12 l., Acc.).


Cahier de doléances

(Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances pièce N° 426. Original signé. Inédit.)

Du dimanche 1er mars 1789 , à l'issue et sortie de la messe paroissiale de Saint-Aubin-des-Préaux, au pied de la croix dudit, lieu ordinaire aux délibérations, se sont assemblés au son de la cloche; tous les paroissiens en général soussignés, faisant forts les présents pour les absents, convoqués par l'annonce au prône et de la publication du syndic de l'assemblée municipale et les affiches dé dimanche dernier; lesquels pour satisfaire aux ordres du Roi, suivant le mandement du 24 janvier dernier; et suivant l'ordonnance de M° Desmarests, lieutenant du bailliage civil et criminel de Coutances, en date du 13 février dernier; portant ordre de faire et rédiger les cahiers de plaintes, doléances et remontrances pour l'assemblée des trois États, ont rédigé leur cahier ainsi qu'il suit :

1° - Nous soussignés comme ci-dessus, remontrons que notre paroisse est petite , qu'un tiers est en bois, tant de haute futaie que taillis, appartenant à M. l'abbé du Mont Saint-Michel et le seigneur du Pont-Roger ; qu'un autre tiers est dépouillé et possédé par des nobles qui ne payent que peu de capitation, et peu de vingtième ; que l'autre tiers est possédé par des bourgeois de villes et quelques paroissiens ; que notre terre est aquatique et très mauvaise , surtout celle des paroissiens. Les chemins sont impraticables. Le man ou thard, depuis quinze ans, coupe nos blés et nous réduit à la misère ;

2° - Que M. l'abbé du Mont Saint-Michel et autres seigneurs absorbent presque tout le revenu de la paroisse par les rentes immenses qu'ils ont sur les paroissiens ;

3° - Tous les impôts réunis en un seul . Le grand nombre de rôles coûtent beaucoup de frais, et celui des receveurs absorbe les biens de l’Etat ;

4° – Nous remontrons que les rentes des abbayes pourraient suffire pour les besoins de l'Etat, et en conséquence nous désirerions la suppression des abbayes et communautés, tant d'hommes que de filles, comme inutiles à la Société, et ne rendant aucun service à l'Etat, étant même à charge par leurs rentes ridicules et minutieuses, et cependant très à charge à tous les débiteurs ;

5° - Nous remontrons qu'il ne devrait point y avoir de déports ; que les curés devraient prendre leurs presbytères et basses-cours et églises dans l'état où ils les trouvent; qu'une partie des dîmes des paroisses, dont jouissent les communautés des deux sexes et les chanoines , devraient être employées, partie à la réparation desdites maisons presbytérales et églises, partie à la nourriture des anciens prêtres, qui auraient vieilli dans le ministère, partie à entretenir des maîtres d'école dans les paroisses, et le soulagement des pauvres ;

6° - Nous demandons que toutes les dîmes soient réglées, pour éviter toutes sortes de procès ;

7° - Nous demandons que toutes les volières de pigeons, extraordinairement multipliées et faisant beaucoup de tort, soient détruites celles qui ne doivent pas subsister, et fermées dans les temps de la semence et de la récolte. On demande un règlement à ce sujet ;

8° - Nous avons nommé pour députés les sieurs René-Claude GOUD, syndic de l'assemblée municipale, et Bertrand-Patrice GUERARD, tous deux laboureurs, âgés de vingt-cinq ans, nés français, pris et demeurant en cette paroisse. Le tout conformément aux ordonnances et règlements, lesquels ont accepté ladite députation. Ce dit jour et an que dessus.

Huit mots rayés nuls à la page ci-contre.

P. DELEPAULT, Michel DUMONCEL, D. DUMONCEL, F. DURET, J. LE BASTE, Louis YVER, B. MALENFANT, Patrice YVER, Jacques DEGUELLE, J. DUMONCEL, Alexandre LECAUDEY, (illisible), Et. HEREMBOURG, Etienne LETERREUX.


Sommaire

Saint-Pair

Procès-verbal d’Assemblée

(Le procès-verbal authentique n‘a pu être retrouvé)

Date de l'assemblée : 25 février – Nombre de feux : 280 - Députés : M° Joseph-Bertrand-Agathe LARCHER, avocat, ancien haut-justicier de Villedieu (6 jours, 18 l. et 19 jours 74 l., Ref.) ; Laurent ALLAIN, laboureur (4 jours, 12 l., Ref.) ; Pierre DAUPHIN, laboureur (4 jours, 12 l., Ref.).

Cahier de doléances

(Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances pièce N° 437. Original signé. Inédit.)


Remontrances des habitants de Saint-Pair.

Les habitants composant le tiers état de la communauté de Saint-Pair, élection de Coutances, font, en conséquence de la permission du Roy, les représentations ci-après :

La majeure partie des biens du royaume est possédée par le clergé et la noblesse, fait si notoire qu'il serait inutile de s’arrêter pour le prouver.

Le clergé et la noblesse ne payent pas ensemble la moitié des impôts que le tiers état paye seul; le clergé et la noblesse ne payent point de taille, taillon, corvées, et ne contribuent point au logement des troupes; les commis des fermes, dont le nombre est considérable, jouissent également des exemptions .

La capitation que la noblesse paye n'est rien en comparaison de celle du tiers état, en outre les autres impôts. Ceux d'entre les nobles qui ont des places dans le militaire ou autrement ne la payent que sur les appointements de leurs emplois, et par un abus qui s'est pratiqué, mettent leurs biens à couvert; de toute; contribution à la capitation.

Le clergé qui possède des biens considérables ne contribue en rien à la capitation, parce qu'il paye le don gratuit qui est peu de choses en comparaison dés-impositions du tiers état.

Les impositions dont ces deux corps ont pu jusqu'à présent s'exempter, et à leur exemple les commis des fermes, sont rejetées sur le tiers état, qui paye la majeure partie des impositions, quoi qu'il n'ait que de petites possessions en les comparant à celles du clergé et de la noblesse, lesquelles passent même chaque jour du tiers état â la noblesse.

Si un membre du tiers état devient facultueux (sic), et en état de supporter une certaine contribution aux impôts, ses biens en sont bientôt à couvert.

S'il n'a que des filles, des nobles les épousent ; s’il a des garçons, il achète une charge qui l'exempte, ainsi que sa postérité, d'impôts, il augmente le nombre des nobles et ses biens deviennent exempts de la contribution que le tiers état supporte.

Dans la Normandie, le nombre des anoblis s'est tellement multiplié depuis un certain nombre d'années, que s'il ne s'effectue pas une réforme en cette partie, il ne restera dans le tiers état que les disgraciés de la fortune, auxquels il sera impossible de supporter la masse d’impôts de toute espèce dont il est chargé.

Quiconque a un peu dé fortune, et par conséquent est en état de payer un impôt, pour s'en mettre à couvert achète une charge qui le tire du tiers état; le fait passer en la classe des nobles et des exempts; souvent, c'est un vieillard, dont les enfants vendent aussitôt qu'il est mort l'office à un autre, qui à son tour acquiert les mêmes exemptions Et ces gens, sans avoir servi l'Etat; sans avoir fait de sacrifices, puisqu'ils trouvent dans la vente de l’office le prix qu’il avait coûté, deviennent nobles et exempts d'impôts ; on peut [les] dire inutiles à l'Etat, puisqu'ils ne contribuent plus à supporter les charges. On peut donc dire que le tiers est le support de l'État et le corps le plus utile au royaume.

Le grand nombre d'exempts et privilégiés fait les malheurs du tiers état, et rend la perception des impôts difficile, et il n'y a qu'un seul remède à y apporter, c'est de faire contribuer au payement des impôts tous les sujets du royaume, sans aucune distinction d'état ou de condition, soit du clergé, de la noblesse ou du tiers.

Ce point d'équité effectué, il ne s'agirait plus que de la répartition, qui suivant la justice, doit se faire eu égard aux possessions de chaque particulier ; l’opération en est facile à faire.

Pour faire une juste répartition des impôts, il n'y a qu'à imposer dans chaque communauté les contribuables à raison des possessions qu'ils y ont, car si on les imposait pour toutes leurs possessions aux lieux des domiciles, on ne pourrait avoir connaissance exacte des possessions qui seraient en différents lieux, en différentes provinces et peut-être d'un bout à l'autre du royaume.

Les habitants de Saint-Pair font encore une observation : leur paroisse, dont le sol est très mauvais, est accablée de rentes seigneuriales, qu'elle paye à l'abbaye du Mont Saint-Michel ; les habitants ne pouvant y vivre sont dans la nécessité de prendre le dur et ingrat métier de la navigation. Dès qu'un garçon a atteint l'âge de douze ans, il prend le parti de la mer, souvent il y périt. Pendant la dernière guerre, plus de cent de ses habitants ont perdu la vie au service. Mêmes pertes avaient arrivé dans chacune des deux précédentes guerres.

Cette paroisse trouvait ci-devant une ressource, dont elle est privée depuis peu. Il y venait de différents cotés des jeunes gens ; depuis la levée qu'on a faite, l'année dernière, de canonniers auxiliaires de marine , en outre la levée ordinaire de canonniers de la côte, il n'y en vient plus. Cette levée de canonniers de marine est préjudiciable à la paroisse, mais elle est en outre nuisible au commerce de la marine et au service de la marine royale, parce que ces jeunes gens au bout d'un an ou de deux, se trouvaient engagés par ceux du lieu, et prenaient également que eux le parti de la mer, augmentaient le nombre des matelots, devenaient utiles au commerce et servaient sur les: vaisseaux de Sa Majesté lorsqu'ils en recevaient les ordres.

Les habitants de Saint-Pair, qui mettent leur confiance dans les lumières et dans les sentiments patriotiques des personnes qui représenteront la nation aux États généraux, espèrent qu’on aura égard à leurs doléances.

Le présent arrêté en délibération et souscrit double après lecture, ce 25 février 1789.

LARCHER DE LA MARGUENÉE, Jean ALLAIN, P. DAUPHIN, Joseph GARDIN, Jacques RICHARD, J. BEAUMONT, H. DUCHESNE, Jacques BOUTMER, Joseph BEUST, Louis PIEL, Julien TOUZÉ, V. LEFEBVRE, Laurent ALLAIN, Thomas DERVIÉ, L. CHEVALIER, Louis SOREL, François GARNIER, L. TOLLIER, François BRY, Jean ROSCE, Julien-Jean-Baptiste COQUET, Henry BEUST, Michel BLOUET, illisible, C. RABOT, Thomas COQUET.


Sommaire

Saint-Planchers

Procès-verbal d’Assemblée et Cahier de doléances réunis

(Ms. Greffe du Tribunal de première instance de Coutances, pièce n° 438. Original signé. inédit.)


Aujourd'hui, 1er mars 1789, en l’assemblée convoquée au son de la cloche en la manière accoutumée, sont comparus dans le cimetière de ce lieu, par devant nous Thomas Le Bachelier, syndic, et Magloire David, greffier, J. Duchesne, N. Franquet, F. Tetrel, M. Letourneur, F. Cotentin, J. Duchesne, H. Le Bachelier, P. Avril, N. Jouanne, C. Guiffard, N. Lainé, L. Lebrun, E. Avril, N. Gilbert, J. Nicolle, J. Avril, L. Pinsonnet, J. Saint-Planchers.

Tous nés Français, âgés de vingt-cinq ans, compris dans les rôles des impositions de cette paroisse, composée de deux cent soixante feux , lesquels pour obéir aux ordres de Sa Majesté, portés par ses lettres données a Versailles, le 24 janvier dernier, pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement y annexé, ainsi qu'à l'ordonnance de M. le bailli de Cotentin , rendue par M. son lieutenant, etc., nous ont déclaré qu'ils allaient d'abord s'occuper de la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et remontrances ; et en effet y ayant vaqué, ils nous ont représenté ledit cahier qui a été signé par ceux desdits habitants qui savent signer et par nous, après l’avoir coté, par première et dernière page, et paraphé ne varietur au bas d’icelles.

Et de suite, lesdits habitants, après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés qu'ils sont tenus de nommer, etc., la pluralité. des suffrages s'est réunie en faveur des sieurs Melchior Letourneur, Charles Guiffard, François Tetrel qui ont accepté ladite commission et promis de s'en acquitter fidèlement.

Ladite nomination des députés ainsi faite, lesdits habitants ont, en notre présence, remis auxdits sieurs Melchior Letourneur. Charles Guifard, François Tetrel, leurs députés, le cahier afin de le porter à l'assemblée qui se tiendra le 2 du présent mois, devant M. le lieutenant général, et leur ont donné tous pouvoirs requis et nécessaires, etc .....

Et de leur part, lesdits députés se sont présentement chargés du cahier des doléances de ladite paroisse et ont promis de le porter à ladite assemblée, etc., et avons signé, avec ceux desdits habitants qui savent signer, et avec lesdits députés, notre présent procès-verbal ainsi que le duplicata que nous avons présentement remis auxdits députés pour constater leurs pouvoirs ; et le présent sera déposé aux archives du secrétariat de cette communauté ledit jour et an.


Etat des doléances et remontrances du tiers état du second ordre de la communauté et paroisse de Saint-Planchers ressort du bailliage du Cotentin, séant à Coutances, contenant ce qui suit :


PREMIEREMENT - Remontrent et supplient les paroissiens en général de ladite paroisse Sa Majesté de prendre en considération que les grandes routes ont été faites dans ladite paroisse, étant éloignée cette dite grande route est à l'extrémité de cette paroisse, qui s'étend en longueur, et encore obligé à porter les paroisses voisines pour arriver à cette dite grande route . De plus un chemin de charité qui a été commencé il y a environ six ans, un sixième dudit chemin est demeuré imparfait, ce qui occasionne un grand dommage à ladite paroisse.

DEUXIEMEMENT. Remontrent qu'il est à charge pour eux d'être obligés de consommer trois jours de leur temps, qui les prive de leurs travaux, pour se procurer un demeau de sel, qui est une chose de la première nécessité ; qu'il est également aggravant d'être obligé de payer 31 s. 9 d. pour voiturer un tonneau de cidre, sur le prix duquel il diminue à l'acheteur la quatrième partie de la vraie valeur pour les droits de la ferme.

TROISIEMEMENT. Que la multitude des rôles pour les différents impôts font une charge pour le laboureur, qui l'écrase, et que chaque rôle distrait autant d'individus de leur travail ; un seul impôt serait bien désirable.

QUATRIEMEMENT. - Que la paroisse est chargée de rentes seigneuriales dépendant de la baronnie de Saint-Pair, appartenant à l'abbé du Mont Saint-Michel, lieu où est le château de recettes dudit abbé, ainsi que rentes foncières  ; de plus, à l’abbaye de la Luzerne, aux domaines Villiers, Pontroger, situés dans les paroisses Coudeville et Saint-Jean-des-Champs, lesquelles rentes emportent au moins les deux tiers du revenu de la paroisse, n’ayant de leur part aucun secours pour la nourriture des pauvres de cette paroisse, ne payent qu'une légère taille à la décharge du tiers état, égard à leurs terrains, et par leurs baux reconnus, affaiblis par des pots-de-vins considérables  ; et enflent les droits de leurs apprécis, qui est notoire aux termes de leurs apprécis royales et autres effets dus auxdits seigneurs occasionnés par des blotries de différentes paroisses, qui apportent des grains au marché de Grandville et non corrigés par la police, ce qui occasionne du tort considérable aux vassaux de ladite baronnie, desquelles rentes ils ne font aucunes déductions des droits royaux.

CINQUIEMEMENT. - Remontrent aussi que tous les seigneurs ont chacun leur colombier et volière, en sorte que la communauté de cette paroisse est au centre de six tours, tant de cette paroisse que paroisses voisines, qui fournissent une quantité prodigieuse de pigeons qui ne sont enfermés en aucune saison de l'année, ce qui fait un tort considérable au laboureur.

SIXIEMEMENT. - Remontrent de plus que les mêmes seigneurs permettent ou ordonnent à leurs gens de chasser avec un nombre de chiens, dans toutes saisons de l'année, ce qui cause un tort considérable.

SEPTIEMEMENT. - Ajoutent à ces représentations que sur des rapports faux, calomnieux, vindicatifs, on fait passer un laboureur pour braconner aux yeux de son seigneur; que le parti que (prend) ledit seigneur et gentilhomme et autres personnes, c'est de s'adresser au gouverneur de la province, qui, sur-le-champ donne ses ordres à la maréchaussée d'emprisonner un bon laboureur pour trois mois, qui n'a tiré un coup de fusil ; son travail demeure interrompu, c'est peu de chose, mais on lui fait encore payer une amende vexatoire, despotique. Un laboureur ne peut avoir un fusil chez lui pour détruire l'oiseau qui déprède ses blés, un chien enragé qui dévore son troupeau, ou un voleur qui force sa maison.

HUITIEMEMENT. - Que les réparations ou reconstructions de presbytères écrasent le laboureur par des frais immenses qu'il faut faire pour parvenir à faire les réparations ou constructions. Il serait juste de charger absolument le dernier titulaire desdites réparations et reconstructions et même d'en dresser procès-verbal, et même que les paroissiens seraient autorisés à faire dresser un procès-verbal, de dix ans en dix ans, des réparations pendant la vie du titulaire subsistant, même de l'obliger à déposer une somme correspondante au procès-verbal qui en sera dressé.

NEUVIEMEMENT. - Que les déports sont un abus effrayant. Premièrement, parce qu'ils mettent le troupeau sans pasteur; deuxièmement, parce que l'avidité du fermier ne présente au laboureur que des sujets de contestation; quatrièmement, enfin, parce que les évêques en abusent en scandale de la religion. Il est de notoriété que, lorsque l'évêque à la nomination d'un bénéfice, il le confère à un curé placé et mette à sa place celui qui devait occuper le bénéfice du dernier titulaire. A ce moyen, au lieu d'un déport il y en a deux; l'assemblée a tiré le rideau sur le reste par charité.

DIXIEMEMENT. - Représentent encore et supplient Sa Majesté, que les individus maculés de rentes hypothèques soient considérés dans l'impôt comme les rentes foncières.

ONZIEMEMENT. – On ne peut s’empêcher de mettre sous les yeux de Sa Majesté, que au marché de Granville, on paye un droit de coutume qui va à quatre sols par charge de cheval pour le blé, qu'on expose ses grains au péril de tous les mauvais temps sans halles ni couverture.

DOUZIEMEMENT. - Remontrent encore que les procès sont éternels, et que celui qui n'a pas assez de facultés pour faire juger la question ou de lumière pour résister à la chicane qu'on lui fait, est obligé d'abandonner ses droits les plus légitimes. La justice a grand besoin d'être réformée pour l'intérêt du tiers état.

TREIZIEMEMENT. – Désire le tiers état, qu’il plaise à sa Majesté bien aimée de n'admettre aux charges publiques que des personnes jugées capables au concours et au mérite, tant pour les sciences que pour les mœurs.

QUATORZIEMEMENT. - Les tutelles et inventaires, cet article est absolument vexatoire et consomme les biens des pupilles. Quant à l'article des inventaires, prisées et ventes, pour des formalités inutiles, puisque l'estimation du priseur-vendeur ne fait pas loi dans la vente et ne sert qu’à consommer la succession des mineurs par le prix immense que fait payer le priseur-vendeur aujourd'hui. Il y a six ans, au moins, on était libre de prendre tel instrumentaire qu'on jugeait à propos ; c'était bien moins aggravant et coûtait plus de la moitié moins ; cela coûterait bien moins en rétablissant les huissiers dans leur premières fonctions, qui ferait un grand avantage pour le public ; aussi on remédierait à cet inconvénient en autorisant l’inventaire fait par les parents au terme de l'article du règlement des tutelles trente sept.

QUINZIEMEMENT. - Il y a trois ans qu’il plut à Sa Majesté de permettre de mettre les bestiaux à pâturer, même dans ses forêts et dans toutes les autres, vu la grande disette où on se trouvait dans cette année par la sécheresse . La dureté des moines du Mont et de la Luzerne s'y refuse ; et quelqu'un par grande nécessité qu’ils voyaient périr leurs bestiaux, ils furent en conduire quelqu’un dans leur bois, ils ordonnèrent à leurs gardes de les saisir, les emmener et faire coûter des frais particuliers à qui ils appartenaient. Voilà où se porte la dureté des moines et où se borne leurs charités pour les pauvres, c'était cependant leurs voisins et leurs rentiers.

SEIZIEMEMENT. - Dans cette paroisse, il y a environ le tiers de marins . Dans la dernière guerre, il en est mort au service de Sa Majesté au moins les deux tiers. Partie de ces marins ont laissé des familles nombreuses sans aucun soutien.

Remontre finalement le laboureur, que toute la noblesse et le clergé et tous décimateurs payent, par proportion comme le tiers état, les impositions qu’il plaira à sa Majesté faire imposer.

Sa Majesté regarde en pitié un peuple dont elle est chérie. Que les cris qu'ils poussent vers elle, du fond de leurs misères, parviennent jusqu'à son trône et méritent sa compassion, et l'obligent à redoubler ses prières et ses voeux pour la conservation d'un si bon Monarque !

Le présent signé double, après lecture ledit jour et an que dessus.

J. DUCHESNE, Thomas DUCHESNE, Ch. GUIFFARD, H. LE BACHELIER, N. LAISNE, J-D.-E. PINSONNET, DESPLANCHES, N. GILBERT, T. AVRIL, N. JOUENNE, P LE BACHELLIER. Syndic ; Laurent LE BRUN, J. AVRIL, Etienne AVRIL, Jean-ROQUERIE, Fr. COTENTIN, J. NICOLLE, N. FRANQUET, F. TETREL, M. DAVID, greffier ; M. LE TOURNEUR. Sommaire

Yquelon

Date de l'assemblée : 1er mars. – Nombre de feux : 109 - Députés : Nicolas CAIGNON, laboureur (19 jours, 74 l., Acc) ; Louis DE LA LANDE, défaillant à l’assemblée préliminaire.

Le cahier de doléances n‘a pas été retrouvé (en 1907).

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