17218 - Cahier de Doléances de Marans pour les états généraux de 1789

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Premier cahier de doléances du Tiers État de la ville d'Aligre (Marans)


  • La réformation des abus qui se sont glissés dans les différentes parties de l'administration, la multiplicité des agents, des commis, des percepteurs à gages et des différents dépôts, où les deniers publics ne séjournent point sans perte, avant d'arriver à la caisse générale de la nation, le pesant fardeau de la corvée, qui n'est porté que par le malheureux, les privilèges multipliés, qui affranchissent de l'impôt les deux premiers ordres de l'état, la multiplicité des règlements et des droits des aides et des traites et de la partie du domaine, les dénominations de ces différents droits étendus par les traitants et méconnus du vulgaire, l'inquisition journalière qui règne dans la perception, les différents degrés de juridiction où les plaideurs passent lentement et à grands frais pour obtenir justice, les rapprochements des juges de leurs justiciables, les longueurs et les formes de la procédure et la réformation désirée du code criminel, tels sont les motifs qui donnent lieu aux plaintes et doléances de la ville d'Aligre.
  • 1er article
  • Il est de la sagesse du gouvernement de donner une nouvelle forme à l'administration, de détruire l'hydre altérée dont les têtes multipliées et toujours renaissantes affament la nation et de supprimer cette troupe considérable de commis répandus dans toutes les parties du royaume ; quel bien peut produire, en effet, cette foule de traitants qui se disent orgueilleusement les colonnes de l’État ?
  • Que chaque province ait une administration particulière, sous quelque dénomination que ce soit, qu'elle répartisse elle-même la portion de l'impôt nécessaire, qu'elle devra justement supporter et que son caissier particulier compte directement au caissier général de la nation ; on diminuera nécessairement les frais immenses de perception et on aura une bonification considérable.
  • D'après cela, la ville d'Aligre, ne peut que solliciter l'exécution de l'arrêt du conseil du 27 juillet 1787. Pourquoi la province d'Aunis serait-elle privée d'une prérogative dont jouissent les autres provinces ? Quand la nation entière jouit d'un bienfait, une province d'ailleurs toujours dévouée au salut de la patrie ne doit point être privée.
  • 2ème article
  • Que la corvée en nature soit pour jamais abolie; mais à cet égard, si l'on place dans l'un des plateaux de la balance, toutes les charges et dans l'autre tous les avantages, il n'y a plus d'égalité.
  • Cependant c'est le cultivateur ou plutôt le mercenaire, qui seul paye pour la confection des chemins, tandis que le clergé et la noblesse jouissent gratuitement de l'avantage des grandes routes, mais cet avantage est commun et par conséquent la dépense doit en être commune; des privilèges qui prirent naissance dans des temps qui nous rappellent une servitude humiliante ne peuvent plus longtemps s'opposer à la justice d'une répartition générale et les vingtièmes, s'ils ne sont abolis, doivent servir de base à cette répartition.
  • L'impôt est pour le tiers état le plus pesant de tous les fardeaux ; la preuve suit :
  • Les possessions territoriales sont ordinairement divisées en trois classes et nous prendrons pour base les terres de la première classe.
  • En général, on porte à dix livres de revenu le produit d'un arpent de terre de la première classe et la taille, à cet égard, est en raison de deux sols pour livre ou du dixième ; or le propriétaire ou l'exploiteur de soixante arpents de terre a six cents livres de revenu, ci ........ 600 livres pour quoi, il paye :
  • de première taille ou pour son chef six livres ci ........ 6 livres
  • plus pareille somme pour accessoire et capitation, ci ........ 6 livres
  • plus la taille qui porte sur l'exploitation, en principal ........ 60 livres
  • plus pareille somme pour accessoires et capitation ........ 60 livres
  • plus vingt-deux livres pour la corvée réglée à raison de la sixième partie de la taille, ci ........ 22 livres
premier total 154 livres
  • D'après cela, on voit que la taille personnelle est de la cinquantième partie du revenu, que celle qui porte sur l'exploitation est du cinquième et que l'imposition relative à la corvée est le sixième de la taille même.
  • Si, aux impositions ci-dessus détaillées montent à la somme de cent cinquante quatre livres, ci ........ 154 livres
  • On joint encore pour les vingtièmes et sols pour livre, la somme de soixante-six-livres, ci ........ 66 livres
  • L'imposition totale est évidemment de la somme de deux cent-vingt livres, ci ........ 220 livres
  • Il est donc démontré, qu'à tout compter, celui qui a six cents livres de revenu en fonds de terre en paye le tiers et plus du vingt-huitième, sans y comprendre le terrage et la dîme, tandis que le clergé et la noblesse ne payent pas exactement le vingtième de leur revenu.
  • Mais il suffit d'être français pour devoir supporter l'impôt, la patrie est une mère qui doit être secourue par tous ses enfants et si des privilèges affranchissent les uns pour charger les autres, il n'y a plus d'égalité, les plaintes sont justes alors, parce que tout privilège doit céder à la raison d’État.
  • 3ème article
  • Il semble qu'un peuple, né libre, doit être maître de disposer librement de ses denrées et, cependant, les commis des aides et des traites répandu dans les villes et les campagnes gênent le commerce, alarment les peuples, les vexera par des visites multipliées et les ruinent par le paiement des amandes arbitraires qu'ils exigent pour de prétendues contraventions à des règlements, dont ils forcent le sens et que le peuple ne connaît point.
  • Ainsi ce peuple intimidé à la vue d'un procès-verbal, ce peuple persuadé que plaider contre les agents des fermes c'est vouloir consommer sa ruine, se laisse pressurer, non sans gémissements et violences, par ces cohortes avides, il arrose de ses larmes l'argent qu'on lui arrache, maudit les entraves qui le gênent et gémit dans son cœur sur les vices d'une administration aussi dure.
  • Il en est ainsi presqu'en tout ce qui a trait à la partie du domaine ; les conventions sont retournées, forcées et toujours interprétées de la manière, qui peut donner lieu à de grands droits ; quiconque a recueilli une succession, ne peut se regarder comme possesseur tranquille quoiqu'il ait payé les droits à cet égard ; si dans la suite et par une révolution qu'on ne peut prévoir, le domaine augmente de valeur, si une nouvelle ferme annonce pour le moment un plus fort revenu, bientôt on vous taxe d'une fausse évaluation et, bientôt, vous êtes écrasés par des demandes d'un droit en sus, d'amende et de triple droit ; de sorte que perdu, dans un dédale de règlements et d'arrêts, où le traitent vous renfermer vous vous hâtez de satisfaire sa cupidité pour en sortir.
  • Et de là le danger de ces recherches, de ces extensions et de ces demandes inattendues dont le traitant, est sans cesse occupé et qui font le malheur des peuples.
  • Il suffirait, en cette partie, de laisser subsister seulement le contrôle des actes, avec un droit uniforme, afin de donner aux conventions l'authenticité et la notoriété nécessaires, tel était l'unique but dans le principe.
  • Mais il faut nécessairement des impôts pour subvenir aux besoins de l’État et pour remplacer la suppression des différents droits qui ne sont malheureusement que trop multipliés ; eh bien ! L'imposition territoriale et la capitation réglée d'après l'état et les facultés personnelles de chaque individu suffiront pour tout.
  • D'un côté, la suppression de cette foule immense de traitants du premier ordre, de percepteurs à gages et de commis en sous-ordre fera une bonification considérable pour les finances et de l'autre, toutes les possessions foncières, étant assujetties à l'impôt sans distinction d'ordre et de rang, donneront à l’État une augmentation de revenu considérable encore puisqu'il est démontré que la partie principale de ces possessions est dans les mains, de ceux qui sont affranchis de l'impôt le clergé et la noblesse.
  • Cependant, et dans le cas où tout cela ne suffirait pas encore pour les besoins pressants de l’État, qu'on mette de l'ordre dans les finances, qu'on fixe invariablement la dette de la nation ; il est certain qu'elle sera acquittée, si les privilèges sont anéantis, si chaque individu contribue , si on dégage la nation des entraves qu'elle porte en gémissant, si elle voit l'ordre rétabli dans les finances, si on accorde une administration particulière à chaque province, si sa portion contributive est proportionnellement et justement réglée et si on lui accorde un temps raisonnable pour la payer.
  • 4ème article
  • On ne peut voir sans blâmer nos formes judiciaires et nos règlements, les différents degrés de juridiction qu'il faut franchir pour obtenir définitivement justice, après avoir longtemps plaidé en première instance ; le plaideur éprouve les mêmes longueurs sur un premier appel et voit renouveler les mêmes frais, qui se multiplient encore sur nu second, un troisième et quelquefois un quatrième appel. Que résulte-t-il de cela ? Que les plaideurs sont souvent obligés d'abandonner la poursuite d'une cause juste, parce que la multiplicité des frais a consommé leur ruine.
  • D'un autre côté, combien de juridictions subalternes où le juge, le procureur fiscal et le greffier n'ont point de résidence ? Combien en est-il où l'on voit s'écouler des années entières, sans qu'il y ait une seule audience ? Et quelle perte de temps, quels désagréments et quelles dépenses n'occasionnent pas aux plaideurs l'éloignement considérable des juges d'appel ?
  • Il est donc de la sagesse du gouvernement de simplifier l'ordre et les formes de la procédure, de diminuer les degrés de juridiction trop multipliés, de rapprocher les juges des justiciables et de former, à cet effet, des arrondissements, qui, en dispensant les plaideurs d'un déplacement toujours nuisible et coûteux, les mettra à même d'obtenir justice à moins de frais.
  • Mais s'il est intéressant de rectifier et simplifier les formes, en matière civile, il est indispensable de travailler à un nouveau code criminel ; cette nécessité a tellement été démontrée, que nous ne ferons que cette réflexion : on a des défenseurs où la fortune seule est compromise, et quand il s'agit de la vie, on en est privé, grands dieux!
  • Telles sont les observations que la ville d'Aligre présente humblement au roi et à l'auguste assemblée qui, conjointement avec Sa majesté doit concourir au bien de l’État.