50218 - Granville - Manuscrit Heron

De Geneawiki
Aller à la navigation Aller à la recherche

< Retour à l'histoire de Granville

DESCRIPTION DES COSTES DE LA NORMANDIE

par M. HERON, ingénieur-géographe

à Paris, 1760.


Dédié à très haut et très puissant Seigneur

le Duc de Luxembourg, Gouverneur de la Province de Normandie


Mémoire sur l'estat présent des costes de la Haute et Basse-Normandie avec celui des ouvrages qu'il convient d'y faire pour sa défense et la sureté du commerce de la Manche



Granville


En 1439, Thomas, sire d'Escalle d'Ancelle, capitaine anglais, vidame de Chartres et sénéchal de Normandie, prit en fief de Jean d'Argouges, écuyer, seigneur de Gratôt et de Granville, en partie le terrain où est basti Granville où il n'y avait qu'un village qui relevait de l'abbaye du Mont Saint~Michel avant les échanges que Charles VII fit avec le cardinal d'Estouteville, abbé du Mont-Saint-Michel.

Les Anglais connaissant l'importance de ce poste le fortifièrent et en firent une presqu'isle.

En 1445, Charles VII ayant chassé les Anglais de toute la Normandie accorda des privilèges à tous ceux qui voudraient y venir habiter à la condition d'en faire la garde de jour et de nuit.

Granville est située à l'extrémité de la Normandie du costé de la Bretagne, à cinq lieues d'Avranches, sept de Dol, cinq en ligne directe de Cancale, sept de Saint-Malo, sept de Coutances, neuf de Jersey, quinze de Guernesey et vingt une de Cherbourg. Elle est située sur un rocher eslevé de 10 à 12 toises au-dessus de la mer, de figure oblongue, qui forme une presqu'isle dont la moindre partie est occupée par la Ville. Son isthme qui est fort étroit forme une espèce de dos d'âne qui n'a que vingt toises de large. Du costé de l'ouest le Roc est escarpé et la mer bat au pied. Mais du costé de l'est le roc s'abat en glacis extrêmement roide jusque dans le fauxbourg où les particuliers ont fait quelques escarpements pour y faire de la place à bastir les maisons qu'ils y ont faites. La partie du rocher qui n'est pas occupée a environ 340 toises de longueur et 150 toises de largeur réduite. Elle est naturellement escarpée. Tout autour on n'y peut monter que par des petits sentiers étroits qu’il est très facile d'escarper. Tous les environs du pied sont sales et pleins de rochers jusqu'à la mer et même au-delà, de sorte que l'on n'en peut pas approcher par mer avec aucun bâtiment ni chaloupe, ni par terre avec des troupes après que la mer est retirée. Ainsi toutes les attaques se réduisent à la seule avenue qui est l'isthme et par le fauxbourg.

La Ville est petite, d'une assiette fort inégale, n'ayant que 200 toises de long et 70 toises de large, le dedans rempli de maisons fort pressées et assez mal basties. Le commerce y a tellement augmenté le nombre de ses habitants que l'enceinte n'est plus capable de les contenir. il serait du bien du service et très avantageux au commerce et à la Province de permettre à ses habitants de bastir des maisons sur la partie du roc ci-devant dite qui n'est pas occupée. Cet agrandissement de la Ville est extrêmement nécessaire pour le bien du commerce et l'augmentation des sujets et ne peut porter aucun préjudice à Sa Majesté attendu que cette partie du Roc est inaccessible de toutes parts et qu'elle n'exige aucune dépense pour mettre les habitants en sureté. Ce Roc appartient au Roy et ne sert actuellement qu'à engraisser une centaine de moutons par an et est loué par M. le Duc de Valentinois 150 liv. de rente.

Le nombre de ses habitants peut être de 5 à 6.000 dans lesquels. on pourrait trouver 800 hommes propres à porter les armes. Ils sont presque tous matelots ou négociants.


Le commerce


Le commerce de ses habitants consiste dans la pesche qu'ils vont faire sur le banc de Terre-Neuve, des morues vertes et seiches dont ils font un grand débit tant en France qu'en Espagne et en Italie. Ils ont employé à ce commerce cette année 70 vaisseaux et en ont construit 30 qu'ils comptent mettre en mer incessamment et employer à ce même usage.

Ce commerce peut produire 2 millions de liv. de nouvel argent dans le Royaume, outre la quantité de matelots qu'il forme pour la mer, ce qui fait que le département de Granville pour les matelots est le plus fort du Royaume aujourd'hui.

Des juridictions


Il y a quatre juridictions dans la Ville, sçavoir :

1 - La Vicomté, composée d'un vicomte 1° juge, d'un lieutenant général dudit vicomte et d'un procureur du Roy, dont les jugements ressortissent au bailliage de Coutances.

2 - l'Amirauté, composée d'un lieutenant et d'un procureur du Roy, dont les jugements ressortissent à la Table de marbre.

3 - la Police, composée d'un lieutenant et d'un procureur du Roy, dont les jugements ressortissent au bailliage de Coutances.

4 - les Traites foraines, composée d'un président et d'un procureur du Roy, dont les jugements ressortissent à la Cour des Aydes du Parlement de Rouen.

Corps de Ville


M. le Duc de Valentinois, Gouverneur de Granville et de Cherbourg, M. de Fratine, commandant.

Le magistrature est composée de trois échevins que les habitants nomment et choisissent tous les ans.

La Ville n'a pour tout revenu que 60 l. de rente que le Roy lui donne tous les ans.

Métiers


Il y a 21 maitres de différents corps de métiers et 14 garcons ou apprentis. Les bourgeois sont obligés à la garde de la Ville et du Port au moyen des privilèges qui leur ont été accordés.

Privilèges des bourgeois


Les privilèges dont jouissent les bourgeois et qui leur ont été accordés, par Charles VII pour encourager ses sujets à venir habiter ce lieu sont l'exemption de taille et de tous impots. La bourgeoisie est distribuée en sept compagnies de 60 hommes chaque qui montent la garde journellement.

Fours


Il y a sept fours qui peuvent cuire 100 rations de pain chacun par fournée.

Il n'y a aucun moulin dans la Ville ; ceux du voisinage sont plus que suffisants pour sa consommation.

Eglises


Il y a deux églises paroissiales dans la Ville de Granville, l'une qu'on appelle Notre-Dame de Lihou et qui est dans la Ville. Elle a esté bastie en 1550 sur un fonds qui a été donné par un seigneur laïque et depuis augmentée on 1603 et 1623 par les soins et la libéralité des habitants. Elle peut avoir 7 à 800 liv. de revenu année commune.

L’autre paroisse nommée Saint-Nicolas censée être dans la Ville quoiqu'elle en soit à trois quarts de lieue est à peu près du même revenu, de 800 liv. année commune.

Hopital


Il n'y a qu'un hopital qui est hors de la Ville dans le faux-bourg établi par ordre du Roy en 1683 qui peut contenir 25 à 30 malades. La chapelle a été bastie en 1700 des libéralités d'un bourgeois de la Ville.

Le revenu de cet hopital consiste en un droit de 3 liv. sur chaque tonneau de vin et 20 sols sur chaque tonneau de cidre qui entre dans la Ville, que le Roy lui a accordé et qui peut monter à 11 ou 1200 liv. par an.

Fontaines


Il n'y a pas de fontaines en cette Ville, mais il y a des puits creusés dans le roc dont un qui est commun et au milieu de la Ville et 15 dans des maisons bourgeoises: L'eau n'en est pas bonne à boire et ils asseichent dans les grandes chaleurs de l'été, de sorte que les habitants sont obligés d'en aller chercher à 3 ou 400 toises aux environs de la Ville.

Il serait à désirer que l'on pût procurer une ou plusieurs fontaines de bonne eau dans cette Ville, ce qui pourrait ne pas être impossibIe si l'on examine bien les montagnes voisines.

Fortifications


La fortification de cette Ville n'est rien autre chose qu'un ancien mur d'enceinte flanqué de quelques redans et tours qui est en fort mauvais ordre.

Il n'y a dans la ville qu'un petit corps de casernes où à peine on peut loger deux compagnies d'infanterie. Il serait nécessaire de l'augmenter par un bâtiment en marteau (proposé au projet de 1750) que l'on peut construire au bout de ce premier et dans lequel on pourrait pratiquer les logements pour un demy bataillon. Cette Ville mérite par son commerce et les avantages qu'on en peut retirer une attention particulière. Son voisinage des isles de Jersey et Gernesey a fait appréhender que dans un tems de troubles il leur prit envie de se rendre maître de ce poste ou d'en ruiner ses habitants. Tous ces motifs ont donné lieu à différentes représentations et engagé à proposer les ouvrages que l'on croit utiles à la sûreté du lieu qui sont :

I° De rétablir en maçonnerie le revestement sur le front de l'isthme (8), y faire un épaulement percé d'embrasures pour y loger l'artillerie nécessaire pour battre ces hauteurs (28-23) la somrne de : 38.480

Proposé en 1750.

II° De fortifier la teste de l'isthme d'une tenaille (17-17) revestue de maçonnerie avec un parapet en terre et gazon, la somme de 30.811

Proposé en 1750.

III° De construire la demy lune (18) revestue en maçonnerie avec un parapet de terre et gazon et y construire un chemin couvert, la somme de 19.974

Proposé en.1750.

IV° Pour donner plus de capacité au bastion (3) sur l'entrée du corps de la place, en rétablir le revestement en maçonnerie; y faire une porte avec un pont-levis et dormant, la somme de 49.314

V° Pour construire une tenaille (5) revestue de maçonnerie devant l'entrée du susdit bastion (3) avec un parapet de terre et de gazon, y faire une porte, un pont-levis et un chemin couvert, la somme de 22.374

VI° Pour former en terre et gazon avec un demy revestement de maçonnede le bastion (36) sur la porte de l'enceinte (7) du costé du faux-bourg et faire le déblai du fossé depuis le bastion (3) à l'entrée de la place jusqu'à l'extrémité de la branche de la tenaille (19-20), la somme de 11.485

VII° Pour faire le chemin couvert (16) de la susdite étendue entre les bastions (3-19) la fausse braye au pied de l'enceinte, la somme de 10.320

VIII° Pour vider le fossé dans l'étendue de la partie de l'enceinte (13) du costé du port, y construire en terre et gazon avec un demy revestement le bastion (36), la somme de 13.045

IX° Pour rétablir la fausse braye au costé du susdit bastion (36), faire en maçonnerie le réduit (14) devant la Porte des morts et former le chemin couvert (15) dans cette étendue, la somme de 9.540

X° Pour construire la tour (25) sur le front (10) du costé de la rade propre à renfermer des poudres et effets de l'artillerie et faire une batterie au pied, la somme de 18.340

XI° Pour former à l'extrémité du susdit front (10) vers la rade près de la branche gauche du bastion (20) une batterie à demy revestement sans parapet et ses plates-formes, la somme de 18.711

XII° Pour construire une aile à deux étages contenant quatre chambres au retour du bâtiment (20) servant de caserne, à fermer la cour au moyen d'un mur avec une porte vers le rempart, la somme de 11.928

Total 245.322 liv.

Du Port


Le port est aussi ancien que la ville et est fermé par une jettée d'environ 82 toises de longueur qui a esté faite par les bourgeois, il y a plus de 150 ans. Quoiqu'elle n'ait été construite qu'en pierres seiches, elle n'a pas laissé que de résister aux efforts de la mer depuis ce tems au moyen de quelques réparations que l'on y fait de tems en tems. L'espace de terrain que cette jettée renferme est appelé le port. Il est d'autant moins considérable que depuis son milieu il va en montant en glacis jusqu'au pied des quays de sorte que les vaisseaux ne peuvent arriver au quay que pendant les vives eaux, ce qui cause une grande incommodité et il résulte de là qu'étant obligé de les tenir dans la partie basse, il n'y a que le quart au plus de la place nécessaire pour contenir les vaisseaux de Granville dont le nombre augmente tous les jours. Il y a eu cette année 70 vaisseaux qu'ils ont envoyé à Terre-Neuve et ils en ont fait construire sur le bord de la mer le long du fauxbourg vis à vis de ce port 28 qu'ils comptent mettre en mer incessament sans compter nombre qu'ils ont acheté à Caen et autres lieux de sorte que ses habitants auront l'année prochaine plus de 100 vaisseaux en mer du port de 80 jusqu'à 400 tonneaux, qu'ils ne sauront où retirer, le port n'en pouvant contenir que le quart, sans compter nombre de barques. Ceux qui sont obligés de s'écarter de l'abry de la jettée se trouvant à découvert sont exposés aux violences de la mer laquelle étant poussée par les vents du sud leur cause des avaries considérables et les met en danger de périr.

Il n'y a pas d'autre lieu plus propre à caréner les navires que le port même. Si malheureusement le feu prenait à un pendant ce travail, tous les autres seraient en danger d'être brûlés.

Il ne monte actuellement dans la partie basse du port que 10 à 12 pieds d'eau en pleine mer de morte eau et environ 23 pieds pendant les vives eaux, ce qui est très incommode pour les grands navires qui ne peuvent entrer ni sortir de morte eau et leur départ est souvent retardé des mois entiers pour le peu que les vents soient contraires.

Comme il y a 12 à 13 pieds de pente depuis le port jusqu'à la basse mer de vive eau, il serait aisé de remédier à ce désordre, puisqu'il ne faut pour ce faire qu'approfondir le port jusqu'à la basse mer de vive eau ; pour lors les vaisseaux sortiraient et entreraient dans ce port à marée haute de morte eau comme dans les autres marées.

Ce port est défendu à son entrée par quelques pièces de canon qui sont sur la teste de la jettée et par des batteries disposées le long de l'escarpement du Roc. Il serait cependant aisé d'y arriver de nuit et les corsaires pourraient venir facilement brûler les vaisseaux dans le port sans qu'il soit possible de les en empêcher.

Pour mettre ce port en bon état et en défense, il serait nécessaire :

1° de l'approfondir jusqu'au niveau de la mer basse de vive eau ;

2° de faire une nouvelle jettée au-dessus de l'ancienne qui tombe en ruines d'environ 120 toises de longueur ayant à sa teste une batterie de 4 pièces de canon ;

3° de faire un môle sur les Moulières qui aurait à son extrémité et à son centre des batteries de canon qui défendraient les approches de ce port. Ce môle couvrirait parfaitement ce port du vent du sud qui est le traversier et celui qui incommode le plus les vaisseaux dans ce port ;

4° de faire un quay tout le long de ce port pour la décharge des vaisseaux et la commodité des négociants.

Pour mettre le port en état de perfection, il conviendrait d'y faire une nouvelle jetée à l'est de la même longueur que celle de l'ouest ayant à sa teste une batterie.


Estimation des ouvrages ci-devant énoncés pour mettre le port en bon état :

I° Pour approfondir le port jusqu'au niveau de basse mer de vive eau, la somme de 480.000

II° Pour faire une nouvelle jetée au-dessus de l'ancienne d'environ 120 toises de longueur ayant à sa teste une batterie de 4 canons, la somme de 250.000

III° Pour faire un môle sur les Moulières qui aurait à son extrémité et à son centre des batte-ries de canon, la somme de 800.000

IV° Pour faire un quay le long du port pour la décharge des vaisseaux et la commodité des négociants la somme de 100.000

V° Pour faire une nouvelle jetée de la même longueur que celle de l'ouest ayant de même à sa tête une batterie de canons, la somme de 250.000

L'on peut se dispenser de cet ouvrage autant que l'on le jugera à propos, n'étant pas absolument nécessaire.

Total 1.630.000

Nota. Ces ouvrages peuvent être accordés par la Cour en autant d'années et d'acomptes qu'elle le jugera à propos.

Chozey


Vis à vis Granville et à 3 lieues sont les isles de Chozey où se tire toute la pierre dE taille que l'on emploie à Granville dont les corsaires anglais se sont emparés pendant la dernière guerre. Il serait à désirer que l'on établit sur ces isles un fort capable de les empêcher de s'en rendre maître de nouveau. Ce fort aurait la propriété de protéger les navires qui entrent ou sortent de la Déroute.

Signé : Héron


Sommaire




Cette étude commence par une description qui ressemble en tous points à celle que l'on trouve dans les nombreux rapports que les officiers du Génie ont rédigés sur Granville depuis Vauban. Nous y relèverons d'abord l'affirmation très nette qu'il serait avantageux d'utiliser le Roc pour agrandir la cité. Il y eut de longues discussions sur ce point, au cours du XVIII° siècle, et nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs à l'étude qui fut consacrée à cette question par M. X. Eude dans le Pays de Granville en 1912. L'ingénieur Héron appuie la thèse des officiers du Génie qui ne reçut pas satisfaction par suite de l’égoïsme des habitants.

En ce qui concerne le commerce, le manuscrit met en relief que Granville, pour les matelots, était le quartier le plus important du Royaume. Rappelons que, vingt ans plus tard, il comptait 6.000 matelots et que l'armement représentait un tiers du total de l'armement terreneuvier français de l'époque.

Certains s'étonneront peut-être de lire qu'aucun moulin n'existait dans la ville. C'était la vérité. En effet le moulin appartenant au sieur Quinette de la Hogue, qui se trouvait perché sur la place de l'isthme, avait été démoli en 1748 lors de la construction des nouvelles fortifications. Il ne fut transporté sur le Roc qu'en 1762, à l'endroit où l'on vient d'élever le monument aux marins perdus en mer.

Le chapitre des fontaines ne fait pas mention de la triple et petite fontaine du Roc qui domine l'actuelle rue de Paris : il est vrai qu'elle asséchait à peu près totalement pendant l'été.

Le petit corps de caserne auquel il est fait allusion a disparu il y a près d'un siècle, mais on en voit encore les traces contre la face est de la vieille caserne dénommée Zurich. Elle occupait la partie gauche de la cour de cette caserne dont la construction fut commencée en 1750.

Désirant donner intégralement connaissance du mémoire Héron, nous n'avons pas voulu supprimer, malgré leur aridité, les paragraphes d'ordre technique qui visent les projets de fortification. Le manuscrit se contente à cet égard de reprendre les projets des officiers du corps royal du Génie de 1747-175O dont une partie était en cours d'exécution. Les numéros entre parenthèses se réfèrent aux cotes portées sur les planches de l'atlas malencontreusement disparu.

Dans l'ensemble, le projet comportait essentiellement l'établissement sur la place de l'isthme, en haut de la côte du Moulin à vent, de la muraille, ou courtine, flanquée de ses deux bastions que l'on voit encore. Cet ouvrage, qu'on appelle en fortification une tenaille, aurait été protégé par une demi-lune, c'est-à-dire un ouvrage avancé en forme de croissant ou d'angle très ouvert, le sommet étant dirigé vers l'extérieur ; enfin un chemin couvert. La Grande Porte de l’œuvre aurait été, elle aussi, défendue par un ouvrage en forme de tenaille placé en direction de la rue des Juifs avec pont levis et chemin couvert. De même encore un chemin couvert aurait été aménagé depuis la porte de l’Œuvre jusqu'aux bastions de l’isthme, c'est-à-dire dans les fossés au-dessous de la rue Lecarpentier. La Porte des Morts aurait été protégée par un réduit et, sur la muraille du nord, on aurait édifié une tour à peu de distance de l'escalier qui descend dans la grève.

Les hauteurs cotées 28-23 dont il est parlé, ce sont celles du Lude et de la Hogue (église St-Paul). Le seul travail qui fut exécuté sous Louis XV et Louis XVI, en dehors des casernes dites Zurich et Gênes, c'est une partie de la fortification du front de l'isthme telle qu'on la voit actuellement, c'est-à-dire la courtine flanquée de ses deux bastions, avec fossé et chemin couvert, mais la contrescarpe et la caponnière voûtée sont très postérieures.

En ce qui concerne le port, l'ingénieur reprend les propositions mêmes de Vauban, c'est-à-dire l'approfondissement du port, la réparation de la jetée alors existante, la construction d'un môle détaché en forme de V très ouvert sur les Moulières, à Jean de Banche, l'établissement d'un quai et, au besoin, l'édification d'une seconde jetée symétrique de la première et située plus à l'est, c'est-à-dire partant à peu près en face de la douane actuelle.

Le seul travail qui fut exécuté à l’époque et qui était d'ailleurs déjà commencé lorsque Héron publia son étude, c'est le môle détaché sur les Moulières, construction qui forme encore la partie principale de la grande jetée actuelle.

En résumé, ce manuscrit nous donne une idée d'ensemble de ce qu'était Granville vers la fin du règne de Louis XV. Il embrasse à peu près complètement tout ce qui touchait l'activité commerciale et maritime de la cité et, à ce titre, il nous a paru intéressant de le mettre sous les yeux des sociétaires du Pays de Granville.

Charles de La Morandière

Publié dans la Revue du Pays de Granville en 1937.


Sommaire