85177 - Notre-Dame de Coussay - Revue du Bas-Poitou - 1900

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Extrait de : Revue du Bas-Poitou, 1900 - La Vendée qui s'en va. Notre-Dame-de-Coussaye, par M. L.BROCHET

LA VENDÉE QUI S'EN VA

NOTRE-DAME DE COUSSAY

HISTORIQUE

A quelque deux kilomètres du Poiré de Velluire, et du Chatellier Barlot dont le nom évoque le souvenir du fameux capitaine qui osa braver Richelieu, s'élèvent, indistincts et confus, au milieu d'une vaste plaine, et sur une légère éminence jadis battue par les flots, les restes de ce qui fut jusqu'au commencement du XVIIe siècle, l'église paroissiale du Poiré.

Notre-Dame de Coussay est le nom de ce sanctuaire qui jusqu'à la Révolution de 1789, fut, le jour de l'Assomption, le rendez-vous de nombreux pèlerins venus, non seulement du Poiré de Velluire, mais des paroisses voisines. « On allait en procession à Coussay, dit l'abbé Aillery ; on y entendait une première messe et on revenait célébrer la grande au Poiré1

L'histoire de cette église ou chapelle, aujourd'hui abandonnée, loin de toute habitation2, est entourée par certains côtés d'un voile mystérieux, et c'est à peine si l'on trouve dans les hagiographes, les anciens chroniqueurs et les archives paroissiales, quelques renseignements intéressants, d'une authenticité indiscutable.

1 Renseignements communiqués par le savant abbé Henri Boutin.
2 Dans les départements de l'Isère, de la Savoie et de la Haute-Savoie, nous avons qu'il y a quelques mois plusieurs églises qui comme celle de Coussay, étaient complètement isolées dans la plaine ou dans la montagne.

La légende veut que Notre-Dame de Coussay1 ait été bâtie par des mariniers échappés au naufrage2 et qu'elle ait remplacé une chapelle gallo-romaine dont les fondations sont â peu de profondeur dans le sol.

Quelque respectables que soient les légendes, cette menue monnaie de l'histoire, nous savons qu'il faut ne les accueillir qu'avec une extrême réserve. Or, dans le cas qui nous occupe, la tradition pourrait bien, en ce qui concerne du moins la chapelle gallo-romaine, être d'accord avec l'histoire, et ceci semble résulter des découvertes intéressantes que nous y avons faites avec M. de Rochebrune, et sur lesquelles nous croyons devoir appeler plus loin l'attention des savants et des archéologues. Il s'agit au fond d'un problème dont la solution peut jeter un jour absolument nouveau sur l'introduction du christianisme dans cette région, et sur les événements qui durent s'accomplir sur ce coin de terre il y a seize siècles.

Dans un acte de 1217, publié par l'historien Besly, le Poiré est indiqué comme un hameau relevant au point de vue religieux de Notre-Dame de Coussay. Un siècle et demi plus tard, le 11 novembre 1369, Jean de Harpedanne, gouverneur de Fontenay, pour le Prince Noir, enjoignait ans habitants de la paroisse de Notre-Dame de Coussay de venir faire le guet devant le château de Fontenay et de curer les douves. Le 27 du même mois, le prévôt Thomas Brandin les requérait de venir travailler aux fortilications de la ville3.

1 Coussay, d'après l'abbé Aillery, doit peut-être son nom à sa position étroite dans laquelle la mer se précipitait avec violence.
2 M. Pelletier, ancien maire du Poiré, fort aimable vieillard plus qu'octogénaire se souvient parfaitement avoir vu, dans sa jeunesse, sur un des piliers extérieurs de la chapelle, aujourd'hui démolis, une inscription rappeIant ce souvenir. et donnant le nom de trois marins.
3 Archives de Fontenay, tome 1, pages 269 à 271.

Le chroniqueur du Langon, maître Bernard, notaire qui écrivait vers 1570, dit que le Poiré « étoit alors peuplé de maisons jusque vers l'église de N.-D. de Coussaye, qui est l'église paroissiale du Poiré et de l'Anglée1 ».

Au mois de mai 1617, on signale une visite canonique de Notre-Dame de Coussay et de la chapelle Saint-Nicolas du Poiré de Velluire2.

Par suite de circonstances que nous ignorons, ce fut peu de temps après la visite dont nous venons de parler que la chapelle Saint-Nicolas du Poiré, agrandie, devint l'église où se célébrèrent régulièrement les offices religieux de la paroisse de Notre-Dame de Coussay, dont le nom ligure néanmoins, presque constamment, sur les registres et documents officiels jusqu'en 1789.

Dans un acte de 16363 il est dit textuellement que le 12 mai de cette année « lecture du bail des prés de la fabrique de Notre-Dame de Coussay fut donnée par les notaires de la châtellenie de Velluire devant la principale porte de l'église de Saint-Nicolas du Poiré, où se fait maintenant le service divin » de la paroisse de Coussay.

Nous trouvons la même mention sur d'autres titres en juin 1639 — mai 1641, 1645, 1702, 17074.

1 Chroniques du Langon. page 21.
2 Abbé H. Boutin. — Dans le Pouillé du diocèse de Maillezais (1648), l'abbé Aillery dit « Notre-Dame d Coussay, curé à la nomination du prieur de Fors » près Niort. — Le curé était alors l'abbé Boileau qui dérrière le rate, du maître-autel a fait graver l'inscription suivante:

BOLLEAU — PREBTRE — CVRÉ
DE COVSSAY ET DV POYRÉ (1664)

C'est ce même curé qui fit restaurer le choeur de l'église du Poiré,ainsi que l'établit une inscriplion de 1651 qu'on peut lire sur un écusson formant clef de voûte de l'arc triomphal. Il est trés vraisemblable que c'est ce même ecclésiastique qui, curé depuis 1632, avait fait placer dans le choeur le beau tableau de la Natavité que l'on attribue à un élève du Poussin.
3 Documents communiqués avec Ia plus exquise bonne grâce par M. l'abbé Couturier, curé du Poiré.
4 Documents communiqués, par M. l'abbé Couturier, curé du Poiré.

Dans un autre document de 1660, signé Balthazar Phelippeau, conseiller et aumônier du Roi, abbé commendataire de l'abbaye de l'Absie et curé dudit lieu, le sieur Beau figure comme « fabriqueur de l'église Saint-Nicollas du Poiré et de Notre-Dame de Coussay1. »

A la fin du XVIIe siècle, dans un procès-verbal de mise en adjudication d'une pièce de terre inculte appelée le cimetière de Coussay, la même mention existe encore. Mais comme cette pièce qui établit que depuis longtemps on n'inhumait plus à Coussay2, donne aussi pour cette paroisse les noms de plusieurs familles dont des descendants existent encore aujourd'hui, nous croyons devoir en reproduire ci-après un extrait.

« Aujourd'huy dimanche vingt-six iesme jour du mois d'avril mil six cent quatre vingt-dix-neuf, au devant de la grande porte et principalle entrée de l'église de Saint Nicolas du Poiré, à issue de vépres, au son de la cloche, maître Louis Turpaud, procureur fabriqueur de la dite église de Saint-Nicollas et de Notre-Dame de Coussay, lequel en vertu de sa procuration spéciale à lui donnée par messire Guy Dumesnil, prêtre curé de cette paroisse et des habitants d'icelle..... ... a exposé et mis au bail, arante foncière, annuelle et perpétuelle, une pièce de terre gaste3 et en frische, contenant en soy deux boisselées ou environ, sise prés l'église dudit Coussay, vulgairement appelée le cimetière du dit Coussay4 au fief et seigneurie de l'Anglée, etc.
« Et en cas qu'il se trouve en icelle quelque vieux tombeau ou quelque autre belle pierre de taille, l'adjudicataire sera tenu d'en advertir le dit fabriqueur, etc...

1 Document communiqué par M. l'abbé Couturier, curé du Poiré.
2 Nous avons relevé sur une tombe dans le cimetière du Poiré, la date de 1600.
3 Rappelle le convenir d'une terre inculte depuis longtemps.
4 Ce nom est encore conservé à cette pièce de terre.

Dans la teneur de la procuration, on lit encore que cette pièce de terre « n'est d'aucun revenu pour la fabrique de tems immémorial » — que l'assemblée des manans et habitans de la parroisse de Notre-Dame-de-Coussay a eu lieu « au-devant de la grande porte et principalle entrée de l'église de Saint-Nicollas du Poiré, où s'exerce le service divin pour la dite paroisse ». Figurent au corps du Procès-verbal : Guy Dumesnil, curé; — maître Augier Bourlier, sieur des Noues; — Jean Pasqual; Anthoine Ozias: — Jacques Godin ; — René Vrignaud ; — Charles Madus; — Mathurin Plaires; — Jean et Jacques Louyneau ; — René Rambaud; — Jean et René Gilbert; — Jean Bastard; — Mathurin Cevceau ; — Louis Botton : — Jean et Jacques Godin;— Barthellemy Aumaud; — André Tappin; — Barthélemy Chapitreau ; — Jacques Borgleteau; — Nicollas Braud ;— Jean Barbotteau, etc, et Godin, notaire de Velluire1.

A partir de 1713 jusqu'en 17602, on trouve sur les registres et autres pièces tantôt : « Fabrique de Saint-Nicolas du Poiré et de Notre-Dame de Coussay. — Fabrique de Saint-Nicolas du Poiré ou bien fabrique de la paroisse de Notre-Dame de Coussay alias le Poiré ». Les desservants de ces deux paroisses qui en réalité, n'en faisaient plus qu'une, signent eux aussi tantôt du titre de curé de Notre-Dame de Coussay et de Saint-Nicolas du Poiré. — Curé de Notre-Darne de Coussay, ou curé de Saint-Nicolas du Poiré3.

Le compte de fabrique de 1749 porte comme titre « Compte de la gession et administration du revenu temporel des églize et fabrique de Notre-Dame de Coussay, autrement le Poiré ». par Pierre Geoffroy Chabiraud4.

1 Archives paroissiales communiquées par M. le curé Couturier.
2 Portant dans le Procès-verbal de Ia visite faite au Poiré-sous-Velluire le 12 septembres 1738, par Mgr Menou, évêque de Ia Rochelle, Notre-Dame de Coussay n'est pas même mentionnée (note de l'abbé Boutin).
3 Archives paroissiales et Archives municipales.
4 Le compte s'établissait ainsi

Dépenses :

2282 l. 10 s.

Recettes :

2130 l. 14 s.


Déficit :

150 l. 16 s.

Parmi les dépenses figurent : 1°. — 23 livres 10 sols payées à Charrier, aubergiste, pour dépenses faites à l'occasion de la fonte de deux cloches; — 2°. 24 livres à maître Bourbon, maréchal, pour « avoir fait les deux battants des deux cloches ; — 3°. 673 livres 16 sols, au sieur Alleboi ? pour fournitures de métal, façon et transport des deux cloches. — Le compte de 1757 accuse, 3025 livres 10 sols de recettes et 2932 livres 14 sols de dépenses et porte cette mention : Loyseau, fabriqueur de l'église et fabrique de Notre-Dame de Koussay, Alias le Poiré (Archives paroissiales).

Bien que depuis le commencement du XVIIe siècle et par suite de la disparition de plusieurs maisons situées entre l'Anglée et Coussay, et de l'importance prise par le Poiré, l'église Saint-Nicolas fut devenue la véritable église paroissiale, on n'en célébrait pas moins de temps en temps les offices religieux dans l'antique chapelle de Coussay, dont l'entretien fut assuré jusqu'à la Révolution de 1789. Ainsi en 1719, il est payé au sieur Moineteau, vitrier, sept livres pour « avoir fait une vitre neufve à l'église de Coussay et en avoir mis une en plomb neuf, en l'église du Poyré1 ».

En 1754, il est également payé « à maître Pierre Canté de Marans, la somme de six livres pour trois milliers de Clous pour la chapelle de Coussay » et à François Bastard et à Louis Fauveau, la somme de trente livres pour la couverture de la chapelle de Coussay2 ».

Pour des raisons de convenance ou par tradition de famille, des mariages furent célébrés dans l'église de Coussay, jusqu'à la fin du siècle dernier. — Le dernier en date fut celui de Charles Rouhaud et de Marie Vairon, veuve de René Fleurisson. Il eut lieu le 3 prairial an V (22 juin 1797) et comme on avait oublié d'emporter du feu, pour allumer les cierges, et que les allumettes de la régie n'étaient pas encore inventées, force fut de revenir en chercher à l'Anglée, et de laisser dans la chapelle de Coussay les deux futurs et leurs invités3.

1 Archives paroissiales.
2 Ibid
3 Renseignements fournis par M. Pelletier, déja cité. Les deux mariés étaient le grand-père et la grand'mère de Mme Pelletier. Le mariage ne put lêtre sonné, la cloche de la chapelle ayant été, pendant la Terreur, jetée dans un puits, dont l'orifice, en partie comblé, se voit encore prés de la porte d'entrée.

ÉTAT ACTUEL DE L'ÉGLISE
OU CHAPELLE

L'église de Notre-Dame de Coussay, construite à diverses époques, mesure intérieurement 27m50 sur 5m70, et la hauteur du socle au-dessus de l'entablement formé de larges pierres chanfreinées, disposées en encorbellement, est de 6m70. La partie de l'édifice encore debout. présente une longueur de 10m50 et se compose de deux travées d'inégales grandeur, recouvertes de voûtes en berceau de moyen appareil, renforcées au milieu.

Ces voûtes reposent sur des piliers carrés, ou socle sans moulure, mais couronnés par un chanfrein dessinant à leur naissance un bandeau dans toute la longueur de la nef. Ce même bandeau règne sur les piles redoublées de l'arceau formant l'arc triomphal de la chapelle. Ces piles sont surmontées de deux archivoltes en plein cintre : la plus rapprochée de la voûte a son arête abattue en chanfrein ; la seconde archivolte a la sienne rachetée par une gorge. La pile intérieure forme pénétration au-dessus du tailloir.

La partie inférieure du chevet, jusqu'à la pièce d'appui de la grande fenêtre ogivale, est construite en petite moellons layés du XIIe siècle. Tous les parements intérieurs sont du XIIIe ainsi que les deux fenêtres ogivales sans meneau, percées dans le mur sud ; la crédence placée dans la première travée, du côté de l'epître, est du XIVe. Il faut attribuer à la même époque la fenêtre ouverte après coup dans le chevet plat du choeur, et dont il reste encore les jambages couronnées, à 0.70 de hauteur, par une espèce de chapiteau orné de feuilles de lierre. La même ornementation existe pour la crédence.

Les murs présentent extérieurement, en regard de la moulure chanfreinée intérieure, une retraite de 0m10, ce qui explique la saillie énorme (0.50) de l'entablement qui avait pour but de rejeter les eaux pluviales en dehors de la saillie de la base de la muraille.

Dans le mur ouest, à 2m25 de l'arc triomphal, et symétriquement à la crédence, a été ouverte plus tard, une porte basse, en arc surbaissé, sans aucun ornement. La construction primitive ne portait aucun contrefort : on en a établi six dans tout le pourtour existant, afin de résister à la poussée des voûtes. Tous ces contreforts en pierre de taille de moyen appareil, très bien traitée, sont du XVe siècle. Sauf les deux des angles du choeur, ces massifs, d'épaisseurs différentes, présentent un léger fruit. Le pignon avec rampants, d'une hauteur de 1m45, était surmonté d'une petite croix pattée en pierre blanche, retrouvée dans les décombres.

Sur un cul de lampe du XVe siècle, encastré dans le mur du côté de l'évangile, et à 1m50 au-dessus le pavé du sanctuaire formé de dalles en pierre calcaire du pays piquées avec soin, se trouvait naguère un tronçon de statue polychromée du XVIIe. La marche sur laquelle reposait la sainte table était ornée d'un tore très bien taillé.

La partie de la chapelle, démolie entre le narthex et l'arc doubleau précédant l'arc triomphal, nous a semblé plus moderne. Les murs dont nous avons pu retrouver les fondations étaient bâtis en moellons smillés, grossièrement appareillés, et leur épaisseur n'était que de 0m75, tandis que ceux de la partie avoisinant le choeur ou le constituant, mesurent 1m30 et 1m50. La porte d'entrée dont nous avons pu retrouver quelques pierres avait 1m60 de largeur, et la facture générale accuse la fin du XVe siècle.

FOUILLES ET DÉCOUVERTES

Les fouilles que nous avons pratiquées dans la vieille église ou chapelle de Notre-Dame de Coussay, nous ont permis de constater, à environ un mètre au-dessous de l'autel fait en pierres calcaires de moyen appareil, l'existence de maçonneries en petits moellons cubiques, présentant tous les caractères propres aux constructions du IVe siècle. Le long de ces maçonneries, nous avons recueilli un andouiller de cerf, des défenses de sanglier, des morceaux de tuiles à rebords et des poteries gallo-romaines de tons différents ; des restes de cercueils en bois, des clous, du charbon de bois et des dépôts de cendres. A 0m75 plus haut, nous avons trouvé dans les décombres plusieurs doubles tournois à l'effigie de Louis XIII, une obole en argent d'Edouard III d'Angleterre, une autre de Foulques, Comte d'Anjou, des morceaux de fresques, des fibules en verre du moyen âgre, des fragments de vases en terre de formes diverses, des débris coloriés provenant sans nul doute du vitrail du fond, un christ en os grossièrement sculpté et les restes d'un ornement sacerdotal en soie sur fils d'argent.

En continuant les fouilles sous l'ancien pavé du sanctuaire et aux abords, nous avons, dans un espace de 25 mètres carrés environ, trouvé les ossements d'une cinquantaine de petits enfants dont l'aîné, au dire du docteur C. de la L... n'avait pas plus de huit ans. L'emplacement de chaque squelette, auprès duquel on n'a trouvé aucun objet religieux, était indiqué par une pierre d'environ 0m30 de longueur sur 0,15/0,15 à peine dégrossie, assez semblable à celles dont on se sert dans la plaine pour délimiter les héritages.

Sous le tombeau de l'autel, une chasse, grossièrement confectionnée, renfermait, couchés côte à côte, les squelettes de six autres petits enfants.

Cette découverte de si nombreux restes de tout jeunes enfants dans un espace aussi restreint est assez intéressante1, croyons-nous, pour exercer la sagacité des archéologues, d'autant mieux que les explications qu'ont bien voulu en donner diverses personnes pourtant qualifiées, sont par trop dissemblables et nullement convaincantes. Quoi qu'il en soit, nus croyons devoir, à notre tour, humblement indiquer notre opinion. Tous les historiens sont d'accord pour reconnaître qu'a la fin du IIIe siècle (Duruy dit 303) le Poitou eut à subir les premiers chocs de la Xe persécution, la plus longue et la plus terrible, dernier assaut que le paganisme livrait à la société chrétienne. La ville de Poitiers a gardé des souvenirs ineffaçables et des monuments de cette terrible époque ; elle a le Chiron des Martyrs; le Champ des Martyrs; le Chemin des Martyrs, l'hypogée des soixante douze martyrs, découvert en 1884 par le R. P. de la Croix.

1 II serait bon, croyons nous, de la compléter par de nouvelles fouilles ayant pour but de s'assurer si toute la nef de la chapelle ne renfermerait point par hasard la même quantité de sépultures d'enfants en bas âge.

Le Bas-Poitou ne fut pas non plus épargné. Rictiovaire, préfet des Gaules, et Dacien, gouverneur de l'Aquitaine, dont notre pays faisait alors partie, se montrèrent les dignes lieutenants de César, en poursuivant avec le glaive et la hache, jusque dans les forêts profondes, les Gallo-romains qui voulaient demeurer fidèles à leur foi.

Dom Chamart, dans son Histoire ecclésiastique du Poitou, nous apprend que sur les bords de la mer, non loin de l'Ile-d'Olonne, Dacanius, lieutenant de l'empereur, fit saisir, jeter en prison et exécuter quarante jeunes chrétiens qui avaient quitté leur retraite pour se diriger du côté du Gravion (Saint-Vincent-sur-Graon). Les dépouilles de l'un d'eux, saint Domnin, auquel l'abbé Rivalland a consacré des pages si émues, auraient été transportées dans le cimetiere d'Avrillé, et c'est là qu'on aurait élevé au jeune confesseur, une cella memoria, un oratoire, une chapelle funéraire transformée plus lard en église.

Puisqu'il est avéré que tout le Bas-Poitou retentit à cette époque du bruit des tortures, ne pourrait-on pas inférer de ce que nous venons de dire au sujet des petits martyrs de l'Olonnais (et cela avec beaucoup de vraisemblance, pensons-nous) que les restes mortels trouvés dans la chapelle de Notre-Dame de Coussay ne seraient autres que ceux de pauvres enfants dont le seul crime aurait été d'être chrétiens, et qui auraient péri de la main du bourreau ? — Puis, lorsque le christianisme, partout triomphant, se fut assis sur le trône impérial avec Constantin, le lieu où reposaient les cendres des innocentes victimes serait devenu un but de pèlerinage. On aurait édifié d'abord un oratoire sur ce sol arrosé de tant de sung généreux; puis, le nombre des fidèles augmentant toujours, l'oratoire agrandi serait devenu une Chapelle, plus tard une église Consacrée à Notre-Dame de Bon Secours dont la statue se voit encore aujourd'hui dans l'église du Poiré.

Telles pourraient être, à notre avis l'origine et la genèse de ce sanctuaire abandonné, dont il ne demeurera bientôt plus pierre sur pierre, et où les découvertes faites sembleraient, ainsi que nous l'avons déjà dit, mettre à peu près d'accord cette fois, au moins au point de vue chronologique, la légende et l'histoire.

LOUIS BROCHET.