67462 - Sélestat - La ferveur impériale

La ferveur impériale

Des témoignages de la ferveur impériale, au souvenir de Napoléon 1^er, existent encore, et ne sont pas éphémères parce que taillés dans le grès des Vosges.

Les monuments napoléoniens

Ce sont les monuments funéraires sous lesquels les personnages célèbres du premier Empire dorment leur dernier sommeil. Les inscriptions gravées vantent leurs mérites.
Citons à Sélestat ceux des barons d'Empire : Baudinot, Lataye et Treuille de Beaulieu. (au cimetière municipal).
Ce sont également des monuments à la fois commémoratifs et utilitaires. A l'initiative du préfet du Bas-Rhin Adrien LEZAY-MARNESIA, une génération de bancs-reposoirs voit le jour, bancs uniques en France et symbole d'une époque. A l'occasion du baptême du Roi de Rome, né à Paris le 20 mars 1811, de Napoléon 1^er et de l'impératrice Marie-Louise, le préfet invite les maires à les ériger le long des itinéraires fréquentés par les villageois, en les entourant de quelques arbres pour former ombrage.
Plusieurs centaines de ces bancs du Roi de Rome sont construits dans le Bas-Rhin (aucun vestige ne permet de dire que le Haut-Rhin ait été concerné). Leurs modèles sont variés au gré de l'inspiration des tailleurs de pierre. Le financement en est assuré par les communes.

A un peu plus de deux kilomètres de Sélestat, sur la route départementale 21, en direction de Rathsamhausen, subsiste un de ces bancs, dont les deux montants supportent un chapiteau de style classique. Seul le linteau-siège est présent, le linteau-reposoir placé sur les montants, et destiné à recevoir les charges sans avoir à se baisser, a disparu. Ce vestige du passé est inscrit depuis le 20 octobre 1982 par arrêté du ministère de la Culture à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Ces monuments ont subi les outrages du temps. La vingtaine qui existe encore dans le département aura bientôt deux siècles. L'association d'Alsace pour la conservation des monuments napoléoniens s'emploie à les préserver et à les restaurer de même que les monuments funéraires de l'époque. (*)
Ces témoins du passé sont riches d'enseignement pour l'histoire régionale. A cet aspect éducatif s'ajoute leur poésie que de nombreux écrivains et artistes ont mis en valeur.

(*) Signalons pour mémoire, l'existence d'une deuxième génération de bancs sous le second Empire, dits bancs de l'impératrice Eugénie, de structure uniforme et simplifiée. Il en restait cent vingt sept d'origine en 1984. Ils furent financés par le département.
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Les objets de souvenir

Il y a d'abord les objets d'époque, ceux qui se trouvent dans les musées ou que les familles gardent jalousement parce qu'ils proviennent d'un ancêtre ayant combattu ou servi sous les aigles impériales. Ainsi, à Orschwiller, la famille Allimant détient l'oignon en argent du capitaine qui lui a été offert par le beau-fils de Napoléon; les mots suivants sont gravés dans le boîtier : "Le colonel-général de Beauharnais à Antoine Allimant pour sa bonne conduite."

Il y a ensuite les objets-souvenirs fabriqués après l'épopée. Une exposition organisée à Sélestat du 6 au 14 décembre 1969, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de Napoléon, en a présenté un certain nombre à côté des uniformes, des armes et des monnaies d'époque, ainsi que des livres en alsacien et en allemand consacrés à l'empereur.
Parmi les pièces provenant de collections privées alsaciennes ont ainsi été montrés au public : une bourse en perles avec pour sujet Napoléon à cheval, une pipe au fourneau en porcelaine sur lequel l'empereur apparaît en rêvé au grognard, des tabatières de bois exaltant le courage des Français, un encrier en porcelaine représentant l'aigle impérial, un étui à lunettes sur lequel Napoléon scrute l'horizon, un presse-papier réalisé dans un morceau de basalte de Sainte-Hélène, des boîtes à tabac, une boîte à priser, des plaques de cheminées en bronze avec des motifs napoléoniens.
La plupart des familles sélestadiennes possède ce genre de souvenirs.....

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Le mythe impérial

Il a été forgé par l'empereur lui-même grâce aux journaux et aux bulletins de la Grande Armée diffusés dans tout le pays. La version des combats à la gloire de son génie n'est mise en doute par personne tant que durent les victoires. Elle est corroborée par ceux qui y ont participé.
Il furent nombreux à Sélestat, puisqu'en 1857 une trentaine de survivants des guerres de l'Empire se virent attribuer la médaille de Sainte-Hélène.
Les récits d'Erckmann-Chatrian (Le Conscrit de 1813, l'Invasion, Madame Thérèse) s'appuient sur les souvenirs des survivants de la Grande Armée.
Lorsque la défaite assombrit l'horizon, et bien que de nombreux pamphlets vitupèrent l'ogre dévorant les conscrits, la légende dorée reprend vite le dessus. On compare la grisaille du temps présent et la médiocrité ambiante à la gloire passée.
La condition misérable de Napoléon, prisonnier sur un îlot du bout du monde, enveloppé d'un brouillard persistant et battu par les flots de l'Atlantique, ne fait qu'ajouter à son mythe. Perpétuel vainqueur, il n'aurait pas autant séduit. La ferveur des Alsaciens s'est développée en une sorte de culte qui ne s'est pas éteint de nos jours. Voir : Souvenir napoléonien.
Le despotisme, la conscription impitoyable, le sang versé sur les champs de bataille, tout cela a été oublié.
En ramenant l'ordre dans le pays, tout en consolidant les acquis de la Révolution, en uniformisant la législation, en restaurant la liberté religieuse, en développant de nouvelles cultures et industries, l'Empire a connu une large adhésion en Alsace. A travers la province Napoléon a bénéficié d'une popularité à laquelle plus personne ne pourra prétendre, si l'on excepte le général de Gaulle en tant que libérateur du territoire.
On a coutume de dire, et cela correspond sans doute à la réalité, qu'il a été publié plus de livres sur Napoléon qu'il ne s'est écoulé de jours depuis sa mort.

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Courriers concernant le Bancs du Roi de Rome

Lettre de l'ingénieur en chef du Corps impérial

Courrier de l'ingénieur en chef du Corps impérial des Ponts-et-Chaussées près le Département du Bas-Rhin, à M. le Préfet du Bas-Rhin :

Strasbourg, le 5 mai 1811.
Monsieur le Baron,
D'après les renseignements que me transmet M. Tourneux, Ingénieur du troisième arrondissement, concernant les instructions que j'ai chargé Messieurs les Ingénieurs ordinaires de donner aux Directeurs et Sous-directeurs cantonaux sous leurs ordres, pour faire une tournée générale et concerter l'exécution des reposoirs et bancs sur les routes que vous avez engagé les communes à ériger avant la célébration des fêtes pour la naissance du Roi de Rome, il paraît que toutes les Communes font éclater le plus vif empressement, et quelques-unes méritent de vous être citées par le zèle et la libéralité qu'elles montrent.
M. Tourneux m'annonce que les communes de Lembach, Wingen, Rott, Cléebourg, et plusieurs autres, demandent à élever, aux frais des habitants, non-seulement des sièges et des reposoirs, mais encore des colonnes, des pyramides et des arcs de triomphe. Mattstall veut ériger une fontaine, et en demande le projet.
'Steinseltz, Climbach, Niedersteinbach et Fischbach, se proposent d'embellir leurs reposoirs, non sur les fonds des caisses communales, mais par dons gratuits des habitants.
Schweigen établira une fontaine à la descente de la route n°26 vers Wissembourg. M. Beck, Conducteur du Corps impérial des Ponts-et-Chaussées pour l'arrondissement de M. Tourneux, qui rend compte de ces louables dispositions, n'était encore qu'au commencement de sa tournée dans le Cercle des Cantons qu'il est chargé de surveiller, et s'attendait à rencontrer les mêmes dispositions dans les autres communes qu'il allait parcourir.
Je suis certain, Monsieur le Préfet, que je recevrai de tous les autres arrondissements des rapports aussi satisfaisants sur le zèle et le généreux empressement des communes à signaler leur amour pour le Roi de Rome, et leur dévouement à leurs Majestés, par des monuments proportionnés à leur faculté, et dont la durée atteste à leurs neveux celle de leur fidélité sans réserve.
J'ai cru devoir vous faire connaître ces premiers détails, sans attendre les rapports des autres arrondissements, dont je vous rendrai compte successivement. J'ai donné les ordres nécessaires pour qu'aucun monument ne soit élevé sans que le projet des Directeurs ou Sous-directeurs ait été examiné par l'Ingénieur de l'arrondissement, et soumis à ma vérification, afin que vous soyez à même de prévenir les fausses dépenses et les mauvaises formes. Déjà des dessins de bancs et reposoirs en pierre ont été adressés à tous les Directeurs et Sous-directeurs.
J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Baron, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Berigny.

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Lettre du Préfet du Département du Bas-Rhin

Courrier de Monsieur Le Préfet du Département du Bas-Rhin, Commandant de la Légion d'Honneur, à M. l'Ingénieur en chef :

Strasbourg, le 8 mai 1811,
Je vous remercie, Monsieur, des détails intéressants que renferme votre lettre. Sans les connaître, je savais tout ce qu'est capable de produire l'enthousiasme des Alsaciens pour l'Empereur, et je savais aussi que ce serait par des manifestations plus durables que des feux de joie et des banquets, qu'ils voudraient le faire éclater.
De tous les arrondissements m'arrivent des projets de monuments : les communes qui croyaient n'avoir pas assez fait, ajoutent à leurs propositions, et, ce qui montre jusqu'où va l'élan, c'est que je suis sans cesse obligé de le modérer.
Ainsi, de la naissance du Roi de Rome dateront pour la plupart de nos communes, et pour la totalité de nos routes, les premiers monuments qui les aient jamais décorées : chacune de ses années en amènera de nouveaux, et l'on peut déjà présager les bienfaits qu'enfantera sa vie, par ceux qu'enfante son premier jour. L'extrait des programmes des communes, que je fais faire en ce moment pour le présenter au Gouvernement, donne beaucoup plus l'idée de l'histoire de plusieurs années, que du récit d'un jour de fête.
L'année dernière, les communes créèrent leurs routes; dès cette année, elles les embellissent : jamais élan ne fut plus général et n'eut de plus prompts résultats.
Jamais, non plus, on ne vit le zèle des habitants, des Maires, des Commissaires, des Sous-préfets, plus puissamment secondé par celui des Ingénieurs; présents partout, et consacrant les nuits au travail de cabinet, après avoir passé les jours à opérer sur le terrain, on vit ces honorables Ingénieurs, dans ces premiers moments où tous les moyens étaient à créer, manier tour à tour la plume, le niveau et la pioche, et être tour à tour travailleurs, piqueurs, conducteurs et ingénieurs. Quand on voit les travaux, on s'étonne; quand on a vu les efforts qui les ont produits, on ne s'étonne plus.
En rendant cet hommage aux hommes qui vous ont si bien secondé, je sais, Monsieur l'Ingénieur en chef, que je ne pouvais vous en rendre un plus agréable à vous-même.
Recevez, Monsieur l'Ingénieur en chef, l'assurance de mon sincère et inviolable attachement.
Signé : Lezay-Marnésia.

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Lettre de M. le Maire d'Oberhausbergen

Courrier de M. le Maire de la commune d'Oberhausbergen, à M. le Préfet, en date du 5 mai 1811

Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous adresser le programme que les Maires du canton d'Oberhausbergen ont adopté à l'occasion de la fête cantonale qui sera célébrée pour la naissance du Roi de Rome.
Je suis encore autorisé à vous annoncer que M. Ensfelder, Ministre du culte de notre commune, plantera un arbre tulipier à ses frais; M. Zimmer, Notaire à Strasbourg, et propriétaire dans notre commune, a offert d'en planter trois, et Madame la veuve Zimmer, sa mère, un.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Lobstein.
(voir ci-après)

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Programme proposé par les Maires du canton d'Oberhausbergen

L'an mil huit cent onze, le cinq mai, les soussignés Maires des communes composant le Canton d'Oberhausbergen, assemblés en ladite commune, maison du sieur Lobstein, Maire, d'après une circulaire à nous adressée par ce dernier; vu le programme que nous avons rédigé à l'occasion de la fête sur la naissance du Sa Majesté le Roi de Rome, en date du 21 avril dernier, considérant que ce programme ne contient rien qui éternise le souvenir de ladite naissance, et le canton voulant donner des marques de la joie qu'il ressent de ladite naissance (honneur inappréciable pour toute la France), lesdits Maires sont unanimement convenus de donner une somme de onze cents francs, une fois payée, pour achat et plantation d'arbres tulipiers pour la continuation de l'allée dite allée du Roi de Rome, pour acquittement de laquelle somme les communes susdites contribueront, savoir :

Commune	Contribution
Achenheim	60 francs
Bischheim au Saum	75 francs
Bruschwickersheim	50 francs
Eckbolsheim	60 francs
Hangenbieten	50 francs
Hoenheim	60 francs
Ittenheim	50 francs
Kolbsheim	50 francs
Lampertheim	80 francs
Mundolsheim	50 francs
Mittelhausbergen	25 francs
Oberhausbergen	50 francs
Oberschaeffolsheim	50 francs
Reichstett	60 francs
Souffelweyersheim	60 francs
Schiltigheim	75 francs
Wolfisheim	60 francs
Niederhausbergen	45 francs.

Indépendamment de la somme ci-dessus, chaque Maire dudit canton s'engage et s'oblige, pour témoigner sa joie particulière, de donner et faire planter un arbre dans ladite allée à ses propres frais.
Le tout sans préjudice aux Reposoirs à faire dans ladite allée, au ban d'Oberhausbergen.
Nous persistons au surplus sur le banquet, lequel sera fait à nos frais personnels.
Fait en assemblée, audit Oberhausbergen, maison dudit sieur Maire, les jour, mois et an susdits.
Les Maires dudit canton,
Signé : Lobstein, Fuhrer, Diemer, Andrès, Lienhard, Münch, Schott, Zimmer, Hamsen, Brosius, Riehl, Lobstein, Brossius, Antoine, Weber, Lobstein.

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Sources

D'après L'influence française à Sélestat du traité de Westphalie à celui de Francfort (1648-1871), thèse soutenue pour le doctorat de l'Université de Franche-Comté, spécialité Histoire locale, par M. Jean PONS.
A.M. Sélestat.

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