79086 - Cahier de doléances - Cherveux

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Extrait de Département des Deux-Sèvres: Cahier de doléances des sénéchaussées de Niort et de Saint-Maixent, et des communautés et corporations de Niort et Saint-Maixent pour les États généraux de 1789, Léonce Cathelineau , Imprimerie G.Clouzot - Niort , 1912 , 463p.


CHERVEUX

Dép. : Deux-Sèvres, — Arr. : Niort. — Cant. : Saint-Maixent.

Gén. : Poitiers. — Elect. : Saint-Maixent. — Dioc. : Poitiers.

Châtellenie relevant par appel à l'abbaye de Saint-Maixent.

Princip. cult. : blé.

Seigneur en 1750 : de Nonan.

Seigneur en 1789 : Dame marquise Duplessis-Chàtillon de Nouart et Saint-Gelais, dame de Cherveux, veuve du comte de Narbonne.

Popul. en 1790 : 1.292 habitants.

Marché : le mardi.

Foires : le 17 janvier, le 22 février, le mardi après Pâques, le mardi après la Pentecôte, le 29 juin, le 1er août et le 29 septembre.

Taille : 10.294 L 15 s (princip. : 5.034 L 15 s ; access. : 2.371 L; capitat. : 2.889 L).


PROCÈS-VERBAL

Date : 3 mars 1789.

Président : Louis-Auguste Gibault, notaire royal, procureur fiscal de la Châtellenie de Cherveux, et syndic municipal de la dite paroisse.

Population : 266 feux.

Comparants : François-Louis Pallardy, notaire; Pierre François Galland, Pierre-François Godin, notaire ; Jean Moreau, Louis Rouvreau, Jacques-Joseph Couliau, instructeur de jeunesse ; François Bonnet, fermier ; François Piez, Louis Rimbault, Jacques Moynard, Jean Raymond, Jean Charles, Louis Moynard, François Vivier, Louis Simonnet, Jean Fichet, autre Jean Fichet, Louis Simonnet, Pierre Lezay, Jean Papol, François Gelin, René Boubien, Jean Girard, Pierre Morisset, Louis Fraigneau, Joseph Pintault, tous laboureurs; Jean Mimault, meunier, Louis Boinot, Pierre Dosrat, Pierre Banlier, Jacques Rivard, Jacques Gay, Louis Massé, René Moreau, François Moussel, Louis Massé, Louis Rouvreau, Louis-Philippe Bastard, tous journaliers, bordiers, meuniers, maréchal, boulanger et plusieurs autres.

Députés : François-Louis Pallardy, notaire ; Pierre-François Galland, huissier royal, et François Bonnet, fermier.

Suivent 31 signatures.


CAHIER DE DOLÉANCES

Cahier de plaintes, doléances et remontrances des habitants de la communauté de la paroisse de Cherveux, fait en conséquence des lettres du Roi du 24 janvier dernier pour la convocation des États généraux du Royaume du règlement y annexé et [l']ordonnance de M. le Grand Sénéchal du Poitou du 14 février aussi, dernier et de l'ordonnance de M. le Sénéchal de St-Maixent du vingt et un dudit mois de février, et de publication du tout fait par M. le Curé de ladite paroisse au prône de la messe de paroisse le premier de ce mois et lecture faite par le syndic les mêmes jours à la porte de l'église et l'assemblée annoncée à cri public ledit jour dimanche dernier, ce jourd'hui 3 mars 1789, à laquelle porte le tout a été affiché.

Tous lesdits habitants à cet effet assemblés au-devant de la porte de la dite église, au son de la cloche, à la manière ordinaire, tous nés français, fidèles et soumis sujets du Roi, ont dit et unanimement convenu que ladite paroisse de Cherveux est beaucoup surchargée de tailles, capitations et autres impositions ; qu'elle consiste en terres labourables, dont un tiers au plus de bonnes terres, un autre tiers de médiocres et l'autre tiers, mauvaises terres, n'ayant en icelle que très peu de bois et très peu de pacages ; que les habitants y sont la majeure partie pauvres, qu'il y a beaucoup de mendiants, que cette paroisse appartient presque en entier aux ecclésiastiques et trois nobles, qui y ont des propriétés très considérables, dont ces trois nobles y sont habitants et font valoir des maisons et prés clôtures très considérables ; que depuis douze à quinze ans, tous les propriétaires de ladite paroisse ont tellement augmenté les prix de ferme de leurs biens, que les habitants de ladite paroisse ne peuvent payer non seulement lesdits prix de fermes et encore moins les tailles, capitations et autres impositions à quoi ils sont cotisés ; ce qui cause une dépopulation considérable, car beaucoup de ces fermiers, voyant ne pouvoir payer, abandonnent leurs demeures ainsi que les biens qu'ils exploitent et se trouvant devoir des sommes considérables à leurs maîtres, ainsi que les impositions qui retombent souvent en pure perte aux collecteurs ; en ce que les pauvres indigents, journaliers et manoeuvriers, qui, dans de si cruelles circonstances, arracheraient du coeur la pitié du barbare, vu quatre à cinq petits enfants, les uns plus, les autres moins, que le malheureux père fait subsister et paye le loyer de sa demeure sur six sous qu'il gagne par jour pour fournir à tout, le plus souvent les collecteurs de deux, de trois années, exécutent et enlèvent de chez eux la marmite où ils font leur soupe et leur chaudière qui échaude leur vermine et poux et jusqu'à un boisseau ou demi-boisseau de farine avec le sac ; le seul gain du malheureux ne peut suffire et fait gémir lesdits collecteurs qui sont obligés de faire de si cruelles expéditions. Tous ces faits malheureux mettent ces misérables à la mendicité et ne sont soulagés que par les cultivateurs seulement qui n'ont aucun revenu et que leurs prix de fermes et payements d'impositions en mettent beaucoup au même rang des mendiants. Les ecclésiastiques et nobles ne rendent à ces pauvres mendiants qu'un liard ou deux, ce qui n'est point à même de les faire vivre et que le cultivateur donne du pain et lui fait, une consommation de ce qu'il peut recueillir, ce qui le met lui-même très souvent au même rang que ces mêmes mendiants ; et, pour éviter le tout, il serait à propos qu'il y eût à chaque paroisse des ateliers de charité pour la nourriture des véritables pauvres et faire travailler ceux qui se trouveraient en état de le faire, ce qui serait le plus grand bien pour le public et empêcherait la mendicité ou du moins la diminuerait considérablement.

D'ailleurs il ne se fait que peu de commerce de bestiaux, n'ayant de pacage qui; ce qu'il en faut pour la nourriture des bestiaux nécessaires et indispensables pour l'exploitation et le labourage des terres, et que beaucoup desdits habitants sont obligés d'aller acheter du fourrage chez leurs voisins pour nourrir les bestiaux qu'ils sont obligés d'avoir pour ladite exploitation desdites terres, qui ne produisent que des blés et qui est la seule ressource dos habitants qui se trouvent depuis quelques années fort gênés par la vente desdits blés et voitures d'iceux, à cause d'un pont, très considérable qui est entre Cherveux et Niort, qui est sur le point de tomber en ruine et trois autres ponts qui sont entre ledit bourg de Cherveux et la ville de Saint-Maixent qui sont entièrement écroulés et ruinés ; qu'il y a longtemps qu'ils en demandent le rétablissement aux frais des paroisses sur lesquelles ils sont situés, attendu qu'ils sont d'une grande utilité à toutes les paroisses des environs de trois à quatre lieues dudit Cherveux ; ils supplient très respectueusement Sa Majesté de penser au rétablissement desdits ponts, on pourrait dire encore au rétablissement de plusieurs chemins qui communiquent d'un village à un autre et aux paroisses voisines.

Les nobles propriétaires qui ont à eux et leur appartient du bien en ladite paroisse de Cherveux, ne payent personnellement sur lesdits biens que les deux vingtièmes et sou pour livre, ce qui ne leur fuit qu'une très petite diminution de leurs revenus. Les roturiers, ou Tiers état, payent outre les vingtièmes, comme les nobles, sur leur peu de propriété, des taux de tailles, eapitations, fourrage et autres subsides pour les exploitations qu'ils font, des taux exhorbitants au-delà de leurs forces ; à ces taux, il faut rejoindre celles pour les corvées qui sont d'un quart du principal de la taille et ils sont assez malheureux que cette imposition de corvée ne soit pas, au moins une portion, employée aux réparations et entretien desdits ponts dont on a déjà parlé, ainsi qu'aux chemins de communications, comme dit-est.

Tous lesdits habitants seraient d'avis pour leur bien et utilité ainsi que pour le bien de l'Étal et Gouvernement, que les impositions qu'il plairait à Sa Majesté et aux trois états assemblés, seraient réunies en une et que un ou deux collecteurs les ramasseraient et les compteraient au receveur particulier des finances ; que, de foules ces impositions, le clergé sans aucune exception en payerait conformément et en égards à leurs droits de propriété et les nobles en payeraient aussi suivant la valeur du revenu de leur bien dans chaque paroisse ; que les roturiers qui sont le Tiers état, payeraient à la même proportion conformément a leur propriété, qu'en outre, les ecclésiastiques, les nobles et les roturiers payeraient lesdites impositions à raison de l'exploitation qu'ils font dans chaque paroisse ; de cette façon d'imposer tout le inonde, chacun ne payerait que ce qu'il doit légitimement, au lieu que dans cette paroisse et bien d'autres, les ecclésiastiques et les nobles ne payent rien pour les exploitations qu'ils font et s'ils afferment tous leurs biens, les fermiers en payent les impositions, mais les fermiers sortis, les nobles rentrent dans la possession de ce qu'ils affermaient et ne payent aucunes tailles ni autres impositions, et qu'il faut alors rejeter et imposer sur le général des habitants de la paroisse, ce qui les a, jusqu'aujourd'hui, mis dans une telle détresse à ne pouvoir s'en retirer. Les exceptions des ecclésiastiques et des nobles étant la cause des ruines de tons les habitants des paroisses, au lieu que s'ils payaient conformément à leurs exploitations et biens, les habitants s'en trouveraient soulagés considérablement.

Lesdits habitants pensent que pour faire les impositions justes et. bien égalisées, il faudrait qu'elles se fissent par les membres des assemblées nouvellement établies, avec des adjoints ainsi qu'il est ordonné ; si le bien ne s'en rencontrait pas les premières années, infailliblement la justice se rendrait sous peu d'années, au moyen de quoi on estime que les assemblées provinciales sont d'une grande utilité.

Il résulterait pour le bien et la tranquillité de tout le public qu'il n'y eût pas tant de commis, comme il y en a, qui sont à la charge de l'Etat, de sommes très considérables et quant à la vente des vins, on imposerait sur les cabaretiers une somme, en égard au débit qu'ils pourraient en faire ; que lesdits cabaretiers rapporteraient un certificat au syndic de la paroisse de celui qui lui aurait vendu ce de lui aussi certifié véritable, à peine d'une amende considérable, au profit de la paroisse ou communauté en cas de fausseté et que le syndic en tiendra compte aux collecteurs des tailles.

Quant aux droits des contrôles, ils ont été si réellement brouillés qu'on ne connaît plus le tarif de 1722, qui devrait être exécuté, mais les différentes divisions faites en faveur des contrôleurs en ont beaucoup augmenté les droits et empêchent le public de s'expliquer dans les actes et arrangements de familles ; il serait donc indispensable de faire un règlement clair et à la portée de tout le monde, publié et affiché, tant des droits de contrôles, assignations que centièmes deniers, pour empêcher les vexations qui se font tous les jours à cet égard.

Les habitants de ladite paroisse de Cherveux qui sont éloignés de plus de cent lieues de Paris, disent et sont d'avis que l'édit sur l'administration de la justice du mois de mai dernier, eût son exécution ainsi que rétablissement des baillages et présidiaux y énoncés, attendu qu'il est très dispendieux de passer quatre à cinq degrés de juridictions pour parvenir à une décision de procès et que souvent un riche plaideur ne craint pas et même est assuré, sans aucuns droits, de gagner son procès à Paris, par l'indigence et la pauvreté de celui qui le suit, qui n'a pas la force d'en faire le voyage et en soutenir les frais et que dès le premier appel qu'on lui fait, il se résout à la perte et laisse là son affaire, quelque bonne qu'elle puisse être, au lieu qu'ayant un juge auprès de lui, il fait poursuivre son procès et s'en tient au jugement qui deviendrait très peu coûteux.

Les mendiants qui sont si communs, et, sous leurs voiles, il se rencontre des gens mal intentionnés qui font journellement des vols de chevaux et autres bestiaux, il serait très utile que les cavaliers de maréchaussée fussent multipliés dans les campagnes pour empêcher ces différents vols et assurer la tranquillité publique.

Il serait même avantageux pour le bien public que l'imposition pour les corvées fût supprimée et que chaque paroisse la fit elle-même en nature, c'est-à-dire, celle d'environ à deux lieues des grandes routes, et de celles qui en seraient plus éloignées, payeraient en espèces les dites corvées, et qu'il serait défendu de pouvoir envoyer aucune paroisse à plus de deux lieues de leur demeure.

Il serait même utile pour le public qu'il y eût dans chaque paroisse une sage-femme qui eût fait ses cours et en état de travailler et de soulager les femmes en couches, ainsi que les enfants.

Comme les chemins qui conduisent de village en village et paroisse sont la majeure partie étroits et qu'ils sont garnis de chaque côté de haies vives qui, avec le temps, se sont étendues au point de couvrir presque le chemin et laissent à peine un passage aux hommes et aux chevaux chargés et que les voitures n'y peuvent passer, il serait à propos d'ordonner que tout propriétaire serait tenu d'élaguer leurs buissons et d'abattre les arbres qui y nuisent.

Fait, clos et arrêté le présent cahier en l'assemblée générale desdits habitants assemblés au son de la cloche et se sont soussignés, sauf ceux qui ont déclaré ne le savoir, ledit jour 3 mars 1789.

(Suivent 33 signatures, celles de : François-Louis Pallardy, Pierre-François Galland, François Bonnet, députés ; Ochier-Lafragnée, greffier, etc.).

Paraphé de première à dernière page.

(Signé : Thebault).