31453 - Rieumajou - Rapport de visite pastorale

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Rapport de visite concernant l'église Saint-Jean

En 1734 eut lieu la visite de la chapelle Saint-Jean de Rieumajou[1]. En voici le compte-rendu :

« L’an mil sept cens trente quatre et le huitième novembre, nous Guilhaume Betou prêtre, docteur en théologie, archidiacre chanoine de l’église de Toulouse, vicaire général et official de Monseigneur l’illustrissisme et révérendissime père en dieu messire Jean Louis de Bertons de Crilion[2], archevêque de Toulouse conseiller du roy en ses conseils, et par luy député par son ordonnance du vingt troisième juillet dernier, pour aller au lieu deRieumajou dépendant de la paroisse de Morvilles Hautes, pour nous informer et enquérir sur la requête présentée audit seigneur archevêque par les habitans dudit lieu de Rieumajou, de la nécessité commodité et incommodité d’ériger la chapelle de Rieumajou quy a été bâtie depuis peu par les habitans dudit Rieumajou et bénie par la permission dudit seigneur archevêque en annexe dudit Morvilles-Hautes sur laquelle ordonnance dudit seigneur archevêque, nous avons aussy rendu la nostre le vingt octobre mil sept cens trente quatre, portant que pour nous enquérir des faits contenus dans la requête des dits habitans et pour procéder à ladite enquête nous nous transporterions audit lieu de Rieumajou le huitième novembre à huit heures du matin, auquel effet nous avons ordonné que les parties intéressées seront duement appelées pour déduire[3] leurs intérêts devant nous et être ensuite ordonné ce qu’il appartiendra.

Nous, en exécution de nostre dite ordonnance, nous sommes transportés audit Rieumajou le huitième novembre à neuf heures du matin, assisté de Maître Jaques Négret curé de Toutens que nous avons pris pour nostre promoteur d’office, au défaut du promoteur du diocèse et de Maître Philippe Dalbouy clerc tonsuré que nous avons pris pour nostre sécrétaire d’office.

Dans nostre route[4], nous sommes arrivés au lieu où étoit bâtie l'ancienne église de St Jean de Rieumajou quy est fort distante de Morvilles Hautes, nous avons trouvé une vieille masure d’église bâtie en pierre, nous avons remarqué qu’elle étoit assez grande et assez élevée, qu’il y avait deux chapelles, une de chaque côté. Il en reste toute la muraille sur laquelle étoit appuyé le grand autel et parties des hautes murailles. Il est prétendu par les habitans de Rieumajou que c’étoit leur ancienne paroisse, Maître Gavaudain curé de Morvilles Hautes prétend le contraire. Nous avons trouvé à côté et hors de l’église pour marque de paroissialité, une grande pierre ronde quy servait de cuve pour les fonts baptismaux, l’ouverture au milieu par laquelle l’eau se coulait et paraît encore et tout autour de la dite pierre, il y a deux croix assez grandes et relevées en boces[5]. Nous a été fait remarquer par ceux quy nous conduisent qu’il y avait un ancien cimetière un peu éloigné de l’église et un nouveau[6] quy est au côté attenant l’église ruinée[7].

Etant à Rieumajou nous nous sommes revêtus du surplis et de l’étole et sommes allés à la chapelle de Rieumajou avec ledit maître Négret nostre promoteur d’office et ledit maître Dalbouy nostre secrétaire d’office, nous avons été reçu à la porte de ladite chapelle par maître Jean Guilhaume Gavaudain prêtre et curé de Morvilles Hautes et Rieumajou, quy nous a présenté le goupillon dont nous nous sommes aspersés et avons aspersé le public quy étoit en grand nombre. Etant monté à l’autel nous y avons fait nostre prière et l’ayant baisé nous nous sommes tourné vers le public et nous avons expliqué les motifs de nostre visite, présent ledit sieur Gavaudain curé quy nous a dit qu’il agissait aussy pour Monsieur de Juliart prévôt de l’églize de Toulouse[8], décimateur de Morvilles Hautes et de Rieumajou quy avoit été appelé par exploit[9] du vingt et deux octobre mil sept cens trente quatre, nul ne paraissant pour les Consuls et Communauté de Morvilles Hautes quoy qu’ils ayent été apellés par exploit du troisième novembre mil sept cens trente quatre, présens et assistans deux des consuls de Rieumajou.

Nous avons visité l'autel que nous avons trouvé être couvert de trois nappes fort bonnes, la pierre sacrée est entière, enveloppée d’un linge, elle est trop reculée du bord de l’autel. Il y a des gradins de bois peints en blanc sur lesquels il y a quatre chandeliers deux de laiton et deux de bois, une croix de laiton au milieu, un "te igitur"[10], le "lavabo"[11] et l’évangile de St Jean[12] ; un tableau représentant un Christ, St Jean Baptiste et Ste Magdeleine est en très bon état, sur l’autel il y a un ciel de bois de sapin, les marchepieds et la balustre sont en fort bon état, ledit autel étant garni d’un parement de ligature[13] de toute couleur.

Avons visité le calice et sa patène, le tout est bien doré par le dedans et assez grand pour le lieu. Il a été acheté aux dépens de la communauté.

Avons visité les ornements et avons trouvé une chasuble de ligature de toutes couleurs avec ses appartenances[14] toutes neuves, nous a été dit qu’on en fairoit faire une noire, avons trouvé deux paremens d’autel, l’un de ligature de toutes couleurs et un autre d’une étoffe de laine de couleur rouge, une aube de toile de roux[15] avec sa garniture, deux corporaux[16] de toile de batiste, quelques purificatoires[17], un missel qui est fort bon, le tout a été acheté par la communauté.

Avons visité le corps de l'église que nous avons trouvé avoir en longueur huit canes[18] et environ quatre canes de largeur elle est raisonnablement élevée, elle est bâtie de pierre, les murailles sont fortes Il y a deux fenestres au sanctuaire et deux à la nef quy donnent bien du jour, elles sont fermées par des châssis(?) de vitres et défendues par des barres de fer, elle est bien carrelée, blanchie en dedans et par le dehors elle est recrépie de ciment à chaux et à sable, le toit en très bon état tout neuf et semble être un plafonds[19], il est enchaîné tout autour par [...] de ciment à chaux et à sable. Il y a une petite lampe, un bénitier, la porte est bien assurée, ladite église est située dans un hameau ou masage[20] où il y a vingt et cinq ou trente maisons.

Enquis du nombre des communians qu’il y a dans toute la paroisse de Morvilles et aussy du nombre des non communians nous a été répondu y avoir trois cens cinquante communians et environ cent cinquante non communians ce quy fait en tout près de cinq cens personnes.

Enquis du nombre de maisons qu’il y a dans ladite paroisse nous a été répondu qu’on ne le sait pas mais il y en a beaucoup à Morvilles.

Enquis du nombre des communians qu’il y a dans le consulat de Rieumajou et des non communians nous a été répondu y en avoir cent vingt et de non communians de cinquante à soixante, il y a en tout cent soixante quinze ou cent quatre vingts personnes lequel nombre distroit de la totalité de la paroisse de Morvilles, il y restera plus de trois cens vingt ou trente personnes.

Enquis du nombre de maisons qu’il y a dans le consulat de Rieumajou nous a été répondu y en avoir quarante une.

Enquis du nombre des vicaires que le sieur curé est tenu d’avoir pour servir le grand public nous a été répondu et par maître Gavaudain et par tout le peuple qu’il n’avait pas de vicaire et qu’il n’étoit pas obligé d’en avoir mais qu’il y a un obituaire[21] quy est obligé par la donation faite par un particulier, il y a cinquante ou soixante années, de dire la messe les dimanches et fêtes à l’une des chapelles de l’église de Morvilles, quy aide le curé sans obligation.

Enquis de l’étendue de la paroisse de Morvilles en y comprenant le consulat de Rieumajou nous a été répondu qu’elle est d’une lieue.

Enquis de la distance qu’il y a du masage de Rieumajou et dudit lieu où est placée la chapelle jusqu’à l’église de Morvilles nous a été répondu que la distance est de demy lieue  ;

Enquis s’il y a des ruisseaux à passer d’icy à Morvilles, sy les chemins sont mauvais par la qualité du terrain et par les montées et descentes, nous a été répondu quil n’y a pas de ruisseaux, mais les chemins sont très mauvais un jour de [...] terrain étant gras. Il y a des montées et descentes.

Enquis sy par cet éloignement et la difficulté des chemins ceux quy sont malades sont privés du secours spirituel pour la confession et administration des sacremens et de la visite du Curé, s’il est mort quelqu’un sans avoir reçu les sacrements, nous a été répondu que la visite des malades est difficile, qu’autrefois bien des personnes sont mortes sans sacremens, que pour le présent Monsieur le Curé est fort soigneux de visiter les malades et de leur administrer les sacremens.

Enquis s’il est facile de porter les enfans en temps d’hiver à Morvilles, s’ils risquent de périr ou de prendre mal quand il y a des neiges et des brouillards, a été répondu qu’il est très dangereux à cause de la distance et qu’on ne trouve pas des métairies sur le chemin pour les échaufer en jour qu’il a glacé ou s’il pleut.

Enquis du lieu où est le cimetière pour les habitans de Rieumajou et s’il est facile d’y porter les morts, nous a été répondu que le cimetière est à Morvilles Hautes, qu’il est très dificile d’y porter les morts, qu’on y a employé une partie de la journée et huit ou dix hommes pour les porter.

Enquis sy les viellards, les infirmes, les femmes enceintes peuvent aller à la messe et à vêpres, nous a été répondu que ces personnes ne peuvent y aller qu’avec très grande peine et qu’il y en a eu quy ont été privés d’entendre la messe pendant plusieurs années.

Enquis sy les enfants peuvent aller aux instructions pendant le carême pour se disposer à faire la première communion, nous a été répondu qu’il est très difficile aux enfants d’aller à Morvilles, que ceux de Morvilles les chassent de Morvilles, de l’église, que néanmoins ils sont instruits et par le Sr curé et par leurs parens.

Enquis qu'étoit anciennement cette églize dont on voit encore les masures et qu’on appelle St Jean de Rieumajou, nous a été répondu par le Sr curé que c’étoit une églize de donation[22] dans laquelle il y avait grand concours de peuple. Mais par les habitans a été répondu le contraire, que c’étoit une annexe, qu’il y avait des fons baptismaux, qu’on en voit encore la cuve quy est de pierre et qu’il y avait deux cimetières, à quoy le Sr curé a répondu que sy cette églize a été paroissiale, elle ne l’a été que lorsque l’églize de Lux a été détruite par les religionnaires[23] et que l’église de Lux[24] ayant été rebâtie, les paroissiens ont abandonné celle de Saint Jean et sont revenus à Lux.

Nous a été dit par les paroissiens que feu Mr de Serignol seigneur de Rieumajou et de Folcarde par son testament fait à Paris en mil sept cens trente deux où il est décédé avoit laissé sa métairie dite de St Jean située dans la terre de St Jean par un effet de sa piété à la communauté de Rieumajou pour servir à l’entretien d’un prêtre quy dira les dimanches et fêtes dans l’église que les habitans ont fait bâtir, laissant la liberté à Monsieur le Curé de Morvilles de prendre la dite métairie, à la charge d’entretenir un vicaire et que ledit Sr curé ayant refusé d’accepter, la dite communauté s’est chargée de la régie de cette métairie et les consuls l’ont baillée en afferme à deux habitans de la dite communauté pour six années au prix de cent soixante livres par année quittes de toutes charges au moyen de quoy il y a un fonds pour l’entretien d’un vicaire sans surcharger les décimateurs.

Nous a été dit que depuis peu un particuliér[25] a donné une petite maison[26] pour servir au logement du prêtre quy sera étably et qu’ils pourvoiront à tout ce quy sera nécessaire en vases sacrés et ornemens pour faire le service divin ; nous avons vu ladite maison quy est près de l’église, elle y sera bien propre pour le logement d’un prêtre quand on y aura fait certaines réparations qu’ils offrent de faire ; enfin nous a été dit que la communauté a désigné un local pour y faire le cimetière quy est assez près de l’église, nous l’avons vu cy devant et nous avons trouvé que ce local étoit assez grand pour servir de cimetière et qu’il est à portée de l’église.

Après quoy prononçant sur les faits cy dessus, nous ordonnons qu’on avancera la pierre sacrée du bord de l'autel de trois doigts.

Nous ordonnons que dans six mois on achètera deux chasubles avec leurs garnitures de camelot, l’une blanche et l’autre rouge.

Et sera notre ordonnance lue et publiée au besoin sera. Donné audit Rieumajou dans le cours de notre visite, Le huitième novembre 1734 ».

Betou vicaire général par monsieur le vicaire général

DALBOUI secrétaire

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Référence.png Notes et références

  1. 1G 568 (A.D.H.G.)
  2. Jean-Louis de Balbis-Berton de Crillon (1728-1740)
  3. pour exposer en détail
  4. Sur notre route
  5. Ronde bosse, sculpture en relief
  6. Il y avait donc deux cimetières à Saint-Jean-de-Rieumajou.
  7. Sur la carte de Cassini, dressée au milieu du XVIIIème siècle, ne figure qu’une seule église en ruines (tour penchée) située à 750 mètres environ de Rieumajou-village (celle de Saint-Jean-le-Magre( -le-Mayre ? )
  8. Les prévôts du chapitre de Saint-Etienne à Toulouse furent longtemps seigneurs de Rieumajou avant que les terres qu'ils y possédaient ne fussent vendues à des familles de laïcs comme les de Charles, entre autres.
  9. Acte dressé par un huissier pour assigner, notifier, saisir
  10. Carte sur laquelle est imprimé le canon de la messe
  11. Carte qui se place au côté droit de l'autel et sur laquelle est imprimée la prière du lavabo et aussi le petit linge dont le prêtre se sert pour essuyer ses doigts
  12. Carte sur laquelle est imprimé le dernier Evangile « Au commencement était le Verbe… »
  13. Sorte de grosse étoffe dite aussi brocatelle (Littré)
  14. Ce qui va avec...
  15. …de fil écru…
  16. Linge consacré, rectangulaire, que le prêtre étend sur l’autel au début de la messe pour y placer la patène(coupe dans laquelle est placée l’hostie) et le calice.
  17. Le linge avec lequel le prêtre essuie ses lèvres, ses doigts, le calice après la communion, par respect pour le Corps et le Sang du Christ.
  18. La cane variait entre 1,75m et . L'église mesurait donc entre 14 x au minimum et 8 x au maximum.
  19. ...il semble y avoir un plafond...
  20. Réunion de mas, petites maisons de campagne (Littré)
  21. Un prêtre chargé de célébrer des messes pour un donateur décédé.
  22. Fondée par un donateur, un seigneur par exemple, et qui ne figurait pas dans le Pouillé du gouvernement de l'Eglise.
  23. Nom qu'on donnait à celui qui faisait profession de la religion réformée, protestant.
  24. Cf. page 14
  25. Il s’agit de M. de Cambolas.
  26. La mairie actuelle